Procès en appel de SIMBIKANGWA. Plaidoiries de la défense. Vendredi 2 décembre 2016. J26

Plaidoirie de Maître Alexandra BOURGEOT.

« Pas d’effets de manche, pas d’esbroufe, pas de citation. Je ne vous emmènerai pas à Kigali. Simplement la démonstration la plus précise possible des raisons pour lesquelles vous allez devoir acquitter cet homme » commence l’avocate de SIMBIKANGWA.

« Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé. » (Albert EINSTEIN) (NDR. Voir ci-dessus : pas de citation!)

« Je vous demande d’envisager la parole de SIMBIKANGWA comme celle d’un innocent. On a beaucoup ironisé, dans cette Cour. Pour bien juger un homme, il faut d’abord envisager qu’il est innocent… »

Il faut prendre en compte la difficulté de s’exprimer devant une Cour d’assises. On l’admet pour les témoin, pas pour SIMBIKANGWA. Or, il attend depuis huit ans de s’exprimer !

SIMBIKANGWA a une certaine autorité, un certain charisme. Mais ce n’était ni BAGOSORA, ni ZIGIRANYIRAZO, ni SAGATWA. Ce petit pouvoir n’était pas celui d’un dignitaire. Mis au placard depuis 1992, il a utilisé son petit pouvoir, sa petite notoriété pour aider des gens.

On nous a beaucoup dit que les incidents, les procédures, c’était dilatoire, de l’esbroufe. Si nous ne l’avions pas fait, nous n’aurions pas fait notre travail d’avocat.

Je vous redis que le système n’est pas équitable. Nos incidents n’étaient pas un écran de fumée. Mais votre Cour est légitime. Pendant l’instruction, on n’a pas tout fait, c’est vrai , mais on a laissé passer aucune occasion. On nous a encore dit que la famille MONGALI n’avait jamais été trouvée. La famille KIBILITI a été retrouvée en Nouvelle-Zélande et n’a pas pu être entendue. On a demandé des actes concernant les ordinateurs : il n’y avait plus rien dedans !

La procédure est faite pour les innocents pris dans l’engrenage en justice. Quand on comparaît détenu, on apparaît beaucoup plus coupable. On a refusé de passer outre à l’audition de RUGGIU, ce n’était pas dilatoire. On a bien fait, on n’a même pas lu son audition. »

Et l’avocate de justifier toutes les autres demandes. Ils ne voulaient pas entendre Sam Gody car les faits étaient prescrits. Ça éclairait sa personnalité ? Évidemment. Mais sur ces faits de torture, il y avait des témoins qui disaient n’importe quoi : quelqu’un qui l’a vu avec des béquilles, c’est quelqu’un qui ne l’a jamais vu. Sur mes questions, Sam Gody a eu peur, il a bafouillé ! (NDR. Dans l’assistance, on ne s’en est pas vraiment rendu compte!)

A propos de la plainte pour faux concernant L’indomptable Ikinani : il n’était pas question pour nous de débattre sur ce dossier. Quant au donner acte sur le huis clos ? Ce huis clos était injustifié. Dieudonné NIYITEGEKA est un témoin professionnel acheté par le Procureur du TPIR.

Donner acte de l’expression de l’opinion du Président qui doit instruire à charge et à décharge ! A plusieurs reprises, le Président n’a pas relevé les contradictions des témoins. Concernant les questions que les jurés pouvaient poser, le président a choisi la méthode des petits papiers !. Nous nous sommes insurgés sur la constitution de ce dossier volumineux. MUTANGANA risque de connaître la même mésaventure !

Maître BOURGEOT évoque le cas de Enoch TWAGIRA, un ami de monsieur GUICHAOUA, qui vient de se faire arrêter en Allemagne alors que, résidant en Nouvelle-Zélande, il se croyait à l’abri, d’autant qu’il avait quitté le Rwanda dès le 12 avril, exfiltré par la Belgique. (NDR. Pourquoi évoquer cette affaire ? Ah oui, Kigali est capable d’inventer 81 témoins dans ce dossier!)

