- Cas Emmanuel HABYARIMANA, témoin cité par la défense.
- Audition du docteur BERNARD, cardiologue qui a réalisé l’expertise médicale de Tito BARAHIRA.
- Cas d’André GUICHAOUA, expert cité par la défense.
Cas Emmanuel HABYARIMANA, témoin cité par la défense.
Monsieur Emmanuel HABYARIMANA vit à Martini, en Suisse. Il a renoncé à venir témoigner car ses frais de déplacement et d’hébergement ne pouvaient être pris en charge par la justice française, ce dont s’est plaint maître MATHE lorsque madame la présidente, madame Madeleine MATHIEU, a proposé que l’on « passe outre », autrement dit que le témoin ne soit pas entendu. (lors d’une audience précédente, maître MATHE avait dit que son cabinet pourrait « faire l’avance »!). La cour en ayant délibéré a décidé de « passer outre ». Proposition toutefois de lire sa déposition.
Monsieur HABYARIMANA était sous-lieutenant dans l’armée rwandaise: formation à Louvain, puis Ecole de guerre à Bruxelles. Rentré au pays en 1990, il est soupçonné d’être pro-FPR et emprisonné. Envoyé au front en 1990, il quittera le Rwanda pour Bukavu (Zaïre) puis reviendra au Rwanda après le génocide. Il a travaillé à Kibungo de 1986 à 1988, connaît Pierre-Célestin RWAGAFILITA qui navigue dans l’environnement de Protais ZIGIRANYIRAZO, frère d’Agathe HABYARIMANA et du colonel Laurent SERUBUGA, chef d’Etat major adjoint des FAR avant le génocide (NDR: ces deux derniers résident en France et sont visés par des plaintes déposées par le CPCR. ZIGIRANYIRAZO, scandaleusement acquitté par le TPIR, cherche un pays d’accueil et habite toujours à Arusha, aux crochets de la communauté internationale.)
En 2002, il est ministre de la Défense au Rwanda puis se réfugie en Suisse. Selon son témoignage, le FPR a profité des accords d’Arusha (4 août 1993) pour s’infiltrer dans tout le pays. Il dénonce uniquement les massacres du FPR qui « pratiquait la politique de la terre brûlée, rassemblait les populations pour les massacrer ensuite ». (NDR: ces accusations ressemblent beaucoup à ce que l’on appelle les « accusations en miroir »: on accuse les autres de ce que l’on a fait soi-même). Il termine en disant que les bourgmestres n’ont pas eu le temps de demander de l’aide et que les militaires n’ont pas participé aux massacres.
Audition du docteur BERNARD, cardiologue qui a réalisé l’expertise médicale de Tito BARAHIRA.
Sans vouloir révéler de secret médical, le docteur BERNARD souligne que l’état général de Tito BARAHIRA est globalement satisfaisant. Il souffre toutefois d’une insuffisance rénale sévère depuis 2005 et est en attente d’une greffe du rein. Il souffre également d’hypertension artérielle, a été soigné pour une hépatite C dont il est guéri.
Son état de santé est compatible avec sa détention, état de santé qui « s’est plutôt amélioré ».. Il serait souhaitable que chaque audience ne dure pas plus de 2 heures et qu’il bénéficie d’une salle où il puisse se reposer.
Cas d’André GUICHAOUA, expert cité par la défense.
Monsieur GUICHAOUA a refusé de venir témoigner, maître MATHE cherchant un expert qui « se démarquerait des autres ». Dans sa lettre du 25 avril 2016, et qui sera lue, il s’offusque que l’avocate d’Octavien NGENZI lui ait fait savoir qu’il le « contraindrait » en cas de refus de sa part.
Madame la présidente lit le courrier qu’il a adressé à la Cour. Il est vrai qu’il a recueilli beaucoup de témoignages et participé à de nombreux procès. Toutefois, il refuse d’intervenir dans un dossier qu’il ne connaît pas, précise que jusqu’à présent il a toujours été cité par le Parquet et enfin qu’il n’a jamais témoigné pour la défense. Il rejette l’idée qu’on lui demande d’intervenir pour « rééquilibrer des experts qui seraient trop favorables aux parties civiles« .
