Un premier procès en vue à Paris ?

L’Agence Hirondelle révèle ce jour que les juges d’instruction du « pôle crimes contre l’humanité » au TGI de Paris ont décidé de clôturer l’instruction dans l’affaire Simbikangwa en date du 4 février 2013. C’est une décision que les parties civiles connaissaient mais que nous ne pouvions révéler alors. Nous n’avons à ce jour aucune certitude sur la décision que prendront les juges quant à un renvoi de l’affaire devant une Cour d’Assises mais tout laisse à penser que ce sera effectivement le cas, même si un non-lieu n’est jamais totalement exclu. Un procès devrait donc avoir lieu dans les  mois qui viennent. Cette annonce ne peut que réjouir tous ceux qui luttent depuis tant d’années pour que justice soit rendue aux victimes du génocide des Tutsi perpétré au Rwanda en 1994. L’affaire Simbikangwa n’est pas la plus ancienne, mais dans la mesure où ce capitaine des FAR est incarcéré, il ne pourra rester beaucoup plus longtemps en prison sans qu’une décision soit prise. Condamné pour trafic de faux papiers sur l’île de Mayotte où il avait trouvé refuge, il a été aussitôt visé par une plainte déposée par le CPCR. Son arrestation et sa détention sont essentiellement dues à la détermination de Marc Brisset-Foucault, alors procureur dans cette île française de l’Océan Indien. Devrait suivre aussi le procès d’Octavien Ngenzi, arrêté lui aussi à Mayotte et qui est en détention provisoire depuis 2010. Leur situation d’internés les rend prioritaires.

Nous n’oublions pas bien sûr les autres présumés génocidaires visés eux aussi par des plaintes du CPCR et d’autres associations telles que Survie, FIDH ou la Licra. Wenceslas Munyeshyaka et Laurent Bucyibaruta, les deux transfuges du TPIR, devraient eux aussi répondre au plus vite de leurs actes devant la justice française. Mais pour des raisons que nous avons du mal à comprendre, mêmes si des raisons techniques sont invoquées (adaptation du droit anglo-saxon à la justice de droit latin en particulier), ces deux affaires tardent à revenir au devant de la scène. Il est pourtant plus que temps.

D’autres affaires pourraient aussi faire la Une de l’actualité. La plainte contre Sosthène Munyemana date de 1995 : peut-on parler de délai raisonnable sans se moquer des victimes ? Les docteurs Rwamucyo et Twagira ne devraient pas non plus échapper à la justice. C’est aux juges d’instruction de décider si l’instruction dans ces affaires doit être clôturée. Et puis il y a tous les autres dossiers en souffrance, sans compter les nouvelles plaintes qui pourraient être déposées.

Mais attention ! Un procès n’est jamais gagné d’avance. Le TPIR nous a habitués à des décisions incompréhensibles et scandaleuses. Il n’est qu’à évoquer les acquittements récents en appel de Mugenzi et Mugiraneza, sans parler du cas de « monsieur Z » ! Autant de décisions qui nous font instamment souhaiter la fermeture de cette institution qui aura condamné quelques génocidaires notoires mais qui aura rendu des décisions injustes à nos yeux et qui aura coûté cher à la communauté internationale ! Reste maintenant à nous intéresser à ce qui pourrait se passer en France. Un premier procès serait le signal tellement attendu,  tant par les victimes que par les associations plaignantes ou que par tous ceux qui tentent de comprendre ce qui s’est passé au Rwanda en 1994. Un procès pour la mémoire, un procès pour l’Histoire, un procès qui devrait en appeler beaucoup d’autres. Un procès qui donnerait du sens à notre combat mais un procès au cours duquel nos avocats devront se battre pour faire admettre la vérité à des jurés populaires pour qui le Rwanda reste un petit pays lointain où des choses indicibles se sont passées voici bientôt 20 ans. Le combat pour la justice ne fait peut-être que commencer.

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