Procès en appel de SIMBIKANGWA. Mardi 29 novembre 2016. J23

La Cour rend son arrêt aux fins de renvoi concernant une plainte pour faux. La Cour refuse de donner acte et rejette le renvoi de l’affaire.

Interrogatoire de monsieur SIMBIKANGWA.

SIMBIKANGWA vu par Grumbl.
SIMBIKANGWA vu par Grumbl.

Monsieur le président DE JORNA souhaite interroger le témoin sur ses fonctions, sur les fournitures d’armes et les instructions qu’il aurait données aux barrières. A la question de savoir s’il a rencontré des personnalités comme SAGATWA, RENZAHO [1], ZIGIRANYIRAZO, BAGOSORA [2]. L’accusé avoue qu’il les a rencontrés à de rares occasions, sans oublier de préciser que SAGATWA est mort dans l’avion du président HABYARIMANA.

Le président de la Cour questionne ensuite l’accusé sur la période qui correspond à son éviction du SCR par Augustin IYAMUREMYE. SIMBIKANGWA déclare qu’avec l’aide du directeur Alphonse MUNYEMANA il a continué son travail pendant deux mois. A ses frais. IYAMUREMYE a chassé les gens du Nord: le vrai Akazu était du Sud. S’il a continué, c’était pour ne pas perdre ses informateurs. Comme il ne pouvait plus les payer, ils sont partis. Il n’y avait pas de renseignements parallèles: il remettait ses informations à son directeur MUNYEMANA.

Le président constate qu’il a toutefois gardé une certaine influence dans la mesure où on lui accorde voiture et gardes! L’accusé déclare qu’il s’est adressé au ministre de la Défense BIZIMANA sur les conseils de Paul RWAGAKABIJE. (NDR. Paul RWAGAKABIJE a passé dix ans dans les forêts du Congo à la tête des FDLR. Il reviendra en 2004 en ramenant avec lui un certain nombre de membres des ex-FAR. Il sera nommé à la réintégration et terminera sa carrière comme directeur des prisons! ) C’est suite à la mort de GATABAZI que SIMBIKANGWA  a demandé une protection.

Le président lit alors la déposition d’un certain Alphonse SAGASHYA qui évoque la mort de GATABAZI. Plusieurs personnalités sont citées et accusées d’avoir préparé l’extermination ethnique: Alphonse NTIRIVAMUNDA, gendre du président, Isaac KAMALI (NDR. Visé par une plainte du CPCR en France), LIBANJE, NSENGIYUMVA Rafiki (NDR. Visé par une plainte du CPCR en France), SIMBIKANGWA, Fabien NERETSE (NDR. Visé par une plainte du CPCR en France mais extradé vers la Belgique où il est aussi poursuivi), Pierre KALIMUNDA, le Colonel SIMBA (NDR. Condamné par le TPIR), Onesphore RWABUKOMBE (NDR. Frère de madame HABYARIMANA, résidant en Belgique). Le président veut connaître le rôle du service des Ponts et Chaussées.

Le président ajoute que monsieur GAUTHIER a été interrogé pour connaître la provenance de ce document et que SIMBIKANGWA est cité comme celui qui va chercher des fonds. SIMBIKANGWA de répondre: « Etre jugé, c’est comme ça! J’espère que le ciel donnera la lumière à la Cour. Comment dire que j’ai distribué de l’argent aux Interahamwe? Cette question ne me concerne pas. »

Monsieur le président de la Cour cherche à savoir d’où lui vient son autorité, comme l’ont souligné beaucoup de témoins! « J’avais deux hommes en tenue militaire qui me donnaient la respectabilité, déclare l’accusé. Si je n’avais pas été en roulettes (sic), en tant que Capitaine, j’aurais exercé cette autorité! C’est grâce à eux que j’ai pu aider les autres. »

