Procès en appel de SIMBIKANGWA. Lundi 7 novembre 2016. J8

Délégation AERG/GAERGUne délégation venue de Kigali (AERG/GAERG) et conduite par l’EGAM assiste à l’audience du matin en soutien aux parties civiles. Merci à tous.

Audition de Pierre PÉAN, journaliste/écrivain, cité par la défense.

Le témoin est entendu en vertu du pouvoir discrétionnaire du président. Il est donc dispensé de prêter serment. Monsieur PÉAN commence par s’adresser à la Cour: «  Vous avez une tâche difficile, celle de juger un homme dans un système déséquilibré, largement injuste ». Et de reprocher à cette même Cour de défendre une thèse battue en brèche depuis longtemps: celle de l’entente en vue de commettre le génocide. « BAGOSORA, considéré comme le cerveau du génocide, a été lavé de l’accusation d’entente… L’attentat (contre l’avion de HABYARIMANA) a été le facteur déclenchant du génocide. » Et de citer Carla del PONTE:  » S’il est avéré que c’est le FPR qui a abattu l’avion, c’est toute l’histoire du génocide qui devrait être réécrite. »

Pierre PÉAN, à qui le président a fait remarquer qu’il ne devait pas lire ses notes, commence à perdre pied. Long silence… On fait asseoir le témoin qui a du mal à se remettre. L’audience sera suspendue 15 minutes.

De retour dans la salle d’audience, le témoin répète:  » Vous avez une tâche difficile, celle de juger un homme dans un système déséquilibré pour la défense, largement injuste! » Et de redire que la thèse soutenue par la Cour ne tient pas compte de l’attentat et de ses commanditaires. Il s’agit là d’une question essentielle. Il n’y a pas eu d’enquête internationale, « refusée par le FPR et les Américains« . Et de rappeler que le juge BRUGUIERE a lancé neuf mandats d’arrêt internationaux contre neuf personnes proches du président KAGAME: ce qui va créer une grave crise politique. Et de refaire l’historique de cette crise en évoquant « le rapport MUCYO » qui met en cause nombre d’autorités françaises. D’évoquer aussi le témoin Émile GAFIRITA qui prétendait avoir transporté les missiles de Mulindi à Kigali et qui a disparu avant d’être interrogé! (NDR. Même son avocat n’avait pas réussi à le localiser. Témoin fantôme?) Un autre témoin, Kayumba NYAMWASA, réfugié en Afrique du Sud, a souhaité lui aussi témoigner tardivement: il désigne KAGAME comme responsable de l’attentat! L’instruction a été rouverte par les juges antiterroristes! Et de répéter, comme si personne n’avait compris: « La thèse que vous défendez ne tient pas compte de l’attentat ».

Le pôle génocide?  » C’est une très bonne idée, il s’inscrit dans l’universalisme, mais pour bien fonctionner, il faudrait une coopération loyale et franche entre deux justices indépendantes. Celle du Rwanda ne l’est pas car le Rwanda est une dictature. » Le Rwanda, une dictature: même Human Rights Watch le dit! « Le gouvernement rwandais ne tolère pas la dissidence… en 2014, plusieurs dizaines de personnes ont été victimes de disparition! » Et, pour appuyer sa thèse, le témoin évoque Gérald GAHIMA ( NDR: ancien procureur général passé à la dissidence après de nombreuses malversations financières!), Filip REYNTJENS qui parle de Paul KAGAME comme du « plus grand criminel en fonction, un dictateur sanguinaire« , du rapport GARRETON. Désireux de se mettre en avant, il fait appel à ses souvenirs personnels: « J’ai connu Victoire INGABIRE qui a été condamnée à 15 ans de prison pour avoir voulu se présenter aux élections présidentielles » (NDR. La vraie raison n’est pas du tout celle-là!) Il a eu un contact avec Patrick KAREGEYA qui voulait venir à Paris pour témoigner mais qui a été étranglé à Johannesburg (NDR. Par le FPR, bien sûr!). Et de revenir sur NYAMWASA qui a été victime de deux tentatives d’assassinat! (NDR. Par le FPR, bien sûr!)