A propos de la constitution du dossier, l’avocate dit ironiquement que le CPCR est assez honnête : son président serait prêt à enfreindre la loi pour faire arrêter des personnes soupçonnées. Et maître BOURGEOT de dénoncer la façon dont s’est constitué le dossier.

Elle va ensuite évoquer les malheurs de son client à Mayotte, ce qu’elle appelle « l’imbroglio judiciaire. » Et de protester : « Il n’y avait rien dans le dossier avant 2009. Tant qu’on n’a pas d’éléments, on ne place pas en détention. SIMBIKANGWA était un réfugié, il ne cherchait pas à échapper à la justice. »

On nous reproche de dire que les témoins mentent… cabale…complot… On s’est contenté de dire que les témoignages étaient faux. On a essayé d’apporter des éléments, des preuves, des jurisprudences de la CNDA. Et de rappeler le témoignage de maître MABILLE, citée par la défense, qui a fait savoir à la Cour qu’il était difficile, au Rwanda, de faire témoigner quelqu’un en faveur d’un accusé.

Il y a eu des acquittements en première instance. Les raisons ne sont pas celles invoquées par l’avocat général : les témoignages n’étaient tout simplement pas crédibles, les témoins s’étaient concertés. Et que dire des camps Ingando ? De la propagande. D’ailleurs, vous avez entendu les parties civiles et le ministère public dire que certains témoignages étaient tendancieux ?

On nous accuse de dénoncer les exactions du FPR pour contrebalancer les autres crimes. Le FPR ne voulait pas arrêter le génocide, il voulait pendre le pouvoir.

On ne se contente pas de dire que les témoignages sont faux, on vous le prouve. Et en face, on ne nous dit rien. Des contradictions ? Bien sûr. Mais vous nous avez vu chipoter sur la couleur d’une voiture ? Vous devez être exigeants avec les témoins. Au début, SIMBIKANGWA ne sait pas de quoi il est accusé, il n’a pas accès au dossier, il apprend les choses peu à peu. Au début de l’instruction, il fait l’autruche : « Je suis parti dans le Nord ! » Il ne s’est pas rendu compte de l’ampleur des massacres au début ! RTLM ? Il n’en est pas fondateur, simple petit actionnaire !

Et l’avocate de dire qu’elle va reprendre chaque témoignage un par un, pour les décortiquer. Elle va d’abord revenir sur l’emploi du temps de SIMBIKANGWA. Et de dire que « HIGIRO ment comme un arracheur de dents », que BEMERIKI est une « menteuse professionnelle. » Et de démonter le témoignage de Martin HIGIRO.

Après avoir demandé aux jurés de bien prendre des notes qui pourraient leur être utiles, elle utilise une formule qu’elle reprendra à plusieurs reprises : « Un témoin seul est un témoin nul ! » (NDR. Est-ce vraiment une vérité judiciaire?) Quand au témoignage de Pascal GAHAMANYI, qui « devrait être le plus précis est en fait le plus délirant ! » Conclusions : aucune arme chez SIMBIKANGWA.

La famille GAHAMANYI ? C’est un mystère. Il y a un malaise familial, un secret. Des enfants qui ne reconnaissent pas que leur père est au MRND ! Il y a chez Pascal un fort traumatisme : il a eu peur tous les jours d’être tué ! Pas de distribution d’armes aux barrières, non plus. SIMBIKANGWA n’était pas le chef des barrières : « Un seul témoin est un témoin nul ! »

Les réunions ? « Évidemment, vous ne pourrez pas retenir le témoignage de celui qui prétend que SIMBIKANGWA y a participé. » Et d’en venir aux témoins de la ville de Kigali : Liberata MUKAGASANA, Anatole NSENGIYUMVA, Théophile GAKARA, traité comme un coupable, comme un génocidaire car il était un militaire hutu. Ce sont les seuls qui ont une véritable liberté de parole.

MUNYAKAZI a bien récité sa leçon, Dieudonné NIYITEGEKA et BEMERIKI, des témoins professionnels ! Pour maître BOURGEOT, le dossier est gangrené par beaucoup de faux témoignages : il n’y a donc pas de condamnation possible. Et de contester la production du document de l’avocat général concernant madame KIRCHE, le document qui vient de la maison Blanche, la lettre de KAVARUGANDA. En réalité, pour l’avocate, tout est faux !

