L’ancien ministre du Plan dans le gouvernement intérimaire, Augustin NGIRABATWARE, arrêté en Allemagne après avoir bizarrement échappé à une interpellation en France, vient de voir sa peine ramenée à trente ans de prison dans son procès en appel au TPIR. L’important est qu’il ait été reconnu coupable d’avoir participé au génocide. Il restera maintenant au Tribunal d’Arusha de terminer les derniers procès en appel, dont ceux de madame NYIRAMASUHUKO et de son fils Shalom NTAHOBALI. Le TPIR devrait fermer ses portes au milieu de l’an prochain si les délais sont respectés. Voici de longues années qu’on nous annonce sa fermeture…
Des bilans du fonctionnement de cette institution internationale ont déjà été tentés. Gouffre financier, magouilles, procès interminables… il y aurait beaucoup à dire. Nous laisserons les analystes faire leur travail. Le TPIR aura au moins eu le mérite d’exister et de condamner une soixantaine de « gros bonnets » du génocide des Tutsi. On peut convenir que c’est peu quand on connaît le nombre de personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide et qui ont échappé ou échapperont à la justice. Pour rappel, près de trente dossiers sur le bureau des juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité au TGI de Paris, toujours à l’initiative d’associations comme le CPCR qui ont dû se porter parties civiles et sans le travail desquelles aucune poursuite n’aurait eu lieu en France. Un seul procès en 20 ans, celui de Pascal SIMBIKANGWA condamné pour génocide le 14 mars dernier. Il a fait appel! Et tout cela avec des moyens financiers quasi inexistants pour les parties civiles. Tant d’argent dépensé à Arusha! Deux poids, deux mesures. Le Conseil de sécurité, qui a mis en place le TPIR, ne pourrait-il pas prévoir maintenant de consacrer une petite partie de l’argent qu’il ne dépensera plus pour soutenir le travail des plaignants dans les instances judiciaires nationales? C’est une simple suggestion, probablement naïve, mais comment va-t-on pouvoir continuer à assumer la mission que nous nous sommes donnée sans un minimum de moyens pour financer notre combat pour la justice.
Près de trente dossiers en France, mais il pourrait y en avoir probablement quatre fois plus. Beaucoup de personnes qui ont échappé à la justice à ce jour, et qui se sont refait une virginité, continueront probablement à vivre dans la plus totale impunité. C’est choquant mais c’est la vérité. Dans l’état actuel des choses, nous ne pouvons pas faire plus. C’est la limite des combats quelque peu « solitaires » même si nous devons reconnaître le rôle irremplaçable de tous ceux qui nous soutiennent. Il faudrait être encore plus nombreux si l’on veut que notre pays, la France, ne devienne pas définitivement une « terre d’asile » pour des personnes soupçonnées d’avoir commis le crime des crimes, celui de génocide. Nos responsables politiques ont souvent répété qu’il n’en serait rien. Nous ne demandons qu’à le croire. Mais les paroles lénifiantes ne peuvent nous satisfaire: nous ne croirons qu’aux faits. Et nous sommes loin des beaux discours. Nous continuerons à nous battre jusqu’à notre dernier souffle mais le travail n’est pas terminé et ne le sera probablement jamais. Nous continuerons à nous battre pour rendre leur dignité aux victimes et à leurs familles.