Procès MUNYEMANA, jeudi 23 novembre 2023. J8



Audition de monsieur Jean-Damascène MUNYANEZA, détenu cité par l’accusation, en visioconférence de Kigali.

Comme il s’agit de la première visioconférence, le colonel LESAFFRE, attaché militaire à l’ambassade de France à Kigali, se présente. C’est lui qui est chargé de l’organisation des visioconférences.

L’interprète, Maurice, prête serment.

Le témoin commence par dire qu’il connaît l’accusé. il a effectué quelques travaux de menuiserie chez lui, avant le génocide. Il évoque aussitôt les réunions au cours desquelles le génocide a été planifié par le groupe auquel appartenait Sosthène MUNYEMANA et qui avait créé un « comité de crise ».

Ils ont d’abord désigné les gens qui pourraient remplacer les Tutsi influents au cas où ces derniers viendraient à être tués. Puis, le 22 avril vers 8 heures, Hutu et Tutsi s’étaient rassemblés au Centre de Santé de Rango. Sosthène MUNYEMANA a demandé aux Hutu et aux Tutsi de se séparer: les Tutsi sont partis à Kabakobwa et les Hutu sont rentrés chez eux. Mais dans l’après-midi, on a demandé aux Hutu de se rendre à leur tour à Kabakobwa pour tuer les Tutsi.

Le témoin évoque ensuite l’attaque de la maison de Déo NKURIKIYIMANA. L’accusé aurait tiré sur le chien trop agité puis sur le gardien de la maison. Les membres de la famille n’ayant pas été trouvés chez eux, les tueurs sont partis à KABAKOBWA. (NDR. Symphrose, l’épouse de Déo, était partie au Burundi avec son mari qui avait voulu revenir. Il aurait été tué dans les marais en contrebas du Groupe scolaire de Butare. Avec un prisonnier, nous avons cherché pendant plusieurs heures le lieu où il aurait pu être enterré, en vain).

Enfin, le 6 juin 1994, le témoin raconte qu’il a été obligé, avec d’autres tueurs, d’aller débroussailler  les alentours du Campus étudiant de Butare. Ils y auraient tué quatre personnes. C’est ainsi que se termine sa déposition dite « spontanée« .

Monsieur le président va soumettre le témoin à une série de questions. Il a bien été condamné  à la réclusion criminelle à perpétuité par une Gacaca pour les crimes dont il vient de parler. Crimes qu’il aurait commis avec Sosthène MUNYEMANA. Il confirme qu’il a livré aux tueurs la famille de sa mère, une Tutsi. Par contre, il a épargné cette dernière. Il reconnaît avoir été membre du MDR Power[1], comme l’accusé. Il a eu des discussions politiques avec MUNYEMANA qui lui a dit que le MDR était un parti de Hutu depuis toujours. Le docteur était un homme important parce que tout ce qu’il ordonnait était exécuté. C’était un personnage important car il faisait partie du groupe qui se réunissait chez SINDIKUBWABO[2] pour préparer le génocide.

Lors de son audition devant les enquêteurs français, il avait dit qu’il existait quatre comités distincts.

  1. le comité de crise qui s’est réuni le 19 avril. Avec l’accusé, des personnages connus dont Pauline NYIRAMASUHUKO, la ministre de la famille[3], Siméon REMERA, le bourgmestre KANYABASHI et d’autres.. Objectif: prévoir le remplacement des élites tutsi. Le témoin précise que son atelier de menuiserie était tout près de chez SINDIKUBWABO. Un familier de son père lui a tout raconté.
  2. le comité de pacification
  3. le comité de sécurité qui, le 21 ou le 22 avril, a empêché les Hutu de s’entretuer. Le témoin n’a pas cité la présence de l’accusé, mais cela ne veut pas dire qu’il n’était pas là.
  4. le comité de rondes du 17 avril auquel MUNYEMANA aurait participé. Ce dernier serait ensuite allé au bureau de secteur pour sensibiliser les gens.

