Témoignage de Dafroza GAUTHIER donné la veille devant la Cour.
Procès NGENZI/BARAHIRA – Paris : 22 ans après.
Je suis née au Rwanda, le 04/08/54 à Astrida, devenue Butare, après l’indépendance. Je suis ingénieur chimiste. Je suis née dans une famille de pasteurs tutsi, mes parents habitaient à ce moment-là dans l’ex-préfecture de GIKONGORO, située dans le Sud-ouest du Rwanda. Une partie du berceau familial de mon père habitait la région de Nyaruguru. Nous y étions bien, une enfance sans histoire particulière, avec de grandes familles qui habitaient les unes non loin des autres, beaucoup de tantes et oncles, beaucoup de cousins et cousines,… des années d’enfance et d’insouciance…des années de bonheur…
« Plus le temps passe, moins on oublie » (Boubacar Boris Diop) Murambi ou le livre des ossements.
Aussi loin que remontent mes souvenirs de petite fille, deux événements restent imprimés dans ma mémoire :
Je me souviens de cet instant où mon père vient annoncer à la maison la mort du roi Mutara III Rudahigwa, je devais avoir autour de 5 ans. Je vois les grandes personnes bouleversées et ma mère qui s’essuie les yeux… mais ce n’est que plus tard que je comprendrai la portée de cet événement…
Un deuxième événement, plus proche de nos familles, et qui doit se situer vers fin 1960, fut l’assassinat de mon instituteur de l’école primaire, à coups de hache, décapité, (on apprendra cela plus tard) : il s’appelait Ludoviko, en français Louis. Il était très aimé sur notre colline. Un voisin est venu souffler quelque chose à l’oreille de ma mère. Je la vois paniquée, catastrophée, déstabilisée, et cachant ses larmes…
Depuis cet assassinat, un premier regroupement familial avec les familles tutsi les plus proches dont celle de mon cousin Ruhingubugi va avoir lieu. La peur était perceptible, le monde semblait s’être arrêté ! En début de soirée, deux employés de chez ma tante paternelle sont arrivés. Je vois encore ma mère ramasser quelques petites affaires et les mettre dans de grosses malles. Je comprends avec mes yeux d’enfant que la situation n’est pas normale. Pendant la nuit, nous sommes partis à pied chez mon oncle, le mari de ma tante à environ 4 ou 5 km, avec tous les occupants de la maison. Un deuxième regroupement familial venait de commencer.
Dès le lendemain, notre maison, et celles des familles voisines tutsi furent pillées et brûlées. Nous avons tout perdu ! Je n’y suis jamais retournée jusqu’à ce jour… !
Et c’est en ces années-là, de 1959 à 1962, que nos familles tutsi de la région vont fuir en masse et se réfugier au Burundi, nous habitions à peine à 20km de la frontière.
L’année 1963 fut une année meurtrière et sanguinaire dans notre région de Gikongoro. Au moins 20 000 morts. André RUSSEL, philosophe, parle du « petit génocide de Gikongoro», dans le journal Le Monde daté du 6 février 1964 :
« Le massacre d’hommes le plus horrible et le plus systématique auquel il a été donné d’assister depuis l’extermination des Juifs par les nazis ».
A 9 ans, je dois la vie sauve à l’église de Kibeho où nous avons trouvé refuge avec ma mère, ma famille proche et d’autres Tutsi de notre région. Les miliciens ne massacraient pas dans les églises à l’époque, ce qui ne fut pas le cas en 1994 où ce tabou a volé en éclat et où les églises sont devenues des lieux de massacre de masse, des lieux d’exécution et Kabarondo en est l’exemple !
Suite à ce massacre de la région de Gikongoro, beaucoup de rescapés de nos familles ont été déplacés dans la région du Bugesera, au sud-est de Kigali. C’était à l’époque une région habitée de bêtes sauvages, une région inhospitalière, sans eau potable, une région où sévissait la mouche tsé-tsé. Des familles entières ont été décimées sans possibilité de soins. Il a été question du Bugesera dans cette Cour d’assise à propos du massacre de 1992.
Les Tutsi, contraints à l’exil en 1963, ayant survécu à la mouche tsé-tsé, ayant survécu aux massacres de 1992, vont périr en masse en 1994. Il n’y a presque pas eu de survivants dans la région du Bugesera. Le génocide les a emportés en masse…
Nous avons été réfugiés à l’intérieur de notre propre pays. Je suis allée en pension très jeune, de la 3ème à la 6ème primaire, chez les religieuses, avec d’autres enfants tutsi dont ma cousine Emma. Nos parents nous avaient mis à l’abri, pensaient-ils. Nous avons appris à nous passer d’eux très tôt, trop jeunes…à nous passer de la douceur familiale. Nous avons grandi orphelins et nous nous contentions du minimum.
Nous étions des citoyens de seconde zone, nous Tutsi, avec nos cartes d’identité sur lesquelles figurait la mention « Tutsi ». Nous étions des étrangers chez nous.
Plus tard, après mes années de collège à Save, à 12 km de Butare, quand j’entre au Lycée Notre-Dame à Kigali à environ 130 km, je devais me munir d’un « laisser passer » délivré par la préfecture. Je n’étais pas la seule. Au fameux pont de la Nyabarongo, au pied du Mont Kigali, nous devions descendre du bus pour y être contrôlés et présenter nos laisser-passer, nous les Tutsi, au vue de notre faciès…. Cette opération pouvait prendre des heures … Nous étions insultés, voire brutalisés parfois, humiliés, et tout cela reste gravé dans nos mémoires…
Nous avons grandi dans cette ambiance de peur et d’exclusion, avec la révolte au fond de nous … ! Enfant, notre mère nous a appris à nous taire, à nous faire petit, pas de vague : à l’école, au collège, au lycée, dans la rue, à l’église, partout, il ne fallait pas se faire remarquer, il fallait se taire, baisser les yeux, raser les murs…!
