Vendredi 7 mars après-midi. Synthèse de Claire Bruggiamosca
L’après-midi devait être suspendue, mais la défense, après l’audition des parties civiles a fait connaître à la Cour qu’un témoin de dernière minute allait être cité : il s’agit de Bonaventure Mutangana, le petit frère de Pascal Simbikangwa. Encore sous la lourde émotion du matin, nous écoutons donc le dernier témoin être scrupuleusement interrogé par le président, qui avait annoncé sa présence d’une voix fluette, après le témoignage de Dafroza Gauthier.
Le témoin commence par justifier sa venue après avoir pris connaissance des témoignages de Pascal Gahamanyi et de Martin Higiro : « Je ne comprenais pas, c’était atroce, il fallait bien que je vienne. » A noter que dans son témoignage, Pascal Gahamanyi avait signalé à la Cour que Bonaventure Mutangana l’avait menacé de mort. Il avait même ajouté : « Son frère (Bonaventure Mutangana) m’en voulait, s’il avait eu un moyen, il m’aurait tué. ». Il évoque ensuite les morts de sa famille, comme l’avait fait PS, mais ajoute : « Je ne vais pas énumérer les noms comme l’a fait Madame Dafroza Gauthier. »
Il continue en décrivant son parcours, son amitié avec Martin Higiro, son engagement auprès des para-commandos durant le génocide, sa fuite, son arrivée en France.
Et sur la détention de son frère pour génocide, il indique : « Quand j’ai su qu’il était accusé de génocide, cela m’a écoeuré, sachant le risque qu’il a pris pour sauver des Tutsi. Ça m’écoeure qu’il soit jugé pour cela. J’ai compris qu’il y avait des familles qui voulaient fouiller dans la vie des gens ».
Le président commence par lui poser des questions puisqu’il veut avoir un éclaircissement sur le nom de son frère : PS s’était présenté avec le nom de Safari.
Puis, au cours de l’audition, nous apprenons que ce n’est pas son frère biologique, mais en fait son cousin : les parents de Bonaventure aurait adopté PS après la mort de ses parents.
Il ne reconnait pas d’engagement politique à son « frère ». Il ne l’aurait vu qu’habillé en civil pendant le génocide.
Les mêmes arguments évoqués par PS fusent : la pression, sous-entendue gouvernementale, empêcherait Martin Higiro de dire la vérité.
L’état de santé de son frère l’aurait également empêché de voir les cadavres dans les rues de Kigali : « Dans son état de santé, il ne peut pas voir, il ne peut pas se lever. ». C’est donc son handicap qui l’empêchait de voir sur le côté de la route les cadavres. Cela me paraît d’autant plus grossier de l’entendre d’une autre personne…
Sur la chemise léopard, il répond instinctivement et catégoriquement qu’il n’a jamais vu son frère porter une telle chemise, et revient aussitôt sur sa réponse après avoir entendu les réactions de la salle d’audience.
L’avocat général décide de donner acte des déclarations qu’il vient de faire.
Il termine son audition en regardant son frère et en lui disant : « Je suis désolé ».
Plusieurs lectures complémentaires sont réalisées par la défense, et elle désire incorporer des lectures supplémentaires lundi, alors que les parties civiles commencent leur plaidoirie.
Le président répond à cette demande quelque peu osée : « Procéduralement, ce n’est qu’à l’issue de la parole laissée à l’accusé que les débats sont clos, donc procéduralement, ce n’est pas interdit, mais concernant la loyauté des débats et du principe du contradictoire, je ne peux pas interdire aux parties civiles et au Ministère public de demander un temps supplémentaire pour en prendre connaissance. »
PS ne pourra pas reprocher à ses représentants d’être tenaces.
L’après-midi se finit par une question de Maître Daoud à l’accusé :
« Alain et Dafroza Gauthier vous ont tendu la main ce matin, qu’est- ce que vous en faites de cette main tendue ? »
L’accusé répond : « Je n’ai pas été sorti de la communauté des hommes, j’ai été du côté des bons. »
Claire Bruggiamosca