HABYARIMANA a été le premier Hutu modéré à être exécuté ! Pourquoi ne le dites-vous pas ?

SIMBIKANGWA auteur du génocide ? « C’est un coup d’esbroufe, de la poudre aux yeux. La qualification de génocide ne découle pas de l’audience. »

Et de donner une dernière consigne aux jurés. « Vous devez être courageux. SIMBIKANGWA est regardé comme un criminel parla majorité. Pas pour moi. Ça m’a pris du temps. Si vous changez de perspective, vous aurez beaucoup moins de mal à l’acquitter. Demandez-vous si on vous a apporté la preuve de sa culpabilité. Ayez le courage de votre décision, vous qui bénéficiez d’une liberté totale. »

 

Plaidoirie de maître Fabrice EPSTEIN.

Alors que maître BOURGEOT avait commencé sa plaidoirie en disant qu’elle ne ferait pas d’effet de manche, il n’en sera pas de même pour maître EPSTEIN qui va se lancer dans un exercice de haute voltige, finalement peu efficace à l’heure du verdict.

Il commence, s’adressant aux jurés, par leur rappeler qu’ils vont prendre « une décision importante. » : « Pour vous et vous devez en être fiers, pour l’accusé, pour les parties civiles. » Faisant allusion au réquisitoire de l’avocat général qui a demandé une peine de 25 ans de prison, « une perpétuité déguisée« , il demande aux jurés d’acquitter son client.

De poursuivre : « Notre défense a dû hurler pour être entendue. J’aime le silence », dit-il en hurlant ! Il déclare que cette audience n’a qu’un but : « Torpiller l’accusé ! SIMBIKANGWA est le premier en tout, il faut donc le condamner. » Pour lui, son client est « un accusé politique. » Et de demander qu’on le juge pour ce qu’il a fait.

Il reproche au président la façon dont il a conduit les débats : « Un témoin arrive, se contredit, et le président ne dit rien ! » Et de revenir sur monsieur HIGIRO, le gardien Isaïe, Gaétan, autant de témoins dont il conteste l’honnêteté. A propos de Gaëtan, il ajoute : « Voilà un témoin qui ment ! Qui a vu tuer un prêtre avec une béquille ! Comment croire cet homme ? Et son nom devrait apparaître sue une feuille de motivation ? Je n’accepte pas la fausse monnaie. » Et d’ajouter : « Nous sommes seuls, SIMBIKANGWA et nous, sans moyen, alors qu’on voulait boxer à armes égales. »

Maître EPSTEIN se dit « surpris, vexé que les les associations des Droits de l’Homme aient été absentes à l’audience : pas de FIDH, pas la LICRA ! A Bobigny, c’est la désertion des parties civiles ! »

« On a tout dit à SIMBIKANGWA, c’est lui qui a tout fait, les Escadrons de la mort, c’est lui, l’Akazu, c’est lui, KAVARUGANDA, c’est lui… Il ne lui manquait plus que l’élection de Donald TRUMP ! »

Pour lui, « la défense gène les parties civiles, BAGOSORA n’est pas le cerveau du génocide. » Il l’aurait prouvé en citant LUGAN ! D’ajouter qu’on ne peut pas mettre en cause un témoin cité par Ibuka, qu’aucun témoin ne peut venir témoigner complètement à décharge, « parce que la parole n’est pas libre. »

« Les associations nous renvoient une accusation en miroir : c’est de l’imposture ! » Et de rappeler les témoignages de PEAN, de ROBARDEY qui vient nous dire qu’il y a eu « diabolisation du gouvernement HABYARIMANA, qu’il y a eu désinformation du FPR… »

Et de revenir sur LUGAN ! Il a peu apprécié les explications de l’avocat général. Assimiler LUGAN à Alain SORAL ! « Tous les gens qui lisent LUGAN sont d’extrême droite ? » Puis de s’en prendre « aux expertises de magasin », au régime de Kigali, « une dictature, l’URSS de Staline ! » KAGAME, qui vient de saisir la justice concernant vingt responsables français, est « un cynique ! »

L’avocat de la défense ne se prive pas de tancer vertement l’accusation : « SIMBIKANGWA devrait être condamné en tant qu’auteur principal ? » Il reproche à monsieur CROSSON DU CORMIER, à propos de la fragilité de la mémoire, d’avoir fait allusion au malaise d’un des jurés un soir d’audience. L’avocat général avait demandé aux jurés s’ils étaient capables de se souvenir du jour, des circonstances… : « C’est un scandale de dire cela ! » tonne l’avocat.

