Procès RWAMUCYO, mercredi 2 octobre 2024. J2


Avant de commencer l’interrogatoire de l’accusé suite au rapport de personnalité entendu la veille, monsieur le président porte à la connaissance des parties qu’il a versé au dossier deux nouvelles pièces qui donneront lieu à un débat animé en fin de journée. Ces documents sont tirés du site web de l’Université Concordia et concernent la transcription d’un enregistrement de propos qui auraient été tenus par madame MUKAMUNANA, épouse de l’accusé, le 15 mai 1994.


Interrogatoire de personnalité de monsieur Eugène RWAMUCYO.

Toute la matinée et le début de l’après-midi vont être consacrés à cet interrogatoire. Difficile d’en rendre compte dans le détail tant les questions ont été nombreuses.

La parole est d’abord donnée à l’accusé qui a la possibilité de faire une déclaration spontanée en réaction aux propos tenus par le témoin, monsieur DELBAR [1].

 » Hier, j’ai entendu le résumé de mon acte d’accusation, commence l’accusé en s’adressant à monsieur le président. J’ai eu l’impression d’assister à mon oraison funèbre. J’ai été toutefois rassuré quand vous avez dit que ce n’était pas votre opinion. »

Concernant les propos de l’enquêteur de personnalité: « J’ai senti que j’étais jugé comme un homme hutu, élevé dans une famille hutu extrémiste depuis 1959, jugé aussi comme un homme qui a fait des études. »

Monsieur RWAMUCYO évoque alors la mort de sa mère qui semble l’avoir beaucoup affecté: elle est décédée en Belgique où elle aurait manqué de soins lors de son incarcération. Et d’ajouter qu’il a traversé des moments difficiles à cette période, en ajoutant que la douleur n’appartient pas qu’aux parties civiles. Des morts, il en a eu dans sa propre famille. Il réfute le qualificatif d’extrémiste dont on l’affuble.

Il évoque ensuite ses études au petit séminaire de RWESERO d’où il sera renvoyé en 1973 suite à l’intervention de militaires qui sont venus dans l’école. Une vingtaine d’élèves seront exclus, sans qu’il en donne les raisons. L’enquêteur avait toutefois dit que c’était parce qu’il avait fomenté des troubles entre Hutu et Tutsi! Il fera ensuite un an d’études à GOMA (Zaïre) et naitra en lui l’intention de devenir prêtre, tout en étant attiré par la médecine. Il fait une formation d’assistant médical à Kigali puis rentre au grand séminaire de NYAKIBANDA qu’il dit avoir quitté de son plein gré très rapidement. En réalité, on l’aurait prié de s’en aller pour s’être rendu auprès de sa famille sans autorisation. Il partira ensuite pour plusieurs années en URSS, ayant obtenu une bourse d’étude. C’est là qu’il rencontrera Mamérique MUKAMUNANA qui deviendra son épouse. On apprend toutefois qu’il avait eu un premier enfant, une fille, ce dont il n’avait jamais parlé lors de ses demandes d’asile. En URSS, il est élu président de la cellule du MRND[2], « un parti qui prônait la concorde entre Hutu et Tutsi« , précise-t-il.

De retour au Rwanda, en 1991, il arrive « dans un enfer« . Le FPR[3] a attaqué le pays le 1er octobre 1990. C’est à Butare qu’il sera nommé comme directeur du Centre de Santé. Il s’étonne alors que, en quelques jours, on soit passé de zéro parties civiles dans son procès à près de 800.

Monsieur le président invite ensuite l’accusé à parler de sa famille originaire de GATONDE, dans le Nord du pays (son épouse est originaire de CYANGUGU, ville située en face de BUKAVU, au sud-ouest). Il parle de son clan, des royautés hutu du nord qui, contrairement au royaume tutsi, ne pratiquaient par le servage! S’il est des Tutsi dans la région, c’est qu’ils y auront été envoyés comme chefs et sous-chefs. Mais à son époque, les Tutsi ont quitté le nord pour se rendre au BUGESERA, une région « fertile » (NDR. En réalité, les Tutsi du nord ont été déportés dans cette région très inhospitalière du BUGESERA infestée de mouches tsé-tsé. On raconte l’Histoire qui nous arrange!)