Au président qui donne l’exemple de Pascal GAHAMANYI concernant son autorité sur les barrages, l’accusé s’étonne: « J’ai du mal à comprendre. Vous répétez les mêmes choses. J’avais deux gardes! Moi j’ai dû montrer ma carte d’identité (NDR. Il vient de dire qu’il n’en avait pas!). Un capitaine n’est pas rien! Monsieur le président, vous doutez de l’autorité du Capitaine? » Et de poursuivre: « Est-ce que vous jugez SIMBIKANGWA? Ou vous voulez me condamner? J’ai déjà expliqué 1000 fois! Rira bien qui rira le dernier! » S’il a demandé une protection, c’est parce que sa mort était prédite. Et d’ajouter, faisant allusion au sauvetage de la famille d’Isaïe: « Si les jurés n’ont pas compris, c’est trop tard. Ce n’est pas moi qui suis allé chercher la femme et les enfants d’Isaïe, c’est son beau-frère Thaddée. Si vous n’avez pas compris cette affaire, monsieur le Président, les autres ne comprendront pas non plus. Vous voulez ma condamnation! »

Le président cite les propos de maître DE CAUNES, l’ancien avocat de l’accusé: « Tant que le mis en examen ne sera pas confronté aux personnes qui le mettent en cause, l’information tournera en rond car leurs déposition peuvent être contestées par les liens de certains avec les parties civiles… » Ces confrontations ont bien eu lieu. Et de revenir sur la réunion à laquelle, selon le veilleur Isaïe, l’accusé aurait participé. C’est au cours de cette réunion que SIMBIKANGWA aurait été désigné pour distribuer des armes! SIMBIKANGWA proteste, personne n’a reçu d’arme de sa part. Maître BOURGEOT conteste les propos du témoin qui s’est rétracté plus tard. L’accusé s’énerve tandis que maître FOREMAN rappelle que le témoin a dit autre chose à la barre. Et l’accusé de redire qu’il n’y avait pas de barrière devant chez lui.

Le président rappelle à l’accusé qu’il visitait les barrières où il exerçait son autorité. « Votre déclaration me prend sur le cœur, reprend SIMBIKANGWA. Ça présage un jugement qui sera faux! » Isaïe, il le reconnaîtrait en voyant son visage. Et de se retourner vers la salle en disant: « Qui est Tutsi? » Réprobation générale! De poursuivre:  » Ce pays c’est le pays de MIRABEAU, de HENRY IV, La FAYETTE! Je voudrais qu’on pense aux hommes qui ont élevé ce pays! Vous ne pouvez pas recommencer la même chose. Ça me sépare de la justice. Ça sert l’intérêt des lobbies mafieux qui me poursuivent. » (NDR. Toujours ce délire verbal dont l’accusé a le secret!).

A ce moment-là les débats deviennent confus. Le président fait remarquer qu’il interroge l’accusé en tant que complice. On est en train d’évoquer le passage à la barre du veilleur Isaïe HARINDINTWARI. Maître EPSTEIN demande à ce que, « pour que le débat ne devienne pas malsain, il faut confronter le témoin avec ce que dit SIMBIKANGWA. Tel que vous posez la question, ce n’est pas clair. »  Monsieur CROSSON DU CORMIER de faire une pause, pour calmer les esprits peut-être. Un assesseur se plaint de ne pas pouvoir poser des questions n’ayant pas participé aux confrontations, « qui ont été pourtant été lues » fait remarquer l’avocat général. L’accusé conteste le fait que BAGOSORA soit passé chez lui, aucun agent de l’État ne s’est manifesté.

Entre temps, il est décidé de passer outre à l’audition de deux témoins pour lesquels une décision n’avait pas encore été prise. monsieur Stéphane SMITH, malade, ne peux participer à une visioconférence. Proposition de lire des passades d’un livre de Bernard LUGAN sur proposition de la défense. On passe outre aussi en ce qui concerne BIGEGA qui, selon son épouse, se serait réfugié en OUGANDA.

Maître Justine MAHASELA tente de revenir sur la barrière qui se serait trouvée, selon plusieurs témoins, devant chez SIMBIKANGWA. L’accusé fouille dans ses dossiers, se concentre sur les côtes: « Ici, c’est devenu une sorte de cirque. On est dans un tribunal! Il faut un peu de sérieux et ne pas chercher anguille sous roche. Il n’y avait pas de barrière devant chez moi! On perd du temps! »

Maître Domitille PHILIPPART évoque à son tour la réunion à l’Hôtel Kiyovu et la présence de l’accusé. Et de parler de GUICHAOUA qui le cite. SIMBIKANGWA de protester à nouveau: « Franchement, si c’est la vérité que vous cherchez, je vous la donnerai. Je n’ai jamais su que ces réunions ont existé. Il ne suffit pas d’être accusé pour être coupable. On peut être cartésien et le rester! » RENZAHO, BIZIMANA ne l’ont jamais vu! L’avocate du CPCR relance l’accusé sur l’autorité qu’il avait aux barrières et celle qu’il avait aussi sur ses deux gardes. En vain.

