Le début de la matinée de cette nouvelle journée est consacré à la projection de plans du quartier de Kiyovu où vivait Pascal Simbikangwa, documents fournis soit par les enquêteurs, soit par le CPCR. Les photos des enquêteurs ont été prises le 10 septembre 2012, les vidéos du CPCR en octobre 2013: photos et vidéos du quartier et de la maison de Simbikangwa.
La deuxième partie sera consacrée aux questions posées à Pascal Simbikangwa. Contrairement à ce qu’il avait prétendu lors de certaines auditions, il aura passé la plus grande partie des trois mois du génocide à Kigali. A la question de savoir pourquoi le prévenu a changé de version, ce dernier met cela sur le compte des mauvais traitements qu’il dit avoir subis lors de sa détention à Mayotte… Il faut bien trouver des raisons à posteriori.
– « J’ai passé plus de temps à Kigali. J’avais beaucoup de réfugiés chez moi! (il en avouera une cinquantaine). « A Kigali, j’avais mes travaux personnels… J’écoutais la radio, j’écrivais beaucoup. Le salon était rempli de réfugiés, je passais mes journées dans ma chambre. Je ne sortais que pour aller secourir des gens qui m’appelaient. » Alors qu’il avouait jusques- là n’être sorti que deux ou trois fois, il reconnaît qu’il a quand même fait une dizaine de sorties hors de chez lui, mais uniquement pour sauver des gens!
A propos des barrières dans le quartier de Kiyovu, il finira par en reconnaître un nombre un peu plus important que ce qu’il avait dit jusques- là. Quant aux cadavres, il continue de dire qu’il n’en a vu aucun, propos contredits par des textes terribles du TPIR que le président Leurent va lire. « Même l’ambassadeur de France, pas plus que le préfet Renzaho n’ont vu des cadavres! Vous les prenez pour des imbéciles? » répliquera-t-il à maître Daoud. Il finira par dire que sa défense est « solide »: « Vous me cherchez des poux! » Réplique immédiate de l’avocat: « Je parle de morts, monsieur Simbikangwa, pas de poux. » Une nouvelle fois, l’ambiance est tendue.
Pourquoi autant de personnes se sont-elles réfugiées chez Simbikangwa? » Elles savaient que je les sauverais. Je suis un homme de bien, contrairement à l’opinion répandue. Et puis, j’étais parmi les autorités du pays et j’avais deux hommes armés. »
« Vous avez pris des risques personnels en cachant autant de réfugiés? » renchérit maître Daoud. « Je crois bien. Je suis sûr. Je n’ai jamais été un traître, je suis un citoyen de valeur. Je pouvais mourir avec eux. »
« Et les Hutu modérés, c’était des traîtres? »
« Je ne connais pas les Hutu modérés. Aucun n’était plus modéré que le président Habyarimana. Les modérés, je les appelle des extrémistes! ».
« Et les traîtres, qui étaient-ils? »
Je ne suis pas sûr d’avoir bien entendu la réponse, c’est la raison pour laquelle j’avance prudemment. mais j’ai cru entendre la réponse suivante. « Le traître, c’est Pétain. » La réponse me paraît tellement incongrue que j’hésite encore à la transcrire. Je voudrais m’être trompé et je suis prêt à apporter les corrections nécessaires si on me propose une autre version.
En résumé, c’est pour « des raisons humanitaires que Simbikangwa est resté à Kigali! Comprenne qui pourra.