Et de régler alors son compte avec le CPCR et son président. «  La fonction accusatrice du pôle est tenue par le CPCR. Alain GAUTHIER est devenu Rwandais pour services rendus. Il travaille en réalité avec le Procureur du Rwanda: c’est le bras armé du Procureur. Il passe la moitié de son temps au Rwanda et est en accord total avec le Procureur. Alain GAUTHIER et sa femme sont des militants du FPR et le CPCR est une excroissance de la justice non indépendante rwandaise (sic). Alain GAUTHIER est à l’origine de 28 plaintes. Une fois les plaintes déposées, le pôle devrait retrouver un mécanisme normal. Aucun problème pour enquêter hors du Rwanda. Mais enquêter au Rwanda, on retombe sur le fait que c’est une dictature, avec des témoins qui ne sont pas libres! » Et d’appeler à son secours les déclarations de Louise HARBOUR et de Carla del PONTE.  (NDR. Est-il utile de préciser  que ces déclarations sont mensongères et calomnieuses. Ce sont les mêmes insanités que l’on trouve dans son ouvrage Noires fureurs, blancs menteurs ou dans des articles que le témoin commet régulièrement).

L'outrance des propos de Pierre Péan (Noires fureurs - blancs menteurs") rappellent celle des médias de la haine.
L’outrance des propos de Pierre PÉAN (Noires fureurs – blancs menteurs ») rappelle
celle des médias de la haine.

D’aborder ensuite le thème du négationnisme. Il souligne le déséquilibre qui existe au niveau financier entre l’accusation et la défense, « défense commise d’office et taxée de négationnisme« . Les parties civiles le traitent aussi de négationniste depuis la publication de son ouvrage. La plainte déposée contre lui par SOS Racisme pour « incitation à la haine raciale » semble l’avoir profondément marqué, lui qui est un des parrains de cette association! SOS Racisme qu’il qualifiera plus tard de « faux nez du pouvoir à Kigali« , avec pour avocats Lef FORSTER et Bernard MAINGAIN, les deux avocats du gouvernement rwandais dans l’affaire de l’attentat. Le président reconnaîtra un peu plus loin avec lui qu’aucune infraction juridique ne sera retenue contre lui. PÉAN n’a toujours pas digéré qu’on ait osé comparer son ouvrage à Mein Kampf!

Le témoin espère que la Cour verra le documentaire de la BBC, « An untold story« , documentaire négationniste qui a fait couler beaucoup d’encre et qui, ajoutera le témoin  » défend une thèse à l’opposé de la vôtre« . (NDR. Le président fera remarquer que ce documentaire sera proposé le lendemain à la Cour, juste avant l’audition de Linda MELVERN qui a consacré beaucoup de temps à contester cette version de l’histoire du génocide auprès de la radio anglaise). Le témoin souligne le rôle de l’Ouganda dans le déclenchement de la guerre en 1990, reconnaît que l’armée française a volé au secours des FAR (Forces Armées Rwandaises): « massacres du FPR, contre-massacres des extrémistes hutu, guerre, massacres des deux côtés… Il s’agissait d’une guerre civile même si après le 6 avril on peut parler de génocide. »

Et de conclure.  » Je le répète. Je ne connais pas SIMBIKANGWA ni les raisons pour lesquelles il est poursuivi. Je suis un citoyen démocrate et républicain qui a une haute notion de la justice. »

Le président, monsieur DE JORNA, commence par lui faire remarquer que la Cour n’a aucune thèse liée par la première décision.  » La Cour recherche la vérité et à la fin elle se forgera sa conviction. Il ne faut pas se tromper de procès ». La seule question:  » SIMBIKANGWA est-il coupable au non des faits qui lui sont reprochés? » Le président revient sur les trois pages de Noires fureurs, blancs menteurs qui lui ont valu son procès et veut savoir si aujourd’hui il dirait la même chose. Compte tenu de ce qui lui est arrivé, monsieur PÉAN avoue qu’il changerait probablement la forme, mais sur le fond, il ne modifierait rien.