Au président qui lui fait remarquer qu’il est le seul à parler des réunions chez SINDIKUBWABO, le témoin rétorque que, « si les autres n’en ont pas parlé, ça ne me regarde pas. Mon atelier était à côté de chez SINDIKUBWABO. »

A la réunion du 17 ou 18 avril chez le président à laquelle il a participé, le témoin déclare que les responsables ont défini qui était l’ennemi, qu’il était interdit de cacher un ennemi et qu’il fallait se débarrasser de lui par force. Quant à la réunion au bureau du secteur, Sosthène MUNYEMANA y a bien pris la parole. Ses paroles reflétaient bien les propos qu’il avait tenu au Centre de Santé de Rango. Il leur a aussi demandé de rester vigilants et de « ne pas laisser de brèche à l’ennemi« . Comme les Hutu avaient commencé à tuer sur les collines environnantes (Nyaruhengeri, Gishamvu), « il ne fallait pas rester inactifs« .

Monsieur le président entreprend de résumer les propos du témoins qui confirme. De rajouter qu’il conduisait les Tutsi vers des fosses communes où ils étaient exécutés. Dans la quartier, il y avait plusieurs chefs dont il donne les noms. MUNYEMANA avait bien transformé le bureau de secteur en lieu de détention. Ce bureau n’a jamais été un lieu de refuge.

Toujours sur question de monsieur le président, monsieur MUNYANEZA confirme qu’il a bien trouvé un pistolet chez MUNYEMANA, après son départ, pour le remettre aux nouvelles autorités. Il en connaissait la cache.

Madame Sophie HAVARD, l’avocate générale, confirme que dans « Aucun témoin ne doit survivre »[4],  Alison DES FORGES a bien parlé du débroussaillage autour du Campus pour y débusquer les Tutsi qui s’y cachaient. C’était un ordre du bourgmestre KANYABASHI.

Maître DUPEUX demande au témoin s’il est bien détenu au Rwanda (sic) et s’il a bien été condamné à perpétuité. Monsieur MUNYANEZA confirme (NDR. Était-ce nécessaire ?)

Maître BOURG demande au témoin combien de fois il a témoigné. Sans même le laisser répondre, elle énumère toutes les instances dans lesquelles ce dernier a été invité à témoigner: l’auditorat militaire, la cour pénale de Nyanza, les gacaca[5] de Nkuri et Tumba, dans une affaire aux USA, au TPIR[6] contre KANYABASHI, devant les enquêteurs canadiens. Et l’avocate de conclure: « Ce témoin travaille à temps plein« . (NDR. S’il a témoigné aussi souvent, ce n’est probablement pas à sa demande mais qu’on l’a sollicité. Il n’en a pas obtenu pour autant de remise de peine!)


Audition de monsieur François RUDAHUNGA, cité par l’accusation.

Le témoin de commencer par dire qu’avant le génocide la population de Tumba vivait en paix. Ce n’est qu’après l’attentat contre l’avion du président HABYARIMANA que les gens ont commencé à se soupçonner: les massacres ont commencé le 21 avril.

À la question du président qui lui demande s’il est Tutsi, le témoin répond qu’il est Rwandais. Il a perdu des membres de sa famille mais pas sur les lieux pour lesquels l’accusé est poursuivi. Monsieur le président ne comprend pas pourquoi, devant les enquêteurs français il a refusé de livrer les noms des victimes de sa famille. En fait, c’est parce qu’il craignait que ces noms soient livrés à la presse.

Le témoin avait de bonnes relations avec avec MUNYEMANA, c’était son ami (NDR. D’ailleurs, à la fin de son audition, madame MUNYEMANA viendra le saluer chaleureusement), plus encore un ami de son beau-frère. Ce qui ne l’empêche pas de parler de l’accusé comme d’un membre du Hutu Power. Ils se rencontraient aussi au bar de RUGANZU, comme tout le monde. Avant le génocide, Hutu et Tutsi se réunissaient là.

