Procès MUNYEMANA, jeudi 14 décembre 2023. J23 – Textes

Plaidoiries des parties civiles.

Apparaîtront sur cette page les plaidoiries que les avocats des parties civiles nous auront transmises. Nous les remercions pour avoir accompagné les parties civiles dans ce procès au long cours.


 

Plaidoirie de maître Hector BERNARDINI, avocat des associations Survie et Cauri.

Monsieur le Président, Mesdames et  Monsieur les assesseurs
Mesdames et Messieurs les Jurés

Non, ce n’est pas une anomalie.

Ce n’est pas un hasard si mon confrère et ami Jean SIMON et moi sommes ici devant vous pour nous exprimer au nom de l’association SURVIE, de l’association CAURI et de 16 personnes physiques, dans un procès qui porte sur des faits vieux de 29 années révolues qui se sont déroulés dans un pays étranger, à l’encontre de victimes étrangères…

Pour les mêmes raisons, ou presque, ce n’est pas un hasard si, à l’heure actuelle, le jury de la Cour d’assises de Bruxelles est en train de délibérer dans un autre procès concernant deux ressortissants rwandais accusés de participation au génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda en 1994.

C’est en partie lié au passé colonial de nos pays et au sinistre héritage que nous avons laissé dans la région des Grands Lacs et qui malheureusement perdure encore aujourd’hui sous de nouvelles formes.

Ce n’est pas un coïncidence si les militants de l’association SURVIE sont assis sur les bancs de la partie civiles avec les militants de CAURI venus de Bordeaux pour assister à ce procès, cote-à-côte avec les associations de rescapés.

J’aimerais rendre hommage à leur abnégation, à leur opiniâtreté et les remercier de la confiance qu’ils nous font pour porter certains de leurs combats. Une confiance qui nous honore.

Pour circonscrire mon propos je vous dirai un mot sur ces associations. Pourquoi sont-elles à leur place sur les bancs de la partie civile? Puis avec le temps qui m’est imparti, je tâcherai de vous démontrer comment l’Histoire s’est mise au service de la Justice dans ce procès. Comment Histoire et Justice interagissent dans une forme de dialogue.

D’abord l’association SURVIE – vous vous souvenez de l’intervention de Madame Dawidowicz la semaine dernière. C’est cette association créée il y a près de 40 ans qui réunissaient des personnes mobilisées contre la faim dans le monde qui a ensuite mué.

Les militants de SURVIE se sont rapidement rendu compte que le problème était plus profond. Et que la politique africaine de la France se limitait à exploiter les ressources naturelles et géopolitiques des pays francophones : une forme de « post-colonialisme »

Pour l’Élysée, le Rwanda est un état de la francophonie qui fait partie de son « pré carré ».

À mesure que le Front Patriotique Rwandais progresse, les intérêts de la France reculent.

C’est une des clés de la compréhension historique de ces faits.

Une clé pour comprendre comment la France, aveuglée par la lutte contre le Front Patriotique Rwandais soutenu par l’Ouganda Anglophone, va écrire une des pages les plus sombres de son Histoire depuis la guerre d’Algérie ou l’occupation nazie.

De fil en aiguille, depuis 1990, les intérêts Françafricains ont donné lieu au renforcement du soutien accordé au régime ethniciste de Juvénal HABYARIMANA, à l’entrainement et l’armement des militaires et gendarmes Rwandais par la France, et j’en passe.

Voilà – trop rapidement pour moi et certainement trop longuement pour vous – pourquoi la France a une responsabilité « lourde et accablante » dans le génocide pour reprendre les mots du rapport de la Commission de recherche sur les archives françaises dite « Commission Duclert » publié en mars 2021[1].

Comme pour l’accusé, le cœur du débat se trouve dans ce que nous avons appelé le « NIVEAU DE CONNAISSANCE » du projet génocidaire.

C’est pour cela que l’un des principaux axes de défense des personnes accusées de génocide consiste à nier le caractère planifié du génocide.

Revenons sur SURVIE. Le combat de SURVIE contre l’impunité des responsables du génocide est aussi devenu emblématique pour l’association car c’était l’association présidée à l’époque par Jean CARBONARE dont vous avez entendu le témoignage poignant au JT d’Antenne 2 le 28 janvier 1993 qui – tout juste rentré du Rwanda avec Alisson Desforges et Éric Gillet –  parle plus d’un an avant de « génocide » et de « crimes contre l’humanité ». Il insiste sur ces termes et dénonce la systématisation des massacres de populations civiles en réponse aux incursions du FPR[2]

Mais la France n’a pas réagi. Au contraire, le soutien a perduré au-delà du raisonnable. Et depuis 29 ans, les militants de SURVIE militent pour la vérité et la justice, contre l’impunité et le silence.

L’association CAURI, c’est la « petite-sœur » girondine de SURVIE,

Pourquoi dis-je petite-sœur ? Car CAURI a été créée le 30 septembre 2000 et elle portait alors le nom de « SURVIE AQUITAINE » avant de changer de nom en 2003 pour devenir CAURI.

À Bordeaux, en juin 1994, est né un collectif girondin pour le Rwanda. – on en a beaucoup parlé et la défense s’en est beaucoup servi pour faire un écran de fumée et jeter le discrédit sur l’accusation.

