Procès en appel HATEGEKIMANA : mardi 19 novembre 2024. J11


 

Audition de monsieur Jacques MUSABYIMANA, condamné pour génocide et témoin direct des crimes auxquels se serait rendu coupable l’accusé, cité à la demande du ministère public. Entendu en visioconférence depuis Kigali.

La journée s’ouvre tardivement par le témoignage de monsieur Jacques MUSABYIMANA. Chauffeur indépendant en 1994, il était auparavant électricien. Il connaissait l’accusé car il s’occupait du réseau électrique des bâtiments publics et civils à NYANZA, dont le camp de gendarmerie. Il y a effectué des réparations. Le témoin a été condamné à 25 ans de prison pour génocide par la gacaca[1] de NYANZA, notamment pour sa participation à des meurtres et aux attaques de MUGONZI et de l’église de NYANZA.

Monsieur le président SOMMERER insistera durant toute la déposition pour revenir sur les différents éléments de manière chronologique. Ainsi, le génocide débuta à NYANZA le 22 avril 1994. Le témoin dit avoir vu ce jour-là des militaires, dirigés par le commandant des gendarmes de NYANZA, BIRIKUNZIRA. Avec lui venait le commandant à la retraite BARAHIRA, qui lui aussi « travaillait ». Pour monsieur MUSABYIMANA, ce « travail » correspond surtout à une surveillance et une supervision des massacres. Après s’être réfugié chez des voisins, le témoin dit avoir été retrouvé par des militaires (ou des gendarmes), qui lui ont demandé de participer à la traquer des Tutsi. Il indique ne pas avoir pu faire la différence entre militaires et gendarmes, car ils ont le même uniforme et avaient retiré le seul élément les distinguant, à savoir leurs bérets (NDR. Les militaires portent des bérets noirs, les gendarmes des bérets rouges). Par la suite, le témoin a exposé les trois occasions au cours desquelles il a vu l’accusé, qu’il appellera tout le long par son pseudonyme BIGUMA (NDR. Il ne connaît pas son nom et prénom).

Le 23 avril, l’accusé, accompagné d’un certain Jacques MUDACUMURA, serait venu chercher MUSABYIMANA et d’autres pour participer à des massacres à MUGONZI. Le témoin explique que Jacques MUDACUMURA était inspecteur scolaire, qui s’était présenté pour être bourgmestre mais avait échoué. Il était armé d’un fusil, comme BIGUMA. Le témoin explique qu’à ce moment-là, il était lui-même armé d’un bâton. Dirigés par BIGUMA et MUDACUMURA, le groupe dont fait partie le témoin ratisse systématiquement toute les maisons (même celles des Hutu) à la recherche de Tutsi à massacrer. La famille de Charles KITUMVA est attaquée : lui n’était pas présent, mais sa femme et ses trois enfants sont tués sur place, et ses biens pillés. Ils s’en sont également pris au professeur MADANGANYA, qui a été capturé et séquestré dans un véhicule avec d’autres personnes. Parmi elles, figurait une certaine Chantal, une jeune fille qui vivait plus haut dans la rue. Le véhicule en question était conduit par un employé de la laiterie, un dénommé SEGEMA. Selon le témoin, toutes ces personnes ont été tuées ailleurs, mais il ne saurait dire où. Pendant ces massacres, l’accusé et MUDACUMURA étaient repartis. Ils ont en revanche pris part à l’attaque, plus tard dans la journée, du domicile de la famille d’Aloys BAHORE, à NYANZA. BAHORE lui-même, en tant que gendre du président intérimaire SINDIKUKWABO[2], aurait été épargné. Les personnes retrouvées chez lui n’ont pas eu cette chance, et ont également été tuées ultérieurement par des militaires.

Le témoin explique que le lendemain matin, il a été chargé – en tant que chauffeur – par le commandant BIRIKUNZIRA de se débarrasser d’une cinquantaine de corps. Ce dernier lui a donné un véhicule Toyota, stationné au magasin TRAFIPRO, où étaient entassés des cadavres.

Ancien bâtiment Trafipro, @AG.