Sur question du président LAVERGNE, est abordée la question de l’évangélisation et de la place de la religion chez l’accusé et sa famille. Monsieur RWAMUCYO, lors de sa demande d’asile, avait déclaré qu’il était « persécuté » en raison de sa religion!

Son père? Un instituteur qui a fait partie des membres fondateurs de la première république au début des années 60. Il mourra dans un camp après sa fuite au Zaïre. Tué par le FPR? L’accusé ne répond pas clairement, tourne autour du pot, mais il n’y a pas de doute pour lui. D’ailleurs, d’autres membres de sa famille, dont un frère, militaire à Kigali. seront tués par le FPR. Une de ses sœurs est restée au Rwanda mais il ne veut pas avoir de contacts avec elle pour ne pas lui poser de problèmes. Les autres membres de sa famille résident en Belgique où sa mère va décéder en 2010, juste après sa remise en liberté (NDR. Monsieur RWAMUCYO, visé par un mandat d’arrêt international, avait été arrêté quelques semaines plus tôt dans le cimetière de Sannois où il était venu participer aux obsèques de son ami Jean- Bosco BARAYAGWIZA, président de la CDR, parti extrémiste[4] qui avait refusé les accords d’Arusha signés le 4 août 1993[5]).

Monsieur le président demande à l’accusé de parler de sa famille, de sa femme épousée en URSS en 1986 (le mariage religieux aura lieu beaucouo plus tard en Côte d’Ivoire), de ses enfants, de sa fille Angélique, née d’une relation précédente.

Monsieur LAVERGNE épluche ensuite le CV de l’accusé et rappelle les nombreuses conférences auxquelles monsieur RWAMUCYO a participé. À la question de savoir s’il avait des liens avec la radio nationale, Radio Rwanda, l’accusé se méfie et ne trouve rien d’autre à dire: « Je sens qu’on me fait des reproches! ». À noter que son épouse, depuis son retour au pays, avait réalisé son rêve de devenir journaliste et qu’elle travaillait à Radio Rwanda, d’abord à Kigali, puis à Butare.

L’accusé connaît-il Ferdinant NAHIMANA[6], un des membres fondateurs de la RTLM[7]?  Monsieur RWAMUCYO reste assez évasif sur ses relations avec NAHIMANA, mais il le connaît évidemment puisqu’il est, comme lui; originaire de GATONDE (personne ne l’a signalé).

Ses liens avec la CDR[4]? Il connaît BARAYAGWIZA depuis 1991 mais ne sait pas dans quelles circonstances il est devenu président de ce mouvement extrémiste. Ce dernier lui a demandé de collaborer avec lui et l’accusé reconnaît l’avoir accompagné à un meeting! Toutefois, monsieur RWAMUCYO prétend ne pas connaître le programme de ce parti politique qui croyait, comme lui, que « le FPR voulait le pouvoir pour lui seul« . L’acusé ira jusqu’à prétendre que la CDR avait fini par être d’accord avec les accords d’Arusha: ce qui ce correspond pas à la réalité. Et d’ajouter que le multipartisme, créé en période de guerre, a été une grosse erreur.

Si monsieur RWAMUCYO a choisi de revenir au Rwanda après ses études en URSS, alors qu’il aurait pu prétendre à des postes à l’étranger selon son épouse, c’était uniquement pour servir son pays.: « J’ai senti que mon pays avait besoin de moi » dira-t-il.  Nommé directeur du CUSP (Centre Universitaire de Santé Publique), il affirme n’avoir jamais eu de relations avec les responsable de la région sanitaire dont il ne connaît même pas le nom. Crédible?

Après juillet 1994. Ayant appris que le FPR s’était emparé de la capitale, RWAMUCYO décide de quitter BUTARE pour se réfugier avec sa famille au Zaîre, « comme toute la population » ajoutera-t-il. Après être passé par le Nord pour rendre visite sa famille, il prendra la direction de CYANGUGU, pour traverser la frontière à BUKAVU (NDR. C’est surtout son épouse qui donnera les informations les plus précises lors de son interrogatoire en fin de journée.) De là, il se rendra à GOMA où il retrouvera son père et d’autres membres de sa famille et décrochera un emploi auprès du HCR (Haut Commissariat pour les Réfugiés): c’est monsieur Filipo GRANDI qui l’embauche pour quatre mois. Monsieur le président s’étonne alors que ces renseignements n’aient jamais figuré au dossier!