Si son exigence est maximale, c’est parce que l’attente de la défense est immense. « Les témoins sont des menteurs, assène-t-il, des menteurs ! » On ne peut pas requérir une peine avec des témoins pareils. Si des non-lieux ont été prononcés en première instance, c’est parce que les témoins ne disaient pas la vérité. « Et on voudrait des aveux, on voudrait retenir de SIMBIKANGWA le capitaine de Kiyovu ? » « C’est faux », hurle-t-il. « Les avocats généraux, comme les parties civiles veulent des aveux ! On vous demande de le condamner comme auteur principal ! Il faut un auteur et on va juger sur sa personnalité ? »

De poursuivre que rien ne permet de condamner son client, et de demander aux jurés de dire « NON » à l’ensemble des questions. Il demande « un acquittement pur et simple ! » Pour lui, SIMBIKANGWA n’est en rien responsable de tout ce dont on l’accuse. Maître EPSTEIN revient sur le procès de première instance en soulignant le comportement de la Cour d’assises de Paris qui a eu « le courage d’écarter des témoignages qui avaient passé le filtre de l’instruction. » Dans ce procès, « les témoins vous embrouillent. Si la Cour d’assises de Paris avait eu plus de courage, nous ne serions pas ici ! » Pour lui, le 14 mars 2014, l’acquittement de SIMBIKANGWA était impossible à quelques jours de la 20ème commémoration.

L’avocat de la défense va alors prononcer une phrase qui reviendra comme un leitmotiv : « Un témoin unique est un témoin nul ! » (NDR. Juridiquement incontestable?)

Maître EPSTEIN de revenir sur les témoins à qui on accorderait une remise de peine en échange de leur témoignage, parle de « bricolage« . Et d’enfoncer le clou : « On nous présente des témoignages isolés, non corroborés. Deux témoins qui mentent, c’est deux témoins qui mentent. Et trois témoins qui mentent, c’est la politique de Kigali ! » Et d’ajouter qu’au Rwanda, « on essaie d’éliminer ceux qui veulent dire la vérité, les témoins sont imaginaires, formés par le FPR. Et comme les témoignages ne tiennent pas, il faut habiller la mariée ! » Et de dire qu’on « charge l’accusé », que « la tactique de l’avocat général est un aveu de faiblesse, de peur. L’accusation a peur que SIMBIKANGWA soit accusé, et elle a raison ! » car aucune démonstration n’a été établie. »

Maître EPSTEIN déclare avoir lu quelques pages de L’homme et sa croix, évoque ses conditions de vie à Mayotte, pour souligner la solitude dans laquelle il se trouve. Il reproche à l’accusation d’avoir mal interprété les écrits de son client. « Jamais SIMBIKANGWA n’a été contre le multipartisme. On veut faire entre SIMBIKANGWA dans une nébuleuse extrêmement floue des durs des durs qui élaborent des plans secrets… On est dans le fantasme, dans les informations de seconde main. »

La presse ? Les livres ? L’avocat général n’en parle pas ou à peine. Quant à La Lettre de Nyamitabo, SIMBIKANGWA a reconnu que c’était un faux. La Guerre d’octobre est un livre de concorde pour dire au FPR qu’il ne peut pas faire la guérilla dans un milieu hostile. « Pourquoi ne pas avoir relevé cette volonté de concorde ? On veut faire de lui un idéologue, ce n’est pas sérieux ! »