Madame la présidente va lire ensuite plusieurs extraits de rapports ou documents établis par monsieur GUICHAOUA, rapports qui se trouvent dans la procédure [1].
1) Rapport de 1998 sur le fonctionnement de l’administration.
Difficile d’entrer dans le détail. Il rappelle le rôle important du bourgmestre, responsable local du MRND, au cœur de cette administration. Le bourgmestre est le représentant du pouvoir dans tous les domaines d’activité, conciliateur dans les conflits locaux, surtout fonciers. On vit alors dans « un système clientélisme« , le bourgmestre se construisant « son propre réseau vertical« , sous l’oeil d’un « protecteur« . Avant le génocide, le MRND dirigeait 100 communes sur 143, mais dans la préfecture de Kibungo, tous les bourgmestres sont issus du MRND. En avril 1994, le bourgmestre dispose d’une large marge de manoeuvre, même si sa position est parfois intenable à partir du 6 avril. Il fallut parfois neutraliser le bourgmestre pour continuer les massacres qui, à Kibungo, dès le 7 avril, sont plutôt le fait des militaires.. Et de souligner que les massacres deviennent plus intenses quand les bourgmestres se sont engagés dans ces massacres.
2) Déclaration de monsieur GUICHAOUA (19 décembre 2012) devant les juges d’instruction dans le cadre du procès SIMBIKANGWA .
Il évoque plusieurs étapes historiques pour comprendre la situation:
– peuplement du Rwanda et la période coloniale
– la révolution sociale de 1959
– la prise du pouvoir par Juvénal HABYARIMANA lors du coup d’état de 1993 et instauration de la 2ème République. Les Hutu du Nord sont privilégiés . Beaucoup de Tutsi se réfugient à l’extérieur du pays, notamment en Ouganda.
– arrestation de nombreux Tutsi considérés comme complices du FPR suite à l’attaque du 1 octobre 1990.
– instauration du multipartisme suite à de nombreuses pressions internationales. Le MRND s’allie à la CDR (extrémistes hutu)
– 4 août 1993, signature des accords d’Arusha qui prévoient la répartition des pouvoirs, notamment dans l’armée, accords dénoncés par les FAR (Forces Armées Rwandaise).
– assassinat du président burundais, Melchior NDADAYE. Au Rwanda, les partis se scindent en deux: naissance du Hutu Power
– suite à la fuite du ministre de la Défense, James GASANA, les militaires hutu du Nord reprennent la situation en main: importance des milices, sauf à Butare, grâce au préfet Jean-Baptiste HABYARIMANA qui sera destitué et assassiné.
– après l’attentat, c’est l’entourage de la famille HABYARIMANA qui prend la situation en mains. Rôle du colonel BAGOSORA qui reprend du service ( NDR: comme le feront SERUBUGA et RWAGAFILITA).
3) Déclaration devant les autorités belges. La préfecture de Kibungo va être gagnée par l’exaspération ethnique. Le MRND est puissant et RWAGAFILITA est l’homme fort. Forte implantation des Interahamwe. Monsieur GUICHAOUA parle de massacres importants dans Kibungo et souligne le rôle important des commerçants pour le financement des Interahamwe.
4) Rwanda 2008 sur l’Etat de droit (versé par maître MATHE).
Avec les Gacaca, se produit le désenchantement des justiciables; il évoque un « système judiciaire monstrueux ». Insiste sur le rôle du FPR et évoque l’existence « de faux témoins quasi professionnels ».
5) Tribune de GUICHAOUA du 13 novembre 2014. « Le génocide des Tutsi n’a pas été préparé 4 ans à l’avance ».
Après-midi: audition d’Hélène DUMAS, chargée de recherche au CNRS, et des deux premiers témoins venus du Rwanda, monsieur Isaïe IRYIVUZE, cité par maître MATHE, et madame Véronique MUKAKIBOGO, partie civile aux côtés du CPCR.
Alain GAUTHIER
- Le dossier intègre des extraits de « Rwanda, de la guerre au génocide : les politiques criminelles au Rwanda, 1990-1994 » – La Découverte (Paris), ouvrage complété par un site en ligne regroupant une abondante documentation.
Pour plus de références, voir notre page « Bibliographie« .
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