- Lecture de documents et interrogatoires d’Alphonse KAREMERA et Vincent NTEZIMANA.
- Audition de Marie-Jeanne MUKABERA, ancienne archiviste et réceptionniste au CUSP.
- Audition d’Abel DUSHIMIMANA, ancien directeur du CUSP, professeur à l’UNR.
Deux témoins qui devaient être entendus ce jour ont fait savoir qu’ils ne comptaient pas se présenter devant la cour. Il s’agit de monsieur Alphonse KAREMERA, ancien ophtalmologue au CHU de Butare, ancien doyen de la faculté de médecine, UNR[1], cité par le ministère public et de monsieur Sosthène MUNYEMANA, ancien médecin au CHU de Butare, actuellement en détention en France[2]. La Cour décide de « passer outre ».
Lecture par monsieur le président LAVERGNE de documents et interrogatoires de monsieur Alphonse KAREMERA et monsieur Vincent NTEZIMANA
La matinée est consacrée à la lecture de transcriptions d’interrogatoires et autres documents émanant de monsieur Alphonse KAREMERA et de monsieur Vincent NTEZIMANA.
Monsieur le président commence par la lecture du courrier envoyé à la Cour par monsieur KAREMERA, déclinant son audition en tant que témoin.
Sa lettre se termine par sa conviction que monsieur RWAMUCYO est innocent, puisqu’en tant que médecin, il a fait le serment d’Hippocrate : « comment imaginer qu’un médecin devienne un tueur, un génocidaire ? ». Il indique qu’on assiste plutôt à la destruction de l’élite hutu par le FPR[3], qui utilise l’accusation « monstrueuse » de génocide pour cacher ses propres crimes.
À l’issue de la lecture de ce courrier de KAREMERA, monsieur RWAMUCYO est longuement interrogé par monsieur le président LAVERGNE sur ses activités professionnelles au sein du CUSP[4], les soins qu’il y a prodigués, ses visites dans des camps de déplacés.
Monsieur RWAMUCYO indique qu’il s’est rendu dans des camps dans le cadre de son travail pour l’ONAPO[5] à partir de 1993.
Il reste particulièrement flou sur ses contacts avec les diverses ONGs qui officient dans ces camps, et est uniquement capable de citer la Croix-Rouge (sans pouvoir préciser si c’est l’antenne rwandaise ou le Comité international). Il explique que les équipes de Médecins Sans Frontières ont quitté les camps de déplacés pendant le génocide car des « opérateurs tutsi » ont été « pris à partie ».
Les avocats des parties civiles cherchent à en savoir plus sur les camps visités par monsieur RWAMUCYO avant et pendant le génocide. Il dit intervenir à partir du mois de mai, déplore qu’il n’a pas eu accès à tous les camps et déclare s’être rendu « là où le devoir [l]’appelait ». En revanche, il explique être incapable de se repérer dans Butare, lorsqu’on lui demande de quels camps il parle. Concernant les actes médicaux et soins qu’il pratique, il reste évasif quant à ses activités concrètes. Il se borne à indiquer qu’il décrivait aux responsables de camps les mesures d’hygiène.
L’accusé dit être resté enfermé pendant les deux semaines qui ont suivi l’attentat du 6 avril. Il déplore notamment « l’atmosphère qui régnait », de sorte que les Tutsi « n’étaient pas les seuls à être menacés ». Se considérant comme un « inconnu dans la région », il avait peur de sortir, notamment du fait des « contrôles au faciès ».
L’avocat général, monsieur PERON, relèvera une contradiction puisque l’accusé déclare ne s’être rendu que dans un seul camp de déplacés après le 6 avril (sans qu’il sache le placer précisément à la sortie de Butare), alors qu’il avait laissé entendre le contraire dans un interrogatoire en 2013.