Le collectif avait à sa tête James VUNINGOMA et Gilles DUROU. Tous les deux décédés aujourd’hui, ils ne peuvent plus désormais nous expliquer comment ont été collectés les documents produits à l’appui de la première plainte dans ce dossier. Ce qui est sûr c’est qu’on voudrait faire porter à ces morts un costume un peu trop grand. La défense aura tenté en vain de nous faire croire qu’une basse vengeance politique et qu’un règlement de compte téléguidé de Kigali par les vainqueurs aura guidé la plume de cette plainte.

Nous avons entendu Jean-François DUPAQUIER, l’un des signataires de cette plainte. On ne peut pas sérieusement croire que les premiers plaignants aient été motivés par une quelconque finalité politique.

Madame MUKANTABANA faisait également partie des premiers plaignants. Et nous la représentons aujourd’hui à titre personnel en sa qualité de rescapée et survivante des massacres. Elle était membre du collectif girondin et elle est l’actuelle présidente de l’association CAURI.

Qu’est ce qui en a été réellement pour ce collectif ? Dès le commencement de l’opération militaire française dite « Opération Turquoise » le 22 juin 1994, ce collectif a commencé́ à faire des actions de mobilisation, de sensibilisation en organisant des conférences, en invitant des spécialistes comme la journaliste Colette BRAECKMAN ou encore l’historien Jean-Pierre CHRÉTIEN. En organisant des collectes pour venir en aide aux habitants d’un pays ravagé.

En 1995, Gilles DUROU se rendra au Rwanda acheminant la collecte des Bordelais, notamment du matériel médical.

Puis chaque année, le collectif organisera des commémorations le 7 avril.

Ce collectif deviendra « SURVIE AQUITAINE » en 2000.

Vous comprenez que l’une est l’autre des associations sont animées de la même flamme.

Ensemble ils sont engagés dans un combat perpétuel contre la banalisation des actes et des discours génocidaires et dans une lutte contre l’impunité et le négationnisme.

Dans ce contexte particulier qu’est celui de la France, ni les uns ni les autres, pas plus que les rescapés que nous avons rencontrés, ne sont animés d’un quelconque sentiment de vengeance mais plutôt d’une soif de Justice…

* * *

Dans ce prétoire, nous avons convoqué toutes les sciences humaines pour examiner les faits que la Cour doit juger : la sociologie, la psychologie, la politique, la diplomatie, et les relations internationales, l’Histoire et évidemment vous finirez par un peu de science juridique…

C’était passionnant. Enfin pour ceux qui comme moi se sont laissés passionner par l’implosion du parti MDR et de l’essor du Mouvement « PAWA » dans le contexte de crise sociale et politique fin 1993 et de ce que les extrémistes du parti MDR ont appelé la « trahison » de Faustin TWAGIRAMUNGU.

Parfois on a cherché sur le terrain de la logique et de la raison, les traces d’une très fantasmatique troisième voie devenue voie médiane incarnée par Dismas NSENGIYAREMYE.

Encore aujourd’hui la perpétration du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 continue de faire couler beaucoup d’encre et de mettre au défi notre intellect.

Je le disais, ce n’est pas un hasard si vous, Mesdames, Messieurs les magistrats de la Cour et vous, Mesdames et Messieurs les jurés vous avez été plongés dans l’Histoire du Rwanda vue de Paris, telle qu’elle nous est rapportée par André GUICHAOUA et Alison DES FORGES pour ne citer qu’eux.

Et ce n’est pas une simple coïncidence si l’intégralité de l’audience est filmée pour les générations futures. Ce n’est pas seulement lié à la gravité des faits que vous avez à juger.

Dans ces procès du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda en 1994, Justice et Histoire dialoguent.

Chaque procès apporte sa contribution au récit historique du génocide et bien entendu la caractérisation des faits passe nécessairement par l’appréciation de la vérité historique grâce au recul que nous apportent 30 ans de recherches.

Souvenez-vous comment les constats historiques et judiciaires nous ont permis de questionner la véracité des déclarations de l’accusé :

Comment, à la lumière des écrits d’Alison DES FORGES[3] peut-on encore en 2024 prétendre que le GIR[4] avait des intentions louables au moment de lui prêter allégeance le 16 avril 1994 ?

Monsieur Eric GILLET a parfaitement décrit le rôle des intellectuels de l’université dans la subversion de la préfecture de Butare pour « homologuer » le message du gouvernement.

André GUICHAOUA décrit aussi parfaitement tous les efforts déployés par le GIR pour corrompre les esprits et gagner cette préfecture entre le 6 et le 19 avril 1994 dans son ouvrage « Butare, la préfecture rebelle ».

Peut-on avoir affaire au seul citoyen Rwandais qui ne comprend pas le message du gouvernement qui consiste à dire en façade que l’on condamne les massacres aveugles mais qu’en même temps il faut débusquer l’ennemi qui se cache parmi nous ? Alors qu’il ressort des débats que personne ne pouvait se méprendre sur le double langage employé par le gouvernement et martelé sur Radio Rwanda.

Cela commence des années avant. C’est la rhétorique de l’infiltration qui va contaminer les esprits:

  • Les Nilotiques et Ethiopiens ont infiltré le Rwanda.
  • Les Tutsi libéraux ont infiltré les autres partis.
  • Les Tutsi ont changé leur ethnie.

Après le discours de Léon MUGESERA, prononcé lors du rassemblement MRND du 22 novembre 1992, il n’y a plus de doute possible. Le journal de propagande KANGURA est clair :

Il faut « liquider la vermine ».

Il faut « écraser les cafards », les Inyenzi.

