Rwanda’s untold story, « L’histoire du Rwanda jamais contée » : vraiment ?

 La diffusion récente, par BBC 2, d’un documentaire sur le génocide des Tutsi au Rwanda, a déjà provoqué de nombreuses réactions tout à fait légitimes, même si les thèses développées dans ce film sont pour la plupart éculées et ne peuvent servir qu’à jeter le trouble chez tous ceux qui ne connaissent pas trop le sujet et qu’à nourrir le négationnisme si vivant, en particulier en France.

Accuser le président KAGAME d’avoir abattu l’avion du président HABYARIMANA, c’est reprendre les conclusions du juge BRUGUIERE en oubliant qu’elles sont tombées aux oubliettes de l’Histoire et qu’un nouveau juge antiterroriste, Marc TREVIDIC, a clairement fait savoir que les tirs des missiles seraient partis du camp Kanombe aux mains de la Garde présidentielle, ou d’un lieu proche, sans pour autant désigner les auteurs de l’attentat. Ce même juge s’apprêterait, mais on le dit depuis si longtemps, à décréter un non-lieu à propos des neuf hauts dignitaires rwandais poursuivis par le premier juge, dont monsieur NYAMWASA lui-même ! En accusant le président KAGAME d’avoir abattu l’avion, on n’oublie pas de l’accuser aussi d’avoir sciemment provoqué le génocide des Tutsi ! Qui peut encore le croire ?

Le président KAGAME et le FPR n’auraient pas mis fin au génocide ! C’est pourtant bien lorsque le FPR a finalement pu prendre le contrôle de la plus grande partie du pays début juillet 1994 que le génocide a cessé. Quelle est donc cette « histoire du Rwanda jamais comptée » qu’on voudrait nous enseigner ? Monsieur NYAMWASA, qui veut faire des révélations depuis quelques temps, lui qui a tout vu, ne doit pas oublier qu’il pourrait lui aussi être rendu responsable de l’attentat et poursuivi en justice !

Les intervenants, dans ce documentaire, ne sont pas des inconnus. Messieurs NYAMWASA et RUDASINGWA, pour ne parler que d’eux, ont quitté le Rwanda pour des raisons qui ne sont peut-être pas si honorables qu’on veut bien le dire. Leurs ambitions, leur sentiment de ne pas être reconnus à leur juste valeur les ont décidés à quitter leur pays en « crachant dans la soupe » et en dénonçant le président KAGAME dont ils ont été des proches collaborateurs. Le président KAGAME est devenu pour eux l’homme à abattre, celui qui n’a pas permis à leurs ambitions démesurées de se réaliser. C’est peut-être de bonne guerre, mais tout de même un peu minable, d’autant qu’on passe volontiers sous silence un certain nombre de malversations dont ils se seraient rendus coupables.

Pour en revenir à l’attentat contre le président HABYARIMANA, prétendre que c’est « l’élément déclencheur » du génocide, c’est oublier l’extermination des Tutsi depuis les années soixante : le « petit génocide » de 1963 dans la préfecture de Gikongoro, les tueries du début des années soixante-dix, le massacre des Bagogwe en 1991, celui du Bugesera en 1993, sans oublier le discours de Léon Mugesera en 1992 à Kabaya en présence de nombreux dignitaires du régime ! L’attentat contre l’avion doit être considéré comme le signal donné aux éléments les plus extrémistes et aux Interahamwe de commencer le  « travail ». On connaît la suite de l’histoire.

Le documentaire donne aussi la parole à des « experts » du Rwanda, sorte de caution scientifique. On connaît depuis longtemps les positions du professeur Filip REYNTJENS sans qu’il soit besoin de les commenter. Le plus étonnant, ce sont les propos tenus par deux « scientifiques » américains, les professeurs Allan STAM et Christian DAVENPORT qui, au mépris le plus total des victimes et de leurs familles, en totale contradiction avec les grandes organisations internationales et des experts reconnus, osent prétendre que seuls 200 000 Tutsi ont été tués, alors qu’on compterait 800 000 victimes hutu ! Ne voilà pas une façon étonnante de réécrire l’histoire ? Et ce, en s’appuyant sur le nombre officiel des composantes sociales du Rwanda ! C’est oublier que le pouvoir Habyarimana a toujours minimisé le nombre officiel des Tutsi pour justifier le quota de 10% qui leur était attribué dans les écoles et dans les administrations.

Etonnamment, enfin, alors que monsieur Tony BLAIR en prend pour son grade, les responsables français de 1994 sont totalement épargnés. C’est aussi une façon de prendre le contrepied de nombreuses études qui tendent à démontrer que la France et son armée ont joué un rôle important au Rwanda entre 1990 et 1994. Des liens étroits unissaient les deux pays, c’est connu. Une simple anecdote : le chef d’état- major de la gendarmerie rwandaise, homme tout puissant du régime HABYARIMANA, le colonel Pierre-Célestin RWAGAFILITA, n’aurait-il pas été décoré de la Légion d’Honneur par les autorités françaises ! On pourrait en sourire s’il ne s’agissait pas d’une compromission choquante dans ce contexte.

Inutile d’aller au-delà. Les réactions ont été nombreuses qui dénonçaient le parti pris de ce documentaire. Outre une gifle donnée aux victimes et à leurs familles à l’occasion de la vingtième commémoration du génocide des Tutsi, ce reportage encourage tous ceux qui ont participé à ces événements tragiques à continuer leur travail de sape et à désinformer la communauté internationale. Le seul lien qui semble les unir est leur haine du président KAGAME dont ils refusent de reconnaître le leadership, dont ils n’acceptent pas la façon de gouverner et qui le considèrent, l’expression a été largement utilisée en d’autres temps et d’autres lieux, comme le « pire des dictateurs ». C’est vraiment mal connaître le Rwanda qui, alors qu’il a vécu des événements d’une telle intensité dramatique, tente de se reconstruire. Autant qu’ailleurs, des problèmes existent. Mais sa reconstruction ne pourra se faire qu’avec l’abnégation de responsables déterminés à aller de l’avant, sans oublier le passé. Au CPCR, nous avons l’habitude de répéter que seule la justice pourra réconcilier les Rwandais, en particulier la justice envers ceux qui ont fui leur pays, et ce sans haine ni vengeance. Le documentaire de la BBC n’’honore probablement pas ses auteurs et ne permet pas de comprendre ce qui s’est réellement passé au Rwanda depuis plus de vingt ans. C’est plus un nouvel écran de fumée qui instille le doute et jette le trouble dans les consciences à propos d’événements qui ne concernent pas le seul Rwanda, mais l’humanité entière. « L’histoire du Rwanda jamais contée » : vraiment ?

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