Est lue par la suite la transcription de l’interrogatoire de monsieur Alphonse KAREMERA, mené par les enquêteurs français le 5 décembre 2013. On y apprend que monsieur KAREMERA était le doyen de la faculté de médecine de l’UNR[1] depuis 1990. Il disposait d’une autorité académique et administrative sur le Centre universitaire de santé publique (CUSP) ainsi que sur le centre hospitalier de Butare. Cet interrogatoire souligne les ambitions de monsieur RWAMUCYO. Monsieur KAREMERA y déclare sans ambiguïté que l’accusé était membre de la CDR[6], qu’il ne s’en cachait pas, mais que ce bord politique n’est pas apprécié par les habitants de Butare. Avec monsieur RWAMUCYO, il considère que l’autre figure locale de la CDR s’appelait Siméon REMERA. Il ajoute, concernant le Cercle des Républicains, constitué autour d’Eugène RWAMUCYO, qu’il ne fait aucun doute que Vincent NTEZIMANA en faisait partie.
La réunion du 14 mai à l’UNR autour du premier ministre intérimaire, Jean KAMBANDA[7], a donné lieu à des enregistrements. Monsieur le président LAVERGNE donne lecture des propos retranscrits et eux aussi attribués à Alphonse KAREMERA, qui parle ici en tant que président du parti MDR[8] à Butare :
« Au nom du groupe des sympathisants du MDR de la préfecture de Butare, je ne vais pas prendre la parole pendant des heures, comme l’a demandé le recteur. La victoire, ce ne sont pas des questions mais des idées, comme le représentant du Cercle des Républicains l’a dit longuement. Nous rejoignons (nous sommes d’accord) la plupart des choses, je ne reviens donc pas dessus. Parmi ce que nous avons donc préparé, il reste deux choses : ce qui concerne la guerre que nous menons contre le FPR inkotanyi[9], surtout en paroles, parce que vous avez assez expliqué ce qui concerne le combat ; celui que nous menons contre les pays qui nous combattent à l’extérieur. […] Nous voulons, si vous nous le permettez monsieur le Premier ministre, que vous nous disiez également ce que le gouvernement du Rwanda pense à propos de ces militaires de l’ONU qui vont venir au Rwanda. Parce que l’on a dit beaucoup de choses […]. Autre chose. Nous ne voulons pas que comme les inkotanyi, l’ont dit souvent, et ces pays qui nous combattent, que ce sont des militaires qui viennent sanctionner […] et arrêter ceux qui sont au gouvernement. Et donc on comprend que notre gouvernement doit trouver un moyen de refuser (éloigner) ces choses en faisant tout son possible pour qu’on ne nous donne pas n’importe quoi.
Ce que je voulais aussi dire, monsieur le Premier ministre. Ce que vous avez dit, et qui n’a pas été dit par ceux qui vous ont précédé, c’est cette guerre contre le FPR inkotanyi que nous menons à l’intérieur du pays, surtout concernant le fait de ramener la sécurité dans la population et sur les biens, vous avez fait votre possible avec le Président de la République et vos collaborateurs, en allant dans presque toutes les préfectures du pays pour ramener la paix là où elle était compromise à cause de cette guerre que nous menons contre le FPR inkotanyi. Je crois que dans plusieurs lieux la paix est revenue, comme vous l’avez dit, surtout dans toutes les régions contrôlées par le gouvernement du Rwanda. Nous voyons que dans des villes essentiellement, la sécurité n’est pas encore rétablie, contrairement à la campagne, car là les gens ont repris leurs activités, car il y a la convivialité et ils font des rondes. Ce qui fait que l’ennemi ne peut pas s’y introduire facilement comme en témoignent les rapports des communes et des secteurs dans les campagnes. Dans les villes, on entend qu’on a tué ci ou là un inyenzi (cafard), on a tué ici ou là un traître. On entend chaque jour qu’on a arrêté un ennemi ou un traître […]. Mais il est surprenant qu’on va passer cinq semaines dans cette guerre sans que la ville de Butare, ville de personnes instruites et intellectuels, ces personnes se mettent ensemble pour traquer les infiltrés et les exterminer, pour que ceux qui restent puissent retrouver la sécurité. »