Le commandant a escorté le témoin jusqu’au camp de gendarmerie, où des hommes (gendarmes ou militaires) armés sont montés à bord de son véhicule. Ils lui ont indiqué qu’il devait se rendre à la rivière MWOGO pour y jeter la cinquantaine de cadavres. En rentrant, ils sont tombés, au niveau de la colline de NYAMIYAGA, sur des réfugiés Tutsi, parmi lesquels un ou plusieurs possédai(en)t des armes. Des tirs sont échangés entre ces réfugiés et les militaires/gendarmes. Le témoin reçoit une balle à l’épaule droite. Un gendarme lui a donné à ce moment-là une grenade, qu’il gardera par la suite. Ils rentrent au camp. Le commandant BIRIKUNZIRA décide d’envoyer un grand nombre d’hommes armés pour tuer ces réfugiés de la colline de NYAMIYAGA. Mais MUSABYIMANA n’y participera pas, et ne saurait en dire plus.

Église du Christ-roi à Nyanza – DR.

Le même jour, le témoin dit avoir été dirigé dans une nouvelle attaque – de l’église de NYANZA cette fois-ci – par BIGUMA et Jacques MUDACUMURA. Ils étaient accompagnés d’un autre gendarme, armé d’un fusil. Le témoin et d’autres tueurs sont ainsi rassemblés par l’accusé alors qu’ils se trouvaient au niveau de la barrière de MUGONZI. Cette barrière se trouve très proche de là où vivait le témoin. Une nouvelle fois, BIGUMA et MUDACUMURA organisent l’attaque. Ils donnent les ordres, distribuent les rôles : le témoin, alors armé d’un arc et de la grenade obtenue plus tôt, est positionné à l’extérieur, face aux portes de l’église pour veiller à ce que personne ne tente de s’échapper par l’arrière. Les tueurs ont, sur ordre de l’accusé, encerclé l’église. L’abbé Mathieu est capturé au cours de l’attaque, et abattu par balle à l’extérieur. Le témoin indique ne pas avoir vu le meurtre, car un buisson lui barrait la vue. Mais il a entendu deux coups de feu. Il en a déduit que BIGUMA et l’autre gendarme – qui sont les seuls à être armés de fusils à ce moment-là – ont tué l’abbé Mathieu. Une autre personne, Maman AUGUSTIN, est abattue à l’extérieur. Le témoin a largement précisé que cette attaque avait été menée par trois groupes de tueurs, et qu’ils étaient donc très nombreux. Monsieur le président SOMMERER soulignera quant à lui que BIGUMA a bénéficié d’un non-lieu pour les meurtres de l’abbé Mathieu et de Maman AUGUSTIN.

Deux jours plus tard, le témoin indique se trouver sur la barrière TRAFIPRO. S’y tenait également BIGUMA, armé d’un pistolet. Ils ont vu un homme courir, poursuivi par une foule. Le voyant, BIGUMA aurait dégainé son arme et abattu directement l’homme. Il aurait ensuite déclaré aux autres occupants de la barrière qu’il connaissait cet homme et qu’il les aurait tous exterminés. Le témoin comprendra par la foule qu’il s’agissait d’un militaire, le major KAMBANDA. Il a été tué car Tutsi. Puis BIGUMA serait reparti. C’est la dernière fois que monsieur MUSABYIMANA l’a vu. Le témoin a continué à tenir les barrières, jusque mi-mai 1994, date à laquelle NYANZA est prise par le FPR[3].

De ce témoignage, on retiendra en particulier le rôle de supervision et de contrôle assumé par l’accusé sur les barrières de NYANZA. Comme les autres militaires et gendarmes, il se rendait sur les barrières pour demander des comptes et des nouvelles aux civils qui les tenaient. Selon le témoin, BIGUMA se rendait très régulièrement chez Jacques MUDACUMURA avant de revenir distribuer des ordres. Les questions du ministère public seront ainsi l’occasion de préciser le fonctionnement de ces barrières. La barrière de MUGONZI avait été érigée par Jacques MUDACUMURA. La barrière TRAFIPRO l’avait été par des militaires. Les deux étaient très proches l’une de l’autre pour s’assurer que personne ne puisse y échapper (entre 250 et 350m, environ 2 minutes à pied). Au témoin d’indiquer qu’aucun Tutsi n’a été abattu au niveau de la barrière de MUGONZI. Il a cependant vu de nombreux cadavres au niveau de la barrière TRAFIPRO, située à l’entrée de NYANZA. La barrière MUGONZI se situait au niveau d’un « carrefour stratégique » (selon les mots de monsieur le procureur), le quartier étant habité par de nombreux Tutsi. Le témoin a précisé qu’elle se trouvait sur la route desservant trois écoles (une école scientifique, une école primaire et une école catholique). Selon monsieur MUSABYIMANA, il n’y avait pas de roulement prévu pour tenir les barrières ; ils y sont restés tout le temps pour éviter qu’il ne se passe quelque chose en leur absence. Cette présence constante était seulement interrompue pour prendre les repas. On fera également remarquer que le témoin a reconnu l’accusé sur une photo.

