La journée commence par la déposition de madame Anne Soussy, médecin légiste, chargée de l’expertise médicale du prévenu. Son rapport n’apportera que peu de révélations sur Pascal Simbikangwa. La seule question intéressante était de savoir s’il pouvait se servir de cannes anglaises pour se déplacer. Sans être complètement catégorique, elle laisse plutôt entendre que ce n’est possible que pour quelqu’un qui aurait suffisamment de forces. Cela ne semble pas être le cas de Simbikangwa qui dit n’avoir jamais essayé. Nous n’en saurons pas beaucoup plus.
La journée continue là où on l’avait arrêtée la veille, par les questions des avocats de la défense à propos du CV de Simbikangwa. Seront abordés plusieurs thèmes: la RTLM (Radio Télévision Libre Mille collines, radio extrémiste du MRND), les Escadrons de la mort, la lettre du président de la Cour suprême au président Habyarimana pour l’avertir des menaces proférées par Simbikangwa. Les avocats de la défense prétendent que cette lettre est un faux, ce que refuse de reconnaître l’avocat général. Pour chacun de ces sujets, Pascal Simbikanwa prétend que tous les gens qui témoignent contre lui sont des menteurs. Quand les avocats de la défense sont à court d’arguments, ils disent qu’ils vont interroger leur client qui ne peut que répondre par la négative. « Avez-vous proféré des menaces contre monsieur Karavuganda? » Réponse de Simbikangwa: « Non », évidemment. Enfin, à la question de savoir ce qu’il pensait de la diffusion des « dix commandements des Bahutu », il répond, sans sourciller et sans vergogne: » Il y a eu les dix commandements des Batutsi »! C’est bien la première fois qu’on entend parler de cela.
Maître Daoud l’interroge alors sur les dates de parution de la revue Kangura. Comme le prévenu fait l’innocent, parle de 1993 (alors que le premier numéro est paru en décembre 1990), « Vous mentez délibérément à la cour », s’exclame alors l’avocat.
A la question de savoir ce qu’il pensait du discours de Léon Mugesera à Kabaya en novembre 1992, discours dans lequel on trouve les termes suivants: » Il faut exterminer la racaille… trancher la tête de ces salauds… ces salauds doivent disparaître au plus vite », Pascal Simbikangwa n’a rien d’autre à dire qu’il a entendu parler de ce discours mais qu’il n’était pas à Kabaya (alors que plusieurs témoins donnent son nom parmi les présents). « Ce discours est malheureux, je ne l’ai pas apprécié, j’ai été surpris surtout venant d’un intellectuel habile ». Autant de propos que personne ne peut croire. Et il en sera ainsi pour chacun des sujets évoqués: entraînement des Interahamwe, sa présence au Ministère des Travaux publics pour chercher de l’argent pour financer les milices du MRND, ses occupations à Mayotte, ses rémunérations, le communiqué de la Maison Blanche… Tout est faux, inventé. Lui seul dit la vérité. Tout cela en devient exaspérant et donne la nausée.
La journée se terminera par l’audition du premier témoin de contexte, André Guichaoua. D’une voix monocorde, il va faire une déclaration préliminaire suivie d’une série de questions du président. On retiendra surtout que Pascal Simbikangwa n’était pas le petit fonctionnaire pour lequel il essaie de se faire passer, qu’il fait partie des rouages de l’Akazu, les proches de la famille de madame Habyarimana qui détenaient de grands pouvoirs.
Demain, nous continuerons avec d’autres témoins de contexte: des historiens et le juge Damien Vandermeersch, juge d’instruction dans le premier procès de Bruxelles.