- Audition de Jean-Baptiste MUHIRWA.
- Audition de Nathaniel NTIGURIRWA.
- Audition de Sabine UWASE, partie civile.
- Audition de Yvette NIYONTEZE, partie civile.
- Audition de monsieur MUNSI (NZAPFAKUMUNSI avant sa naturalisation).
- Interrogatoire de l’accusé.
Audition de monsieur Jean-Baptiste MUHIRWA, cité par l’accusation, en visioconférence du Rwanda.
Avant l’audition du témoin, monsieur le président dit avoir versé au dossier une lettre de l’avocat de monsieur NZAPFAKUMUNSI qui sera entendu en fin de journée. Cet avocat prétend que le CPCR a déposé une plainte contre son client. Maître PHILIPPART, avocate du CPCR, dit qu’il n’en est rien. Ce qu’elle redira lorsque monsieur MUNSI (son nom depuis sa naturalisation) sera entendu en fin de journée.
Le témoin a purgé une peine de 13 ans de prison pour avoir tenu une barrière à RWESERO. Il dit avoir vu BIGUMA une fois à cette barrière: il s’étonnait qu’aucun Tutsi n’ait été arrêté. Monsieur MUHIRWA commence son audition par ces mots: « Ce que je porte dans le cœur »: l’accusé continue de compliquer la tache de la Cour alors que je l’ai vu venir à la barrière Akazu k’Amazi à RWESERO ».
Le témoin, comme le rappelle le président, a plaidé coupable et demandé pardon pour la mort d’une vingtaine de Tutsi enfermés dans la maison de Boniface CYUMBATI, massacres commandités par BIGUMA. Monsieur MUHIRWA dit être resté trois jours à cette barrières après l’exécution des Tutsi. Il dit connaître l’accusé comme adjudant-chef de la gendarmerie: c’est lui qui délivrait les permis de conduire. BIGUMA ne faisait que passer aux barrières qu’il contrôlait. Il reprochait à ceux qui tenaient la barrière de ne pas avoir arrêté de Tutsi. C’est lui qui nous a ordonné de tuer les Tutsi enfermés chez Boniface. Le responsable de la cellule était Straton RUDAHUNGA.
Ils ont conduit les Tutsi hors de la maison et les ont tués à coups de gourdin et de bâton. Tout cedi en présence d’un gendarme qui frappait les victimes avec la crosse de son fusil. Si le témoin n’a évoqué cet épisode que lors de la reconstitution des faits, c’est, dit-il, que « cela (lui) avait échappé lors des deux premières auditions ». Propos qui ne manquent pas d’étonner monsieur le président: comment oublier un événement pareil!
Lors de l’exécution, BIGUMA n’était pas présent. Il était reparti après avoir donné l’ordre d’exécuter les Tutsi. Il avait même ajouté qu’il punirait le gendarme s’il retrouvait les Tutsi dans la maison à son retour. En réalité, c’est vingt-huit personnes qui ont été massacrées. Elles n’avaient ni mangé ni bu pendant toute la durée de leur détention. C’était des Tutsi de RWESERO, hommes, femmes, enfants et vieillards. Il connaissait lui-même un certain BUKOBA et sa famille. S’il n’a pas reconnu BIGUMA sur la planche photographique qui lui avait été présentée, c’est parce qu’il ne l’avait vu que deux fois.
Sur question de l’avocat général, le témoin dit que BIGUMA n’a pas distribué d’armes à cette barrière. Les Tutsi ne passaient plus par là, raison pour laquelle ils n’avaient arrêté personne.
Parole est donnée à la défense. Maître GUEDJ s’étonne que le témoin n’ait été condamné qu’à treize ans de prison pour le massacre d’autant de personnes. Ce dernier répond qu’il avait plaidé coupable. Condamné à treize ans par la gacaca[1] de RWESERO, il a été aussitôt libéré car il avait accompli sa peine au moment du jugement.