Surtout, MUGESERA finit par ces mots : « Celui à qui vous ne couperez pas le cou. C’est celui-là même qui vous le coupera ».

Dans le chapitre d’Alison DES FORGES sur la propagande (« Aucun témoin ne doit survivre », p. 93) elle évoque : « une assimilation généralisée et soigneusement élaborée entre le Tutsi et le FPR ».

Si bien que, pendant le génocide, on ne peut pas douter qu’une allusion à l’ennemi de l’intérieur soit une attaque dirigé contre les Tutsi. C’est le double langage.

Alison DES FORGES déplore les trop rares prises de parole des politiciens qui déclaraient explicitement que les Tutsi n’étaient pas tous complices du FPR.

Ce n’est pas ce que fit l’érudit et le fin analyste politique Sosthène MUNYEMANA, l’ami de Jean KAMBANDA, lui-aussi passé maître dans le maniement du double langage. Sa déclaration de soutien au gouvernement intérimaire du 16 avril 1994 est un modèle de la rhétorique gouvernementale.

Eric GILLET l’a bien démontré. Cela procède d’un double mouvement. D’un côté on prête allégeance au gouvernement et on homologue le message du gouvernement. Et de l’autre on adresse à la communauté internationale un discours de façade. Pro-Arusha.

La ligne de défense de l’accusé ne résiste pas à l’analyse politique. On ne peut pas être pro-extrémiste hutu, pro-GIR et pro-Arusha. C’est justement l’opposition aux accords d’Arusha qui a cristallisé les tensions et fait émerger la mouvance trans-partisane HUTU-POWER[5].

Ce sont des acquis des débats. Cela ressort de toute la littérature, de la jurisprudence du TPIR[6]

D’autres axes de défense ne résistent pas au récit historique du génocide.

Stephen SMITH nous a dit qu’il y avait des barrières tous les 200 mètres. Alain VERHAAGEN qui a traversé le Rwanda de part en part pendant le génocide a aussi décrit qu’il y avait des barrières à tous les carrefours.

Pouvait-il – comme l’accusé tente de nous le faire croire – ne pas y avoir une seule barrière dans la cellule de Gitwa entre la maison du premier ministre et le bureau de secteur, entre ces deux bâtiments à forte valeur symbolique, sur le principal axe routier du secteur de Tumba ?

S’il était, comme il se prétend, un hutu modéré ouvertement partisan des accords d’Arusha à base élargie, dans quelle mesure sa vie n’aurait-elle pas été immédiatement menacée ? Comment peut-il à la fois être chef de ronde, membre du conseil des sages et du comité de sécurité et se prétendre opposant politique ?

C’est un des enseignements d’André GUICHAOUA. Les premiers jours qui ont suivi l’attentat contre l’avion présidentiel donnent immédiatement lieu à des règlements de comptes et à l’assassinat de tous les Hutu dits « modérés ». Toutes les voies qui comptent ont été immédiatement réduites au silence.

C’est un peu comme lorsque dans l’Allemagne nazie le 30 juin 1934 les SS ont exécuté l’essentiel des membres des SA dans ce qu’on appelle « la nuit des longs couteaux« . On fait taire les voix dissidentes au sein d’un camp pour légitimer une dérive extrémiste.

Les notables et les intellectuels modérés étaient en tête des listes des personnes à exécuter.

Comment l’accusé peut-il se prétendre un modéré ouvertement favorable aux accords d’Arusha, vaquer tranquillement à ses occupations, aller au marché de Rango et à l’Hôpital de Butare, circuler librement entre le 7 avril et le 22 juin 1994?

Les réponses apportées par l’accusé pourraient être comiques si on ne parlait pas de telles atrocités et de morts littéralement indénombrables…

Monsieur le Président, vous avez eu une réaction d’ébahissement hier en réalisant que nous parlions d’environ 300 morts sur le seul site du bureau de secteur et la défense de vous rappeler qu’il s’agissait de « disparitions » par de morts…

La Cour appréciera.

Ces faits heurtent nos esprits et questionnent notre humanité. On se dit que ce n’est pas réel.

Éventration des femmes enceintes / enfants noyés dans les fosses septiques.

Si on le conscientise, ça vous prend aux tripes. Ça vous fait jaillir les larmes aux yeux.

Recueillir la parole des rescapés est une tâche laborieuse mais nécessaire. Examiner le souvenir traumatique à l’aune de la vérité est une tâche difficile à laquelle la Cour a été confrontée.

Mais au fil des jours, la réunion d’une centaine de points de vue permet d’avoir une vision assez précise de ce qui s’est passé au Rwanda à partir du 7 avril, comment le GIR a subverti la préfecture de Butare entre le 12 et le 19 avril et comment la mécanique génocidaire s’est emparée de Tumba à partir du 21 avril.

J’ai la plus grande sympathie pour vous, mesdames, messieurs les jurés qui avez dû vous plonger pendant cinq semaines dans l’atrocité de ces crimes.

Comme nous, avocats et magistrats, vous emporterez après votre verdict un peu de la noirceur des crimes que vous aurez jugés.

L’horreur des crimes du génocide est un puit sans fond dans lequel on peut se perdre.

L’Histoire du génocide est un sujet presque inépuisable dans lequel l’œuvre de Justice prend une part majeure.

Filip REYNTJENS, Hervé DEGUINE et Stephen SMITH vous ont dit que le débat serein ne pouvait avoir lieu en France, qu’on ne pouvait introduire de la nuance.