« Vous avez défini le CPCR comme une excroissance de la justice de Kigali. Vous le dites devant le représentant du CPCR? » questionne monsieur le Président. Pierre PÉAN confirme.

Maître Simon FOREMAN, avocat du CPCR, se dit « embarrassé de poser des questions ».  « Vous êtes un témoin de contexte. Votre démarche est-elle celle d’un enquêteur objectif? Vous êtes dans une démarche de défense du rôle de la France. Vous avez choisi votre camp! »

Pierre PÉAN de répondre: « Ma démarche? Je dois remonter assez loin. 54 ans que je vais en Afrique. J’ai été fonctionnaire gabonais, mais je ne connaissais pas l’Afrique des Grands Lacs. En 1993, ma fille vivait au Burundi, ce qui a déclenché mon intérêt pour la région. Et j’ai vu avec horreur ce qui s’était passé. Le Rwanda s’est invité dans ma vie car j’ai participé au sauvetage des enfants d’Agathe (NDR. UWILINGIYIMANA, premier ministre assassinée.) J’ai relayé l’appel de GUICHAOUA! » (NDR. On aurait presque envie de sourire!) En 1996, il a rencontré un révolutionnaire pan africaniste qui était copain avec un des lanceurs des missiles dont il ne peut bien évidemment pas révéler le nom! En 1998, « tout le monde à Kigali reconnaît que le FPR était responsable de l’attentat« . Le témoin révèle que Le Monde diplomatique lui refuse un article: préférence est donnée à Colette BRAECKMAN. « On me reproche de ne pas être allé au Rwanda pour mes enquêtes? poursuit-il. Qu’aurait-on pu apprendre dans une dictature? La vérité ne peut être faite qu’à l’extérieur du Rwanda, avec les dissidents. J’ai enquêté comme j’enquête toujours. Je suis allé aussi sur le rôle de la France. Mes conclusions sont les mêmes que celles de la mission parlementaire: la France n’est pas responsable du génocide. MITTERRAND ne peut pas être comparé à HITLER! (NDR. Ce dont le témoin ne s’est pas privé de faire concernant KAGAME dans les premières pages de son ouvrage).  Et d’ajouter:  » Il est difficile aujourd’hui de mener des enquêtes quand une plainte est déposée! » (NDR. C’est faux. Le témoin n’a pas à parler au nom des juges d’instruction et des gendarmes enquêteurs qui, à ma connaissance, disent tout le contraire quand ils se rendent au Rwanda en commission rogatoire.)

Simon FOREMAN: « Le CPCR est le bras armé de la justice rwandaise? Les parties civiles ont les mêmes difficultés que la défense pour retrouver des témoins. Et qu’est-ce que ça changerait que l’avion ait été abattu par les uns ou les autres? »

Monsieur PÉAN bafouille et s’en excuse. Il met son malaise sur le compte de son anxiété à l’idée d’être entendu! Devant le silence du témoin, maître FOREMAN continue: «  Deux thèses coexistent. Doit-on arrêter tous les procès en attendant les conclusions sur l’attentat? Peut-on juger SIMBIKANGWA? Peut-on entendre les témoins? Qu’est-ce que ça change? »

Le témoin se reprend: « Ça change tout! Carla del PONTE a essayé de dire que c’était une guerre civile, elle a souhaité enquêter sur les crimes du FPR: elle n’a pas pu! Le FPR a une coresponsabilité dans le génocide. »

Monsieur Rémi CROSSON DU CORMIER, l’avocat général, se contentera d’une seule question.  » Entre avril et juillet 1994, reconnaissez-vous qu’il y a eu le génocide des Tutsi et des Hutu modérés« ?. Monsieur PÉAN dit qu’il ne l’a jamais nié. (NDR. On a l’habitude de parler de génocide pour l’extermination des Tutsi et de crimes contre l’humanité pour le massacre des opposants hutu, les Hutu n’ayant pas été tués parce que Hutu mais en tant qu’opposants politiques. Distinction faite lors du procès en première instance à la Cour d’assises de Paris.)