Madame SADAKO OGATA, haut commissaire pour les réfugiés, de passage à GOMA, lui fait miroiter une nomination à Genève mais il accuse monsieur GASANA NDOBA et monsieur NDAHUMBA, qui seront entendus dans quelques jours, d’avoir fait échouer cette nomination en accusant, de Bruxelles, tous les professeurs de l’Université. Ce sera « le début de (mes) malheurs » ajoute-t-il.

Après avoir accompagné sa famille en Côte d’Ivoire, il revient à GOMA, mais il se sent menacé. Il rejoint sa famille dans un avion de l’ONU. Résidant à Abidjan, l’accusé fera de nombreux déplacements dans plusieurs pays d’Afrique où il participe à des conférences. L’accusé prétend n’avoir jamais eu d’engagement politique, conteste s’être rendu à RUTSHURU, au Congo, fief des FDLR (NDR. Forces Démocratiques de Libération du Rwanda, parti d’anciens génocidaires qui rêvent de revenir au Rwanda par la force et qui depuis 30 ans, déstabilisent le Nord et le Sur Kivu. A noter que l’ancien secrétaire exécutif des FDLR, auteur de nombreux communiqués publiés de Paris, monsieur Callixte MBARUSHIMANA, est présent dans la salle. Il est lui-même visé par une plainte du CPCR[8]).

À Abidjan, monsieur RWAMUCYO est responsable du Centre d’entraide des réfugiés en Côte d’ivoire et, à ce titre, il fait des démarches pour améliorer la situation des refugiés rwandais. Il en profite pour dénoncer des assassinats, des actes de torture dont se rendrait coupable le FPR à Kigali. Il se dit prêt à en apporter les preuves. Il évoque la mort de 3 120 000 personnes! On lui refusera le statut de réfugié.

Monsieur le président aborde ensuite le projet de la création d’un Centre de promotion de la paix dans la région des Grands Lacs, initiative de Pasteur MUSABE, frère de BAGOSORA[9]. De hautes personnalités en exil ou en prison sont associées à cette note destinée à Félicien KABUGA[10] et autres politiciens. RWAMUCYO affirme être étranger à cette initiative et ne connaître pratiquement personne, même si son nom y est associé. Il s’agissait de retourner l’opinion publique en leur faveur. L’accusé déclare ne pas être au courant de ce projet.

Arrivé à Paris en 1999, monsieur RWAMUCYO se rapproche de la Communauté du Chemin Neuf (Communauté catholique à vocation œcuménique qui promeut l’unité et la réconciliation) déjà rencontrée en Côte d’Ivoire. Pour se rapprocher de sa famille, il viendra à Lille où il travaillera au Centre anti-poison (NDR. C’est là que le CPCR le localisera  avant de déposer plainte conte lui). Sa demande d’asile auprès de l’OFPRA[11] sera rejetée, décision confirmée par le CNDA [12]. Son titre de séjour n’ayant pas été renouvelé, il rejoindra sa famille en Belgique où il obtient sa naturalisation.

Monsieur RWAMUCYO, ne supportant pas d’être considéré comme un génocidaire, créera un site internet: Rwamucyo.com, qu’il finira par fermer à l’approche de son procès.

Le début de l’après-midi donnera aux différentes parties l’occasion de poser de nouvelles questions qu’il serait trop long d’évoquer. Elles permettront toutefois de faire apparaître de nouveaux éléments qui permettent de mieux cerner la personnalité de l’accusé.


Audition du général Augustin NDINDILIYIMANA, ex chef d’état major de la gendarmerie au Rwanda, en visioconférence de Bruxelles.. Cité à la demande de la défense.

Est-il vraiment nécessaire de faire un compte-rendu exhaustif de cette audition? Fidèle à lui-même, le témoin, revenant sur l’attentat qui a abattu l’avion du président HABYARIMANA, continue à en attribuer la responsabilité au FPR. (NDR. Il avait déjà été cité comme témoin au procès du préfet Laurent BUCYIBARUTA. On pourrait se contenter du compte-rendu qui a até alors rédigé sur ce site du CPCR[13])

Le témoin a sa façon bien à lui de réécrire l’Histoire, témoignage truffé d’erreurs et de mensonges. Condamné en première instance devant le TPIR, il a été acquitté en appel après avoir purgé onze ans de prison. Monsieur le président lui rappellera que, ce qui nous intéresse ici, c’est le cas du docteur RWAMUCYO, qu’il ne connaît pas. Cette audition se révèlera totalement inutile et malgré toutes les questions qui lui seront posées par les parties, il continuera à rendre le FPR responsable de l’attentat contre l’avion du président HABYARIMANA, et donc responsable du génocide. On sent poindre dans ses propos, la fameuse thése du double génocide!