Je trouve au contraire qu’on s’en est pas mal tiré. Qu’en pensez-vous ? C’était relativement calme et serein. Le débat a eu lieu, contradictoirement, que vous Monsieur le Président avez fait un usage tout à fait modéré de la police d’audience.

Je vous disais en préambule que l’Histoire et la Justice dialoguent.

Mais la Justice n’est pas un spectacle. Le procès est avant tout un acte judiciaire.

Thémis (déesse de la Justice) doit y avoir le pas sur Clio (la muse de l’Histoire). »

Ici, dans cette enceinte judiciaire, le plus important est l’œuvre de Justice.

Vous aurez bientôt à déterminer le sort de quelqu’un qui ne s’est certainement jamais sali les mains, quelqu’un qui n’a certainement jamais porté de coup de machette.

Vous aurez à juger celui que Venant GASHONGORE qualifiait – lorsqu’il avait toute sa tête – de « GENOCIDAIRE AVEC UN STYLO »

Pour cela, vous devrez monopoliser toutes vos connaissances et votre raison, vous devrez dire où se situe la vérité, pour que vos constats viennent nourrir l’Histoire du génocide qui continue de s’écrire…

 

Plaidoirie de maître Jean SIMON, avocat des associations Survie et Cauri.

J’interviens dans cette affaire aux côtés de mon confrère Hector BERNARDINI avec lequel j’ai l’honneur de défendre 16 personnes physiques parties civiles ainsi que deux associations les associations CAURI et SURVIE dont mon confrère vient de vous parler.

Dans un premier temps je vous dirai quelques mots pour nos clients rescapés du génocide commis contre les Tutsi au Rwanda et à Tumba en 1994.

Ces personnes physiques sont au nombre de 16.
Nous défendons plusieurs familles différentes.

Celle de Jean de Dieu BIGIRANDE, Jean-Paul RWIBASIRA, Jeanne d’arc MUKAKAMARI qui ont tous les trois été entendus par votre cour dans cette salle le 23 novembre derniers et qui ont détaillé le nombre colossal des membres de leur famille exterminés et les rares qui ont pu s’en sortir comme eux et comme leur oncle Gaspard NTITANGIRAGABA qui est cet homme qui pendant le génocide a été sauvé du suicide par le gendarme Anaclet … ce dernier vous ayant expliqué qu’il avait décroché Gaspard qui était en train de se pendre désespéré de son sort de Tutsi destiné à être traqué, chassé et exécuté
Sa femme Jacqueline UWIMANA,
La famille de Jean-Marie Vianney GASHUGI que vous avez également entendu le 24 novembre dernier.
Assumpta MUHOZAÏRE, Joselyne MUGENI, Josine MUTESI,

La famille de Vincent Nyandwi HABYARIMANA entendu le 29/11 devant votre cour et qui a déposé à plusieurs reprises dans le dossier d’instruction,
Sa sœur Vestine UWIMANA,
Emmanuel NGADIMANA entendu le 4/12 qui vous a confié avoir perdu plus de 40 personnes de sa famille pendant le Génocide et la quasi-intégralité de son cercle proche à Tumba,

Et quatre personnes physiques qui n’ont pas pu déposer devant votre Cour :
• Laetitia UMUKOBWA
• Jean-Baptiste KARASIRA
• Adélaïde MUKANTABANA
• Espérance MUJAWIMANA
Ces personnes physiques sont toutes des rescapés du Génocide commis à Tumba en 1994 et/ou des ayants droits de victimes du Génocide commis contre les Tutsi à Tumba au Rwanda en 1994.

Il m’était obligatoire de citer les noms de ces personnes qui nous ont accordé leur confiance afin de porter leur parole car finalement 29 ans après les faits subis, la parole est la seule chose qui leur reste afin de faire vivre leur mémoire et celle de leur famille.

La parole apparaît comme un thème central de cette affaire 
Non seulement la parole des victimes mais aussi la parole des témoins et bien évidemment la parole de l’accusé.
Je vais vous demander de revenir au tout début de nos débats et de revenir précisément au jour de l’ouverture de ces débats.
Posture de base de la défense avec un accusé qui répond à la question de savoir si les faits sont reconnus va immédiatement répondre à la question du Président de savoir quelle était sa position par rapport aux faits qui lui sont reprochés.
« PRÉSIDENT : Vous reconnaissez les faits ?
Sosthène MUNYEMANA : Je reconnais que ce que j’ai fait était dans l’esprit de sauver des gens devant le danger de mort immédiate. »
Et la défense qui plaidait son incident et qui avait la parole en premier en tant que demandeur d’indiquer :

  • Avant toute chose (et je cite) l’immense compassion pour les victimes du génocide, nous sommes parfaitement conscients du substrat dans lequel se situe cette affaire. Personne d’entre nous ne peut le contester.
  • Le deuxième élément soulevé portait sur le commencement de cette affaire

Une première singularité qui réside dans le fait que cette procédure a commencé le 9 novembre 1995. Elle a commencé sur une plainte déposée à Bordeaux avec des « attestations plutôt contestables et des documents qualifiés comme des faux ».

• Le troisième élément était de mettre en avant une autre particularité de ce dossier à savoir le fait qu’il n’avait que très peu d’élément matériel dans cette affaire, tout se situe dans des témoignages humains, tout le monde sait la fragilité des témoignages humains, 28 ans après.
La défense revenait également sur le fait que nombre de parties civiles allaient et se sont constituées au tout début de cette audience sans avoir pu être entendues avant même le début de ce procès.