J’ai eu la chance d’aller à l’école et de poursuivre une scolarité normale. Beaucoup de Tutsi, surtout des garçons, ne pouvaient pas accéder à l’école secondaire de l’État. C’était la période des quotas.
Et, c’est en ce début 1973 que j’ai quitté mon pays pour me réfugier au Burundi après la période des pogroms de cette époque. Cet épisode a été évoqué dans cette Cour d’assises. Chassés des écoles, des lycées, des universités, de la fonction publique, et autres emplois du secteur privé, les Tutsi vont de nouveau se réfugier dans les pays limitrophes et grossir les effectifs des années précédentes, ceux de nos vieilles familles d’exilés depuis 1959.
J’entends encore notre mère nous dire, en ce début février 1973, avec ma sœur, qu’il fallait partir et le plus vite possible. Elle avait peur de nous voir tuées ou violées sous ses yeux, nous dira-t-elle plus tard… Ce fut une séparation très douloureuse, j’ai hésité… Je me souviens de ces moments si tristes, si déchirants… à la nuit tombée, où il fallait partir très vite, sans se retourner, les yeux pleins de larmes!
Après notre départ, notre mère fut convoquée par le bourgmestre de notre commune, un certain J.B KAGABO, et mise au cachot communal. On lui reprochait son manque de civisme, à cause de notre fuite. Elle en sortira le bras droit en écharpe, cassé, nous dira-t-elle plus tard. Je me sentais coupable d’avoir fui, et de l’avoir abandonnée !
Je vous épargne le récit de ce périple en pleine nuit à travers les marais de la KANYARU, le fleuve qui sépare le Rwanda et du Burundi. Une traversée interminable en deux jours, où le groupe de nos amis de Butare, nous ayant précédés, n’aura pas cette chance : ils ont été sauvagement assassinés par les passeurs, ces piroguiers qui voulaient prendre leur maigre butin… Nous avons eu de la chance, les hommes de notre groupe étaient plus forts et plus nombreux et nous avons pu regagner le nord du BURUNDI, près de Kirundo, au bord de l’épuisement, mais sans trop de dégâts. Cette traversée revient souvent dans mes rêves ou mes cauchemars, nous avons vu la mort de très près. Nos corps en portent encore les stigmates.
Un camp du HCR nous attendait avec ses bâches bleues comme seul abri de fortune et nous avons été accueillis avec les formules d’usage: enregistrement, distribution de couverture et autre petit bol pour unique couvert. Un bol de riz était notre ration journalière!
Nous n’avons pas été accueillis les bras ouverts par nos frères burundais, je m’en souviens. Une vie d’exilée est une expérience unique dont on ne sort jamais indemne. Elle conditionne le reste de votre vie !
Après quelques jours au camp de KIRUNDO, un premier tri est effectué pour rejoindre la capitale Bujumbura. Je fais partie du voyage. Je ne resterai à Bujumbura que 7 mois, pour ensuite rejoindre mon frère aîné, réfugié en Belgique depuis le début des années 60. J’ai pu poursuivre mes études.
Mon statut, depuis le Burundi, est celui de réfugiée politique avec un titre de voyage du HCR et les restrictions que ce document imposait à l’époque. J’obtiendrai en 1977 la nationalité française par le mariage, à l’époque c’était assez rapide.
De 1977 à 1989 ce sont des années sans histoires, une vie de famille ordinaire avec nos trois enfants. Nous avons pu retourner au Rwanda régulièrement voir ma mère et les familles qui s’y trouvaient encore.
Notre dernier voyage en famille, à Butare, date de l’été 1989, notre plus jeune, Sarah, avait 18mois. Au cours de cet été 89, nous avons profité de ces vacances à Butare pour visiter nos familles réfugiées au Burundi. Je me souviens encore de cet incident où lorsqu’on arrive à la KANYARU, au poste frontière avec le BURUNDI, la police des frontières va nous arrêter. Elle va laisser passer tous les véhicules, sauf le nôtre. Ils nous ont fait attendre une journée entière, avec nos jeunes enfants ! Nous avions des papiers en règle, des passeports en règle, tout semblait être en ordre, mais ils vont trouver le moyen de nous humilier, une fois de plus, nous faire attendre sur le bas-côté, sans explication : j’étais révoltée ! Cela me rappelait mes années lycée au pont de la NYABARONGO, sauf que je n’étais plus seule, nos enfants subissaient sans rien comprendre !
Des anecdotes de cette nature sont inépuisables, sous la première et sous la seconde république !
La guerre éclata en octobre 90 et nous ne pouvions plus visiter ma mère.
Le 1er octobre 90 le FPR attaque par le nord du pays. Les nouvelles du pays nous arrivaient des différentes sources, notamment par les rapports des ONG. Certains ont été évoqués par les témoins de contexte dès les premières semaines de ce procès. Mon frère suivait de très près l’évolution politique du pays via le front. Il avait aussi beaucoup d’amis militants des droits de l’homme sur place, entre autre Fidèle KANYABUGOYI et Ignace RUHATANA, ses amis, membres fondateurs de l’association KANYARWANDA dont les noms ont été évoqués devant cette Cour d’assises. Ils seront tous les deux sauvagement tués en 1994 avec la quasi-totalité des membres de l’association KANYARWANDA.