Fidèle à ses habitudes, la défense cherchera à décrédibiliser la déposition de monsieur MUSABYIMANA. Me LOTTE n’arrivera pas à lui faire dire que des prisonniers ont bénéficié d’allègements de peine en échange de témoignages à charge : le témoin n’en a tout simplement jamais entendu parler! Puis, l’avocat s’acharnera sur des éléments contradictoires dans la déposition du témoin, entre son audition initiale, la confrontation avec l’accusé et la déposition de ce jour. Interrogé sur ces contradictions, le témoin maintiendra ce qu’il a dit plus tôt (et donc ce qui est reporté plus haut) en retournant la question à l’accusé. Ces échanges donneront lieu à une véritable cacophonie, obligeant monsieur le président à intervenir. La défense ira jusqu’à demander de donner acte des contradictions du témoin, ce à quoi s’opposera le président. Me GUEDJ déclarera que le témoin « ment », et s’étonnera que le ministère public n’engage pas de poursuite contre le témoin pour « faux témoignage ». Monsieur le procureur fera très justement remarquer que ces contradictions peuvent se comprendre par une erreur de traduction ou une compréhension différente de la question par le témoin (NDR. Ladite question porte sur le « rôle de BIGUMA », à laquelle le témoin ne sait pas répondre. Si le témoin ne sait pas indiquer le rôle officiel et hiérarchique de l’accusé, il a pu en revanche décrire sur des pages entières l’implication concrète de BIGUMA dans le fonctionnement des barrières et la direction des massacres). Il fustige les tentatives de « saucissonner » ce témoignage. Et fidèle à ses habitudes, la défense se rassied après avoir une nouvelle fois échoué à décrédibiliser le témoin.

 

Audition de monsieur Olivier KAYITENKORE, partie civile.

Le témoin décline son identité, il est partie civile au procès.

Il est né au Burundi en 1973. À sa naissance, les Tutsi étaient déjà  persécutés. Ses parents étaient enseignants à NYAMASHEKE, une bourgade située entre CYANGUGU et KIBUYE. Son petit frère s’appelait Alain.

En 1975, sa famille est retournée au Rwanda et plus particulièrement à NYANZA. Il débute son école primaire à NYANZA en 1979, établissement dans lequel il commence à comprendre les problèmes entre les Hutu et les Tutsi. Il raconte la ségrégation que l’on établit entre les groupes. Il entendait de ses camarades de classe au collège, que les Tutsi étaient des « serpents », ce à quoi ils répondaient que les Hutus étaient des « éléphants« , tout cela sur le ton de l’humour.

En 1990, l’insécurité se fait vraiment ressentir et la guerre se déclenche au moment où il commence l’école des sciences. Sa famille et lui sont restés ici jusqu’en 1994 malgré la persécution des gendarmes et la distribution des tracts pour terroriser les Tutsi. Le matin de l’assassinat du président, elle est partie avec son frère dehors dans la rue et ils voient des groupes de personnes sur la route, notamment une personne avec un sac qui aurait pu contenir des armes. En appelant leurs proches à KIGALI, ils se rendent compte que beaucoup de personnes sont massacrées. Ils ont donc commencé à se cacher la nuit en dehors de leur maison.

Alors que les Hutu et les Tutsi vivaient ensemble, tout le monde se cachait ensemble en faisant des rondes communes. Vers la date du 15 avril, les Hutu avec lesquels ils se cachaient partent. Ils ont tellement peur que les parents et les enfants se séparent pendant la nuit. De leur cachette, le témoin pouvait entendre des coups de feu. Ils sont restés cachés jusqu’au 19 avril. Après le discours du président SINDIKUBWABO, incitant au génocide, les choses ont commencé à dégénérer à NYANZA[4].

Le 21 avril, sa mère et lui sont allés rendre visite à sa tante de NYANZA. Les gendarmes étaient présents, ils avaient des gourdins et des armes. Ils étaient 6 enfants et se sont enfermés chez eux. Le témoin sort quand même car il ne voulait pas mourir à côté des siens. Une dame l’accueille chez elle à 5 km de NYANZA. Le matin, ils retournent à NYANZA alors que tout le monde reste à NYABUBARE. Sur la route entre KIGALI et BUTARE, il entend de nombreux coups de feu. Il est recueilli par une autre membre de la famille. Le 22 avril, lui et d’autres jeunes Tutsi concluent qu’ils devaient partir au petit matin avec leurs vaches. Beaucoup sont partis en famille et certains sont resté en disant qu’ils se battraient jusqu’au bout.