Maître MATHE, prenant la parole en dernier, tentera bien de nous appitoyer sur le sort d’un homme victime de la justice internationale. En vain.


Audition de madame Mamérique MUKAMUNANA, épouse de monsieur RWAMUCYO.

Aant le début de l’audition, un incident s’est produit dans la salle. Une personne, apparemment proche de l’accusé, aurait enregistré une partie des auditions. L’avocat général demande à ce que le Parquet soit saisi de l’affaire. La personne en question est priée de quitter la salle en compagnie d’un gendarme. Affaire à suivre?

Maître MATHE commence par contester le versement de deux documents par le président LAVERGNE et qui auraient un rapport avec des propos tenus par le témoin sur Radio Rwanda. L’audition peut toutefois commencer.

Le témoin ne souhaite pas faire de déclaration spontanée. Monsieur le président commence par l’interroger sur sa vie de famille, « une famille normale qui a accueilli six enfants, avec un mari qui aime les siens et qui est revenu au Rwanda par amour de son pays ».

Madame MUKAMUNANA est amenée à expliquer pourquoi elle avait déclarée être d’une famille qui n’avait pas d’ethnie. En fait, ses parents étaient Hutu mais ses deux grand-mères étaient Tutsi. Elle-même avait une carte d’identité hutu, son père étant lui-même Hutu. Elle évoque ensuite la mort de sa sœur tuée à Kigali par un obus lancé par le FPR et de certains de ses cousins, Hutu comme Tutsi, à CYANGUGU par des Interahamwe[14].

A son retour au Rwanda, c’est en 1991 qu’elle réalise enfin son rêve: elle devient journaliste à Radio Rwanda et anime une émission de faits divers, d’abord à Kigali, puis à BUTARE où elle rejoint son mari en février 1994, ville qu’elle ne connaît pratiquement pas. Interrogée sur le journal extrémiste KANGURA, elle reconnaît l’avoir probablement lu en tant que journaliste mais elle ne pouvait pas se permettre d’en juger la ligne éditoriale[15].

Dès le début du génocide,elle reste le plus souvent à la maison. Elle a d’ailleurs très peu de connaissances dans cette ville et pas vraiment d’amis. Elle reconnaît que si BUTARE est restée calme au début du génocide, la situation a changé après la visite du président SINDIKUBWABO[16]. À la question de savoir qui a tué qui, elle dit qu’elle ne peut pas répondre. Elle connaît l’existence des barrières tenues par les Interahamwe qui demandaient de montrer les cartes d’identité, mais que faisaient les gens sur les barrières: elle ne sait pas. Comme elle ne sortait pas, elle n’a jamais vu de cadavres à BUTARE. Comme tout le monde, elle avait peur. Elle a peu parler du travail de son mari avec lui et lorsque ce dernier a évoqué l’enfouissement des corps, elle rapporte qu’il était « abattu« , vu le nombre de cadavres. À sa connaissance, son mari n’était pas armé.

Le 14 mai 1994, elle a assisté à la réunion lors de la venue du premier ministre Jean KAMBANDA[17]. Elle ne se souvient plus de l’endroit où s’est passée cette rencontre mais reconnaît que son mri a pris la parole. Elle se souvient que RWAMUCYO aurait dit que « la guerre était là, qu’il fallait reprendre le travail, qu’il fallait éviter de reprendre lemythe des Ibyitso (les infiltrés)… Elle a compris que son mari avait prononcé un discours de paix et de tolérance!

Elle souhaite rajouter qu’elle est « triste de voir ce qui se dit sur son mari. Il n’a pas enterré les coprs pour les cacher. » Elle n’a jamais constaté que son mari était un extrémiste.

Maître QUINQUIS lui demande si KANGURA était un journal d’information ou d’opinion: « Je n’ai pas à juger un journal » déclare-t-elle. Dans sa profession, elle n’a d’ailleurs jamais utilisé ce journal et ne sait pas si son mari le lisait. C’est au Congo qu’elle réalise qu’il y avait eu un génocide.