En cette fin février 1994, je pars seule au Rwanda voir ma mère qui se reposait en famille à Kigali chez Geneviève et Canisius, mes cousins. Ils habitaient Nyamirambo, près de la paroisse St-André. Mes cousins avaient une pharmacie. Canisius, et Geneviève, sa femme, avaient fui comme moi en 1973. Nous étions au Burundi ensemble. Ils avaient ensuite quitté le Burundi pour regagner le Zaïre à la recherche de meilleures conditions de vie. Ils reviendront ensuite au Rwanda dans les années 80 lorsque Habyarimana a incité les réfugiés tutsi à revenir pour reconstruire le pays. Certains de nos amis et membres de notre famille sont rentrés d’exil à ce moment-là, et ils n’échapperont pas au génocide de 1994. Les survivants de cette époque se comptent sur les doigts d’une main.
Je me rends donc au pays, en cette fin février 94, ce fut « un voyage au bout de la nuit » ! J’arrive à Kigali le jour du meeting du MDR qui avait lieu au stade de Nyamirambo, sur les hauteurs de notre quartier, sous le Mont Kigali. A la sortie du stade, c’était des bagarres entre milices de la CDR, du MRND, du MDR, et du PSD, mais on s’en prenait surtout aux Tutsi, les bouc-émissaires de toujours ! Des Tutsi étaient tabassés dans la rue et étaient poussés dans le caniveau par cette meute d’excités, sur le boulevard. Nous regardions par la fenêtre et ma cousine Geneviève appelait la Croix Rouge pour ramasser les blessés ou les agonisants ! On voyait les véhicules de la Croix-Rouge venir, s’arrêter sur le bas-côté et attendre que les miliciens terminent leur sale besogne. Une fois les miliciens partis, la Croix- Rouge ramassait les victimes ! C’est une période où la RTLM était à l’œuvre, elle diffusait nuit et toujours ses messages de haine, d’horreur et d’appel aux meurtres en citant des listes de Tutsi à tuer ainsi que leur quartier de résidence. Dans la foulée, la RTLM annonçait que le travail avait été bien exécuté et que les tombes étaient encore vides.
A Kigali, durant cette période, des Tutsi étaient attaqués à leur domicile, et étaient tués, sans aucun autre motif si ce n’est être des complices du FPR !
Dans la nuit du 21 février 1994, le ministre des travaux publics, GATABAZI Félicien, membre du parti PSD, est assassiné. Il était originaire de Butare. On a évoqué cet assassinat dans cette Cour d’assises. En représailles, les partisans de Gatabazi ont assassiné BUCYAHANA, le leader de la CDR, le parti extrémiste. Il a été assassiné près de Butare, à MBAZI exactement, alors qu’il partait à Cyangugu d’où il était originaire. Très rapidement, certains quartiers de Kigali étaient quadrillés et attaqués. Je pense au quartier de GIKONDO où habitait BUCYAHANA mais aussi ma tante Pascasie et ses enfants et petits-enfants. Ils ont subi des représailles, ainsi que les autres Tutsi du même quartier. Les Interahamwe de GIKONDO étaient connus pour être des plus extrémistes, réputés aussi pour leur cruauté. En ce mois de février et mars, et dans la ville de Kigali, des Tutsi ont fui dans les églises, et dans d’autres lieux qu’ils croyaient sûrs, comme au Centre Christus, le couvent des jésuites. Beaucoup de nos familles et amis y ont trouvé refuge : ils y passeront quelques jours. Cette semaine fut particulièrement meurtrière à Kigali alors qu’ailleurs, dans le pays, il y avait un calme relatif.
J’évoque cette période avec beaucoup de tristesse. J’aurais aimé faire exfiltrer ma famille, certains d’entre eux, ceux que je pensais être les plus exposés, comme mon cousin Canisius, pour qu’ils puissent quitter Kigali ! Mais il était déjà trop tard… ! Moi, comme d’autres, nous avons échoué… Kigali était bouclée par toutes les sorties, on ne passait plus quand on était Tutsi! La tension était à son maximum !
Nous ne sortions pas de la maison, cette semaine-là, sauf une fois, au marché de Nyamirambo, tout prêt, avec ma cousine, pour un petit ravitaillement. Mon cousin dormait à l’extérieur et rentrait au petit matin…. Des cris, des hurlements, des attaques à la grenade dans le quartier rythmaient ces journées sans fin !
Tous les jours on subissait des provocations de miliciens, de gros pneus brûlaient à longueur de journée devant la pharmacie, dans le caniveau, sur le boulevard. Je me souviens de la quinte de toux que cela provoquait chez ma mère, et nos yeux étaient irrités par cette fumée épaisse d’hydrocarbures et de plastiques.
Je me souviendrai toujours des conseils trop naïfs de ma cousine Geneviève qui me disait de ne porter que des pantalons, on ne sait jamais, car elle et les autres femmes portaient des caleçons longs sous leur pagne ! Comme si cela pouvait éloigner les violeurs… !
L’insécurité était totale dans le quartier de St-André et ailleurs dans Kigali. Nyamirambo était réputé pour être habité par beaucoup de Tutsi. Ma mère était très inquiète, et elle me dira qu’il faut partir le plus vite possible, comme en 1973… « Cette fois-ci, tu as ton mari et des enfants, il ne faut pas que la mort te trouve ici et que l’on périsse tous en même temps » ! Elle ne se faisait plus d’illusion ! Par l’aide d’un ami, j’ai pu avancer ma date de retour… !
Moi, j’ai sauvé ma peau, mais pas eux !