On insistait immédiatement sur la fragilité des témoignages, sur la qualité de la mémoire pour raconter des épisodes vieux de près de 30 ans. La défense prétendait alors qu’en l’absence d’auditions de ces personnes pendant l’instruction, Sosthène Munyemana n’allait pas être en mesure de se défendre, que ce procès était marqué par une inégalité des armes et devenait inéquitable avant même qu’il ne se déroule, faute pour la défense de pouvoir exercer ses droits.

Ainsi la défense avait habilement, dès une déclaration préliminaire avant même le début des débats, jeté les bases de sa stratégie qui a consisté à faire immédiatement part à votre Cour, et à continuer à le faire durant toute l’audience, de la grande suspicion qu’elle portait aux témoins.

Les rôles voulaient être tout de suite totalement inversés :

  • L’accusé serait en réalité un homme qui avait tenté de sauver les personnes qu’ils pouvaient en fonction de ses moyens, et
  • Les témoins qui le mettaient en cause devenaient extrêmement suspects de manière générale.

Deux éléments complémentaires méritent d’être soulignés :

Il nous était rappelé l’arrêt de la chambre d’instruction qui a relevé :
« Il ressort par ailleurs des procédures portant sur le génocide rwandais que certains témoins se sont « professionnalisés » en espérant tirer quelques avantages d’une procédure menée à l’étranger, portant ainsi des accusations parfois fantaisistes envers la personne faisant l’objet de l’enquête.
D’autres témoins qui ont été entendus plusieurs fois, par des personnes différentes, ont pu faire évoluer leurs déclarations de manière consciente ou non, influencés par différents facteurs, le temps étant le plus important ».

Et enfin dernier élément :

On ajoutait enfin une autre dimension à la stratégie de défense : ce procès n’était rien d’autre qu’un procès politique point que nous avons encore évoqué hier soir pour clôturer les débats.
Le décor d’un procès prétendument inéquitable était planté avec en arrière-plan l’œil de Kigali qui planait au-dessus de ce procès et le pouvoir de Kigali à la manœuvre pour exercer des pressions afin de soutenir de prétendues fausses accusations.

Ces éléments annoncés dès l’ouverture des débats sont en réalité les éléments sur lesquels Sosthène Munyemana a fondé sa défense durant les 5 semaines passées ensemble dans cette cour d‘assises.

Or les débats ont apporté des réponses très claires sur chacun de ces points et démontré le parfait contraire des arguments soulevés.

LA PAROLE DES TEMOINS ET CELLES DES VICTIMES 
Cette parole des parties civiles est essentielle.
Les parties civiles sont victimes et très souvent témoins de faits qui en l’espèce sont hautement traumatiques.

• Vous garderez en mémoire les propos de Madame WAINTRATER, psychologue clinicienne, qui travaille spécialement sur les traumatismes extrêmes et notamment sur le Génocide des Tutsi au Rwanda en 1994*.

• Vous vous rappellerez que Monsieur le président a considéré ce témoignage comme un éclairage nouveau par rapport à tous ceux qu’on a entendus en début de procès. Il précise que pour les jurés ils vont devoir interpréter le témoignage à l’aune de la vérité (NDR. Peut-être eût-il été plus profitable, pour les jurés, s’ils avaient entendu madame WAINTRATER plus tôt. Cela leur aurait permis de mieux savoir comment accueillir tous les témoignages qu’ils ont entendus.)

• Que nous a dit Madame WAINTRATER ?

• Elle a relevé que le survivant aborde son témoignage à la fois comme un événement attendu mais aussi craint.

• Pour un rescapé, le témoignage est un évènement attendu car le fait que la justice se prononce sur la culpabilité de l’accusé est extrêmement important pour lui en ce que la justice le réintègre dans la communauté des hommes.

• Événement craint car le rescapé a peur de ne pas être cru, il a peur de mal faire, de mal dire, d’oublier, de se tromper. Son témoignage est personnel mais toujours à dimension collective. Les événements, il les a vécus avec d’autres, les membres de sa famille, de la communauté dans laquelle il vivait et doit déployer des efforts gigantesques pour trouver la force de dire, de raconter, de décrire des faits hautement traumatiques.

• Le témoin oppose la mémoire traumatique à la mémoire dite normale ; à quel point le récit, la formulation des faits subis, la parole apparaît comme essentiel non seulement pour caractériser les faits mais aussi pour libérer les rescapés.

• Dans la mémoire traumatique s’opère un clivage entre le moi qui s’observe et le moi réel. Tout ce qui est affectif est refoulé. Il existe un phénomène de dissociation. Lors du témoignage du rescapé, il est demandé de retourner dans l’événement traumatique, il faut rassembler les deux événements dissociés. Dans la vie, il existe des flashs traumatiques qui ramènent la personne au temps du traumatisme. On demande à celui qui témoigne un effort considérable car on attend de lui un récit cohérent. Or, le traumatisme n’est pas forcément cohérent. Il y a le temps du traumatisme et le temps d’après. S’il n’arrive pas à rétablir cette cohérence, il va se sentir nul, incompris.

Le traumatisme peut donc amener le témoin à formuler des contradictions possibles car mise à distance des affects du traumatisme.
Et il est même possible d’avoir l’impression d’un récit peu fiable si on ne lui accorde pas une attention toute particulière.
Etant enfin précisé que forcément 29 ans après les faits de G qui a sa propre temporalité, des incohérences et des divergences factuelles surgiront nécessairement dans certains témoignages et c’est le contraire qui serait en réalité suspect.
Divergences dans certains témoignages :
• Peuvent s’expliquer par l’effet du temps, rappelons que le décalage temporel est de près de 29 ans après les faits.

