Procès Simbikangwa: 5 mars (2)

L’après-midi débute par les questions posées par le président à PS, tout surpris que Martin Higiro, le témoin de ce matin, ait affirmé devant la Cour que PS lui faisait peur.

Comme à son habitude, PS discrédite le témoin en nous indiquant qu’« il a voulu affabulé. Ce ne sont pas des gens libres qui parlent ! (…) il récite ! ». Il prétend également que Martin était un ami à lui et qu’il buvait des bières ensemble, bien avant le génocide.

 

Maître Foreman rappelle que la fréquence des sorties de l’accusé dont tous les témoins attestent ne coïncide en rien avec ses propos :

« Ils (les témoins) disent que vous sortiez tous les jours de chez vous.

Est-ce que vous continuez à prétendre que vous ne sortiez jamais de chez vous ?

(…) Aujourd’hui, vous admettez que vous sortez relativement souvent ? Vous allez vous rapprocher de ce que disent tous les témoins, c’est- à- dire tous les jours ? »

Ayant réponse à tout sans que pour autant il soit crédible, PS s’exclame : « Tous les jours pour quoi faire ? J’ai ravitaillé les gens qui étaient chez moi. »

 

L’Avocat général tente vainement de comprendre la « psychologie de l’amitié » de PS : « C’est votre ami depuis 1992, vous vous êtes occupé de lui, pendant un mois, un mois et demi, vous savez qu’il est au Mille Collines, pourquoi vous ne cherchez pas à avoir des informations sur lui en vous rendant à l’hôtel ? »

 

En interrogeant son client, Maître Epstein laisse sous-entendre que la scène où PS  s’interrogeait sur la réaction de Habyarimana s’il apprenait la présence de « Tutsi » à son domicile était une pure invention de la part de Martin :

« Est-ce que vous êtes du genre à vous mettre à pleurer, comme ça ?

Depuis ma naissance, je n’ai pas pleuré, je ne crois pas, je ne crois pas que je puisse pleurer. »

 

S’en suit l’audition de Pierre Célestin HAKIZIMANA, cité par le Ministère public. Les raisons de cette citation sont encore un mystère en ce qui me concerne. Ce témoin a décrit  les quatre moments où il aurait été amené à rencontrer PS. Dans son point 2, il nous indique qu’il a trouvé PS à la barrière au secteur, qui s’assurait que les gardiens demandent les cartes d’identité aux passants. PS aurait également, d’après ses dires, donné des instructions et des fusils à ces gardiens. Seulement, lors de l’audition en 2013 auprès des enquêteurs, il n’avait pas fait état de cette distribution d’armes, et prétend que les instructeurs n’avaient pas retranscrit ses dires.

Aucune question n’est posée au témoin, et Maître Bourgeot conclut en indiquant que ce témoignage était peu crédible et qu’il avait prononcé un témoignage identique sur l’épisode de la frontière (le point 4) au procès de Protais Z.

 

Le témoignage de Béatrice NYIRASAFARI, citée cette fois-ci par la défense, débute dans l’après- midi.  Réfugiée chez PS durant quelques semaines pendant le génocide, elle prévient la Cour de ses difficultés concernant les dates et les périodes. Durant son audition, elle justifie cet oubli : « J’ai essayé d’effacer. Je n’aime pas revoir ce qui s’est passé alors j’arrête. Je ne me rappelle pas des précisions, des jours, des dates, des heures. »

 

Sa soeur et son beau-frère connaissaient PS : une amitié était née entre les deux hommes du fait de leur handicap commun. Le couple avait demandé de l’aide à PS, mais ce dernier avait refusé. C’est le mari de l’ex-femme de PS qui leur permettront de quitter Kigali. Mais Béatrice, du fait de son apparence « trop tutsi » est contrainte de rester à Nyamirambo, toute seule. Elle décide de tenter sa chance auprès de PS, mais il refuse une nouvelle fois. Sans prévenir, il débarquera chez elle et l’amènera sous son toit.