Le retour en France en ce mois de mars 1994 fut très dur, avec ce sentiment de culpabilité qui ne vous quitte jamais… Je me sentais coupable et lâche de les avoir laissés, de les avoir abandonnés dans ces moments critiques…! Nous prendrons des nouvelles régulièrement par l’intermédiaire d’un ami. Au vu de l’insécurité grandissante, ma famille a fini par se réfugier à la paroisse St-André pendant la semaine qui a suivi mon retour.
Alain, mon mari, se met à alerter de nouveau : il écrit à François Mitterrand, mais c’est un cri dans le désert ! Il ne sera pas entendu à l’image de l’appel de Jean Carbonare sur Antenne 2, sur le plateau de Bruno Masure !
Le 6 Avril 1994, je ne me souviens plus exactement de cette soirée en famille. Je me souviens surtout de la matinée du 7 avril, très tôt, le matin, où Alain qui écoutait RFI m’a annoncé la chute de l’avion et la mort du président Habyarimana. Dans la foulée, je téléphone à mon frère à Bruxelles pour avoir des nouvelles fraîches, je prends ma douche et me prépare pour aller au travail. Mais avant même de quitter la maison, je reçois un coup de fil d’une compatriote journaliste, Madeleine, qui m’annonce l’attaque du couvent des Jésuites à Remera, à Kigali, et de la famille Cyprien RUGAMBA. Mon frère m’apprend également le sort incertain des personnalités de l’opposition dont celui de Madame UWILINGIYIMANA Agathe, Premier ministre. Avec le voyage que je venais de faire, j’ai compris que la machine était cette-fois ci en marche !
Au matin du 7 avril, peu avant 6 heures, nous apprendrons que des militaires ont investi la maison à NyamiramboL. La pharmacie est pillée et tous les occupants sont priés de sortir, les mains en l’air, dans la cour intérieure de la maison. Ils devaient être autour d’une douzaine avec les amis et visiteurs qui n’avaient pas pu repartir chez eux au vu de la situation. Ils vont réussir en ce matin du 7 avril à rejoindre l’église Charles LWANGA, de l’autre côté du boulevard, moyennant une somme d’argent, comme cela a pu se passer pour certains à Kabarondo… ! D’autres Tutsi du quartier les rejoindront. Ils passeront cette première journée du 7 ainsi que la nuit dans l’église.
Le 08 Avril, dans la matinée, peu avant 10 heures, des miliciens accompagnés de militaires attaquent l’église. Ils demandent aux réfugiés de sortir. Des coups de feu sont tirés, des grenades explosent, des corps tombent et jonchent le sol de l’église, tandis que d’autres réfugiés tentent de s’enfuir. Presque le même scenario qu’à l’église de Kabarondo et ailleurs dans le pays… !
Ma mère, Suzana MUKAMUSONI, âgée de 70 ans, est assassinée de deux balles dans le dos devant l’église. Notre voisine, Tatiana, tombera à ses côtés avec son petit-fils de deux ans qu’elle portait dans le dos. Les trois sont mortellement touchés, ils ne sont pas les seuls, d’autres victimes sont allongées dans la cour, tuées ou grièvement blessées, comme Gilberte, plus connue sous le nom Mama Gentille, la femme d’un cousin, un des occupants de la maison : elle sera évacuée par la croix rouge sur Kabgayi.
Nous apprendrons que grâce à une pluie abondante qui s’est mise à tomber, les miliciens et les militaires se sont éloignés pour se mettre à l’abri. Pendant ce temps-là, les survivants de l’église parviendront à atteindre le presbytère et à s’y réfugier. Ce jour- là, mes deux cousins en font partie.
C’est en fin de journée du 8 avril que j’apprendrai la mort de ma mère. Alain a pu avoir au téléphone un des prêtres de la paroisse, le père Otto MAYER, qui lui demande de rappeler en fin de journée. C’est le curé de la paroisse, le Père Henry BLANCHARD, qui lui apprendra le décès de maman. Mon corps m’abandonne en apprenant la nouvelle : je ne me souviens plus de la suite de cette soirée du 8 avril.
Des 14 occupants de la maison de Nyamirambo, seule Gilberte survivra à l’attaque du 8 avril avec des blessures par balle. Mon cousin Canisius KAGAMBAGE sera fusillé chez les frères Joséphites le 6 juin 1994 chez qui il était parvenu à se cacher avec environ 90 autres Tutsi. Nous avons retrouvé sa dépouille lorsque la fosse de chez les Frères a été ouverte, grâce à sa carte d’identité dans la poche de son pantalon. Quant à ma cousine Geneviève, elle sera tuée le 10 juin, à quatre jours d’intervalle, avec la centaine de réfugiés de la paroisse St-André ! Elle sera jetée dans une fosse commune d’un quartier de Nyamirambo, avec les autres, dont beaucoup d’enfants. Ils ont été jetés vivants pour beaucoup d’entre eux, comme à Kabarondo. Les miliciens y ont mis des pneus et les ont brûlés avec de l’essence. Et lorsque la fosse a été ouverte en 2004, on n’a pas trouvé de corps, juste des bouts de rotules et quelques mâchoires ! Nous avons même été privés de leurs dépouilles.
Dans cette Cour d’assises, vous avez écouté des rescapés qui cherchent à savoir où se trouvent les restes de leur famille, et où ils ont été jetés. Difficile d’entamer un travail de deuil !