À maître EPOMA, elle déclare qu’elle n’a pas vraiment repris son travail de journaliste à la radio. Elle a toutefois été appelée deux ou trois fois pour diffuser des communiqués concernant la nécrologie!

Maître BERNARDINI veut savoir si on trouvait des exemplaires de KANGURA à la radio, journal créé en réaction à KANGUKA qui critiquait le régime en place. Le témoin déclare qu’on trouvait ces journaux dans les kiosques.

Maître MARTIN demande au témoin ce qu’elle a pensé de la RTLM dont son mari était actionnaire. Réponse: « Nous n’avons pas à juger ceux qui ont créé cette radio. Je ne sais pas d’ailleurs par qui elle a été créée. Ce n’est pas à moi de juger, de censurer les journalistes. »

Maître alice ZARKA, avocate du CPCR, prend laparole à son tour. Elle s’étonne que le témoin, ayant accompli son rêve de devenir journaliste, pui rester impassible devant les massacres. L’avocate aborde alors la question des documents versés par monsieur le président LAVERGNE, documents dans lesquels on rapporte des propos qu’elle aurait tenus: « Maintenant, les militaires commencent à blâmer leurs collègues indisciplinés qui souillent leur réputation. Je vise cette faute d’un seul qui retombe sur tout son groupe? Que les membres de la population, eux aussi, débusquent les bandits et les criminels qui se cachent parmi eux et qu’ils les amènent devant l’autorité... » Reconnaît-elle ces propos? Réponse du témoin: « Ces propos ne sont pas de moi. »

Il est tard, presque 21 heures, et monsieur le président souhaite mettre fin à l’audience. Toutefois, maître BERNARDINI souhaite parler d’un DVD qu’il a versé au dossier, DVD qui contient deux documentaires qu’il aimerait voir diffuser: Rwanda, vers l’apocalypse, de Maria MALAGARDIS et Michaël SZATANKE[18], et Rwanda, autopsie d’un génocide, diffusé dans le cadre de La Marche du Siècle[19].

Objections du président concernant le premier documentaire: deux témoins qui doivent être entendus font partie des intervenants. On ne peut le diffuser avant leur audition. On le passera ensuite en fonction du temps qui restera. Cela dépend du pouvoir discrétionnaire du président. On évoque ensuite d’autres documentaires qu’on pourrait diffuser pour éclairer les jurés. Tout le monde est à peu près d’accord.

Maître MATHE tient toutefois à faire deux remarques:

  1. Ces documentaires de journalistes sont assez souvent des objets de propagande, et c’est tout particulièrement le cas pour madame MALAGARDIS.
  2. Toujours concernant madame MALAGARDIS, il se trouve qu’elle est amie des époux GAUTHIER. Elle a écrit un ouvrage sur leur engagement, Sur la piste des tueurs rwandais[20]. (NDR. Le chapitre 7 est d’ailleurs consacré à RWAMUCYO)

À l’évocation du nom des époux GAUTHIER, maitre ZARKA, avocate du CPCR, tient à intervenir pour louer le travail considérable de ces derniers dans la poursuite des personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide des Tutsi. « Sans eux, aucun procès n’aurait eu lieu en France à ce jour. »

Il est presque 21h30. Monsieur le président suspend l’audience. Madame MUKAMUNANA est invitée à revenir le lendemain, l’accusation et la défense n’ayant pas eu le temps de l’interroger.

Alain GAUTHIER, président du CPCR

Jacques BIGOT pour les notes et la présentation

 