Le témoin confirme que lors de la réunion du 17 avril, Sosthène MUNYEMANA a bien pris la parole pour dire qu’une dizaine de Hutu de Kigembe se trouvaient chez lui, chassés de chez eux par des Tutsi venus du Burundi. Façon de semer la panique chez les habitants de Tumba. Les conseillers de cellule ont alors été limogés, dont l’oncle maternel du témoin. Des barrières ont été érigées le 19 avril et les massacres ont commencé le 21.

Monsieur RUDAHUNGA reconnaît avoir été caché avec sa femme chez un gendarme, Thaddée dont il était voisin. Ne le voyant plus, il ne sortait que la nuit, les gens ont cru qu’il était mort. Si la plupart des témoins cités dans le document d’African Rights « Le boucher de Tumba« [7] n’ont pas confirmé les propos qui leur étaient prêtés, ce n’est pas le cas de monsieur RUDAHUNGA, même si ce n’est pas ce qu’il a dit aux enquêteurs français. C’est son ami Thaddée qui lui a dit que MUNYEMANA était en possession des clés du bureau de secteur. Il n’a pas vu de cadavres mais il entendait les cris des suppliciés.

Maître DUPEUX s’étonne que le témoin ne se souvienne pas, en 2010, des propos de MUNYEMANA, alors qu’aujourd’hui, en 2023, il confirme les propos de l’accusé: « Quand dites-vous la vérité, en 2010 ou en 2023? » Le témoin confirme que ce qui est vrai, c’est ce qu’il dit aujourd’hui, ce qu’il a dit à African Rights. (NDR. L’avocat de la défense a eu du mal à obtenir une réponse cohérente du témoin. Mais par ses questions alambiquées il a perdu et la cour et le public. Monsieur le président lui fait remarquer que plus personne n’y comprend rien. Maître DUPEUX de conclure: « Mes questions ne servent à rien si la mémoire qu’il avait perdue en 2010 lui revient aujourd’hui. » Comprenne qui pourra!

Avant de clôturer l’audience, monsieur le président souhaite poser une ou deux questions à monsieur Anaclet DUFITIMUKIZA qui a témoigné la veille[8] et qui est toujours dans la salle. Il voudrait savoir si le témoin a vu des réfugiés arriver à Tumba. Le témoin confirme. Par contre, s’il n’a pas vu de cadavres sur les chemins du quartier, c’est parce que les Tutsi étaient tués au bord des fosses communes.

Maître BERNARDINI demande au témoin de confirmer s’il a bien sauvé de la pendaison Gaspard, un de ses clients. Monsieur DUFITIMUKIZA confirme et en précise les circonstances.

Mr BIRIGANDE explique qu’à Tumba auparavant, les gens vivaient en paix ensemble, mais qu’à partir de l’attentat contre le président HABYARIMANA le 6 avril 1994, la peur a commencé à s’installer. La population savait par Radio Rwanda que les choses se passaient très mal à Kigali, qu’il commençait à y avoir des massacres.

Le témoin habitait la maison juste à côté de celle de Mr Siméon REMERA, le président de la CDR, et était très proche de ses fils qui avaient environ le même âge que lui (17 ans à l’époque). Il a observé que beaucoup de gens lui rendaient visite, des gens déjà convaincus du fait que le Tutsi était l’ennemi. Parmi les gens qui se réunissaient chez REMERA, il y avait notamment MURERA, Venant NTIRABAMPA, MAMYERERI . Monsieur BIRIGANDE a aussi reconnu monsieur Sosthène MUNYEMANA. Selon lui, tout le monde connaissait ce médecin et il était un modèle de réussite pour les jeunes. Il était MDR Power, car tout le monde savait aussi les appartenances politiques des gens importants de Tumba.