Je me souviendrai toujours de ce mois de juin 2004, où nous avons dû partir précipitamment, mon mari et moi, lorsqu’une amie nous a annoncé qu’une fosse commune avait été identifiée à la paroisse St-André. D’après certains récits, ma mère pouvait se trouver dans celle-là avec ceux qui avaient été assassinés le même jour. Nous partons tous les deux pour Kigali sans nos enfants. L’ouverture de la fosse s’est faite en présence des familles venues de partout : du Canada, d’Afrique du Sud, des USA et partout ailleurs. Quelques rescapés de Nyamirambo et amis proches étaient là également.
C’est un rituel immuable : des ouvriers que l’on paie pour cette tâche bien particulière arrivent avec leurs outils, des pioches et des pelles, pour l’ouverture. Des moments difficiles pour les familles et les proches : difficile de contenir ses émotions. A chaque coup de pioche et de pelle, on se surprend à sursauter, à pousser des hurlements, un stress bien particulier accompagne ces moments assez uniques, entre les cris et les crises de nerf entrecoupés de silence et ce, jusqu’au moment où vont apparaitre les phalanges d’une main. On s’observe, on se regarde, on se précipite, on se chamaille parfois autour de ces fosses du désespoir. Il est même arrivé que des fous rires nous saisissent, comme pour conjurer le sort ! Des odeurs qui ne vous quitteront plus jamais, elles restent imprimées pour toujours dans votre cerveau! Le pire est que chacun croit reconnaitre les siens ! Et voilà qu’au second coup de pioche apparait un beau crâne avec une très belle dentition. A ce moment- là, j’accuse le coup, ça ne peut pas être ma mère, elle avait 70 ans… ! S’agit-il d’un jeune, d’un vieillard, nous voilà tous transformés en médecins légistes, où chacun va scruter le moindre signe distinctif, un habit, un petit bijou, une chaussure !
De cette fosse de la paroisse St-André, deux corps seulement ont été formellement identifiés, il s’agit d’un jeune joueur de basket de 20 ans, Emmanuel, je crois, reconnu par son frère. Son corps entier va apparaitre, en tenue de sport, maillot orange fluo, numéro 14 : il semblait dormir d’un sommeil profond, la tête enfoncée dans le sol rouge sableux de cette terre de la paroisse. L’autre corps était celui d’un jeune enfant de 7 ans, identifié par son cousin, grâce aux habits qu’il portait ce jour- là.
Pour ma part, je me contenterai d’un bout de bracelet en cuivre et d’un chapelet comme unique signes distinctifs, en espérant que c’étaient ceux de ma mère. Je les ai ramenés à Reims pour les montrer à nos enfants !
Nos morts hantent toujours nos esprits, en particulier certains, les enfants surtout, emportés dans leur innocence, emportés sans rien comprendre. Difficile de les oublier. Je pense souvent aux enfants de mon cousin Vianney, tué avec sa femme Christine, à REMERA, près de l’aéroport. Ce sont eux qui nous accueillaient lorsqu’on arrivait en vacances. Leurs cinq enfants seront jetés vivants dans les latrines où ils vont agoniser pendant une semaine en appelant des secours qui ne sont jamais arrivés ! Voilà le genre de récit que nous entendons dans les GACACA.
Du côté de ma mère, aucun survivant retrouvé à ce jour ! Des familles entières disparues à jamais ! Des lieux méconnaissables, transformés par les nouveaux occupants, c’est l’après génocide… !
Le génocide c’est la mal absolu. Le mal dont on ne guérit jamais. Chacun essaie d’y survivre à sa manière, à sa façon, pour éviter de disparaitre à son tour !
Pour ma part, je me soigne par l’action et par cette quête de vérité et de justice ! Cette justice qui nous a manqué : on pouvait tuer le Tutsi sans être inquiété au Rwanda de 1959 à 1994. L’impunité était la règle établie. Le Tutsi n’était pas un homme, simplement un cafard, un Inyenzi, un serpent, il était malhonnête et mauvais en affaire. C’était un étranger dont il fallait se débarrasser par n’importe quel moyen, le renvoyer chez lui en Abyssinie !
En 1994, au Rwanda, les Tutsi ont été abandonnés de tous ! Nous assistions à leur mise à mort, de loin, nous, leur famille, et en direct, impuissants, démunis, anéantis… On regardait tous ces corps dépecés dans les rues de Kigali et partout ailleurs, ces corps gonflés et charriés par nos rivières, nous étions face à l’indicible.
Les appels aux secours de ceux qui se cachaient encore quelque part nous arrivaient : je pense aux réfugiées de l’Hôtel des Mille Collines qui nous envoyaient des fax pour des prises en charge, des appels de ceux qui se cachaient quelque part. Je me souviens de cet appel de Régine, une amie, qui voulait que l’on avertisse la Minuar de l’endroit où elle se cachait, je me souviens d’Irène qui nous a annoncé que les tueurs arrivaient à sa porte, puis le téléphone s’est tu, et puis plus rien, son corps baignait dans son sang, à l’entrée de sa maison, lorsqu’elle a été trouvée.
Nous nous sommes mobilisés, en France, dans toute la diaspora, à travers l’Europe, à travers le monde, des pétitions étaient lancées, nous irons de manifestations en manifestations, mais nos appels au secours sont restés lettre morte ! Nous étions au-delà de la tristesse, au-delà de la colère, au-delà du chagrin, nous étions anéantis!
En 1994 au Rwanda on a fermé toutes les frontières et on a tué les Tutsi, au grand jour, pendant trois mois, du nord au sud, d’est en ouest. C’était le seul « travail », il n’y en a pas eu d’autre ! Kabarondo n’a pas échappé à la règle, ce fut le même scénario : l’église n’était plus un refuge, les Tutsi ont été exécutés sauvagement par leurs frères de sang sous les ordres d’un état génocidaire, une énorme machine à fabriquer la mort, avec l’encadrement des autorités administratives dont les bourgmestres !
