Procès en appel de SIMBIKANGWA: mardi 25 octobre 2016. J1

Le procès en appel de Pascal SIMBIKANGWA s’est ouvert ce matin aux assises de Bobigny. Les médias ont dû se donner le mot: personne au rendez-vous, ou presque. Il est vrai que « le génocide des Tutsi au Rwanda n’intéresse personne« .

La matinée a commencé par un bref interrogatoire concernant l’identité de l’accusé. Puis le Président, monsieur Régis De JORNA, a procédé au tirage au sort des 9 jurés titulaires et des 5 jurés suppléants qui ont ensuite prêté serment. La matinée se terminera par l’évocation des associations parties civiles: le CPCR, la FIDH, la LDH, SURVIE et la LICRA.

Une bonne partie de l’après-midi va être consacrée à la lecture quelque peu fastidieuse de « l’ordonnance de mise en accusation des juges d’instruction » (OMA): occasion d’évoquer le contexte historique et les faits reprochés à monsieur SIMBIKANGWA ainsi que de rappeler  toute la procédure. Le président souhaitait ensuite  ne lire que deux pages de la « feuille de motivation » rendue publique lors du procès de première instance. Mais monsieur SIMBIKANGWA a demandé que la lecture intégrale soit faite. Probablement une erreur de sa part car cette lecture a mis en lumière les raisons pour lesquelles il a été condamné à 25 ans de prison par la Cour d’assises de Paris: beaucoup plus parlant pour les jurés que l’OMA  qui les avait probablement un peu perdus avec l’abondance des détails.

Alors que la journée tirait à sa fin, il a fallu entendre les avocats de la défense, Maîtres BOURGEOT et EPSTEIN, présenter le commentaire de leurs « Conclusions aux fins de nullité » transmises tardivement hier soir aux parties: dénonciation de la convocation, ce matin-même, du « frère » de SIMBIKANGWA, Bonaventure MUTANGANA, à la Cour d’appel de Versailles (pas une simple coïncidence pour la défense); dénonciation du CPCR qui aurait « beaucoup de contacts au Rwanda« ; dénonciation des conditions dans lesquelles leur client a été arrêté et détenu à Mayotte; dénonciation de « l’inégalité des armes« , en comparaison avec les parties civiles, le Parquet… propos quelque peu « pleurnichards »: « Être là tous les jours, c’est très compliqué. Nous avons des cabinets. Si on était rémunérés un peu plus… Nous n’aurions pas été trop à trois. »

Et de comparer la situation de la justice avec celles d’autres instances (Canada, TPIR, en oubliant de reconnaître que ce sont des systèmes totalement différents), de réclamer, comme au procès en première instance, un « transport sur les lieux » qu’ils savent pertinemment impossible, de souligner le « manque de moyens criants face aux parties civiles« , de regretter les problèmes rencontrés pour avoir accès au dossier… et de ramener leur rengaine si souvent entendue: «  Quand vous témoignez au Rwanda en faveur d’une personne soupçonnée d’avoir participé au génocide, vous êtes en danger… »

Pour la défense, ce procès est « impossible » à tenir. Maître EPSTEIN, évoquant l’existence du pôle spécialisé (avec des juges spécialisés), réclame une « défense spécialisée« . Et de terminer son intervention en réclamant à son tour un transport sur les lieux avec la possibilité d’entendre d’autres témoins: « Aller au Rwanda est absolument essentiel« .

Maître Domitille PHILIPPART, avocate du CPCR aux côtés de Simon FOREMAN, n’aura pas de mal à démonter point par point les arguments de la défense qui « veut décrédibiliser ce procès« . Les jurés ne sont en rien concernés par cette demande de nullité: seule la Cour peut délibérer. Ce n’est donc ni le lieu, ni le moment. La plupart des griefs concernent l’instruction: « C’est trop tard. Il fallait demander la nullité avant la clôture de l’instruction. » La défense n’a pas déposé de recours en temps voulu? « La défense n’avait qu’à passer la main à d’autres avocats si elle ne croyait pas au recours. » Et d’ajouter que « tout est purgé par l’ordonnance de mise en accusation« . Ni les conditions de détention dans les prisons françaises, ni l’indigence de l’aide juridictionnelle ne sont des motifs de nullité. Maître PHILIPPART constate que les attaques portées par la défense contre le CPCR sont « injustes« . Quant à la peur qui serait liée à la pression à l’égard des témoins, elle est plutôt dans le camp des témoins à charge. Et de conclure: « Le CPCR souhaite un procès le plus équitable possible. »

Au tour du conseil de la FIDH de dénoncer  la demande de la défense. De citer l’arrêt de la Cour de cassation qui déboute le pourvoi contre le refus de déplacement sur les lieux et de dénoncer le fait que la défense ait remis des conclusions de 40 pages avec 70 pièces la veille du procès, tard dans la soirée.

Maître Safya AKORRI, pour SURVIE, fait savoir qu’elle n’a pas reçu le texte des conclusions et que ce n’est pas le lieu de réclamer la création d’un « pôle de défense spécialisé« .

L’avocat général, monsieur Rémi CROSSON du CORMIER, va s’adresser aux jurés en précisant que ce débat ne les concerne pas. C’est le Président et ses deux assesseurs qui auront à prendre un décision. Il réfute les déclarations de la défense qui a laissé entendre qu’il y aurait eu un « complot » avec l’arrestation de Bonaventure MUTANGANA, cousin de SIMBIKANGWA, le jour de l’ouverture du procès: il n’était pas au courant. « L’accusation aurait énormément de moyens« ? Il l’apprend. Comparer la situation française avec celle du Canada? « Le système est très différent ». Idem concernant les moyens dont disposent les avocats. L’avocat général préfère évoquer la notion de « compétence universelle » qui justifie la tenue de ce procès en France: « Nous défendons des valeurs communes, universelles. » C’est pour cela qu’un procès est possible en France. Une défense spécialisée? « Ce serait une défense fonctionnarisée! »

L’avocat général reconnaît que toutes les questions abordées par la défense ont déjà été évoquées en première instance, et réglée. Et d’ajouter, en direction de la Cour:  » « On vous demande des choses qui ne sont pas réalisables. On ne peut pas faire un transport de Cour d’assises dans un pays étranger ». Demander des actes supplémentaires? « Pourquoi la veille du procès? La défense avait plus de deux ans pour le faire. »

Pour conclure, toujours à la Cour: « Vous refuserez la demande de remise en liberté de monsieur SIMBIKANGWA, et toutes les autres demandes qui ont été rejetées en première instance. »

L’audience est suspendue à 19h25.

Alain GAUTHIER, président du CPCR.

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