Inquiets des évènements qui se déroulaient, le témoin s’est renseigné auprès de ses amis David et Eric, les fils de REMERA et son épouse GEMMA, qui lui ont indiqué que ce groupe se rencontrait chaque soir pour organiser les tueries et qu’ils dressaient des listes de gens à tuer, listes qui étaient gardées par Sosthène MUNYEMANA

Au cours du mois d’avril, les actions de ce groupe ont pris de l’ampleur. C’étaient des gens importants et ils recrutaient des personnes parmi la population pour les former au maniement des armes dans le but de tuer.

Le 19 avril, Eric a informé le témoin et son grand frère Jean-Paul que les listes des personnes à tuer élaborées par ce comité étaient prêtes, et qu’ils étaient dessus. Le début des tueries était prévu pour le 20 mais les organisateurs sont allés chercher des armes et des fusils et ça a été reporté au 21.

Le témoin et son frère se sont cachés dans les champs de sorgho quand il y a eu la première attaque. Après ça ils ont décidé de s’enfuir. En partant, Mr BIRIGANDE explique être passé devant chez RUGANZU et devant le bureau de secteur pour aller chercher KARANGANWA. Les organisateurs du génocide étaient en liesse dans ces lieux et tiraient en l’air en partageant de la bière. Parmi eux le témoin a reconnu sieur MUNYEMANA.

Cette nuit- là, il a fui au Burundi avec son frère. Toutes les personnes qu’ils ont laissées derrière eux ont été tuées: leur mère, leur grand-mère, leurs deux sœurs et l’enfant que l’une avait, leur oncle maternel et ses 5 enfants.

Après que des questions lui ont été posées concernant le fait qu’il n’ait jamais été entendu auparavant par la justice française, monsieur BIRIGANDE explique que, ne vivant plus à Tumba depuis le génocide, il n’était pas au courant qu’il y avait des investigations. La défense s’est plainte de ne pas avoir pu se préparer face à ce témoignage.


Audition de Mme Jeanne d’Arc MUKAKAMARI, témoin de Survie, en visioconférence depuis le Rwanda, partie civile

Madame MUKAKAMARI, qui s’exprimait par le biais d’un interprète depuis le Rwanda, raconte avoir perdu une partie de sa famille durant le génocide des Tutsi. Elle avait alors 22 ans et était mariée à un Hutu. Cette alliance lui a sauvé la vie car dès qu’elle a su qu’elle était menacée, son mari est resté chez eux pour la protéger. Elle ne pouvait pas sortir durant cette période, de même que deux voisins Tutsi qu’elle et son mari cachaient chez eux.

Elle a perçu très tôt cette atmosphère d’insécurité et ne s’est pas rendue, ni elle ni son mari, à la réunion du 17 avril organisée au bureau de secteur par le conseiller BWANAKEYE.

Elle se souvient avoir entendu parler de lui par l’enfant métisse d’un voisin qui avait environ 18 ans en 1994 et qui se nommait RITEGO. Il lui aurait raconté que des réunions avaient lieu chaque soir chez Siméon REMERA avec MUNYEMANA RUGANZU et KABIRIGI entre autres. RITEGO se cachait derrière la fenêtre pour entendre leurs conversations et en rapportait la teneur à la témoin : l’organisation des massacres.

Dans cette localité, elle connaissait comme tout le monde le médecin MUNYEMANA même si elle dit ne lui avoir jamais parlé en raison de la différence de catégorie sociale. Elle a entendu dire qu’il était en possession des clés du bureau de secteur.

Madame MUKAKAMARI est la demi-sœur des deux autres témoins déposant cet après-midi, monsieur Jean de Dieu BIRIGANDE et monsieur Jean Paul RWIBASIRA.


Audition de monsieur Jean-Paul RWIBASIRA, témoin de Survie, partie civile

Le témoin a rencontré MUNYEMANA vers 1993 quand celui-ci est arrivé à Tumba. Il en parle comme quelqu’un qui était connu en raison de son rang de médecin et qui était réputé pour son intelligence.