Monsieur BARAHIRA était sans doute un des rares à faire la cueillette de ses bananes, à soigner ses vaches, à s’occuper des travaux domestiques, à réparer un transformateur électrique, pendant que ses voisins Tutsi se faisaient dépecer et pendant que des centaines de corps agonisaient à l’église de Kabarondo. Il ne les a pas vus!
Le génocide n’est pas passé dans son quartier, alors que partout ailleurs, dans tout le pays, c’était l’apocalypse. Il n’a rien vu, il n’a rien entendu, la radio ne passait pas !
Quant à monsieur NGENZI, il était un des rares bourgmestres préoccupé par des certificats de décès, qu’il n’a jamais pu obtenir. Il a essayé mais sans succès. Des morts, il en a vu quelques-uns, pas plus de 200. Il gardait sa commune pour éviter les pillages !
En 1994, au Rwanda, les Tutsi n’ont pas été enterrés, leur corps dépecés ont été jetés vivants ou morts dans d’énormes fosses, dans des latrines, dans des rivières, mangés et déchiquetés par des chiens, par des rats, par des rapaces, et KABARONDO n’échappe pas à la règle. Les corps des Tutsi de l’église, du Centre de santé, de l’IGA, ont été engloutis par cet énorme trou, le 16 avril 94, des corps déjà en pleine décomposition que personne ne voulait enterrer!
Pour nous, Il y a désormais un avant et un après 1994.
Face à l’histoire, notre Histoire, l’Histoire du génocide des Tutsi, ma génération a d’énormes responsabilités. Nous avons traversé toute cette période trouble de 1959 à 1994. Nous sommes les témoins de cette Histoire, l’Histoire du Rwanda. Nous allons la léguer aux plus jeunes, à nos enfants, petits-enfants, et aux générations d’après…
Cette histoire, nous devons l’écrire à l’endroit pour leur éviter tant de souffrances, tant de traumatismes. Cette Histoire, je la partage avec les deux accusés. Messieurs Tito BARAHIRA et Octavien NGENZI, sans haine, et sans esprit de vengeance, sont accusés du pire des crimes. Depuis huit semaines, leurs enfants et nos enfants ont partagé ensemble, ici, dans cette Cour d’assises, la même histoire du génocide, celle de Kabarondo : et je m’en réjouis. Ils deviennent, désormais, à leur tour, des passeurs de cette histoire, des passeurs de cette mémoire, la mémoire du génocide de KABARONDO : IBUKA, souviens-toi !
Ici, dans cette Cour d’assises, nous représentons les absents, ceux qui ne sont plus, ceux qui ne viendront pas à la barre pour réclamer justice. Nous les représentons aujourd’hui, nous avons une dette morale envers eux. Nous représentons aussi tous ces rescapés, à bout de forces, blessés dans leur chair et dans leur âme. Ils n’ont pas pu tous assister à ce procès alors qu’il leur est destiné en premier lieu, pour leur reconstruction, pour leur deuil ! Ceux d’entre eux qui ont eu le courage de témoigner devant vous tous, devant cette Cour d’assises, ont partagé avec nous leur calvaire : ce n’est pas facile de raconter, car raconter c’est revivre, revivre l’horreur, replonger dans les vieux démons qui vous hantent toujours , raconter c’est revivre toute cette souffrance, revivre l’innommable…
La justice contribue aujourd’hui à réhabiliter les victimes de la commune de Kabarondo à travers ce procès, à travers ces débats, à travers ces récits. Évoquer leur mémoire, évoquer leur souvenir, c’est leur donner une sépulture digne.
La justice est un acte majeur, une pièce maîtresse, une arme contre l’oubli, une arme contre le négationnisme dont nous avons été témoins dans cette Cour d’assises. Minimiser les faits, les édulcorer, les rendre incompréhensibles, pour ensuite les nier est un objectif des fossoyeurs de la mémoire, notre Mémoire. Restons donc vigilants !
Dans cette Cour d’assises une occasion m’est offerte pour évoquer quelques-unes des victimes de l’église de Kabarondo, de Bisenga, de Rwakigeri, de Cyinzovu, de Rubira, du Centre de Santé, de l’I.G.A, de Rundu, de Kiyonza, de Rurenge, des Tutsi transportés de Kabarondo jusqu’à la commune de Birenga pour y être exécutés, tous ces lieux martyrs, tout ce sang versé, le sang des innocents qui n’avaient commis d’autre crime que d’être nés Tutsi.
Hasards du calendrier ou pas, ce procès s’est déroulé pendant les 100 jours du deuil du génocide qui commencent le 7 avril et se terminent le 3 juillet de chaque année.
Et Dafroza GAUTHIER de nommer plus de 200 victimes de Kabarondo afin de les sortir de l’anonymat dans lequel le génocide les avait plongés.
Les rares rescapés de ces collines et leurs familles nous ont confié les noms des victimes assassinées : le plus jeune était un nourrisson de quelques jours, et le plus âgé avait 97 ans.
Monsieur BARAHIRA et monsieur Ngenzi reconnaîtront peut-être certains de leurs anciens administrés.