L’avocat de la défense s’étonne qu’on puisse oublier un tel crime quand on a tué des enfants. « Vous avez prêté serment. Vous avez compris ce que ça veut dire? Vous n’êtes pas gêné? » poursuit l’avocat.
Maître DUQUE interroge le témoin à son tour. Elle veut savoir si d’autres personnes étaient avec lui lors de la reconstitution des faits. Le témoin donne plusieurs noms: KABERA, MUSHITSI, LAMECK et d’autres. (LAMECK est cité par l’accusation fait remarquer maître GUEDJ)
À ce stade, monsieur le président lit l’audition de Elie MUSHITSI en date du 4 mars 2017. Maître GUEDJ fait remarquer au président qu’il regrette qu’on puisse lire l’audition d’un témoin à charge qui n’a pas été cité, mettant en doute l’objectivité du président.
Monsieur SOMMERER fait savoir que toutes les parties peuvent demander de citer cinq témoins. Il peut faire citer des témoins selon son pouvoir discrétionnaire. Personne ne lui a demandé de faire citer monsieur MUSHITSI.
Audition de monsieur Nathanaël NTIGURIRWA, cité par l’accusation, en visioconférence du Rwanda.
Le témoin décline son identité et prête serment. BIGUMA aurait distribué des armes qui ont été utilisées pour tuer les Tutsi. En 1994, le témoin avait 15 ans. Il est hutu et a déjà été condamné à un an et demi de prison pour avoir participé aux attaques dans sa cellule, en ayant été aux barrières et tué des Tutsi. Le chef des Interahamwe[2] KARIEGE, son supérieur, aurait participé à une réunion et lui aurait raconté ce qu’il s’y était passé. Selon lui, Augustin NDINDILIYAMANA[3] avait déclaré que tous les Tutsi devaient être tués mais le plus virulent dans ces propos était BIGUMA.
Dans son témoignage pour le TPIR en 2003, le témoin explique que le 21 avril 1994, il a vu BIRIKUNZIRA et BIGUMA dans le stade aux côtés d’une camionnette rouge. Le témoin répond qu’il n’est pas allé directement à cette réunion au stade, contrairement à ce qu’il a dit dans ses anciennes dépositions. C’est Ildephonse KARIEGE qui a expliqué au témoin ce qui avait été dit pendant cette réunion. En 2019, il expliquait déjà que son témoignage devant le TPIR avait été mal traduit et qu’il était resté en dehors du stade. Il confirme que BIGUMA aurait donné une Kalachnikov à KARIEGE à la barrière de KAVUMU-GAHONDO.
Ce jour-là, BIGUMA ne serait pas sorti de son véhicule une seule fois et le témoin aurait vu cela alors qu’il était sur la barrière. M. le président rappelle à la cour que le témoin n’avait pas réussi à identifier BIGUMA, ce à quoi il réplique qu’il n’avait pas reconnu BIGUMA sur la photo car ce dernier avait vieilli. Le témoin n’avait pas reconnu BIGUMA directement sur le moment mais c’est KARIEGE qui lui avait dit qu’il s’agissait de BIGUMA. Ce dernier est arrivé par l’autre barrière à la recherche de son conseiller, il est allé à son domicile mais ne l’a pas trouvé ce jour-là. Par la suite, le conseiller s’est réfugié à BUTARE, BIGUMA l’a poursuivi jusque là et l’aurait assassiné à RUHANGO.
L’avocat général prend la parole pour interroger le témoin.
« Dans notre secteur, KARIEGE était le chef de la CDR[4] et on lui avait donné une arme pour tuer les Tutsi ». Le témoin avait une relation de confiance avec KARIEGE et faisait partie de son escorte. La réunion qui avait eu lieu avec BIGUMA au stade était audible de l’extérieur et le témoin a entendu les propos de BIGUMA, notamment la manière dont il fallait tuer les Tutsi. C’est KARIEGE qui lui aurait ensuite précisé qu’il s’agissait de BIGUMA.