LE PROCES EQUITABLE : l’exercice des droits de la défense
À l’instruction les fausses accusations 
Le départ de ce dossier:
• le document d’African Rights et les attestations à l’appui de ce document ;
• le rapport du haut-commissariat des Nations Unies, ce document personne ne s’est appuyé dessus pendant l’instruction ;
• la question de la professionnalisation des témoins,
• Instruction fausses pièces dégagées par l’instruction tout comme les témoins non fiables
Tous ces éléments ont en réalité été évacués dès l’instruction menée par les juges d’instruction français.
Ce qu’il s’est passé à l’instruction : les juges d’instruction ont fait leur travail, ils ont instruit, ils ont cherché à vérifier la force probante de chaque élément qui leur était soumis, ils ont cherché les personnes qui avaient pour attester et ont demandé à leurs enquêteurs d’aller les entendre ou les ont entendus par eux-mêmes,
Les pièces rejetées par l’instruction : le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies, l’article African Rights et les attestations à l’appui.
Or l’instruction a fonctionné en ce que ces pièces ont été purement et simplement écartées
Des personnes ont été entendues et il est vrai que le mystère de savoir qui exactement est responsable de la production du faux rapport des NU est restée non résolue.
Mais chacune des personnes a été entendue et chacun a dit précisément aux enquêteurs
et dans le cadre de cette instruction, S. Munyemana a pu se défendre et obtenir des non-lieux sur nombre d’accusations qui pesaient sur lui comme notamment les accusations en rapport avec ce qui s’est passé à l’hôpital de Butare ;
Que l’ouverture soit contestée par la défense on peut l’entendre mais ce qui compte et ce qui saisit votre cour et ce qu’il en resté après l’arrêt de la Chambre de l’instruction car les éléments à charge et à décharge ont tous été passés au peigne fin et ceux insusceptibles de constituer une charge ont été écartés.

• Durant cette audience 
La procédure est française ;
Les garanties de notre procédure devant la Cour d’assises avec l’oralité des débats ;
Exercice complet des droits de la défense ;
Les citations auxquelles la défense a fait procéder ;
Les pièces produites quasiment tous les jours ou devrais-je dire tous les soirs ou tous les matins ;
Les notes ;
Les observations régulières des conseils de S. Munyemana après des témoignages ;
L’homme qui dort avec son dossier ;
Les plans établis par l’accusé ;
Le report à ces notes durant ses interrogatoires pour aller chercher la cote précise du dossier dont il voulait se servir ;
Ces interrogatoires en fin de chaque journée quasiment durant lesquels il a pu faire valoir tous les arguments et analyses qu’il souhaitait développer ;
La défense a eu à chaque fois la parole en dernier et aura la parole en dernier avec deux conseils puis l’accusé qui aura l’opportunité s’il le souhaite d’ajouter une dernière déclaration ;
La parole à la défense en dernier.

LA PAROLE DE L’ACCUSE :
Parlons-en de la parole de l’accusé avec quelques réflexions fondées sur ce qui a été dit durant cette audience.
Et parole de l’accusé dans le cadre de l’exercice de sa défense.

Un élément frappant : 
On a beaucoup entendu l’accusé durant les plus de 5 semaines que nous avons passées ensemble et se dégage de ce procès une impression très étrange celle suivant laquelle vous restez de marbre blindé émotionnellement, incapable de faire passer ce que vous avez pu réellement ressentir.
Difficile de se prononcer sur votre personnalité profonde on a eu l’impression que vous refusiez de vous livrer réellement de nous montrer qui vous étiez vraiment.
On vous a réclamé de sortir des analyses a posteriori, mon confrère Foreman en premier lieu, votre défense, et le Président de la Cour qui s’y est associé hier encore, on vous a demandé d’aller à l’essentiel, de sortir des analyses permanentes pour tenter de nous apporter des images permettant de visualiser les scènes, d’apporter de la chair, des sentiments, de la vie, en réalité et de cesser les analyses froides, factuelles et dénuées d’affects et de sentiments et qui apparaissent loin de la réalité des faits pour ne pas dire de la vérité.
Déclaration spontanée d’hier (mercredi matin) pour tenter de remettre les choses en place après un interrogatoire de la veille.
Comme dans une carapace ; touché après les échanges d’hier soir.
Compassion et sympathie qui ne se manifeste pas mais tout le temps je l’ai en moi
Question du président : vous vous souvenez de détails incroyables et d’autres Déclaration spontanée d’hier (mercredi matin) pour tenter de remettre les choses en place
Question du président : vous vous souvenez de détails incroyables et d’autres moments où vous ne livriez rien?
Difficulté à manifester les émotions.
« Comme dans une carapace » ; Pas resté enfermé dans une bulle
touché après les échanges d’hier soir
Compassion et sympathie qui ne se manifeste pas mais tout le temps je l’ai en moi.
Difficulté à manifester les émotions vous essayiez de nous dire qu’on ne voyait pas mais que vous ressentiez.