Maître FOREMAN: « Je reviens sur les armes. Je sais que ça vous énerve! » « Ça ne m’énerve pas, rétorque l’accusé, je n’aime pas les hommes corrompus. » L’avocat de poursuivre en faisant remarquer que douze témoins en parlent. « Tous des menteurs? » SIMBIKANGWA: « Commencez par le premier. Monsieur le président. C’est dommage. Je suis déçu d’avoir des avocats pareils. Qu’un avocat français qui n’est pas misérable, qui n’a pas faim…. J’ai fait appel pour que la vérité éclate! » A l’avocat qui repose sa question, l’accusé se contente de dire qu’il exagère. Un des avocats de la défense vient au secours de son client: « Si on avait traité les témoins comme cela, le président ce serait manifesté! » Et maitre AKORRI de faire remarquer que « les témoins ne sont pas des accusés! » Maître FOREMAN revient sur la distribution des armes en citant un témoin mais l’accusé trouve que l’avocat du CPCR « sort de l’instruction. » L’avocat du CPCR renonce par jet de l’éponge.

Monsieur HERVELIN-SERRE de revenir sur l’arme donnée à REKERAHO « pour protéger SADALA« . Il a bien eu cette arme de son informateur BUGINGO, « ça ne venait pas de mon stock! » (NDR. L’accusé laisserait-il entendre qu’il avait un stock?) Et puis cette arme n’aurait jamais tué personne! SIMBIKANGWA aurait-il donné des armes à d’autres personnes? Il a aidé tous ceux qui lui ont demandé de l’aide. S’il n’avait pas été en chaise roulante, il aurait peur-être fait mieux! Ses gardes tenaient leurs armes de leur unité. Les munitions? « Pour quoi faire? Ils ne se sont jamais battus. Contrairement à ceux qui ont raconté des choses par malveillance, ou calcul… je n’ai jamais vu mes gardes partir seuls en journée. La nuit, ils allaient boire! » L’histoire de Laurent, le chauffeur, l’aurait-elle troublé? Il a demandé à Pascal de toujours partir avec lui. Il a même souhaité changé de gardes! En vain.

Plusieurs dizaines de personnes hébergées chez lui?  » Vous me prenez de court. J’aurais pu préparer une liste! » L’avocat général insiste: « Des dizaines? » Et SIMBIKANGWA de répondre:  » Vous doutez du fait que j’ai hébergé des gens. Toutes les personnes qui se sont présentées chez moi ont pu entrer. » De reconnaître que les Tutsi assassinés en dehors de la guerre sont bien des victimes du génocide.

Monsieur CROSSON DU CORMIER veut revenir sur sa fuite du Rwanda. Il s’appuie sur la déclaration de Pierre-Célestin HAKIZIMANA  Pourquoi être parti alors qu’il est innocent, qu’il a caché des Tutsi? Pascal GAHAMANYI est bien revenu? « On peut avoir peur des balles perdues, des règlements de compte. Si j’étais resté, le FPR m’aurait-il laissé le temps de me défendre? Victor HUGO a fait 27 ans à Jersey, DE GAULLE a fait 4 ans à Londres! Je me suis enfui pour attendre que les choses se calment pour retourner dans mon pays. Or, j’étais poursuivi par le TPIR qui n’a rien trouvé. Le Rwanda a essayé de me reprendre… J’ai été incompris. J’ai laissé ma famille à Goma? Mes parents avaient refusé de partir. Moi j’ai dit : « Partons, nous reviendrons! » La paix attendue n’est pas revenue. »