Me DUQUE, pour la défense, demande si le témoin était libre lorsqu’il a témoigné pour le TPIR, ce qu’il confirme. Le témoin explique qu’il a été emprisonné 7 ans puis qu’il a été condamné à 1 an et demi devant le tribunal. Elle revient aussi sur la réunion et les détails apportés par le témoin au moment de ses premières auditions. Le témoin rappelle que c’est KARIEGE qui lui a raconté tous ces détails. Par ailleurs, le témoin dit n’avoir vu BIGUMA qu’une seule fois en face à face dans son village et qu’après cela il ne l’a plus revu. Me DUQUE souligne que le témoin a déclaré qu’il ne pourrait pas décrire BIGUMA car il était resté dans sa voiture, mais qu’il disait l’avoir vu plusieurs fois avant le génocide.
À la fin de cette audition, monsieur le président propose de lire les auditions de plusieurs témoins, dont monsieur KAMONYO à propos duquel le CPCR a fourni une attestation jointe à la plainte. Maître GUEDJ intervient alors et ose une remarque: « J’aurais aimé poser une question à ce témoin: est-ce que le CPCR vous a dicté votre réponse? » ( NDR. On soulignera une fois de plus l’état d’esprit de l’avocat de la défense qui ne manque pas une occasion de s’en prendre au CPCR!) Il ira jusqu’à reprocher au président de lire des témoignages qu’il a choisi lui-même. Cette remarque laisse monsieur SOMMERER incrédule.
Autres lectures: audition de monsieur KAMUGA entendu par le TPIR[5], de monsieur RUBAGUMYA, partie civile et une autre dont je n’ai pas retenu le nom. Tous mettent en cause BIGUMA.
Audition de madame Sabine UWASE, cité par les parties civiles, partie civile.
Ses parents habitaient à NYANZA avec ses cinq frères et sœurs. Son père RWABUYONZA Jean, était juge et sa mère NABANA Thérèse, enseignante à l’école primaire. En 1994, elle a 16 ans.
En 1990, les choses ont commencé à aller de plus en plus mal pour sa famille. Son père est notamment arrêté car il est accusé d’être un complice du FPR. Il sort de prison quelques mois plus tard. Un jour, il décide d’aller visiter sa famille en dehors de NYANZA et il est de nouveau arrêté. Il restera en prison une année entière.
Au déclenchement du génocide, le 21 avril, des gendarmes de NYANZA font une réunion dans laquelle ils déclarent qu’il faut tuer tous les Tutsi. Les habitants ont commencé à avoir peur, Hutu et Tutsi confondus ont quitté leurs maisons et les familles se sont séparées. La témoin va donc chez ses grands-parents. Son petit frère les rejoint une nuit car il fuyait les Interahamwe[2].
Le deuxième jour, les Interahamwe viennent dans la cour et son petit frère de 8 ans est emmené par un des miliciens. On lui donne gourdin et machette Après cela, elle va à la brigade avec ses grands-parents en pensant qu’ils y seraient protégés. En fait, ils sont emprisonnés sans eau et chaque demi-journée, des gendarmes viennent prendre des petits groupes pour les emmener au stade et les tuer. Un gendarme l’emmène sans explication dans un bureau un après-midi, après quoi toute la prison a été vidée et les Tutsi ont été emmenés au stade où ils ont été exécutés. Un gendarme prend pitié d’elle et décide de la faire sortir de la gendarmerie pour se cacher. Elle était cachée dans la maison de la femme d’un soldat dans laquelle elle a pu entendre beaucoup de choses. Elle a notamment entendu des gendarmes se vanter régulièrement des viols qu’ils avaient commis. Elle quitte cette maison après le départ de la femme du soldat qui l’accueillait et est cachée dans une autre maison. Elle est reconnue a MUHANGA (alors GITARAMA) mais elle nie être une enfant de NYANZA.
M. le président lui demande si elle est aujourd’hui la seule survivante de sa famille, ce qu’elle confirme. Sa mère est ses sœurs ont été tuées a Kavumu. Son petit frère de 8 ans est parti jusqu’à GIKONGORO où on lui a tiré dessus. Concernant ses grands-parents, ils ont été tués chez eux. La témoin ne se souvient pas avoir vu l’accusé.
