Procès Simbikangwa: 17 février 2014

Audition d’Anatole Nsengiyumva, condamné par le TPIR à 15 ans de prison, en attente d’un pays d’accueil.

Ce colonel de l’armée rwandaise (FAR) dit avoir passé tout le génocide à Gisenyi. Après avoir décliné son curriculum vitae, il évoque Pascal Simbikangwa mais prétend ne l’avoir pratiquement jamais rencontré. L’akazu? « Tout le monde au Rwanda en a entendu parler à l’occasion du multipartisme. Ce sont les gens de l’opposition qui ont inventé ce mot, l’akazu n’existait pas formellement. » Il décrit ensuite l’organisation du service de renseignement passé à l’opposition mais conteste l’existence d’un réseau parallèle au service du président Habyarimana: » S’il avait voulu le faire, il n’aurait pas pu, il fallait l’accord du gouvernement. »

Des tortures au Service Central de Renseignement (SCR)? « On en a parlé dans les journaux d’opposition. Quant à savoir si Simbikangwa y a été mêlé, cela n’a jamais été confirmé. »

Des listes d’opposants politiques et de Tutsi à éliminer? « J’en ai entendu parler à Arusha, mais n’en ai pas vu au Rwanda. »

Formation des miliciens Interahamwe? « J’en ai entendu parler mais je n’ai jamais vu ça. Il y a eu une formation dans le cadre de la défense civile en 91/92. La distribution des armes se faisait en coordination avec les militaires. »

Simbikangwa avait quelle place au SCR? « Je ne sais pas. Il n’était chef d’aucune section, il n’était directeur de rien, je ne l’ai jamais vu dans des réunions. Simbikangwa était un agent ordinaire. »

Des entraînements d’Interahamwe dans la forêt de Gishwati ou ailleurs à Gisenyi?  » Pas à ma connaissance ».

Il est clair qu’il n’y aura rien à tirer de ce colonel dont monsieur Iyamuremye dira quelques heures plus tard que c’était « le plus extrémiste, un dur du Nord qui était craint ». Il finira par reconnaître tout de même que des armes ont été livrées aux Forces Armée Rwandaises à plusieurs reprises pendant le génocide. Mais il adopte une ligne de conduite proche de celle de monsieur Simbikangwa:  » Je ne sais rien, je n’ai rien vu, rien entendu, je n’étais pas là. » Une ligne de défense que l’on ne connaît que trop chez tous les présumés génocidaires.

Audition de l’ambassadeur Swinnen, diplomate retraité, en poste au Rwanda d’août 1990 au 12 avril 1994.

Il n’a pas connu personnellement Simbikangwa, mais il était au courant de sa réputation qu’il continue de « qualifier de redoutable. » Il a recueilli les témoignages d’un certain Boniface, journaliste qui aurait été torturé par Simbikangwa. Monsieur Swinnen a signalé ses agissements en haut lieu mais ne semble pas avoir été entendu. André Sibomana, directeur du journal catholique Kinyamateka et qui accompagnait Boniface chez l’ambassadeur, a dit vouloir publier une lettre de protestation au président de la république et au ministre de la justice pour exiger la démission de Simbikangwa afin de le mettre hors d’état de nuire. Monsieur Swinnen dit être intervenu au profit de plusieurs personnes menacées. A propos des massacres du Bugesera (mars 1992) un colonel lui a dit que les responsables n’étaient pas les Interahamwe mais des militaires. Et de nommer Protais Zigiranyirazo, Elie Sagatwa et Pascal Simbikangwa. N’oublions pas que ce dernier a donné de ces événements une version totalement contraire… Jean Birara, de la Banque Nationale du Rwanda, a donné à monsieur Swinnen une liste de gens chargés d’éliminer les Tutsi. Le nom de Simbikangwa figurait sur cette liste.

Pour monsieur Swinnen, « le salut du Rwanda passait par le soutien des forces modérées. » A la mort de Ndadaye, président du Burundi, assassiné par des militaires tutsi, l’ambassadeur a rencontré le président Habyarimana qui lui a confié:  » Vous me reprochez de ne pas faire assez de concessions. Comment voulez-vous que je vende ma marchandise à mon opinion publique alors que Ndadaye n’a tenu que trois mois? » Réponse de l »ambassadeur: « Il n’y a pas d’alternative aux accords d’Arusha. Pas de salut en dehors d’eux. » Monsieur Swinnen termine sa déposition en disant: » Aujourd’hui je me réjouis de ce procès car il contribue à la recherche de la vérité. » Lors de la séance de questions, monsieur Swinnen reprendra le refrain anti FPR entonné à plusieurs reprises au cours de ce procès  (intoxication,manipulation) et terminera en regrettant de ne pas trouver à ses côtés monsieur Marlot, ambassadeur de France au Rwanda en 1994. Il aurait probablement eu des choses à dire.

Audition d’Augustin Iyamuremye, responsable du service des renseignements à partir de 1992.

Avant d’arriver dans ce service, monsieur Iyamuremye connaissait la réputation de tortionnaire de Pascal Simbikangwa. « Je pensais qu’on exagérait, mais j’ai décidé de m’intéresser à son dossier. » Quelle était le rôle officiel de Simbikangwa au service de renseignements placé sous la responsabilité de monsieur Augustin Iyamuremye? Lui-même ne comprenait pas trop. Militaire réformé mais qui aurait retrouvé son statut de militaire? Une note interne de fin 1991 attirait l’attention sur « les agissements scandaleux dans le service ou en dehors du service de certains agents, dont Pascal Simbikangwa au sujet duquel on avait des doutes sur la façon dont avait été faite sa nomination! » Monsieur Iyamuremye l’a changé d’affectation, lui a retiré son véhicule de service. 

Monsieur Iyamuremye fait ensuite allusion à un incident qui s’est passé lors de l’inauguration d’un hôpital à Kibungo (est du pays). Alors que madame le Premier ministre s’apprêtait à poser la première pierre, le président Habyarimana l’a bousculée pour prendre sa place. Mécontent, monsieur Iyamuremye a fait couper la sonorisation. Monsieur Simbikangwa a alors écrit une lettre au premier ministre pour dénoncer son chef en disant qu’il travaillait pour les Inkotanyi (FPR). Monsieur Iyamuremye a reproché aussi à Simbikangwa d’avoir tout fait pour trouver de nouveaux actionnaires pour la RTLM, ce que conteste bien évidemment le prévenu. De toute évidence, Pascal Simbikangwa outrepassait ses attributions: « Il était engagé pour s’asseoir dans son bureau et faire des notes, pas pour circuler. »

La journée se terminera par des questions posées au prévenu. Il conteste tout ce qu’on dit sur lui, fidèle à sa ligne de conduite. Tout le monde ment. Il serait le seul à dire la vérité. A propos des déclarations d’Augustin Iyamuremye: « Tout de qu’il a dit au TPIR et aux enquêteurs français diffère de ce qu’il a dit aujourd’hui. il ment. Ce qu’il a raconté ici, c’est honteux. » Au détour d’une phrase, il souligne « qu’Alain Gauthier ferait mieux de travailler à la réconciliation des Rwandais ». Et si la justice était l’un des chemins qui mènent à cette réconciliation? 

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