« Mais vous êtes innocent? » continue l’avocat général. « Si j’avais été libre, peut-être serais-je rentré. J’attends que la justice dise que je n’ai rien à faire dans cette affaire. » L’avocat de poursuivre. Autre scénario.  » Je suis à Mayotte, dans le pays de Hugo, Voltaire, Zola, je suis infirme, j’ai travaillé dans l’administration… Est-ce que je peux avoir l’asile… » Pourquoi n’avoir pas dit la vérité alors que vous aviez atteint le pays des droits de l’Homme? »

SIMBIKANGWA de s’offusquer. « Monsieur l’avocat général, votre ton est martial, vous êtes trop jugeant (sic), trop dur avec moi. Hier, j’ai dit que j’ai menti. Je suis venu avec un passeport au nom de  SAFARI… Il faut être réfugié pour comprendre la situation. Etre Hutu ou Tutsi me donne quel avantage? »

Maître BOURGEOT, se référant à l’OMA, signale que son client traverse la frontière avec Bernard MUNYAGISHARI et SERUSHAGO. Elle demande ensuite que l’on place les barrières sur un plan pour prouver que l’on ne peut pas voir la barrière des Chinois de la maison de SIMBIKANGWA.

Doit-on passer outre pour les témoins qui ne sont pas venus? Pour SMITH, BIGEGA et RUGGIU, on peut passer outre. Quant à monsieur TWAGIRAMUNGU, la défense propose le visionnage d’une interview sur France 24 en compagnie de madame GAUTHIER.

Il est fait remarqué à l’accusé que dans une interview donnée à Reporters sans Frontières, vous reconnaissez avoir financé Umurava jusqu’au N°10! SIMBIKANGWA, manifestement touché: « Je ne répondrai pas, j’ai autre chose à faire! » Maître PHILIPPART enfonce le clou en lisant une retranscription de l’interview. Au tout de maître FOREMAN de lire à son tour deux extraits du N°2 dans lequel s’exprime la haine des Tutsi, sans parler du rôle des femmes tutsi! Monsieur HERVELIN-SERRE signale qu’il avoue, dans le même texte, « contrôler » le journal.

SIMBIKANGWA: « On exagère chaque fois. On me prête ce qui ne m’appartient pas. » Et de s’éloigner du sujet: « Ma mère était Tutsi, ma femme était mixte, la mère de mon père était Tutsi… FOREMAN, il peut tout transformer! » L’avocat du CPCR de commenter: « Je ne transforme pas, je lis! » Et l’accusé de reprendre: « On fait des fabrications sur moi. On fait tout une soupe. Je ne suis pas un homme parfait, mais pour l’amour de ma patrie, je n’ai pas de leçon à recevoir, pour les Hutu, pour les Tutsi… On travestit le bien en mal… Qui veut brûler son chien, son chat… l’accuse… je sais pas moi… de la rage! » (sic). Et l’accusé de s’en prendre encore à Simon FOREMAN, sa bête noire.

Monsieur HERVELIN-SERRE fait remarquer que les propos lus dans l’interview ne relèvent pas du lapsus. Il parle d’une dizaine de journalistes qu’il a fait « descendre » , qu’il était responsable de ce service. Jusqu’au N°8, SIMBIKANGWA était bien là, selon les propos de madame Linda KIRCHE. L’accusé reconnaît que cette interview n’est pas fausse et qu’il n’a rien fait de délictueux. Il réaffirme qu’il n’a travaillé que jusqu’au N°2:  » Eux (les Parties civiles?), ils sont fabricateurs de faux papiers. (NDR. L’accusé connaît bien le sujet: c’était son métier à Mayotte). Ils travestissent tout ce que j’ai fait de bien en mal. Ils conseillent mal le Rwanda. Ils poussent le Rwanda à rester dans le conflit. Ils refusent absolument mon innocence… J’ai été mis en prison sans dossier. Maître FOREMAN veut l’embrouille, il noie le poisson. Il ne suffit pas d’être GP pour être génocidaire, il ne suffit pas d’être du Nord pour être génocidaire, il ne suffit pas d’être de la famille de HABYARIMANA… »

Le président relit la dernière phrase de son audition: « Je suis une des victimes d’une cabale des associations de victimes par dénonciation et montage!  » L’accusé confirme.