Des photos de sa famille sont affichées. Le chemin qu’elle a parcouru à pied est retracé sur une carte.
Sur question des parties civiles, la témoin explique qu’elle n’a retrouvé que le corps de son père. Sa maison a été complètement détruite. La témoin est maintenant avocate.
L’avocate générale pose maintenant des questions sur le père de la témoin. Elle note que sa persécution correspond aux écrits sur la persécution du personnel de la justice dans les années 90.
La défense ne pose pas de question.
Audition de madame Yvette NIYONTEZE, cité par les parties civiles, partie civile.
Le témoin commence par dire qu’elle n’avait que dix ans en 1994. C’est à l’école qu’elle a appris qu’elle était Tutsi. Ses parents n’avaient jamais abordé la question pour protéger leurs enfants. Elle affirme que des gendarmes sont venus perquisitionner leur maison dans les années 1990, à la recherche des Inyenzi et de leurs complices. Avant le génocide, les gendarmes étaient présents lors des meetings politiques.
Dès l’attentat contre l’avion, des membres de sa famille leur apprend qu’à KIGALI on a commencé à tuer des Tutsi. À NYANZA, les massacres ne commenceront qu’autour du 20 avril. À partir de ce moment-là, ils ne dormaient plus chez eux, ne revenant que le matin. Pour éviter d’être tués ensemble, ils avaient pris la décision de se disperser. Le témoin s’est réfugiée chez sa marraine mariée à un Hutu. Mais des Interahamwe l’ont reconduite chez elle où elle est restée seule. Le soir des gendarmes et des Interahamwe ont frappé à la porte. A cause de la peur elle n’a pas pu ouvrir: un gendarme a tiré un coup de feu dans la serrure. Le gendarme ou le militaire voulait téléphoner: il recherchait les hommes de la famille. Il règlerait son compte après. Le militaire l’a confiée à un voisin, directeur d’une école. Il reviendrait pour la tuer.
Lors de son séjour dans cette maison, qui a duré deux semaines, madame NIYONTEZE dit avoir recueilli beaucoup d’informations. Une barrière était érigée en face de la maison où elle se trouvait. Elle entendait les Interahamwe raconter comment ils avaient tués des membres de sa famille.
À un moment, on a fait courir le bruit qu’on ne tuait plus les femmes et les filles: un leurre pour les faire sortir de leurs cachettes. Monsieur le président demande si cela correspond à ce qu’on a appelé « la pacification ». Le témoin dit qu’elle n’a jamais entendu parler de cela, qu’elle ne connaît même pas le mot.
Lorsque d’autres tueurs sont arrivés en renfort, on l’a cachée dans le faux plafond d’où elle pouvait voir ce qui se passait dans la maison. L’attaque était dirigée par des gendarmes. Un Interahamwe a prétendu que j’étais cachée dans cette maison, mais son protecteur a nié. « C’est lui qui m’a révélé le nom de BIGUMA » précise-t-elle. On parlait partout de lui, on disait que c’est lui qui avait fait ériger les barrières partout dans NYANZA. « C’est ce jour-là que ma grande sœur a été tuée, mais je ne sais pas par qui, ainsi que la tante de ma mère » révèle-t-elle. C’est ce jour-là qu’elleva quitter NYANZA. Aujourd’hui, elle ne peut pas reconnaître l’accusé.
On projette alors des photos des membres de sa famille, à la demande de son avocat, les quelques photos qui ont été sauvées. Madame l’avocate générale remercie madame NYONTEZE pour son témoignage.
Sur question de maître DUQUE, le témoin donne le nom du militaire qui voulait la tuer: il s’agissait de KAZUNGU. Elle fait remarquer au témoin que même si elle a vu BIGUMA à GUISHITSI, là où elle habitait, il n’est pas poursuivi pour ces faits. Elle s’étonne que le témoin puisse accuser BIGUMA alors qu’en première instance, elle avait dit qu’elle était « jeune malade, cachée dans un faux plafond« .