À la suite de cette lecture, l’accusé s’interroge : « ce sont mes propos ? ». Monsieur le président souligne que ce ne sont pas les siens. Monsieur RWAMUCYO enchaîne alors, en refusant de commenter : « Malheur aux vaincus parce que là je ne vais pas me mettre à interpréter les propos de quelqu’un qui ont été donnés dans une réunion, qui sont comme je l’ai compris au centre même de mon accusation. Donc je serai libre de faire des commentaires, je me réserve. »
Puis sont lues deux retranscriptions d’interrogatoires menés par le juge d’instruction belge VANDERMEERSH de monsieur Vincent NTEZIMANA en 1996. Celui-ci est alors emprisonnée à la prison de Forest. Il sera finalement condamné en 2001 à douze années de prison à l’issue du procès à la Cour d’assises de Bruxelles dans l’affaire dite des « Quatre de Butare »[10]. Et à l’accusé, une fois la lecture terminée, de déclarer : « Je pense avoir été clair. En rentrant au Rwanda, la première chose que j’ai regrettée c’est le multipartisme. Si tout pays en guerre pouvait éviter ça, la population serait sincèrement préservée du chaos que l’on constate, pour avoir vu les dégâts que causent une guerre. Dans la situation du Rwanda, terrible, comme je vous l’ai dit, je suis parti en 1982. Je n’aurais jamais cru que ce que nous avons vu en 94. Le titre du document transmis par Alison DES FORGES Aucun témoin ne doit survivre[11], encore aujourd’hui à l’heure où je vous parle, un camp va dire que le témoin qui ne doit pas survivre c’est nous, et l’autre camp dira non c’est nous le témoin qui ne doit pas survivre. Je reste invariable. On peut prendre mes écrits et telle est ma pensée. Je l’ai écrit dans la revue Dialogues qui a été citée hier. Je ne savais pas que je me retrouverai ici. Les Rwandais, monsieur le président, ont tout essayé, sauf la vérité et la réconciliation. Lorsqu’un moment comme celui-ci arrive, il est très difficile de ne pas être casé dans un camp ou dans un autre. […] Je suis contre tout ce que le FPR a fait sciemment, et continue à le faire sciemment, je suis absolument contre sa pensée, et son plan, parce qu’il en a un. Je ne vais pas m’attarder sur ce que je pense, mais croyez moi encore une fois que j’ai fait ce que j’ai pu, dans la mesure des mes moyens que j’avais et de ce qui m’a été autorisé de faire. »
Pour finir, monsieur le président LAVERGNE donne lecture de l’interrogatoire de Vincent NTEZIMANA par les enquêteurs français dans le dossier RWAMUCYO, qui a lieu le 2 juin 2016.
Audition de madame Marie-Jeanne MUKABERA, ancienne archiviste et réceptionniste au CUSP[4], citée à la demande du ministère public, en visioconférence de KIGALI.
Madame MUKABERA est entendue en tant que témoin. Elle s’exprime en visioconférence depuis le Rwanda, en kinyarwanda.
Au cours de sa déposition, l’ancienne réceptionniste du CUSP décrit l’organigramme du Centre, en donnant les noms des principales figures et leurs attributions. À ce titre, elle évoque notamment monsieur Casimir BIZIMUNGU. Les activités qu’elle décrit se partagent entre le service d’hygiène et d’assainissement, celui de lutte contre la malnutrition infantile et celui dédié à l’épidémiologie.
Après le génocide, elle déclare être rentrée dans le bureau au CUSP d’Eugène RWAMUCYO et y avoir trouvé deux fusils et des grenades.
Les questions posées par monsieur le président sont l’occasion d’évoquer d’autres figures importantes, comme PHocas HABIMANA, qui dirige le service pré-natal au CSUP. Elle évoque également les mauvaises relations entre monsieur RWAMUCYO et monsieur Abel DUSHIMIMANA, du service malnutrition infantile.