À Tumba, l’attentat contre le Président HABYARIMANA marque l’apparition d’une suspicion entre les gens. Monsieur RWIBASIRA note que vers le 10 avril, des personnes ont commencé à se rendre chez son voisin Siméon REMERA, un extrémiste chef de la CDR[9] à Butare, parmi lesquelles Sosthène MUNYEMANA mais aussi un certain Martin , RUGANZU, Fidèle MURERA, Vincent MUREKEZI Venant NTITABAMPA. Le témoin avait 25 ans et était curieux de voir ce que ce groupe faisait. Il explique alors avoir utilisé le neveu de REMERA, Eric KAMENERO alias RITEGO, qui venait voir son frère pour avoir des informations. Celui-ci venait 3 ou 4 fois par jour, en se cachant pour ne pas éveiller les soupçons.

Il racontait que ces réunions préparaient les massacres des Tutsi du secteur de Tumba. L’accusé aurait eu l’idée de faire appeler les chefs de dizaines de Hutu pour dresser la liste des Tutsi à tuer qu’il gardait avec lui. Une autre idée de MUNYEMANA était de conduire les Tutsi au bureau de secteur de Tumba pour les y tuer car le fait de ne pas éparpiller les morts en divers lieux permettait à la fois de savoir qui avait été tué et qui ne l’était pas, de ne pas trop alerter ceux qui étaient encore vivants pour les trouver plus facilement, de faciliter l’enfouissement des corps et d’éviter le risque de maladie apporté par les cadavres restés sur le sol.

Aux alentours du 16 ou 17 avril, RITEGO a averti monsieur RWIBASIRA que les listes étaient faites.

C’est aussi le 17 avril vers 13/14h qu’une réunion a été annoncée et que les Hutu et les Tutsi devaient s’y rendre. Plusieurs autorités étaient présentes et ont dit qu’il n’y avait pas de problème dans le secteur donc qu’il ne fallait pas fuir. MUNYEMANA avait pris la parole pour dire que des réfugiés Hutu venant de la localité d’où est originaire sa femme étaient chez lui et avaient fui les massacres commis par les militaires burundais Tutsi qui voulaient les tuer. Selon le témoin, ces propos ont créé un sentiment de suspicion et de peur dans la population. Les gens sont rentrés mais n’étaient pas tranquilles.

La réunion s’est poursuivie entre les responsables mais dont certains ont été exclus, comme Jeanne dont le mari était Tutsi et Denis qui était Tutsi aussi. En réponse au président SOMMERER, monsieur RWIBASIRA réfute avoir entendu l’accusé dire que les ennemis étaient les Tutsi mais qu’il a pu le dire durant la deuxième partie de cette réunion.

RITEGO a prévenu le témoin et son frère que le génocide commencerait le 20 avril. Il n’a finalement commencé que le 21 à Tumba car la veille les organisateurs étaient partis chercher des armes à feu. monsieur RWIBASIRA raconte qu’un véhicule est arrivé avec des jeunes hommes criant « nous allons vous tuer! » très tôt le 21 et qu’il est allé se cacher dans la forêt. Il a fui ce soir-là et en passant pour emprunter une route qu’il savait ouverte, il aurait vu les autorités au bar de RUGANZU en train de boire. Près du domicile de ce dernier, il a entendu beaucoup de bruit et a vu que KARANGANWA, le voisin de RUGANZU avait été tué.

Quand il est revenu de son exil au Burundi, toutes les personnes de sa famille qui vivaient dans sa maison étaient mortes. Le témoin n’a retrouvé que le corps de sa grand-mère mais ses voisins n’ont jamais voulu lui dire où était la sépulture de ses autres proches.

Intervention de Mr Sosthène Munyemana

L’accusé revient sur la réunion du 17 avril 1994 en avançant que ses propos « ont été complètement modifiés ».

