Procès Ngenzi/Barahira. Vendredi 1er juillet 2016. J 38

Plaidoiries des parties civiles

Difficile de restituer ici l’intensité des plaidoiries qui a saisit la salle d’audience ces deux derniers jours. Rappelons que l’intégralité de ce procès est exceptionnellement enregistrée en vidéo « pour l’Histoire ». En attendant qu’elle soit rendue publique, on se reportera utilement à l’article de l’AFP (« aux assises, le dernier cri des victimes« ) relayé par quelques médias, si peu s’exclame Maître GOLDMAN : « Combien de journalistes sont là lorsqu’on juge ici l’Histoire » [1] alors que comme le rappelle Maître LAVAL aux jurés « vous avez bien compris que les crimes dont vous allez parler concernent l’humanité toute entière […] votre tâche va bien au delà d’une mission ordinaire de la cour d’assise qui est déjà bien lourde. Oui, c’est un procès historique. »

A tous ceux qui si demandent encore pourquoi ce procès a lieu en France et pas au Rwanda [2], Maître PADONOU et plusieurs de ses confrères le rappellent aux jurés : « Pourquoi la compétence universelle?… Le racisme est une plaie de l’humanité… Vous êtes des citoyens du monde et cela suffit. » Il ne faut pas se tromper de procès : « Si le régime actuel est une dictature, il ne peut soulever que l’opprobre, mais vous n’êtes pas saisi de de cette décision…Vous n’êtes pas chargés du procès du FPR, vous n’êtes pas non plus chargé du procès de l’Afrique des Grands Lacs ou du Congo » martèle encore Maître LAVAL en faisant allusion aux confusions que la Défense a essayé d’entretenir dans l’espoir de minimiser la culpabilité des accusés : « J’avais dit le premier jour du procès qu’on voulait vous inoculer le poison du doute et je pense qu’un travail important a été fait dans ce sens ». La France, « pardon, le gouvernement français » se reprend-t-il « est le seul gouvernement au monde à avoir reconnu le gouvernement putschiste intérimaire ». Au nom du CPCR, « j’ai déposé plus de 20 plaintes et je me suis heurté à une inertie totale. » [3].

« N’oubliez jamais… »

Lorsque Maître DUCHAUMET égrène à son tour les noms des disparus rapportés par les témoins tout au long de ces deux mois de procès, pour la première fois M. NGENZI a perdu le sourire impassible et un brin méprisant auquel il nous avait accoutumé.

Toute l’après-midi a ensuite été consacrée au début du réquisitoire de l’avocat général M. Philippe COURROYE. Il s’achèvera le lundi suivant.

Jacques BIGOT (CPCR).

Lire également les textes des plaidoiries transmises par les avocats :

 

  1. A ce propos, Maître Sabrina GOLDMAN et Maître Rachel LINDON ont publié une tribune le 7 juillet à l’issue du procès dans Libération : Rwanda : l’indifférence, un racisme qui ne dit pas son nom
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  2. Le CPCR aurait « préféré que la justice de notre pays réponde positivement aux demandes d’extradition afin que les personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide soient jugées au plus près des crimes qui leur sont reprochés, au plus près des victimes. Il faut savoir qu’à plus de 20 reprises, la Cour de Cassation a refusé d’extrader vers le Rwanda ceux que leur pays réclamait pour les juger. Cette décision, contestée par des juristes spécialistes du droit pénal international, nous reste incompréhensible. » (Alain GAUTHIER lors de son témoignage à la barre, le 29 juin).
    Voir aussi : Refus d’extrader: l’avis de Damien Roets, professeur de droit.
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  3. Voir la rubrique « Nos actions judiciaires » et sur le site de Survie :
    « 20 ans d’impunité : la France complice du génocide des Tutsi au Rwanda »
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