La défense s’abstient de poser des questions au témoin. Maître EPSTEIN semble pressé d’en finir avec un témoin qui ne lui a pas rendu les services attendus.

 

Audition de monsieur Renaud GIRARD, journaliste au Figaro, professeur à l’IEP de Paris (Institut d’Études Politiques).

Monsieur Renaud GIRARD décrit  comment il a connu que des évènements graves se déroulaient au Rwanda, pays qu’il ne savait même pas placer sur une carte en 1994. Toutes les rédactions de France étaient obnubilées par les événements de Bosnie. Ayant appris la chute de l’avion, son journal, Le FIGARO, le dépêche sur place. Avec moult détails, il va raconter son entrée au Rwanda par la frontière avec le Burundi, en compagnie de cinq autres personnes dont son cousin Eric GIRARD et le journaliste Nicolas POINCARÉ. Le groupe arrive à Butare, la ville du sud où le témoin nous dit que règne le calme. (NDR. Les Tutsi du lieu n’en disent pas autant même si la présence du préfet Jean-Baptiste HABYARIMANA réussit à calmer les ardeurs. Contrairement à ce que dit le témoin, le préfet ne sera pas assassiné deux mois plus tard, mais le 19 avril, après le discours du président SINDIKUBWABO. Le témoignage de monsieur GIRARD contiendra d’ailleurs de nombreuses approximations, voire des erreurs!) Sur sa route, il est étonné de croiser de nombreux Blancs qui fuient le Rwanda, dont des membres  d’ONG qui d’habitude viennent en aide aux victimes. Seul Michel GAILLARD, du CICR, restera sur place.

Avant d’arriver à la capitale, son convoi est arrêté à une barrière. Pour prouver qu’il n’est pas Belge, il entonne la Marseillaise! (sourires dans la salle!) A Kigali, il s’installe à l’Hôtel des Mille Collines. En compagnie d’un infirmier rwandais de MSF, il va sillonner les quartiers de Kigali: nombreux morts dans les caniveaux, des camions-bennes emplis de cadavres… Il passe par l’École française Antoine de Saint-Exupéry, au bas de Kiyovu où il rédige son premier article. Le directeur de son journal lui demande de rentrer: il ne s’exécutera pas.

Qu’a-t-il vu de significatif? Le témoin passe plus de temps à raconter de petites anecdotes dont il serait presque le héros, qu’à décrire véritablement la situation. Quelques bombardements peu fournis, sa rencontre d’un barrage où il reçoit un coup de crosse qui le fait rouler dans la poussière pendant que son accompagnateur, l’infirmier Isidore, pris pour un Tutsi, échappe de justesse à la mort. Au deuxième passage d’une barrière, il aperçoit trois cadavres fraîchement assassinés. Les soldats belges regroupés à l’École française ne pensent qu’à une chose: rejoindre l’aéroport. Le témoin fait partie du convoi. Et de citer les propos de monsieur GAILLARD sur la route: « Ne tirez pas, nous sommes neutres!!! » Arrivé à bon port, il doit menacer l’ambassadeur de Belgique qui refuse d’évacuer vers le Kenya un couple dont la femme est enceinte: s’il ne s’exécute pas, il aura droit à un article vengeur dans le Figaro dès le lendemain. Le témoin aura gain de cause… L’aéroport est bombardé et des soldats de l’ONU l’envoient sur la piste pour essayer de savoir d’où viennent les tirs!!! ( NDR. Étonnant tout de même!)

Le témoin reviendra deux fois au Rwanda, en mai et juin, rencontrera KAGAME dans le Nord, Marc VAITER dans son orphelinat où il sauvera beaucoup d’enfants, le Père BLANCHARD, un prêtre dont il dira plus tard qu’il sera blessé dans sa paroisse (NDR. C’est le confrère allemand du curé de la paroisse de Nyamirambo, Otto MAYER, qui sera blessé. Le père BLANCHARD quittera le Rwanda après l’attaque de sa paroisse début juin).