« Beaucoup de gens le connaissaient. J’ai beaucoup entendu parler de lui » conclut-elle.
Monsieur le président donne lecture de l’audition d’un autre témoin entendu lors de l’instruction: Callixte MUNYANGENYO. « Il parle souvent d’un certain BARAHIRA, mais pas de BIGUMA » fait remarquer la défense. L’avocat général lui fait remarquer qu’elle ne lit pas tout… ( NDR. Ce qui n’est peut-être pas très honnête!)
Puis lecture est faite du mail de l’avocat de monsieur MUNSI adressé le matin même au président. Occasion est donnée à maître PHILIPPART de redire que le CPCR n’a pas déposé de plainte contre lui.
Audition de monsieur MUNSI ( NZAPFAKUMUNSI avant sa naturalisation)
Le témoin connaît l’accusé depuis quarante ans car c’était un grand sportif connu de tous. Ce n’est pas son ami, une simple connaissance. D’évoquer ensuite les grandes étapes de sa carrière professionnelle. Il participe, entre autres à des réunions, dès le 6 avril au soir, avec BAGOSORA[6]. Il s’agissait de mettre en place un plan de défense pour le cas où le FPR[7] romprait le cessez-le -feu. Il n’a pas vu BIGUMA pendant le génocide, pas vu pendant « la guerre de 1994« dit-il.
Il n’a pas le souvenir que le colonel RUTAYISIRE ait été vraiment menacé. Ce qui l’étonne, par contre, c’est qu’un simple sous-officier ait pu être nommé comme membre de sa garde personnelle. Il ne conçoit pas non plus que la gendarmerie ait pu être mise en cause pour son comportement pendant le génocide. Pour lui, c’est FAUX! Peut-être que des membres isolés de la gendarmerie se sont mal comportés! Et puis, il y avait à NYANZA des gendarmes tutsi qui n’ont pas été tués. (NDR. CQFD)
Selon lui, la gendarmerie a probablement donné des ordres pour assurer la sécurité de la population. C’est ce qui a été fait à CYANGUGU. NDINDILIYIMANA a du le faire, d’ailleurs, en tant que chef d’État major de la gendarmerie. ( NDR. Affirmation totalement gratuite, sans preuve à l’appui). Quant à donner l’ordre d’arrêter les tueries, c’était de la responsabilité du gouvernement! Etonnant, il n’a pas entendu le discours du président SINDIKUBWABO, discours qui mettait à feu la préfecture de BUTARE[8]. ( NDR. Qui peut le croire? Comment peut-il dire qu’il a entendu parler de ce discours « longtemps après« ?)
Sur questions de plusieurs avocats des parties civiles, il dit qu’à RUHENGERI et KIBUNGO, deux places qu’il connaît bien, la gendarmerie n’avait pas de mortier. Du témoignage de Jean VARRET[9], il ne sait rien! Si des gendarmes ont été impliqués dans des tueries, « c’est grave« . D’ailleurs, il ne sait pas ce qui s’est passé à NYANZA.
Allusion ensuite à l’épisode de l’arrestation des « complices ». Il atteste l’attaque du FPR dans la nuit du 4 au 5 octobre 1990 sur KIGALI (NDR. Tout le monde sait que c’était une fausse attaque pour organiser l’arrestation des supposés complices du FPR.)
S’il a changé de nom lors de sa naturalisation, c’est parce qu’on lui avait remarquer qu’il portait un nom compliqué à prononcer (NDR. On peut légitimement sourire). Lors de sa demande d’asile, il n’a pas jugé bon cacher le fait qu’il avait été gendarme, contrairement à l’accusé. D’autre part, s’il n’a pas signé la déclaration des officiers de KIGEME qui demandait le ralliement au FPR, c’est parce qu’il n’en a pas eu connaissance. Sinon, il l’aurait signée.
Les avocats généraux le questionnent sur NYANZA. Il ne peut rien dire, il ne sait pas ce qui s’est passé là-bas.
