Procès en appel de SIMBIKANGWA. Jeudi 27 octobre 2016. J3

Interrogatoire de monsieur SIMBIKANGWA.

Le président, monsieur Régis DE JORNA, souhaite interroger l’accusé sur les grandes lignes de sa défense.

  1. « Une Cour d’assises vous a déclaré coupable de certains faits, vous a acquitté pour d’autres. Coupable de génocide et non de complicité. 25 ans de prison. Vous avez fait appel et le Parquet, à son tour, a fait un « appel incident ». Pourquoi avez-vous fait appel? » SIMBIKANGWA de répondre qu’il ne reconnaît pas la condamnation qu’on lui a infligée, condamnation qui n’est pas équitable: « On m’a condamné pour le contraire de ce que j’ai fait!« 
  2. « Le TPIR a fait un constat judiciaire: « Le génocide des Tutsi est un fait de notoriété publique qui ne peut raisonnablement être contesté ». Bien sûr, le négationnisme, le révisionnisme existent. Et vous, qu’en pensez-vous? » (NDR. Le président utilise indifféremment l’expression « génocide des Tutsi » ou « génocide rwandais ».  Maître FOREMAN attirera son attention pour qu’on utilise l’expression « génocide des Tutsi« ).  SIMBIKANGWA indique qu’il n’a pas compris tout de suite qu’un génocide avait lieu car il y avait 2500 soldats de la MINUAR, 50 000 soldats des FAR et 10 000 du FPR! Il finit par avouer que le génocide a existé, que des gens sont morts « parce qu’ils étaient Tutsi, c’est connu! » SIMBIKANGWA devra toutefois s’expliquer sur des propos qu’il avait tenus en prétendant que le génocide était devenu pour certains « un fonds de commerce », « un instrument de pouvoir« ! D’ajouter:  » Je suis un homme probe.  Les Rwandais me connaissent. Avec les forces présentes au Rwanda, je n’ai pas cru que les gens puissent s’entretuer. » Etonnant! Il rappelle que dans sa commune de 40 000 habitants, il n’y a eu que 3 morts! Etonnant? Pas vraiment. Et de rappeler qu’il n’a fait que sauver des gens, que le TPIR n’a pas voulu le poursuivre pour insuffisance de charges! Le président se permet de lire des propos qu’il a tenus en d’autres lieux:  » Je suis victime d’une cabale d’associations de victimes qui poursuivent les rescapés parmi les Hutu partout dans le monde... » SIMBIKANGWA, une nouvelle fois, répondra à côté de la question.
  3. Concernant le nombre de victimes, le président fait remarquer à l’accusé qu’il a déclaré n’en avoir vu aucune pendant le génocide! Réponse de SIMBIKANGWA:  » C’est une question très difficile. Je me souviens avoir vu un homme se faire brûler vif… Les rues étaient régulièrement nettoyées, je ne suis sorti que le 9 avril… Une seule personne qui a sauvé un Juif est considérée comme un Juste… » Pourquoi pas lui qui a sauvé des Tutsi?
  4. Le président reprend. « Après la mort d’HABYARIMANA, vous êtes resté prostré alors que vous vous considérez comme un « combattant ». Comment expliquer ce comportement? » Réponse: « J’étais triste. Je n’ai rien fait »!

L’interrogatoire va être interrompu pour être repris après l’audition des experts médicaux.

Reprise de l’interrogatoire.

Maître FOREMAN commence par réagir aux propos des experts médicaux. On a bien compris que si SIMBIKANGWA était reconnu coupable, il serait pleinement responsable de ses actes dans la mesure où il avait une pleine conscience de ce qui se passait. A la question de savoir s’il y a eu un double génocide, l’accusé finira par avouer, après de nombreuses circonvolutions, qu’il y a eu aussi un génocide des Hutu entre 1996 et 1998. Le président s’était permis juste avant de lui rappeler ses propos:  » Tout le monde sait très bien que tous ceux qui sont morts, ce sont des Hutu, cinq fois plus que de Tutsi. Après le génocide, le FPR a massacré des millions de Hutu! »

Maître FOREMAN veut revenir sur l’unique victime que l’accusé a finalement vu brûler sur un tas de pneus. Pourquoi SIMBIKANGWA s’acharne-t-il à dire qu’il s’agissait d’un infiltré? Comment le sait-il? Pour toute réponse, l’accusé dira que « les gens criaient que c’était un infiltré. Vous ne pouvez pas nier que des membres du FPR étaient infiltrés! »

Dernière remarque de l’avocat du CPCR. « Monsieur SIMBIKANGWA a dit que le TPIR n’avait rien trouvé à lui reprocher lorsqu’il a remis le dossier aux autorités rwandaises. C’est faux. Lorsqu’on évoque la fermeture du TPIR en 2005, personne ne sait où se trouve l’accusé et son cas n’a pu être étudié« ! Ce n’est pas plus compliqué, et c’est cela la vérité.

Monsieur CROSSON du CORMIER prend la parole à son tour. Il s’étonne que l’accusé, un proche du président, ne soit au courant de rien de ce qui se passe en avril 1994. Il aimerait savoir aussi ce qu’il a fait de son temps pendant les dix ans de son exil, avant son arrivée à Mayotte. Comme à son habitude, SIMBIKANGWA s’embrouille, noie le poisson. Réaction de l’avocat général:  » Quand vous serez d’humeur, j’aimerais que vous me disiez ce que vous avez fait pendant cette période! » Réponse étonnante de l’accusé:  » Mon pays, c’est la liberté… Mon pays, c’est le XVIII ème siècle français ». Comprenne qui pourra.

Audition de trois experts médicaux: madame Annie SOUSSY, monsieur FINALTAIN, médecins légistes, et monsieur PROSPER, psychiatre.

Il n’est pas nécessaire de reprendre dans le détail chacune des dépositions, d’autant que certains détails relèveraient presque du secret médical. Que l’expertise soit médicale ou psychiatrique, les conclusions sont les mêmes: SIMBIKANGWA est responsable de ses actes. S’il est condamné par la justice, aucune déficience ne pourra minimiser sa responsabilité. Bien sûr, l’accusé a de nombreux problèmes de santé, il est soumis à de nombreux traitements médicaux. La vie en prison est difficile, il a très mal vécu sa détention à Mayotte. La question qui avait été posée aux experts consistait à savoir si monsieur SIMBIKANGWA pouvait supporter un procès. La réponse est claire: si on lui accorde des temps de repos, si on aménage une salle où il pourra avoir les soins dont il a besoin, si le transport peut se faire en ambulance… rien ne s’oppose à ce que le procès ait lieu, « l’accusé est parfaitement apte à comparaître« . Le président rassurera les experts en soulignant que la plupart des demandes qui avaient été faites ont été réalisées.

L’audience est suspendue à 18h40.

Alain GAUTHIER, président du CPCR.

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