Le président rapporte d’autres propos de l’accusé: « Je vais vous dire quelque chose de grave. Le génocide est un instrument de pouvoir… Il y a des gens qui s’enrichissent de ça. »

SIMBIKANGWA confirme à nouveau. « J’ai 9 ans de prison. C’est l’enrichissement illicite et personnel. Ils (?) trompent. Ils fabriquent les témoins. Je pense que c’est injuste. Moi, j’ai défendu les Tutsi minoritaires… Vous avez lu RUZIBIZA, le Tutsi 100 %. Je n’ai jamais attaqué le Tutsi en tant que tel. Ils (?) mettent le crédit de l’intelligence à leur compte et mettent l’opprobre sur moi. Je ne dis pas que monsieur GAUTHIER cherche à vivre du commerce de moi (sic). Il commet la faute d’écouter les gens. » (NDR. C’est pourtant clairement dit!)

Après une intervention pas très compréhensible de maître BOURGEOT concernant le document de madame Linda KIRCHE, maître EPSTEIN tente un dernier baroud d’honneur.

Maître EPSTEIN : « On vous attribue des documents que vous rejetez ? »

SIMBIKANGWA : « C’est un problème de désinformation par le FPR. Le FPR s’est servi de Umurava pour son propre compte. RUZIBIZA, lieutenant du FPR, garde du corps de KAGAME en 2001… » (NDR. RUZIBIZA a été l’informateur privilégié du juge BRUGUIERE dont on connaît le sort de l’ordonnance!).

Maître EPSTEIN : « Le FPR a fait publier des faux pour salir votre image ? »

SIMBIKANGWA : « Le FPR est responsable du chaos, de la désinformation. Quand des frères se battent, vous faites tout pour les ramener sur la bonne voie. Mais tous les condamnés pour génocide ne sont pas innocents. »

Maître FOREMAN explique qui est RUZIBIZA dont parle tant l’accusé : l’informateur privilégié du juge BRUGUIERE qui s’est rétracté trois ans plus tard !

SIMBIKANGWA ne peut s’empêcher de revenir sur L’indomptable Ikinani [3] pour rappeler que les juges d’instruction n’en ont pas trouvé de copie lors de leurs séjours au Rwanda.

Le président se voit dans l’obligation de rappeler à l’accusé que les juges l’ont renvoyé devant une Cour d’assises parce qu’ils ont estimé qu’il y avait assez d’éléments. Les acquittements de première instance sont acquis : le parquet a fait un appel incident. Ceci dit pour calmer les inquiétudes de l’accusé.

Monsieur HERVELIN-SERRE donne lecture de la déclaration du chef de service de presse de la Présidence des USA en date du 22 avril 1994, suite à une visite de Monique MUJAWAMARIYA, activiste rwandaise des droits de l’Homme. Demande est faite à quatre dirigeants rwandais de calmer le jeu. Le nom de SIMBIKANGWA apparaît au côté de ceux de BAGOSORA et de BIZIMUNGU. Et l’accusé de replacer la publication de ce document dans le cadre d’un sauvetage qu’il aurait fait en faisait libérer des gens transportés par des soldats de la MINUAR.

La défense donne connaissance d’une jurisprudence de la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile) concernant une femme devenue présidente de la Gacaca [4] de Gasabo (Kigali) obligée de traduire le curé de Ndera sur pression des autorités. De lire ensuite un autre arrêt concernant une autre affaire. Maître FOREMAN s’interroge légitimement :  « Pourquoi nous lit-on cela ? » Réponse de maître BOURGEOT : « Beaucoup de témoins mentent… ces deux arrêts illustrent cela. » L’avocat du CPCR de réagir à nouveau : « Et quel rapport avec le procès d’aujourd’hui? » L’avocat général fait remarquer que l’arrêt de la Cour d’appel de Mamoudzou a refusé l’extradition de SIMBIKANGWA car il n’y avait pas de garantie de témoin à décharge au Rwanda !

La défense demande la lecture de plusieurs documents. Un article traduit par GUICHAOUA, Le régime autoritaire du Rwanda, et surtout des extraits d’un livre de Bernard LUGAN, Un génocide en question ?