À partir du 23 avril, le témoin a vu des barrières partout sur les routes. Au moment de la fuite vers le Burundi, ils ont croisé de nombreuses barrières. Le témoin précise qu’ils arrivent à traverser les barrières grâce à leur grand nombre. Arrivés à la frontière, beaucoup de personnes armées les attendaient et les ont attaqués. Mais des militaires burundais sont arrivés et ont commencé à tirer en l’air, ce qui a fait fuir les Interahamwe[5]. Ils ont levé les  bras en l’air pour se faire identifier comme Tutsi.

De son côté, il a nagé à travers la rivière et les autres personnes ont traversé avec l’aide des militaires burundais.

Pirogues qui ont servi aux Tutsi pour traverser l’Akanyaru vers le Burundi , ©AG.

 

M. le président demande ce que sont devenus ses parents. Le témoin explique que dans le courant du mois de mai, il a appris que NYANZA était tombée.  Donc il a décidé d’y retourner. Là-bas, il y a appris que son père avait été tué d’un coup de gourdin mais qu’aux dernières nouvelles sa mère était encore en vie, ce qui s’est révélé faux par la suite. Sa famille s’était cachée à GISI et à ce moment une femme qu’ils considéraient comme une amie de la famille, est venue les voir, sa mère, ses frères et ses sœurs. BIRIKUNZIRA aurait appelé cette femme pour lui dire que les Tutsi avaient été exterminés et cette femme aurait dénoncé sa famille. Les gendarmes et les Interahamwe sont arrivés, ont emmené sa mère et les enfants les plus grands, les ont emmenés sur une barrière. Les enfants ont chacun été tués devant leur mère avant qu’on lui assène un coup de gourdin et qu’on la jette sur le corps de ses enfants, sur lesquels elle a agonisé pendant plusieurs jours. Tout cela, il l’a entendu de personnes ayant vu la scène.

L’avocat demande si le quartier de MUKONZI était majoritairement habité par des Tutsi, ce qui aurait expliqué la présence d’une barrière précisément dans ce quartier. Le témoin répond qu’il y avait beaucoup de Tutsi effectivement.

 

Audition de monsieur Straton  RUDAHUNGA , cité par la défense, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président, en visioconférence du Rwanda.

Ce témoin, cité par la défense, tient à préciser, au début de son audition, que « ce monsieur », l’accusé, a tenu une réunion à RWESERO, le jour où une barrière a été érigée, celle de AKAZU K’AMAZI, tout près de la maison de Boniface. BIGUMA serait aussi repassé devant cette barrière avec le bourgmestre GISAGARA, attaché à l’arrière de son véhicule.

Emplacement de la barrière Akazu k’amazi, ©AG.

 

Cette déclaration préliminaire ne manque pas de surprendre monsieur le président dans la mesure où le témoin n’avait jamais évoqué ces faits lors de son audition par les gendarmes français le 12 mars 2017. Le témoin dit ne pas se souvenir de cette audition! Il avait toutefois déclaré qu’il n’avait vu l’accusé qu’une fois lorsque ce dernier est venu piller les biens du bourgmestre SEKIMONYO, le prédécesseur de monsieur GISAGARA.

Monsieur RUBAGUMYA, sur questions de monsieur le président, évoquera longuement son rôle sur cette barrière dont il était responsable, le massacre de la trentaine de Tutsi enfermés dans la maison de BONIFACE, puis la mort de quatre vieilles dames dont il donne les noms: Pauline MUKANKUNDIYE, Angéline NYIRABUJANGWE, Mélanie MUKAMIHIGO et Alivera KANKINDI.

Il ne manquera pas d’évoquer non plus comment trois groupes d’Interahamwe et de gendarmes vont encercler l’église du Christ-Roi pour exterminer ceux qui s’y étaient réfugiés, même s’il ne donne aucun détail sur ces massacres, lui-même ayant été posté à une porte, à l’extérieur.

La question reste posée: pourquoi le témoin n’a-t-il jamais parlé de ces faits plus tôt, alors que ce sont des événements d’une extrême gravité. Monsieur l’avocat général tentera bien de voler à son secours en évoquant la différence entre « une photo et un film » (NDR. Pas sûr d’ailleurs que tout le monde ait compris la subtilité de l’argumentation) pour montrer que dans un film il y a des ruptures, comme il y en aurait dans le récit du témoin. Mais moi-même ai-je bien compris?)