La RTLM ? L’avocat fait un nouveau reproche à l’avocat général. SIMBIKANGWA en était actionnaire et tous les actionnaires en étaient des fondateurs. D’ajouter que la RTLM a lancé des appels au meurtre après le 6 avril ! (NDR. Faux. Mon épouse, présente à Nyamirambo fin février 1994 m’a rapporté les propos du Père BLANCHARD à qui elle faisait remarquer la violence des propos des journalistes: « N’écoute pas cette radio ! »)

SIMBIKANGWA aurait dû vendre ses actions ?Et comme le ridicule ne tue pas, maître EPSTEIN interpelle deux jurés : « Vous, monsieur, si vous étiez actionnaire de Coca Cola…. Et vous madame, si vous étiez actionnaire de la lessive … vous vous préoccuperiez de la politique de l’entreprise ? »

SIMBIKANGWA serait l’homme de l’ombre, « comme dans un roman de gare. » Et c’est lui qui agirait en pleine lumière en menaçant KAVARUGANDA ? Quant aux tortures, on n’aurait jamais dû en parler ! Pas plus pour le document émanant du service de presse de la Maison Blanche. Et puis il y a la rumeur, la réputation : « SIMBIKANGWA était méchant, génocidaire numéro 1, directeur de la criminologie ! Tout cela pour en faire quelqu’un d’important ! »

Et de revenir sur la tactique de l’accusation qui s’appuie sur les travaux des experts. De s’en prendre au travail de madame SIRONI et sa notion de tueur/sauveteur. A l’adresse des jurés : « On veut convoquer votre émotion. La psychologue appelle SIMBIKANGWA l’accusé ! Il y a Eischman, Göring, Hitler et SIMBIKANGWA ! »

L’avocat d’ajouter:  » Quand l’institution judiciaire a besoin de trouver un coupable, de convoquer les experts, c’est que l’institution judiciaire doute! » « C ‘est à l’accusation d’apporter la preuve de la culpabilité. »

Maître EPSTEIN revient sur la qualité de ses relations avec son client : « Je n’ai pas toujours eu de bonnes relations avec SIMBIKANGWA. C’était difficile de croire sa vérité. Peu à peu j’ai compris d’autres choses. j’ai compris SIMBIKANGWA quand il a été confronté aux gardiens. J’ai alors compris que tous mentaient. Les témoins n’avaient qu’un seul but : le faire condamner. Je l’ai compris trop tard... » Et de convoquer les victimes de sa propre famille, « les EPSTEIN massacrés en Biélorussie ! » (NDR. Était-ce bien nécessaire ?)

De poursuivre qu’il est prêt à reconnaître, sans la presse, en entre nous, que « SIMBIKANGWA a évidemment une culpabilité morale, la culpabilité allemande ! » Et se tournant vers son client : « Mais je sais que vous devez être acquitté, que vous êtes innocent ! »

Maître EPSTEIN lit l’article 202-1 du code de procédure pénale. A propos du génocide, il faut qu’il soit la conséquence d’un plan concerté. Or, pour lui, il n’y a rien dans le dossier. Rien à voir avec les Nazis. Pas de police politique. Aucun des prétendus experts n’a pu prouver un nettoyage ethnique au Rwanda avant le 6 avril 1994. Il est impossible de rattacher SIMBIKANGWA aux réunions de Kiyovu, ou aux réunions d’avant le 6 avril. On est incapable de montrer ce plan. Et puis, quel lien entre SIMBIKANGWA et le gouvernement intérimaire ? DUPAQUIER a dit que SIMBIKANGWA était le dernier fidèle de HABYARIMANA… « SIMBIKANGWA est un électron libre, un inconditionnel, loin de tout système. Seul contre tous. »

« SIMBIKANGWA coupe la parole au président ? Même nous il nous fait taire ! Il a eu une attitude ambiguë aux barrières ? Peut-être ! Mais ce n’est pas une infraction. On ne peut le comparer à BAGOSORA ou RENZAHO. Depuis 1992, il était sur le carreau ! »

Le poursuivre pour complicité de crimes contre l’humanité ? S’il passait les barrières, c’était pour faire passer des Tutsi ! Que reste-t-il de la distribution d’armes ? Une seule plausible, celle de REKERAHO, qui n’a jamais servi. « Une arme et aucun mort. »