Je vais commencer par les victimes de Mélanie UWAMALIYA, partie civile dans ce procès et originaire de KABARONDO. Mélanie est une vieille amie, croisée la première fois au Lycée Notre-Dame des CITEAUX à KIGALI. Plus tard, on se croisera en exil, à Bruxelles, autour du combat pour la justice au sein du Collectif des Parties Civiles en Belgique pour faire juger les auteurs du génocide des Tutsi :
Nyiranjara Stéphanie 67 ans (maman de Mélanie)
Musabyeyezu Marie 42 ans ( petite sœur de Mélanie)
Usengimana Ignace ( fils de Marie)
Umugwaneza Yvonne ( fille de Marie)
Kayihura Bernard 38 ans( frère de Mélanie)
Kayihura Mugorukeye ( femme de Bernard)
Kayihura Kangeyo ( leur fille )
Kayihura Rwagaterura ( leur fils)
Athanasie Kananzobe ( tante de Mélanie)
Murikanwa Béatrice ( fille d’Athanasie)
Kagoyire Assumpta ( fille d’Athanasie)
Iragena Stéfano (fils d’Athanasie)
Mwiseneza Jean (fils d’Athanasie)
Mukakayonga M. Goretti (femme de Jean) et leur nourrisson de 4 mois.
Les autres victimes :
Rudashirikaka Fidèle : 47 ans
Rudashirikaka Dafroza
Rudashirikaka Edouard,
Mbola : 35 ans
Kayumba : 40 ans
Mpfizi J. de Dieu
Kayiranga
Abayisenga
Mudaheranwa Denis : 48 ans
Mukambuguje Gaudence
Kabwebwe
Gahutu
Ngabonziza Elie : 40 ans
Ruzindana Godefroy
Tarcice fils Kamanzi
Rutagengwa Petero
Mugiraneza : 45 ans
Ngango Théoneste : 48 ans
Seminega Alex : 21 ans
Kanyangoga Célestin : 18 ans
Ntakiyimana Jean : 7 ans
Nshimiyimana Evode : 5 ans
Mukampfinzi Athanasia : 97 ans
Mukamunana Gratia : 32 ans
Nsinzabahizi J de Dieu : 12 ans
Niyomungeri Carole : 3 ans
Rwakabwa Faustin : 28 ans
Nyirabashumba Léokadia : 67 ans
Gahonzire Laurence : 30 ans
Bajeneza Georgia : 28 ans
Mukakibibi Bernadette : 75 ans
Mukamusoni Cécilia : 65 ans
Nyirabucari Theresia : 70 ans
Bugingo Dany : 69 ans
Kanyandekwe J.Bosco : 46 ans
Rajabu
Ruhingana Théogène: 20 ans
Kagobya Théogène : 17 ans
Cyarukweto Pilote : 17 ans
Mumararungu Théoneste : 10 ans
Kanyonga Odetta : 22 ans
Mayonde : 5 ans
Rudasingwa : 20 ans
Musaniwabo Donata : 30 ans
Bavumiragira : 70 ans
Nyirabikari : 65 ans
Makobana : 5 ans
Kagina Cléphace : 95 ans
Kasine Verdiana : 70 ans
Ruganintwari Tharcice : 32 ans
Gahutu Venantie : 30 ans
Karagire : 5 ans
Rutayisire : 32 ans
Mbagire Espérance : 25 ans
Maneza : 4 ans
Mahoro : 9 mois
Kayobya Enoch : 66 ans
Kankundiye Agnès : 60 ans
Muvunyi : 20 ans
Ntirenganya : 16 ans
Mukankubana Eveline : 47 ans
Ngaboyiranga : 1 an
Rukingamabiri Canisius : 29 ans
Uwanyirigira Providence : 28 ans
Mafirimbi Dominique : 10 ans
Kabaloni : 8 ans
Nduwayo : 6 ans
Makobwa : 3 ans
Karuganda Denis : 61 ans
Nyirafaranga Thereza : 58 ans
Mukandori Agnès : 40 ans
Majyambere Emilie : 20 ans
Mugabekazi Béata : 22 ans
Masoho Jérome : 18 ans
Uwanziga : 16 ans
Mukamisha : 14 ans
Kayiranga : 12 ans
Gatete Théogène : 10 ans
Nyiranuma : 3 ans
Kanyarupangu : 88 ans
Gakwaya Antoine : 57 ans
Karekezi Mathieu : 61 ans
Cyaboshye Adèle : 70 ans
Ngiruwonsanga Saverine : 60 ans
Mugesera : 30 ans
Rutayobya Thadée : 50 ans
Rutayobya SHAMI : 38 ans
Kimonyo Shami : 2ans
Mukagasana Spéciosa: 50 ans
Muhawenimana: 20 ans
Makobwa Angélique : 9 ans
Sebashaka Célestin : 22ans
Sagisoni Jean : 75 ans
Kanagwa : 25 ans
Gasagwa Claver : 18 ans
Macali : 16ans
Makobwa : 14 ans
Bizimungu Saver : 62 ans
Murekatete Angelique : 18 ans
Kalima : 16 ans
Nkubito Eugene : 20 ans
Gahirima André : 55 ans
Kibweceli : 10 ans
Rusizana : 14 ans
Rwemalika Dismasi : 42 ans
Mukakanyemera Anastasia : 65 ans
Rutagengwa Sekamare : 20 ans
Rupfakarengane
Muhirima Isaac : 42 ans
Mukaruhumuliza Belancila : 38 ans
Kanyabazungu : 14 ans
Nizira : 8 ans
Kimonyo : 4ans
Mukamuhigirwa : 18 ans
Mugesera : 3 ans
Mudaheranwa Vedaste : 49 ans
Mukamurangira Primitiva : 45 ans
Mukantwari Godeliva : 30ans
Ntirenganya : 15 ans
Mukamutsinzi : 16 ans
Niyita : 8 ans
Niyita : 8 ans
Byiringiro : 6ans
Mugabekazi : 4 ans
Munyakarambi : 40 ans
Gahigi Théodore : 42 ans
Bikorimana Bosco : 16 ans
Nshimiyimana Janvier : 14 ans
Munganyimana Mathilde : 12 ans
Dusabyeyezu Christina : 10 ans
Bahigi Tarsisi : 48 ans
Mugenzi Serufigi : 10 ans
Ndayisenga : 6ans
Sumuniza : 12ans