 

Durant ce trajet, Béatrice répond au président que PS détenait une autorité certaine sur les Interahamwe des différentes barrières de la ville : « Ils (les Interahamwe) le laissaient passer tout de suite. A Kigali, ils ne m’ont pas contrôlé, ils ouvraient les barrières; il (PS) demandait comment ça marchait. (…) Il avait une autorité, il les saluait. »

Au passage à la barrière de Nyamirambo, elle témoigne avoir vu « des gens (qui) étaient brûlés avec les pneus. » 

 

Chez PS, Béatrice fait la connaissance de Pascal Gahamanyi et de Martin. Cependant, le matin même, Martin avait indiqué à la Cour qu’il ne se rappelait pas de Béatrice.

 

Durant son séjour, elle avait demandé à PS une carte d’identité pour sa mère, d’origine tutsi. Alors que celui-ci avait accepté avec enthousiasme, sa demande est demeurée sans suite.  Aussi, le témoignage de Béatrice corrobore les dires de Pascal : ce dernier ressentait bel et bien de la peur envers les deux gardes de PS.

 

Durant son séjour chez PS, elle n’a pas fait attention à des objets qui pourraient supposer l’adhésion de PS au parti politique MRND, ni à des armes. Cependant, elle indique à la Cour que PS était vêtu d’une veste militaire, kaki, et qu’il tenait des propos négatifs envers les Tutsi : « Oui, il faisait souvent sortir ce mot (tutsi) (…) Je n’ai pas pu suivre les conversations mais les mots sortaient. ».

Sur une question de Maître Bourgeot, Béatrice répond une nouvelle fois :  « Il disait qu’il n’aimait pas les Tutsi. »

 

Sur le trajet durant lequel PS amenait Béatrice à Gisenyi, elle fait état d’un arrêt à Gitarama, où « il y avait le gouvernement, il s’est arrêté là et il a parlé. ». Sur une question du jury s’agissant de savoir si PS avait discuté avec un membre de ce gouvernement, Béatrice répond : « Oui, il y avait le gouvernement là- bas, alors on s’est arrêté, il a parlé avec eux.

Avec eux, c’est-à-dire ?

Avec quelqu’un, je n’ai pas suivi. Il voulait rencontrer quelqu’un du gouvernement provisoire. »

 

Le témoignage de Béatrice achevé, PS est interrogé au sujet des propos anti-tutsi  : « Quand on est vaincu, on est exposé à toutes les calomnies, aux diffamations.

Je remercie Madame Béatrice de sa bonne volonté, mais je lui dis que c’est très difficile de supporter cela, dans mon coeur. Ce n’est pas mon genre, ce n’est pas la façon de traiter les hommes. »

 

Il ne nie pas avoir une autorité aux barrières, du fait de son grade de capitaine. Il arrive néanmoins un tour de passe-passe concernant l’habit militaire en affirmant au président : « C’est le léopard zaïrois. Une chemise léopard ! » Et il justifie le passage à Gitarama par le souhait qu’avait Pascal Gahamanyi de voir son père.

 

Maître Foreman soulève les nombreuses contradictions qui subsistent autour du capitaine : le fait que l’armée ait accepté que deux gardes soient réquisitionnés par PS en période de guerre, et la curieuse ressemblance entre son parcours et celui du colonel Bagosora. Fuyant les réponses à ces différentes questions, PS se permet de remettre en cause la dignité de l’avocat, qui s’empresse de lui rétorquer :

« Les leçons de dignité, je les accepte de beaucoup de personnes, mais pas de vous, on en reste là. »

 

La journée se termine par une demande formulée par la défense de :

-se déplacer sur les lieux, au motif que les plans et les données GPS ne sont pas assez précises

-réouvrir l’instruction

 

Les parties civiles et le ministère public réfutent en bloc cette demande, au motif que la demande de la défense aurait pu être faite avant et que l’intérêt est minime.  Comme le dit Maître Philippart : « La RTLM n’existe plus, la maison de PS, non plus. Ça n’apporterait rien de nouveau. »

L’Avocat Général renchérit et résume cette demande par « l’art de demander des choses inutiles. » Il soulève également une impossibilité juridique, puisqu’aucune loi internationale ne régit cette situation.

 

La Cour fera part de sa décision sur cette demande le lendemain.

 

Claire Bruggiamosca.

 

 

 

 

 

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