Conclusions de l’expert DAHAN qui finalement pour la première fois dans cette audience apportait un éclairage sur votre personnalité:
Tests projectifs on retrouve cela dans les trois tests projectifs.
Une partie de sa personnalité est meurtrie.
Clivage du moi : met dans un tiroir l’impuissance, la colère et l’autre partie lui permet d’exister comme si tout ça n’avait pas existé ; à tout moment le clivage peut sauter particulièrement dans une situation exceptionnelle.
L’autre doit s’adapter à moi.
L’autre n’a pas à être respecté.
Affects négatifs réprimés.
Blindé émotionnellement (on l’a constaté à l’audience et 4 voire 5 semaines de procès permettent de se faire une idée sur la personnalité de chacun).
Traits paranoïaques.
Pulsions agressives de rage de colère d’absence d’empathie : ressentis de l’enfance.
A grandi en étouffant tout cela.
Deux personnalités totalement indépendantes qui ne se parlent pas.
Négation de l’autre, négation de la liberté de l’autre (négation de la parole de l’autre) : ce que je trouvais intéressant dans cette analyse c’est que pour une fois on obtenait au cours de cette audience un éclairage sur la personnalité de Sosthène MUNYEMANA qui pour le moins n’est pas
Mode de fonctionnement de façon binaire : les forts – les faibles ; victimes – bourreaux (on est en droit de s’étonner du fait qu’après avoir déposé si j’ai bien compté 20 personnes dans le groupe 1, 5 dans le groupe 2, 5 dans le groupe 3 et 11 dans le groupe 4 : soit 41 personnes pour lesquels à en suivre ses déclarations il a ouvert le bureau de secteur sans jamais, par la suite s’inquiéter du sort de ces personnes considérant qu’à partir du moment où il les avait enfermé il les avait mis en sécurité peut-être de façon temporaire.

Impression que deux mondes cohabitent ensemble sans communiquer entre eux sans se rencontrer.
Le monde « merveilleux et protégé » de Sosthène MUNYEMANA et le monde du Génocide.
Deux mondes qui ne se télescopent pas, qui ne communiquent pas ensemble.
• Il a prétendu faire des veillées de sécurité (même si personne n’a pu confirmer la réalité de ces rondes) qualifiées de ronde du bonheur et nous a expliqué en plus qu’en réalité il n’y a eu aucun affrontement avec les miliciens car chacun des deux sous-groupes formés était d’environ 7 personnes et se trouvait en nombre supérieur aux binômes ou trinômes de miliciens qu’il  pouvait croiser alors que des témoins ont indiqué que Tous les hommes du village pouvaient être obligés de participer aux rondes
/ Organisation des rondes fait partie du plan génocidaire rondes dans lesquels les miliciens les Interahamwe étaient non seulement armés mais en grand nombre et violents
• Il nous a dit avoir vu en tout et pour tout un cadavre et n’avoir jamais vu de fosses mais simplement avoir appris leur existence
/ il y a une fosse à 350 mètres de chez lui où plus de 259 corps ont été dénombrés Fosse de KARANGWANA à quelques centaines de mètres de chez lui.

• Il ne voit qu’une barrière mais pas près de chez moi mais pas trop près quand même alors qu’on sait également que les barrières n’ont été rien d’autres que des lieux de détection des Tutsis et d’extermination des Tutsi et qu’il y en a eu beaucoup qui ont été érigées dans le pays et à Tumba notamment.

• Il nous a également expliqué avec ses termes qu’il y avait des réfugiés pour lesquels il n’avait qu’ouvert avec la clef qu’il détenait un lieu de refuge / il les enferme dans un lieu, le bureau de secteur qui a été comme tous les bâtiments officiels durant le Génocide, comme les églises des lieux d’extermination.

• le plus parlant est de rappeler les mots de Venant KAGERUKA l’un des principaux témoins à charge qui est décédé peu de temps avant la tenue de ce procès mais qui a été entendu durant cette instruction et qui a d’ailleurs été confronté à l’accusé. Il est d’ailleurs frappant que le seul rescapé du Bureau de Secteur n’ait dit pas une seule fois que s’il s’en était sorti c’était grâce à l’action de Sosthène MUNYEMANA et le fait que ce dernier l’ait enfermé dans le Bureau de Secteur.

• Au contraire Venant KAGERUKA, parlait du Bureau de Secteur comme d’un « lieu de transit vers la mort » ; Venant KAGERUKA a parlé d’un «  camp de concentration » ; il a dit être dans l’œil du cyclone sous surveillance ; en danger de mort permanent dans le couloir de la mort.

LE PROCES POLITIQUE 
Et on nous rappelait que le Rwanda est loin d’être un pays démocratique, que l’accusé avait pu avoir des propos et des écrits dénonçant ce régime et que ce procès existait car Sosthène MUNYEMANA était présenté depuis 1995 comme une cible du pouvoir de Kigali qu’il fallait éliminer et réduire au silence.
On remarquera que Sosthène MUNYEMANA a pu être mis en cause par des articles de presse comme celui de Morgen dès août 1994 et donc avant sa prise de parole de 95…
Pour souscrire à cette thèse il vous faudrait admettre deux postulats absurdes :
• admettre une accusation en absence de tout élément matériel qui permettrait d’apporter le début du commencement d’une preuve suivant laquelle monsieur Sosthène MUNYEMANA serait visé par le pouvoir ; A ce titre, la défense n’a apporté aucun élément tangible dans la démonstration d’un début de persécution politique dont monsieur Sosthène MUNYEMANA serait victime de la part des autorités rwandaises au pouvoir

• admettre l’idée suivant laquelle le gouvernement rwandais aurait une influence sur la procédure française et donc sur la liberté des juges d’instruction

• Et allons plus loin un moment pourquoi Sosthène MUNYEMANA serait visé s’il n’avait fait que sauver des personnes Tutsi durant le Génocide …

• Comment l’œil de Kigali qui apparemment sait tout surveille tout et contrôle tout n’aurait pas vu qu’il ne s’agissait qu’un opposant très modéré incarnation d’une troisième voie aussi imaginaire qu’irréaliste qui aurait tenu un discours à Bordeaux devant une assemblée au cours d’une conférence contre le régime en place et sur le génocide qu’il n’a pas nommé et qu’il a dénoncé la dictature … Quel danger pour l’état rwandais ? Mes analyses ne plaisent pas.