  1. Voir l’audition de François DELBAR, auteur d’un rapport sur la personnalité de l’accusé[]
  2. MRND : Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement, parti unique de 1975 à 1991 fondé par Juvénal HABYARIMANA, renommé ensuite Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement[]
  3. FPR : Front Patriotique Rwandais[]
  4. CDR : Coalition pour la défense de la République, parti Hutu extrémiste, créé en mars 1992, au moment des massacres de Tutsi dans le Bugesera. La CDR a également une milice, les Impuzamugambi., cf. glossaire[][]
  5. Accords de paix, signés en août 1993, à Arusha (Tanzanie), entre le gouvernement du Rwanda et le FPR (Front patriotique Rwandais). Ils prévoient notamment la diminution des pouvoirs du Président HABYARIMANA au profit d’un gouvernement « à base élargie » (cinq portefeuilles sont attribués au FPR), l’intégration des militaires du FPR dans la nouvelle armée gouvernementale, la nomination de Faustin TWAGIRAMUNGU  au poste de Premier ministre et l’envoi d’un contingent de 2 500 hommes de l’ONU, la MINUAR, pour faciliter la mise en place des nouvelles institutions. Le président HABYARIMANA fit tout pour différer la mise en place de ces accords. L’attentat contre lui survint le soir du jour où il s’y résigna.[]
  6. Ferdinand NAHIMANA : Idéologue extrémiste, désigné comme membre de l’Akazu et fondateur de la RTLM, Ferdinand NAHIMANA est directeur de l’ORINFOR de 1990 à 1992, date à laquelle le Président HABYARIMANA est contraint de le limoger, sous la pression internationale. Il serait également un des inspirateurs de la création des Interahamwe. Il a été condamné par le TPIR à la prison à vie en 2003 mais sa peine a été réduite à 30 ans de prison en appel en 2007, cf. glossaire.[]
  7. RTLM : Radio Télévision Libre des Mille Collines – cf. Focus : LES MÉDIAS DE LA HAINE[]
  8. Voir Callixte MBARUSHIMANA dans la liste des personnes poursuivies[]
  9. Chef de cabinet du ministre de la défense du gouvernement intérimaire, désigné comme membre de l’Akazu et du Réseau Zéro, le colonel BAGOSORA est un des piliers du pouvoir. Il a contribué à armer les Interahamwe à partir de 1991 et a joué un rôle clé dans l’organisation des milices début avril 94. Après l’attentat du 6 avril, il prend la tête d’un comité de crise et installe au pouvoir les extrémistes Hutu. Condamné par le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), à la prison à vie en 2008 pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, sa peine a été réduite à 35 ans de prison en appel en 2011.
    Voir le glossaire pour plus de détails.[]
  10. Voir notre article : Arrestation de Félicien KABUGA, le « financier du génocide »: une bombe! et ses prolongements jusqu’en 2023 à travers les médias.[]
  11. OFPRA : Office français de protection des réfugiés et apatrides[]
  12. CNDA : Cour Nationale du Droit d’Asile[]
  13. Voir l’audition d’Augustin NDINDILIYIMANA lors du procès de Laurent BUCYIBARUTA du mercredi 29 juin 2022 cité par la défense. Condamné par le TPIR mais acquitté en appel.[]
  14. Interahamwe : « Ceux qui combattent ensemble » ou « qui s’entendent », mouvement de jeunesse et milice recevant une formation militaire, créé en 1992 par le MRND, le parti du président HABYARIMANA. Voir FOCUS – Les Interahamwe.[]
  15. Kangura : « Réveille-le », journal extrémiste bi-mensuel célèbre pour avoir publié un « Appel à la conscience des Bahutu », dans son n°6 de décembre 1990 (page 6). Lire aussi “Rwanda, les médias du génocide“ de Jean-Pierre CHRÉTIEN, Jean-François DUPAQUIER, Marcel KABANDA et Joseph NGARAMBE – Karthala, Paris (1995).[]
  16. Théodore SINDIKUBWABO : Président du GIR (Gouvernement Intérimaire Rwandais) pendant le génocide (voir Focus – L’État au service du génocide).
    Le 19 avril à Butare, il prononce un discours qui sera déterminant pour les massacres qui vont suivre (résumé et transcription sur le site francegenocidetutsi.org).[]
  17. Voir l’audition de Jean KAMBANDA, Premier ministre du GIR (Gouvernement Intérimaire Rwandais) pendant le génocide. Voir également  Focus – L’État au service du génocide.[]
  18. Voir Rwanda, vers l’apocalypse, de Maria MALAGARDIS et Michaël SZATANKE, diffusé sur France TV.[]
  19. « Rwanda : autopsie d’un génocide », documentaire réalisé par Philippe LALLEMANT, diffusé en septembre 1994 dans l’émission « La marche du siècle » présentée par Jean-Marie CAVADA sur France 3.[]
  20. Sur la piste des tueurs rwandais, Maria Malagardis , Éd. Flammarion, 2012.[]

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