Pour la témoin, monsieur RWAMUCYO appartenait au MRND[12] et est un extrémiste. Elle évoque le moment où elle a vu l’ensevelissement des corps à CYARWA (commune de NGOMA), et l’accusé sur les lieux. Monsieur le président remarque cependant que la présence de l’accusé sur les lieux d’enfouissement n’avait pas été mentionnée dans les différents interrogatoires antérieurs de madame MUKABERA.
Interrogée sur la liste qu’elle a vu dans le bureau de l’accusé, elle déclare l’avoir vu par la fenêtre, située à côté de là où elle était posée. Monsieur RWAMUCYO l’aurait rapidement retournée pour l’empêcher de la lire.
Pendant le génocide, elle dit avoir été protégée par son mari hutu, mais a perdu ses frères.
Elle est convaincue que l’accusé est un meurtrier.
Monsieur le président et l’avocate de la défense, Maître MATHE, ne manquent pas de relever les incohérences et contradictions entre cette déposition et les nombreux autres interrogatoires précédents, remontant pour certains d’entre eux à plus d’une dizaine d’années.
À l’appui, Maître MATHE cite toutes les fois où madame MUKABERA a été entendue, et l’accuse d’avoir menti.
Audition de monsieur Abel DUSHIMIMANA, ancien directeur du CUSP[4], professeur à l’UNR[1], cité à la demande du ministère public.
Monsieur DUSHIMIMANA déclare avoir travaillé avec le docteur RWAMUCYO au CUSP de Butare, quand se dernier a été nommé à l’UNR (Université Nationale du Rwanda). Il décrit son ancien collègue comme « quelqu’un d’ambitieux et qui parlait beaucoup. » Il se souvient de trois épisodes de son histoire commune avec l’accusé.
- « J’avais posé ma candidature à la direction de la Santé Publique avec Casimir BIZIMUNGU. RWAMUCYO s’est présenté alors comme le directeur de campagne de ce dernier. C’était son droit. Mais il mettait en avant la question des origines. En tant que Tutsi du Sud (Gitarama), je ne pouvais être élu. Et cette posture, il la défendait avec acharnement, à l’appui de menaces ».
- À sa sortie de prison en mars 1991 ( NDR. Il avait été arrêté comme Ibyitso, complice du FPR, lors de l’attaque du FPR), il a voulu reprendre son poste mais RWAMUCYO et le vice-recteur s’y sont opposés, pour des raisons ethniques et régionalistes. (NDR. A noter qu’à ce stade de son intervention le témoin se perd quelque peu dans la chronologie des événements. Les questions et précisions demandées par monsieur le président lui permettront peu à peu de s’y retrouver.)
- Avec la création de la CDR, Coalition pour la République[6], il y a eu un déferlement d’attaques contre le FPR. L’accusé serait devenu membre du bureau politique de ce parti extrémiste. Le témoin précise qu’il va quitter Butare après le discours incendiaire du président SINDIKUBWABO, discours dans lequel, dira-t-il un peu plus loin, il appelait à tuer les Tutsi ( NDR. Monsieurt SINDIKUBWABO était lui-même un médecin originaire de la région de Butare.)
Monsieur le président, après avoir reconnu gentiment que le témoin avait des problèmes de mémoire, ce dernier finit pas reconnaître que les élections au CUSP se sont bien déroulées en 1993. Sa carte nationale d’identité mentionnait qu’il appartenait au groupe hutu mais le docteur RWAMUCYO avait décidé qu’il était un Tutsi du sud. BIZIMUNGU, par contre, était un Hutu de Ruhengeri.
Monsieur DUSHIMIMANA rappelle les convictions ethniques et régionales d’Eugène RWAMUCYO: il l’a constaté personnellement. Comme collègue, il discutait avec lui, mais sa cible c’était le FPR, le Tutsi complices du FPR. L’accusé aurait participé à des meetings, il proférait des menaces de mort: « Si vous continuez, je finirai par vous tuer! » aurait-il dit.