Le témoin éprouve une certaine fierté à dire que Bernard KOUCHNER va appeler MITTERRAND avec son téléphone satellitaire. Il reconnaît que sans l’intervention de l’armée française, le FPR aurait pris Kigali beaucoup plus tôt et que si les paras français de l’opération Amaryllis étaient restés au Rwanda le génocide n’aurait pas eu lieu! (NDR. Comment faut-il comprendre ces deux remarques?) Toujours est-il que la cohabitation ne favorise pas la prise de décisions dans le gouvernement français. Seul le général QUESNOT semblait avoir compris la situation! Le témoin égratigne au passage les ambassadeurs français et belge et souligne leur manque de courage. Leur fuite montre qu’ils ont choisi leur camp.  Ses articles ont alerté l’opinion: tout juste si ce n’est pas grâce à lui que l’opération Turquoise a été décidée.

La politique française est un « ratage historique » mais on ne peut pas dire que la France ait été complice des génocidaires. Pas de complicité non plus de la part des militaires français. Renaud GIRARD confie qu’il a été appelé à Matignon « pour éclairer la situation faussée par les informations des militaires, qu’il a vu à l’Élysée la lettre dans laquelle le FPR remercie la France pour son rôle dans les accords d’Arusha, que DE SAINT QUENTIN lui a fait part de ses certitudes quant aux auteurs de l’attentat »… (le FPR)

Et de terminer en parlant du président KAGAME, « un despote éclairé« . Pour lui, « le Rwanda n’est pas une démocratie sinon les Hutu prendraient le pouvoir » (NDR. On aura tout entendu! Drôle de notion de la démocratie!) « Le Rwanda est le seul pays d’Afrique où vous ne pouvez pas entendre la BBC!!! KAGAME a décidé de changer la langue du pays car il ne parle pas Français… » Et de poursuivre: « Ceci dit, c’est un homme impressionnant qui n’est pas corrompu et qui combat la corruption. Il est dévoué à son pays mais ce n’est pas un démocrate. On peut avoir des inquiétudes sur l’après KAGAME... » Et le bouquet final:  » Dans leur cœur, les Hutu vont chercher une vengeance! »

Par ses questions, le Président souhaite revenir au factuel. Le témoin dit bien qu’il y avait beaucoup de cadavres dans Kigali, mais surtout dans les quartiers périphériques. Les barrières tenues par des militaires ou des miliciens? « L’armée française avait appris aux FAR à faire la guerre. Si les Français étaient revenus, ils auraient pu ramener l’armée rwandaise à la raison. Sur les barrières il y avait des gens en treillis mais pas possible de savoir qui ils étaient. » Et ça puait la mort? « Oui, une odeur terrible, ça puait la mort! » Mais de préciser aussitôt, comme pour disculper l’accusé: « Un reporter en fauteuil roulant aurait eu du mal à voir... (NDR. On aurait pu poser une autre question au témoin: « Et du mal à sentir? » Personne n’a oser le faire.) « Si on restait aux Mille Collines on ne voyait rien! »

Le témoin reconnaît des discours de haine dans les médias surtout sur RTLM. « Mein Kampf présentait les Juifs comme de la vermine. On parlait des Tutsi comme des cafards! » Mais la population éprouvait un sentiment de haine et de peur à l’égard du FPR. Pour preuve les gens avaient fui la zone occupée par le FPR. Le témoin finit par reconnaître, sur une question de maître FOREMAN, que « la population était chauffée à blanc par une propagande d’Etat » ce qui contredit ses propos précédents quand il parlait de révolte « spontanée« .