La défense lui fait dire qu’on le considérait comme un pro-FPR et qu’il était menacé. Il se considère comme un « modéré » dans le paysage politique de l’époque.
L’accusé sera ensuite amené à réagir aux témoignages du jour. Il les conteste tous, évidemment. Il déclare qu’« ils sont en mission pour moi » et qu’ils sont sous pression.
Sur le témoignage du dernier témoin et le « prestige » de sa fonction:
L’accusé affirme que c’est le commandant d’unité qui était à la tête des opérations et que lui-même n’avait qu’un rôle de secrétaire. M. Le président observe qu’il est étonnant que M. MANIER ait été affecté à la garde d’un colonel et non muté au front au vu de son expérience sur le front entre 1990 et 1993.
Au regard de la dissimulation de son rôle dans la gendarmerie dans son dossier OFPRA, l’accusé explique qu’à ce moment-là il avait été mis en garde et qu’il a suivi ce conseil. Au sujet de la responsabilité de la gendarmerie dans le génocide il affirme que c’était la « débandade » et que l’autorité militaire n’existait plus. Il dit aussi que c’est BIRIKUNZIRA qui aurait dû être responsable du maintien de l’ordre. Il explique enfin que le camp dans lequel il serait allé le 19 avril était tellement grand que cela explique que personne ne puisse l’avoir reconnu et attester de sa présence.
Coline BERTRAND, stagiare
Alain GAUTHIER, président du CPCR
Jacques BIGOT, pour les notes et la mise en page
- Gacaca : (se prononce « gatchatcha »)
Tribunaux traditionnels au Rwanda, réactivés en 2001 et opérationnelles à partir de 2005, en raison de la saturation des institutions judiciaires pour juger des personnes suspectées de meurtre pendant le génocide. Composées de personnes élues pour leur bonne réputation, les Gacaca avaient une vocation judiciaire et réconciliatrice, favorisant le plaider coupable en contrepartie de réduction de peines. Près de 2 millions de dossiers ont été examinés par 12000 tribunaux gacaca avant leur clôture officielle le 18 juin 2012, cf. glossaire.[↑] - Interahamwe : « Ceux qui combattent ensemble » ou « qui s’entendent », mouvement de jeunesse et milice recevant une formation militaire, créé en 1992 par le MRND, le parti du président HABYARIMANA. Voir FOCUS – Les Interahamwe.[↑][↑]
- Voir l’audition d’Augustin NDINDILIYIMANA, ancien chef d’état-major de la gendarmerie, le 13 novembre 2024.[↑]
- CDR : Coalition pour la défense de la République, parti Hutu extrémiste, créé en mars 1992, au moment des massacres de Tutsi dans le Bugesera. La CDR a également une milice, les Impuzamugambi., cf. glossaire[↑]
- TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda, créé à Arusha (Tanzanie) par la résolution 955 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le 8 novembre 1994 (en anglais ICTR).[↑]
- Chef de cabinet du ministre de la défense du gouvernement intérimaire, désigné comme membre de l’Akazu et du Réseau Zéro, le colonel BAGOSORA est un des piliers du pouvoir. Il a contribué à armer les Interahamwe à partir de 1991 et a joué un rôle clé dans l’organisation des milices début avril 94. Après l’attentat du 6 avril, il prend la tête d’un comité de crise et installe au pouvoir les extrémistes Hutu. Condamné par le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), à la prison à vie en 2008 pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, sa peine a été réduite à 35 ans de prison en appel en 2011.
Voir le glossaire pour plus de détails.[↑] - FPR : Front Patriotique Rwandais[↑]
- Théodore SINDIKUBWABO, président du GIR (Gouvernement Intérimaire Rwandais) pendant le génocide (voir Focus – L’État au service du génocide): discours prononcé le 19 avril à Butare et diffusé le 21 avril 1994 sur Radio Rwanda. (voir résumé et transcription sur le site francegenocidetutsi.org).[↑]
- Voir l’audition du général Jean VARRET, 8 novembre 2024[↑]