- Audition de Kajengi TWAGIRIMANA, cité par maître MEILHAC.
- Audition de Hassan KALIMBA, en visioconférence du Rwanda.
La matinée est consacrée à l’audition, en visioconférence, de deux détenus qui purgent leur peine au Rwanda.
Audition de monsieur Kajengi TWAGIRIMANA, cité par maître MEILHAC.
Monsieur Kajengi TWAGIRIMANA, autrefois agriculteur à Cyinzovu, déclare avoir rencontré monsieur BARAHIRA lorsque ce dernier dirigeait une attaque dans son secteur d’origine, avant le 13 avril 1994. Lui-même avait pris la direction d’un autre groupe d’attaquants. Ce sont des membres du groupe de tueurs qu’il a rencontrés qui lui ont dit qu’ils étaient sous la responsabilité de Tito BARAHIRA. Personnellement il n’a pas vu l’accusé car il était pressé et qu’il y avait « beaucoup de personnes« . Chiffres qui varient de 100 à 500 personnes.
Madame la présidente ne manquera pas de mettre le témoin devant ses contradictions dans la mesure où, entendu à deux reprises, une première fois par l’OPJ Méthode RUBAGUMYA, une seconde par les gendarmes français, il n’a pas fait les mêmes déclarations. A la question de savoir s’il faisait partie des Interahamwe [1] , il va finir par reconnaître, après avoir hésité, qu’il en était bel et bien un. Pour le reste il ne sait pratiquement rien et se retranche derrière sa condition d’agriculteur pour dire qu’il n’en sait pas plus. Toutefois, interrogé par l’avocat général, il précisera que les assaillants étaient munis d’armes traditionnelles, machettes et gourdins, et que BARAHIRA avait autorité sur les Interahamwe. Pourquoi tuer les Tutsi? « On était soumis aux ordres du bourgmestre NGENZI. Si le bourgmestre nous avait empêchés de « travailler », c’est-à-dire tuer, nous ne serions pas partis. Nous ne l’avons pas fait par vengeance, c’était la guerre » continuera-t-il en substance. Aux questions des avocats de la défense qui le mettent devant ses contradictions, il finira par dire que ses propos n’ont pas été transcrits correctement lors des deux auditions auxquelles il a été soumis. Il n’a jamais vu NGENZI!
Témoin détenu qui a tenu des propos confus dont on ne peut dire à qui son témoignage a servi. Il en sera de même pour le témoin suivant qui sera entendu après lui.
Audition de monsieur Hassan KALIMBA, en visioconférence du Rwanda.
Le témoin, agriculteur, purge une peine de prison à perpétuité après avoir été condamné à 19 ans en première instance. Il est aussi cité par la défense de Tito BARAHIRA. Il ne sait rien sur NGENZI. Quant à BARAHIRA, c’était alors « un citoyen ordinaire qui n’avait plus de pouvoir ». Il reconnaît avoir lui-même participé à une attaque, mais il ne la dirigeait pas, faisant porter la responsabilité sur un certain MUGARASI. Il n’a pas vu non plus BARAHIRA. Quant à savoir pourquoi il a participé au génocide, il répond, rapportant les propos de MUGARASI, que « quiconque ne suivra pas verra de quel bois ( je) il (me) se chauffe! » C’est en entendant l’explosion d’une grenade qu’il sera curieux de voir ce qui se passe. Il n’a bien sûr pas participé au massacre de l’église le 13 avril, n’a même pas entendu de coups de feu, se disant habiter à 5 km du lieu de culte.
Interrogé par l’avocat général, il concédera que BARAHIRA avait de l’autorité en tant qu’ancien bourgmestre et que « ça ne se faisait pas de discuter une autorité« . Il ajoutera que « les Interahamwe étaient parfois plus forts que le bourgmestre » et qu’il « arrivait qu’on lui crache au visage« !!! Malgré sa condamnation à la prison à perpétuité, il se dit « innocent« .
Cette audition, comme la précédente, a été très confuse. Il semble que l’on se trouve en présence de détenus qui ne disent pas la vérité, ou qui ne finissent par reconnaître qu’une toute petite part de cette vérité, ce qui n’aidera pas les jurés à véritablement comprendre ce qui s’est passé. Il va falloir attendre des témoins plus convaincants, qui diront vraiment ce qu’ils ont vu et qui n’auront aucun intérêt à dissimuler. D’ailleurs quel intérêt avaient les deux témoins?
En fin de matinée, la présidente présente une carte de la région de Kabarondo précisant les différents lieux des massacres. On reviendra sur ce document ultérieurement car il est nécessaire de le rendre plus exploitable. Rendez-vous est donné au lendemain, jeudi 26 mai 2016.
Alain GAUTHIER
- Interahamwe : « Ceux qui travaillent ensemble », mouvement de jeunesse et milice recevant une formation militaire, créé en 1992 par le MRND, le parti du président HABYARIMANA. Cf. « Glossaire« .
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