Réaction à la chronique parue dans Le Monde: « Au Kivu, on viole et on massacre dans le silence ».

« L’enfer est toujours et encore pavé de bonnes intentions. »

Etonnante, tout de même, cette chronique publiée récemment dans le quotidien Le Monde. On y voit des personnalités de tout bord, nationales et internationales, découvrir enfin qu’au Kivu « on viole et on massacre en silence. » On pourrait se louer d’une telle initiative mais pourquoi a-t-il fallu le sommet de la Francophonie à Kinshasa pour réaliser enfin qu’on viole au Kivu, pas seulement depuis l’arrivée récente des M23, mais depuis dix-huit ans. Le plus étonnant, c’est que de telles personnalités, censées être au courant de la situation qui règne à l’est du Congo, dans les provinces du Kivu, puissent découvrir aujourd’hui seulement les drames et les violences imposées à la population civile , et aux femmes en particulier.Il suffirait de reprendre des articles parus dans la presse et dans lesquels de nombreux observateurs dénoncent ces viols avec véhémence, et ce depuis longtemps. La situation au Kivu s’est détériorée avec l’arrivée des génocidaires rwandais, dès 1994. Personne ne peut ignorer l’existence des FDLR, en particulier, qui depuis près de 20 ans participent activement à la déstabilisation de cette région des Grands Lacs. Leurs représentants politiques se sont réfugiés en Europe. L’Allemagne est en train de juger le président et le vice-président de cette milice. Leur secrétaire exécutif, Callixte Mbarushimana, publiait très fréquemment de son exil parisien des communiqués de presse en soutien inconditionnel à son organisation criminelle. Arrêté le 12 octobre 2010 sur mandat d’arrêt de la CPI et transféré à La Haye, il sera finalement remis en liberté. Toute poursuite sera scanlaseusement abandonnée. Qui a protesté à cette occasion ? Il reste cependant poursuivi en France pour génocide, suite à une plainte déposée par le CPCR, le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda, le 6 février 2008. Tout récemment, les magistrats français de la Chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Paris n’ont-ils pas refusé d’extrader vers le Rwanda l’un des fondateurs des FDLR, monsieur Hyacinthe Rafiki Nsengiyumva ? Il aurait fallu s’indigner alors mais le silence a été assourdissant.

Et les signataires « visionnaires » de cette rubrique larmoyante de déclarer sans honte: « Et pendant ce temps-là, les dix-sept mille soldtas de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC attendent une résolution du Conseil de sécurité qui leur permettrait d’agir. » On croit rêver. Tout le monde sait que la Monusco, composée en grande partie de soldats venus de pays pauvres d’Asie (Pakistan, Bangladesh, Sri Lanka…) sont d’une totale inefficacité. Ils se déplacent dans leurs véhicules blindés, décampent au moindre coup de feu, sont eux-mêmes accusés de trafic de matières premières, sans oublier les viols dont ils se rendraient fréquemment coupables eux-mêmes ! Quelle découverte ! Ne détiennent-ils pas leur mission de l’ONU ? La France n’est-elle pas un des membres permanents du Conseil de sécurité qui définit les missions des forces onusiennes ? Qu’attend-elle pour prendre une initiative ?

Madame Benguigui, qui semblez vouloir redorer votre blason de Ministre de la Francophonie en signant cette chronique, monsieur Orsenna, qui reconnaissez être la plume de ces indignés de la dernière heure, monsieur Abdou Diouf, représentant officiel de la Francophonie, messieurs Badinter, Chirac, Lanzmann, Ruffin, Mohammed Ali pour ne citer que ceux que je connais le plus, er madame Valérie Trierweiler, nouvellement arrivée sur la scène politique, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ce n’est pas avec de bons sentiments que l’on fait de la bonne politique. En pointant du doigt les seuls M23, vous mentez aux Français. « D’où viennent-ils ? » dites-vous. Suivez mon regard. Sans le nommer, vous désignez bien sûr le Rwanda, mais vous n’osez pas le dire clairement. Il ne suffit pas de s’apitoyer sur le sort des femmes congolaises, il ne suffit pas de faire pleurer dans les chaumières, surtout si c’est pour se donner une bonne conscience. Vous êtes toutes et tous des personnalités de permier plan. Votre responsabilité est grande et vous l’utilisez à mauvais escient. Personne ne vous a attendus pour dénoncer la situation qui règne à l’est de la RDC. Oui, « le Kivu aurait tout pour être heureux ! » Ses ressources naturelles attisent les convoitises de tous les grands pays occidentaux, sans oublier la Chine. Qui a intérêt à ce que la situation change ? Certainement pas les pays qui, comme des charognards, pillent les richesses de cette contrée. Le Congo est riche, les Congolais, dans leur grande majorité, sont misérables. Cherchez l’erreur. Pourquoi ne pas dénoncer les 200 milices qui font régner elles aussi la terreur dans cette région ? Pourquoi ne pas dénoncer l’incurie des responsables politiques congolais qui ne savent que se quereller sans se soucier de mieux-être de leurs concitoyens, en particulier ceux de la frontière est ?

Mesdames et messieurs les censeurs, votre émotion et votre indignation auraient été louables si elles n’avaient pas été aussi tardives et si elles n’avaient pas été aussi sélectives et partisanes. D’ailleurs, cette émotion et cette indignation vous aveuglent et faussent le regard que vous portez sur cette région tourmentée de l’Afrique des Grands Lacs. Et vous faussez le regard de ceux qui vous auront lus. Votre indignation se trompe de cible.

 

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