À son retour d’URSS, RWAMUCYO aurait adhérer à la CDR dont le président national était, jusqu’en février 1994, monsieur Martin BUCYANA, originaire de Cyangugu. C’est avant d’arriver à Butare qu’il sera abattu pour venger la mort de GATABAZI, président du PSD[13], tué à Kigali quelques jours plus tôt. Monsieur Abel DUSHIMIMANA appartenait lui aussi au PSD. Eugène RWAMUCYO était chargé de la communication de la CDR dont le correspondant local était Simon REMERA qu’il rencontrait fréquemment. L’arrivée de RWAMUCYO au CUSP va exacerber le clivage ethnique.
Des réfugiés, il y en avait qui étaient arrivés de Kigali en direction du Burundi. Mais, en ville, il n’y avait pas de camp.
L’ONAPO? C’était l’Office National de la Population, sorte de planning familial. Son directeur était Jean Chrysostome NDINDABAHIZI, de la branche PSD Pawa[14] ( NDR. Ce médecin va quitter le Rwanda à la fin du génocide pour se réfugier au Gabon où il sera accueilli par le président BONGO. Avec sa femme Jeanne, elle aussi une extrémiste, il va devenir directeur d’un hôpital. Il est question de son épouse dans un ouvrage « Moins innocentes qu’il n’y paraît », publié par African Rights en 1995[15]. Monsieur NDINDABAHIZI est aujourd’hui décédé. Son apouse vit toujoursau Gabon.)
À la RTLM[16], le témoin déclare avoir entendu des « choses horribles« : il était demandé aux Hutu de tuer les Inyenzi, les cafards, de les poursuivre partout où ils pouvaient se cacher. Il écoutait aussi Radio Rwanda, plus « modérée » que la RTLM, et Radio MUHABURA, la radio du FPR qui jamais n’appelait aux meurtres. Certains reconnaissaient que RWAMUCYO était « courtois, urbain« , bien mis de sa personne. Mais avec le génocide, il est devenu « méchant« .
Monsieur le président: « On nous dit de nous méfier des témoins qui viennent du Rwanda, qu’ils seraient manipulés. On vous a dit de dire les propos que vous rapportez? »
Le témoin: « Tout ce que j’ai dit, à part les erreurs de dates, je le dis de ma propre initiative, sans pression. Personne ne m’a manipulé. »
Le président: « On nous dit aussi: méfiez-vous des Rwandais, ils ont la culture de la dissimulation. »
Le témoin: « Monsieur le président, je n’ai rien dissimulé. J’ai dit tout ce que je savais de l’accusé. Sur le plan académique, il était brillant. »
Sur question de maître Mathilde AUBLE, le témoin précise qu’il ne reviendra à Butare que le 19 juillet 1994. Sa présence à GITARAMA intriguait les Interahamwe[17] qui voulaient le ramener dans la capitale universitaire.
Madame PETRE lui rappelle les propos qu’il a tenu en 2013 devant les enquêteurs français. Il disait alors avoir été témoin de paroles anti-tutsi de la part de RWAMUCYO: « Nous allons vous tuer! » Monsieur DUSHIMIMANA confirme.
Sur question de la défense, le témoin confirme que, si l’accusé l’accusé n’organisait pas de meetings, il afirmait son appartenance à la CDR. Au moment des élections, son attitude a envenimé la situation.
Maître MATHE revient à la chronologie, demande au témoin ce qui lui fait dire que les 30 personnes qui n’ont pas voté pour lui l’avaient fait pour des raisons ethniques. Elle cite une nouvelle fois GUICHAOUA, sa bible[18]), qui prétend que GATABAZI a probablement été assassiné par le FPR. Et de s’étonner que le témoin ait pu parler avec l’accusé aussitôt après l’assassinat de BUCYANA, étant lui-même membre du PSD dont les partisans ont tué le président denla CDR.