Bishyundu : 2 ans
Kalisa Olivier : 18 ans
Uwamaliya Chantal : 16 ans
Rusagara Jean : 12 ans
Ntirushwamaboko François : 46 ans
Mukagatare Léocadie : 42 ans
Ntirushwamaboko Olivier : 16 ans
Ntirushwamaboko Christian : 14 ans
Ntirushwamaboko Hervé : 11 ans
Ntirushwamaboko Roger : 9 ans
Ikirezi : 7 ans
Mwerevu Jean- Baptiste
Kankera Athanasie : 80 ans
Mukagatete Cécile : 56 ans
Mukakamanzi Scholastique : 46 ans
Uwamwezi Denise : 26 ans
Kagabo Evariste : 18 ans
Bimenyimana J.Jacques : 8 ans
Mukagasana Spéciosa : 49 ans
Muhawenimana
Munyancogora Toto
Uwamahoro Francine
Rucogoza
Rudomoro
Nakabonye
Mungarurire Jean-Pierre
Gatete Charles
Gatera
Gatete
Muteteri
Murekatete
Rwamihigo Jerome
Kaburame
Murenzi
Mugabo Benoit
Mbindigiri
Kayiteta
Murorunkwere
Mukaruhira Daforoza
Mukaruhigira Josephine
Butera
Murebwayire Edith
Kampundu Vestina
Musonera
Munyawera
Emmanuel et Innocent
Rudasingwa
Mutabazi Josephine
Nsengiyumva Chrisante
Kananzobe Athanasie
Murikanwa Béatrice
Mwiseneza Jean
Mwiseneza Mukamanzi et leurs 2 enfants
Kagoyire et ses 2 enfants
Gahima Eularie
Zirimabagabo
Mwiza
Mishahi
Cyibuka Bruno
Nikuze
Kibingi
Nyiramatana
Kabasinga.
Ici, à Paris, ce 29 juin 2016, dans cette Cours d’assises n° 3, une histoire de Kabarondo vient de s’écrire… une preuve indélébile de ce qui s’est passé au Rwanda en 1994. Nul ne pourra dire que cela n’a pas eu lieu. La justice est un préalable à toute réconciliation, et à toute reconstruction : la reconstruction des êtres, la reconstruction de la société rwandaise et la reconstruction du Rwanda en tant que Nation.
« ..N’oubliez pas que cela fut, non, ne l’oubliez pas… » Primo Lévi
Mes remerciements vont à la Cour.
Mes remerciements vont à nos avocats, Maîtres Michel LAVAL et Sophie DECHAUMET, qui travaillent à nos côtés depuis toutes ces années. Ce procès n’aurait jamais vu le jour sans eux. Maître LAVAL est le premier avocat parisien à nous avoir tendu la main, il n’a pas hésité, il n’a pas eu peur de cette histoire et pourtant…
Merci à Claire et Laura, stagiaires, pour leur générosité, leur précieuse contribution, qu’elles soient remerciées.
Merci aux membres du CPCR, qui portent ce travail avec nous : sans eux, rien n’aurait été possible.
A nos amis de Reims, qui se sont succédé pendant tout ce procès, à tour de rôle, discrètement, dans cette Cour d’assises : ils nous portent depuis 22 ans, sans jamais se décourager, sans jamais faillir !
Aux rescapés de notre famille au Rwanda, qui ont compris l’importance de ce travail indispensable, exigeant, rigoureux. Leur contribution, dès 1996, a été déterminante.
A la famille RWAYITARE, qui a joué aux parents de substitution pour nos enfants pendant que nous parcourions les collines du Rwanda à la recherche de preuves.
A deux amies, qui ont apporté le pique–nique tous les jours pour nous éviter la fringale.
Ma profonde affection à nos enfants dont l’immense générosité nous a permis de faire ce travail de « Mémoire et de Justice ». Notre manque de disponibilité a dû peser à certains moments de leur existence et ça continue. Il n’est pas facile d’avoir des parents comme nous ! Ils nous ont acceptés sans jamais nous juger, sans jamais nous rejeter, bien au contraire, ils nous ont entourés de leur soutien, de leur amour. Nous ne les remercierons jamais assez.
Questions des jurés.
Question: « On sait que le passé et le présent sont très liés, pouvez vous nous parler du présent, de l’avenir. Vous avez parlé de reconstruction et de réconciliation. »
Dafroza GAUTHIER: « J’ai été portée par cela, par la reconstruction, vous avez bien entendu qu’il n’y avait pas d’animosité entre Hutu et Tutsi avant, bien avant. Mais le génocide a tout détruit, et pas que du côté des victimes. Le présent, c’est la reconstruction et la justice qui va nous permettre de parler ensemble, de faire des projets ensemble et de voir l’avenir ensemble. »
Question: » Que pensez vous ce qui se passe au Congo aujourd’hui? »
Dafroza GAUTHIER: » Je vais être très, très, très brève: c’est la conséquence directe du génocide. De là vient la déstabilisation de la Région des Grands Lacs. »