Monsieur HERVELIN-SERRE demande au témoin de redonner les dates de son séjour. Arrivé le 11 avril, il restera une dizaine de jours et sera évacué par un Hercules belge vers Nairobi. Des barrages à Kigali?   » Pas très nombreux« . Des contrôles?  » Pour un Français, aucun problème, pour un Belge c’était plus compliqué. Hutu vous passiez, Tutsi vous étiez massacré! »  Sur quels critères? « Parfois ça se voit. Ce sont des gens assez différents. Et puis les Africains savent se reconnaître! » (NDR. No comment!) Si le critère est bien l’appartenance ethnique, le témoin avoue « qu’il  n’a jamais entendu dire qu’on demandait la carte d’identité! » (NDR. Il est bien le seul!) Mais de reconnaître que « les Tutsi étaient massacrés comme tels, ce n’était pas des combattants. Il n’y avait pas de cinquième colonne à l’intérieur du Rwanda. » D’ajouter que » les victimes ont été tuées essentiellement à la machette. Il y avait un système de propagande qui fait commettre le génocide par la population elle-même. Il y a eu peu de coups de feu. »

Maître EPSTEIN a peu de temps pour poser des questions car le témoin suivant s’impatiente: il doit retourner à Genève et l’audition de Renaud GIRARD a pris trop de temps (NDR. On aurait pu en gagner si le témoin s’était un peu moins mis en scène). L’ambassadeur de France avait peur du FPR? Le témoin confirme. Le génocide s’est commis surtout dans les quartiers populaires? Le témoin confirme encore. Autour de l’École française, pas de corps dans les caniveaux! (NDR. On sait pas d’autres témoins que les cadavres avaient été ramassés quand le témoin est arrivé). Importance des événements du Burundi? Affirmatif!

Le témoin de conclure:  » KAGAME a voulu faire illusion en mettant BIZIMUNGU (NDR. Un Hutu, à la tête de l’État). Il est où maintenant? En prison. (NDR. Faux. Libéré depuis longtemps).

Maître EPSTEIN, cinglant: «  Vous avez été cité par le Parquet ou la défense? » Le témoin hésite pour finir par dire:  » Par le Parquet« .

 

Audition de monsieur Philippe CEPPI, journaliste suisse.

Il est plus de 17 heures et nous avons été avertis que le témoin devait être libre à 17h30. L’audition va donc être limitée dans le temps.

Correspondant à Nairobi, le témoin entrera au Rwanda avec Jean HÉLÈNE dans la nuit du 8 au 9 avril 1994. Le matin du 9, les rues de Kigali sont jonchées de cadavres, certains déjà dévorés par les chiens. A l’hôpital de la ville, plus de 400 cadavres sont entassés, la morgue déborde. Le témoin rapport

e qu’un médecin est effondré: des militaires sont venus achever des blessés à la baïonnette! « C’est un chaos indescriptible! » Monsieur CEPPI rapporte d’autres faits qui se déroulent à Gikondo, une colline proche de Kiyovu. Il évoque aussi un sauvetage qu’il effectue au lac Muhazi: des blessés sont retirés d’un puits où ils ont dû sauter avant que les tueurs ne lancent des grenades! On évacue les Européens, on abandonne les Rwandais! Il n’a pas vu d’exécution et il était protégé par son passeport suisse.

En réponse à monsieur Ludovic HERVELIN-SERRE, le témoin confirme que les cadavres ont été enlevés par le CICR puis par la voirie de Kigali. Les corps sont restés longtemps sur place. Il y en avait beaucoup à Gikondo. Les cris des victimes se mêlaient à ceux des tueurs. Mais aussi cris de joie lors du sauvetage des blessés! Les tueurs empestaient l’alcool. Questionné par le témoin qui lui demande s’il se rend compte de ce qu’il fait, un tueur se contente de dire: « Quel gâchis!« .  « Folie collective! » avoue le témoin, manifestement marqué. On entendait aussi des coups de feu: rafales de mitraillettes, tirs de mortiers…

Rôle des médias, des radios? Le témoin s’est rendu à la RTLM, y a rencontré une journaliste « obèse et agressive« , Valérie BEMERIKI. « Cette radio était très écoutée ». Le témoin confie avoir enquêté après le génocide: il a récupéré des archives de la RTLM à l’ambassade de Belgique.