Le témoin reconnaît qu’il est membre du bureau politique du PSD, qu’il a été ministre de la Santé. Elle demande au témoin de reformuler une chronologie où on apprend que, nommé ambassadeur au KENYA, il n’a pas pu rejoindre son poste, qu’il a travaillé à l’OMS et que depuis 2013 il est retraité. Alors que l’avocate cherche à savoir quelle est la position du PSD dans la politique actuelle par rapport au FPR, le témoin ne trouve aucun intérêt à cette question. Monsieur le président le rassure: « La défense cherche à tester votre crédibilité. »
Dernière remarque de la défense: « Pour devenir ministre, il faut être ambitieux, hautain? »
Réponse pleine d’à propos: « On est nommé ministre en fonction de nos compétances. »
Après avoir donné la parole à l’accusé, monsieur le président va lire les auditions de plusieurs personnes qui ont été entendues lors de l’instruction. Presque toutes soulignent le caractère ambitieux, hautain de Eugène RWAMUCYO. Beaucoup soulignent qu’il avait la haine des Tutsi et du FPR, que c’était un extrémiste notoire. Toutes ces lectures complètent un portrait qui se dessine déjà depuis quelques jours.
Alain GAUTHIER, président du CPCR
Jules COSQUERIC, bénévole
Jacques BIGOT, pour les notes et la mise en page
- UNR : Université nationale du Rwanda[↑][↑][↑]
- voir le procès du docteur Sosthène MUNYEMANA[↑]
- FPR : Front Patriotique Rwandais[↑]
- CUSP: Centre Universitaire de Santé publique de Butare[↑][↑][↑]
- ONAPO: Office national de la population[↑]
- CDR : Coalition pour la défense de la République, parti Hutu extrémiste, créé en mars 1992, au moment des massacres de Tutsi dans le Bugesera. La CDR a également une milice, les Impuzamugambi., cf. glossaire[↑][↑]
- Réunion du 14 mai 1994 à l’UNR (Université nationale de Butare) avec Jean KAMBANDA, Premier ministre du Gouvernement intérimaire pendant le génocide. Voir Focus – L’État au service du génocide et son audition du 11 octobre 2024[↑]
- MDR : Mouvement Démocratique Républicain, voir glossaire[↑]
- Inkotanyi : combattant du FPR (terme utilisé à partir de 1990, cf. glossaire.[↑]
- Procès des « quatre de Butare » en 2001 à Bruxelles : Quatre Rwandais condamnés pour génocide à Bruxelles – Le Parisien, 9/6/2001. [↑]
- Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda, Human Rights Watch, FIDH, rédigé par Alison Des Forges, Éditions Karthala, 1999[↑]
- MRND : Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement, parti unique de 1975 à 1991 fondé par Juvénal HABYARIMANA, renommé ensuite Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement[↑]
- PSD : Parti Social Démocrate, créé en juillet 1991. C’est un parti d’opposition surtout implanté dans le Sud, voir glossaire[↑]
- Hutu Power (prononcé Pawa en kinyarwanda) traduit la radicalisation ethnique d’une partie des militants des mouvements politiques. À partir de 1993, la plupart des partis politiques se sont disloqués en deux tendances : une extrémiste dite « power » (ex. MDR-POWER; MRND-POWER; PL-POWER, etc), et dite « modérée », rapidement mise à mal, cf. glossaire.[↑]
- Rwanda : Moins innocentes qu’il n’y paraît – Quand
les femmes deviennent meurtrières. African Rights, 1995[↑] - RTLM : Radio Télévision Libre des Mille Collines – cf. Focus : LES MÉDIAS DE LA HAINE[↑]
- Interahamwe : « Ceux qui combattent ensemble » ou « qui s’entendent », mouvement de jeunesse et milice recevant une formation militaire, créé en 1992 par le MRND, le parti du président HABYARIMANA. Voir FOCUS – Les Interahamwe.[↑]
- André GUICHAOUA : Rwanda, de la guerre au génocide : les politiques criminelles au Rwanda, 1990-1994 – La Découverte (Paris[↑]