Maître EPSTEIN poursuit sa dénonciation de l’accusation. « Pour condamner quelqu’un, il faut des preuves. Comme il n’y a rien dans le dossier, alors on fait du para-légal… tout le monde le dit à Kigali ! »

Le réquisitoire ? « Un concert de piano où le pianiste laisserait son pied sur la sourdine. »

« Je dois vous parler de l’intime conviction. C’est ce qui vient se substituer à la preuve au XXVIIIème siècle. Autrefois, on combinait des morceaux de preuve pour obtenir une condamnation : moitié de preuve, moitié de condamnation ! L’intime conviction suppose une certitude totale. Son corollaire, c’est le doute, qui doit profiter à l’accusé. S’il n’y a pas de certitude, vous devez acquitter. » Et comme pour donner mauvaise conscience aux jurés, pour les culpabiliser : « Vous ne pouvez revenir dans cette pièce en regardant vos chaussures ! » (NDR. Ce ne sera pas le cas!) « Si vous doutez, vous devez acquitter. »

Puis de s’adresser à l’accusé, d’évoquer le doute caractérisé, « le doute qui se ronge les ongles ! » Et d’ajouter : « Tous les génies ont douté. » De citer alors, et j’en oublie, GALILÉE, NEWTON, LAUTREAMONT, Sacha GUITRY, NIETZSCHE au nom duquel il demande aux jurés d’acquitter SIMBIKANGWA : « Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou. »

On approche de la conclusion. Maître EPSTEIN semble vouloir prendre date pour les procès à venir. Mais de mettre en garde : « C’est la même équipe qui travaille en coulisse, le même pôle, les mêmes experts, les mêmes parties civiles. Il faut des résultats : ça coûte cher. En première instance, on n’est pas allé au bout. »

Une nouvelle adresse aux jurés : « Je sais que vous avez ce courage d’aller au bout, que vous êtes libres. Ne vous cachez pas derrière des magistrats professionnels. Vous monsieur (désignant du doigt un juré!) vous madame, vous pouvez prendre cette décision. Avant Vichy, il n’y avait pas de magistrats professionnels, que des jurés. Il n’y a pas de relations diplomatiques à sauver entre la France et le Rwanda, c’est foutu ! » (NDR. Comme c’est élégamment dit!)

« Elles m’ont ému, les larmes de la partie civile. Le souvenir se conserve à l’intérieur des foyers. On ne peut pas demander cela à une cour d’assises. J’ai confiance en vous, vous avez du courage. J’ai besoin que vous m’écoutiez. » Et d’insister à nouveau, se méfiant manifestement des magistrats, et comme s’il craignait de ne pas avoir été entendu : « Ne vous cachez pas derrière les magistrats professionnels ! »

Maître EPSTEIN s’adresse une dernière fois aux jurés : « Sur le bulletin, vous écrirez NON ! Cinq réponses monosyllabiques (?) que disent les grands hommes quand ils ont cessé d’être petits, cinq NON, minorité de blocage. »

Lyrique maintenant : « Je vous demande d’être dissidents. Vous étiez vieux, vous êtes jeunes ! Vous devez vous débarrasser de vos préjugés. Je vous demande de répondre NON, ce NON qui fait se lever les hommes, ceux qui préfèrent avoir la langue coupée… Vous acquitterez Pascal SIMBIKANGWA. »

NDR. Ce bel exercice de style n’atteindra pas son but. Les jurés prononceront quelques heures plus tard une peine de 25 ans de réclusion criminelle à l’encontre de monsieur Pascal SIMBIKANGWA, pour génocide et complicité de crimes contre l’humanité. La déception de l’accusé et de ses conseils sera à la hauteur des espoirs qu’ils avaient soulevés. Ce qui fera dire à maître EPSTEIN, à la sortie du tribunal, le lendemain, qu’il s’agit d’une « décision torchée, bâclée qui fait honte à la justice française. » Et à l’adresse de votre serviteur: «  Monsieur GAUTHIER, vous l’avez maintenant votre génocidaire! Mais ce n’était pas le bon.« 

 

Alain GAUTHIER, président du CPCR.

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