Les réfugiés qui étaient chez lui seraient arrivés au cours de cette réunion et c’est son fils de 11 ans qui serait venu le prévenir. Ces personnes n’étaient pas des Hutu mais des Tutsi qui fuyaient les troubles et qui étaient pourchassés. Il dit n’avoir jamais parlé de militaires burundais Tutsi.

En retournant à la réunion, l’accusé n’a pris la parole que pour informer les gens de cette venue sur demande du conseiller BWANAKEYE.

Monsieur MUNYEMANA assure n’avoir jamais assisté à des réunions chez Siméon REMERA. D’ailleurs celui-ci était isolé à Tumba et buvait toujours seul dans le bar de RUGANZU.

L’accusé se dit victime depuis 1995 de ce qu’on cherche à l’associer à des extrémistes alors que ce n’est pas vrai. Avant REMERA, un document l’avait déjà relié à un autre membre de la CDR et il s’est avéré que cette pièce était fausse.

Concernant le premier témoin de la journée, Mr Jean Damascène MUNYANEZA, Sosthène MUNYEMANA l’accuse d’avoir négocié sa peine en échange de son témoignage et tente de le démontrer en s’appuyant sur le fait qu’il a témoigné partout à travers le monde? Ce qui prouverait qu’il s’est professionnalisé. Monsieur le président SOMMERER remarque néanmoins que lors de l’audition de ce jour, il portait toujours l’uniforme orange des détenus.

Alain GAUTHIER, président du CPCR

Margaux MALAPEL, bénévole au CPCR

Jacques BIGOT pour la présentation et les notes

 

  1. MDR : Mouvement Démocratique Républicain. À partir de 1993, la plupart des partis politiques se sont disloqués en deux tendances : une extrémiste dite « power » (ex. MDR-POWER; MRND-POWER; PL-POWER, etc), et dite « modérée », rapidement mise à mal, cf. glossaire[]
  2. Théodore SINDIKUBWABO deviendra président du GIR (Gouvernement Intérimaire Rwandais) pendant le génocide. Voir Focus – L’État au service du génocide.[]
  3. Pauline NYIRAMASUHUKO: ministre de « la Famille et du  Progrès des femmes » à partir de 1992 jusqu’à la fin du génocide, n’hésite pas à inciter les tueurs, voire son fils Shalom, à violer les femmes tutsi. Jugée au TPIR et condamnée à perpétuité en 2011, peine réduite à 47 années de prison en 2015. Voir également: Madame Pauline, la haine des Tutsis, un devoir historique, podcast de France Culture, 28/4/2023.[]
  4. Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda, Human Rights Watch, FIDH, rédigé par Alison Des Forges, Éditions Karthala, 1999[]
  5. Gacaca : (se prononce « gatchatcha »)
    Tribunaux traditionnels au Rwanda, réactivés en 2001 et opérationnelles à partir de 2005, en raison de la saturation des institutions judiciaires pour juger des personnes suspectées de meurtre pendant le génocide. Composées de personnes élues pour leur bonne réputation, les Gacaca avaient une vocation judiciaire et réconciliatrice, favorisant le plaider coupable en contrepartie de réduction de peines. Près de 2 millions de dossiers ont été examinés par 12000 tribunaux gacaca avant leur clôture officielle le 18 juin 2012,
    cf. glossaire.[]
  6. TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda, créé à Arusha (Tanzanie) par la résolution 955 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le 8 novembre 1994 (en anglais ICTR).[]
  7. « Sosthène Munyemana – Le boucher de Tumba : en liberté en France« , African Rights, avril 1996 – document archivé sur « francegenocidetutsi.org« []
  8. Voir l’audition d’Anaclet DUFITUMUKIZA, 22/11/2023[]
  9. CDR : Coalition pour la défense de la République, parti Hutu extrémiste, créé en mars 1992, au moment des massacres de Tutsi dans le Bugesera. La CDR a également une milice, les Impuzamugambi., cf. glossaire[]

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