Monsieur CROSSON DU CORMIER demande au témoin s’il a entendu parler de SIMBIKANGWA.  » J’ai entendu parler de lui très tôt, après la prise de Kigali. Je me suis rendu à la Centrale du Renseignement où j’ai saisi quelques documents. Le nom de SIMBIKANGWA revenait en boucle, il inspirait la terreur. Lors d’une enquête au Kenya, j’ai publié un article après avoir rencontré le chauffeur de SIMBIKANGWA:  » L’exil doré des dignitaires hutu » du 6 avril 1995. »

http://www.liberation.fr/evenement/1995/04/06/l-exil-dore-des-dignitaires-hutus_131044
http://www.liberation.fr/evenement/1995/04/06/l-exil-dore-des-dignitaires-hutus_131044

 

Le témoin confirme que lors d’interview et de rencontres, le nom de SIMBIKANGWA revient en boucle. Il aurait fait partie de l’Akazu. Il inspirait la terreur, faisait partie des durs du régime, ceux qui auraient abattu l’avion. SIMBIKANGWA a fini par rejoindre le Kenya. « Je n’enquêtais pas sur lui mais on parlait de cet homme en fauteuil roulant et qui pratiquait la torture. »

Maître EPSTEIN sort de ses gonds.  » C’est la première fois qu’on entend parler d’un chauffeur de SIMBIKANGWA à NAIROBI. Quelles sont vos sources? » Calmement, le témoin rétorque que la personne lui a dit:  » Je suis le chauffeur de SIMBIKANGWA. »

Interrogé, SIMBIKANGWA, dit évidemment qu’il n’avait pas de chauffeur et qu’il prenait le taxi (NDR. Il vivait dans « un quartier huppé » et se déplaçait en taxi. Il avait donc un certain niveau de vie! A condition qu’il dise la vérité!)

L’avocat de la défense repart à l’attaque.  » L’Akazu n’existe pas et on vous dit que SIMBIKANGWA appartient à l’Akazu! Si vous le considérez comme un dignitaire, c’est faux. » Le témoin insiste. Des tirs de mortiers provenaient bien de l’aéroport où étaient les FAR. « Vous êtes déjà allé dans une zone de guerre? » tente le témoin. Maître EPSTEIN réplique:  » C’est moi qui pose des questions! » De poursuivre: « On ne peut pas comprendre sans être allé sur place. Les jurés ne peuvent pas comprendre… » Le témoin poursuit son raisonnement: « Je ne voudrais pas passer pour un idiot mais je ne peux pas distinguer d’où venaient les tirs. Le FPR est resté un moment au Parlement (NDR. Et non dans une caserne proche du Parlement comme le disait le témoin précédent) et entre le 9 et le 12 le FPR n’était en mesure de combattre. »

Le président procède alors à la lecture de l’article L’exil doré des dignitaires hutu que lui a remis le témoin. Après la lecture, l’accusé veut prendre la parole: il conteste le témoin, rappelle qu’il ne travaillait plus en 1994. Le Président lui fait remarquer que l’article est daté de 1995! SIMBIKANGWA s’énerve à nouveau, fatigué que l’on revienne sans cesse sur la question des cadavres! Réponse du Président:  » S’il n’y a pas de morts, il n’y a pas de génocide! »

SIMBIKANGWA parlant de lui à la troisième personne: « SIMBIKANGWA n’a jamais dit qu’il n’y a pas eu de morts. Ça fait deux semaines qu’on revient sur ce sujet! On est là pour savoir si monsieur SIMBIKANGWA a participé à un massacre de masse. Il ne faut pas sortir du fond ».

Le témoin doit partir. Le Président suspend l’audience.

Demain nous entendrons monsieur SWINNEN, ambassadeur belge, en visioconférence, avant de visionner le documentaire de la BBC « An untold story« . L’après-midi sera consacrée à l’audition de madame Linda MELVERN et de madame Esther MUJAWAYO.

Alain GAUTHIER, président du CPCR.

 

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