Maître FOREMAN ne peut qu’intervenir en exprimant son désaccord total. Monsieur LUGAN est un royaliste proche de l’extrême droite qui participe au site de Robert MENARD. En 2015, il a été remercié par le ministère de la Défense.

Maître AKORRI s’étonne que la défense ne l’ait pas fait citer à la barre.

Au tour de monsieur CROSSON DU CORMIER de parler de LUGAN. « C’est un historien africaniste qui a été coopérant au Rwanda dans les années soixante. Il a épousé les thèses de l’époque. Il est connu pour faire des conférences avec Alain SORAL régulièrement condamné… On aurait pu le faire citer. »

La défense provoque alors un incident. L’avocat général répond à maître EPSTEIN qu’il ne fait pas des « observations de bas étage ni les soldes » comme l’avocat vient de le laisser entendre. L’avocat de SIMBIKANGWA ne lâche pas prise, et avec une certaine impertinence : « C’est ce qui vous reste en magasin. C’est les soldes. »

Encore une lecture. Celle d’un article de GUICHAOUA et SMITH cité par LUGAN : Rwanda, une difficile vérité. PEAN et RUZIBIZA sont les détenteurs de la vérité. Le FPR y est diabolisé.

Puis de faire l’inventaire des cotes du dossier. Maître EPSTEIN parle de Gérard HAKIZIMANA qui « s’est présenté spontanément ». « Le président du CPCR n’a pas pu dire d’où il tenait ce document. » « FAUX ! » tonne maître FOREMAN. « Il a dit que ce document venait du parquet de Kigali. Monsieur GAUTHIER a répondu qu’il ne savait pas dans quelle procédure cette déposition était utilisée ! »

L’avocat général, monsieur CROSSON DU CORMIER est invité par le président à s’exprimer sur les qualifications qui seront retenues. A l’origine, SIMBIKANGWA était poursuivi pour complicité de génocide et complicité de crimes contre l’humanité. De redire que les acquittements sont définitivement acquis. Par contre, il a bien été condamné pour génocide et complicité de crimes contre l’humanité. A son tour, il demande la requalification pour génocide. Il souhaite que les questions posées aux jurés le soient dans les mêmes termes qu’en première instance. Maître FOREMAN déclare que c’est bien compris du côté des parties civiles. Seule maître BOURGEOT ne comprend pas pourquoi on passe de la complicité de génocide à génocide. Elle est bien la seule.

L’audience se termine par un donner acte concernant le site du CPCR. La Cour rejette la demande de la défense.

La journée de mercredi sera consacrée aux plaidoiries des parties civiles:

Maître Léa RABAUX pour la FIDH/LDH.

Maître Justine MAHASELA et maître Rachel LINDON pour la LICRA.

Maître Jean SIMON et maître Safya AKORRI pour SURVIE.

Maître Simon FOREMAN et maître Domitille PHILIPPART pour le CPCR

Leurs plaidoiries seront publiées sur le site dès que chaque avocat les auront remises au responsable.

 

 

  1. Tharcisse RENZAHO, le Préfet qui a supervisé les massacres à Kigali, voir Focus/ les réseaux d’influence.
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  2. Chef de cabinet du ministre de la défense du gouvernement intérimaire, désigné comme membre de l’Akazu et du Réseau Zéro, le colonel BAGOSORA est un des piliers du pouvoir. Il a contribué à armer les Interahamwe à partir de 1991 et a joué un rôle clé dans l’organisation des milices début avril 94. Après l’attentat du 6 avril, il prend la tête d’un comité de crise et installe au pouvoir les extrémistes Hutu. Condamné par le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), à la prison à vie en 2008 pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, sa peine a été réduite à 35 ans de prison en appel en 2011.
    Voir le glossaire pour plus de détails.
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  3. L’indomptable IKINANI publié par SIMBIKANGWA a déjà été évoqué plusieurs fois, notamment lors de l’audition de Jean-François DUPAQUIER.
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  4. Gacaca : Tribunaux traditionnels au Rwanda, réactivés en 2001, en raison de la saturation des institutions judiciaires pour juger des personnes suspectées de meurtre pendant le génocide. Composées de personnes élues pour leur bonne réputation, elles ont une vocation judiciaire et réconciliatrice. Voir le glossaire pour plus de détails.
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