Ce qui n’empêchera maître GUEDJ de poser des questions qui montrent qu’il n’a pas toujours bien suivi les propos du témoin. Il cherche à savoir combien le témoin a tué de Tutsi: « Personnellement, je n’ai tué personne mais je suis coupable car j’étais en situation d’autorité, j’étais présent sur les lieux » dira le témoin. Toujours est-il, comme le fera remarquer monsieur le président, la défense croyait faire citer un témoin à décharge et c’est tout le contraire qui se produit.

 

Audition de monsieur Jean-Baptiste HABINEZA, partie civile, en visioconférence du Rwanda.

Le témoin, actuellement secrétaire exécutif du secteur NYAGISOZI, donne son témoignage concernant la colline de NYAMYAGA où il s’est réfugié avec une partie de sa famille. Les gendarmes, sous la direction de BIGUMA, ont attaqué cette colline mais les faits ne font pas partie de ceux reprochés à l’accusé. Par contre, il est bien légitime à être partie civile pour avoir perdu sa belle-sœur et ses neveux et nièces sur la colline voisine de NYABUBARE. Tout ce qu’il sait de ces massacres, il l’a appris essentiellement en rencontrant à la prison de MPANGA (pas très loin de NYANZA) Israël DUSINGIZIMANA, un proche de sa famille, alors conseiller de secteur de MUSHIRARUNGU. Ce dernier sera entendu le 25 novembre. Monsieur le président, un peu perdu par le témoin, demandera à son avocat de reprendre la main. Ce dernier tentera bien de réorienter monsieur HABINEZA sur les faits reprochés à l’accusé mais son client ne pourra s’empêcher de revenir à sa fuite vers GATAGARA.

Maître GUEDJ, pour la défense, veut absolument que le BIGUMA dont parle le témoin n’est pas celui qui est dans le box des accusés. Il veut jeter le doute chez les jurés, ce qui va provoquer les protestations de monsieur le président. Il n’y a pas deux gendarmes, à NYANZA, qui étaient affublés de ce surnom. (NDR. Si l’avocat de l’accusé tente d’avancer un autre nom, NDAGIMANA, il ne sait pas que ce nom veut dire « qui a de grosses joues », ce qui, à l’époque, pourrait bien correspondre au physique de son client!)

Monsieur le président va lire quelques extraits de l’audition de monsieur Emmanuel RUBAGUMYA, puis un jugement gacaca[1] qui évoque à la fois un Philippe HATEGEKIMANA et un certain BIGUMA. Sur le premier, aucune motivation n’est fournie mais il n’a pas été acquitté, comme le prétend maître GUEDJ. Il a été décidé de sursoir à statuer en attendant de plus amples informations. BIGUMA, quant à lui, a été condamné, entre autre, à la réclusion à perpétuité.

 

Jules COSQUERIC, bénévole

Coline BERTRAND, stagiaire

Alain GAUTHIER, président du CPCR

Jacques BIGOT, pour les notes et la mise en page

 

  1. Gacaca : (se prononce « gatchatcha »)
    Tribunaux traditionnels au Rwanda, réactivés en 2001 et opérationnelles à partir de 2005, en raison de la saturation des institutions judiciaires pour juger des personnes suspectées de meurtre pendant le génocide. Composées de personnes élues pour leur bonne réputation, les Gacaca avaient une vocation judiciaire et réconciliatrice, favorisant le plaider coupable en contrepartie de réduction de peines. Près de 2 millions de dossiers ont été examinés par 12000 tribunaux gacaca avant leur clôture officielle le 18 juin 2012, cf. glossaire.[][]
  2. Théodore SINDIKUBWABO : Président du GIR (Gouvernement Intérimaire Rwandais) pendant le génocide. Voir Focus – L’État au service du génocide.[]
  3. FPR : Front Patriotique Rwandais[]
  4. Théodore SINDIKUBWABO : Président du GIR (Gouvernement Intérimaire Rwandais) pendant le génocide (voir Focus – L’État au service du génocide).
    Le 19 avril à Butare, il prononce un discours qui sera déterminant pour les massacres qui vont suivre (résumé et transcription sur le site francegenocidetutsi.org).[]
  5. Interahamwe : « Ceux qui combattent ensemble » ou « qui s’entendent », mouvement de jeunesse et milice recevant une formation militaire, créé en 1992 par le MRND, le parti du président HABYARIMANA. Voir FOCUS – Les Interahamwe.[]

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