Sur les sauvetages :
Dans le discours binaire je suis celui qui a essayé de sauver en fonction de ses moyens de sauver et de protéger les gens et donc il ne peut être complice ou auteur de Génocide.
Argument classique constaté dans plusieurs autres procès ce qui n’exclut pas la responsabilité de l’accusé dans les faits qu’on lui reproche
« C’est l’intention qui compte »

ROLE DE LA COUR D’ASSISES FRANÇAISE 
Témoignages par oui dires ne sont par nature irrecevables, ils sont au contraire courants et dignes d’intérêt surtout quand ils sont multiples et mesurés
MULTIPLES : Etant rappelé que ce n’est pas dans tous les procès d’assises qu’on peut vous citer des listes entières de personnes qui viennent sur un point précis mettre en cause l’accusé comme par exemple les synthèses que Monsieur le Président vous a fait avant de réinterroger l’accusé sur tel ou tel point
MESURES : On parle de présence à des réunions, de propos tenus, de personnes vues avec d’autres
Dans l’ensemble les témoins ont réitéré de façon circonstanciée et de façon globalement constante les faits qu’ils ont déclaré avoir personnellement vus

Ces témoignages, tous les témoignages sont en réalité soumis au pouvoir souverain d’appréciation de la Cour c’est-à-dire à votre attention, à votre clairvoyance, à l’effet que chaque témoignage et tout argument en découlant soulevé devant vous aura sur votre raison

Il vous faudra apprécier la valeur probante de chacun de ces témoignages, et pour ce faire vous reprendrez vos nombreuses notes, vous recouperez, vous comparerez, vous saurez retirer d’un témoignage, son essence et en quoi peut être retenue sa valeur, sa force probante

Je dois vous dire, monsieur Sosthène MUNYEMANA, qu’en réalité vous avez la chance d’être jugé par une cour d’assises françaises.

Le rôle de la Cour d’assises française :
Votre rôle est justement celui d’écouter attentivement chaque témoignage, de poser des questions, de faire le tri de prendre des notes,
De trouver une cohérence d’ensemble entre tous ces témoignages pour vous déterminer sur les lourdes charges qui pèsent sur l’accusé et pour forger votre intime conviction
Pour faire jaillir la vérité judiciaire et pour déterminer au final l’impression que les moyens soulevés auront eu comme impact sur votre raison

Conclusion :
Point commun entre toutes nos parties civiles
Lutte sur l’impunité
Vous avez entendu les réponses aux questions qui ont été quasiment systématiquement posées aux personnes constituées parties civiles en fin de leur déposition :
Qu’attendez-vous de ce procès :

et de façon quasi systématique il vous a été fait les mêmes réponses
Demandez à Sosthène où sont les corps de nos proches, de nos familles, des victimes point sur lequel la Cour ne pourra malheureusement pas faire grand-chose, et un second point essentiel, constaté d’ailleurs par madame WAINTRATER qui nous a expliqué que la position des survivants ou des revenants de la mort n’était pas un désir de vengeance mais un désir de justice

Rendez la justice telle est l’exigence des parties civiles, telle est votre mission.

  1. La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990-1994 – Rapport remis au Président de la République le 26 mars 2021.[]
  2. Le 28 janvier 1993, Jean Carbonare prévient à la fois l’Élysée et le public au JT de 20 heures de France 2: « On sent que derrière tout ça, il y a un mécanisme qui se met en route. On a parlé de purification ethnique, de génocide, de crimes contre l’humanité dans le pré-rapport que notre commission a établi. Nous insistons beaucoup sur ces mots. »[]
  3. Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda, Human Rights Watch, FIDH, rédigé par Alison Des Forges, Éditions Karthala, 1999[]
  4. GIR : Gouvernement Intérimaire Rwandais pendant le génocide. Voir Focus – L’État au service du génocide.[]
  5. Hutu Power (prononcé Pawa en kinyarwanda) traduit la radicalisation ethnique d’une partie des militants des mouvements politiques. À partir de 1993, la plupart des partis politiques se sont disloqués en deux tendances : une extrémiste dite « power » (ex. MDR-POWER; MRND-POWER; PL-POWER, etc), et l’autre dite « modérée », rapidement mise à mal, cf. glossaire.[]
  6. TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda, créé à Arusha (Tanzanie) par la résolution 955 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le 8 novembre 1994 (en anglais ICTR).[]

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Procès RWAMUCYO, jeudi 17 octobre 2024. J13

Auditions de Gonzalve RUBANZAMBUGA (ancien détenu de la prison de Karubanda à BUTARE), Aloys SIMPUNGA, ancien sous-préfet à KIGALI (en relation avec les services de la croix Rouge rwandaise sur des questions de Santé publique), Emmanuel MUTIRENDE (aurait participé au massacre de l'église de NYUMBA) et Emmanuel BIRASA (conducteur d'un bulldozer).