- Audition de Marie-Claire NYIRANDAYAMBAJE, commerçante.
- Audition de Béatrice NYIRASAFARI, sœur du témoin précédent.
- Audition de Martin HIGIRO, commerçant.
Avant l’audition des derniers témoins, le président DE JORNA annonce qu’il y a un changement dans le planning. Comme il est hors de question de commencer à délibérer en milieu de journée, il propose de reporter le délibéré et le verdict au lundi 5 décembre. Cette solution ne convenant à personne, il nous sera annoncé que le choix de la Cour s’est porté sur le samedi 3 décembre.
Accusation de maître BOURGEOT. L’avocate de la défense accuse le CPCR d’avoir « violé l’oralité des débats » dans son blog. Remarque lui est faite qu’il ne s’agit pas du blog de monsieur GAUTHIER mais du site internet du CPCR. Cette dénonciation vaut une explication car c’est une attaque totalement infondée. Maître BOURGEOT fait allusion à la déposition de monsieur Dieudonné NIYITIGEKA, entendu le mardi 22 novembre 2016 en visioconférence. Ce dernier avait demandé le huis clos partiel, ce qui lui a été accordé. Aucun compte-rendu de cette audition n’a été divulgué. A la fin du témoignage, le huis clos a été levé par le président. L’échange qui a suivi s’étant déroulé en audience publique, j’en ai rédigé un compte-rendu. De plus, lors du procès en première instance, lecture avait été faite, en audience publique, des interrogatoires du témoin par les juges d’instruction. Le compte-rendu de cette audience est sur le site internet du CPCR depuis plus de deux ans: un lien vers ce texte a donc été donné et est consultable. L’attaque de Maître BOURGEOT est donc juridiquement inacceptable. Je ne commenterai pas davantage pour rester courtois. AG.
Audition de madame Marie-Claire NYIRANDAYAMBAJE, commerçante.
Le témoin est l’épouse d’un ami de monsieur SIMBIKANGWA, Joseph, lui aussi handicapé à la suite d’un accident. Elle dit n’avoir vu l’accusé qu’une seule fois pendant « la guerre » (?) lorsque ce dernier est venu leur apporter à manger. A préciser que le témoin était aussi la collègue de l’ex-épouse de Pascal SIMBIKANGWA. Les deux amis en chaise roulante se voyaient régulièrement. Lors de cette rencontre, l’accusé fera savoir à son ami qu’il ne peut pas l’aider à fuir vu son état. Le témoin nous apprend que l’ex-épouse du Capitaine vivait avec un certain Thomas: c’est lui qui l’aidera à fuir vers Gisenyi. Le témoin raconte son voyage qui a duré longtemps parce qu’ils ont dû changer plusieurs fois d’itinéraire pour éviter des barrières. Par prudence, ils s’étaient fait accompagner d’un militaire. Quand elle montrait sa carte d’identité hutu, on s’étonnait en voyant son visage. Le Thomas en question portait une veste militaire. Elle ne pourra pas en dire plus sur son identité. Elle reverra SIMBIKANGWA en juin 1994, chez son beau-frère Bosco chez qui elle avait trouvé refuge. Le témoin redit qu’elle doit son salut à la femme de l’accusé.
Question est posée au témoin concernant un certain Papias KIBILITI. Elle reconnaît que c’est son père. Or, l’accusé prétend avoir sauvé cette famille. Madame NYIRANDAYAMBAJE dément: ses parents se sont réfugiés aux Mille Collines, et SIMBIKANGWA n’y est pour rien. Elle avoue que le refus du Capitaine de les aider l’a profondément déçue; elle était même en colère, tout comme son mari. Questionnée à propos de Béatrice NYIRASAFARI, elle révèlera que c’est sa propre sœur, Hutu comme elle, et qu’elle sera aidée par l’accusé pour rejoindre à son tour Gisenyi.
Maître PHILIPPART, subtilement, rapporte les propos de la défense qui reproche aux enquêteurs de n’avoir rien fait pour retrouver un témoin important, Mama SUBILA. Et le témoin de déclarer: « Mama SUBILA? C’est moi! » (NDR. CQFD) L’avocate du CPCR revient sur des propos de l’accusé qui aurait dit que ses parents étaient restés chez lui pendant tout le génocide. Le témoin ne donne pas la même version.
Monsieur CROSSON DU CORMIER cherche à savoir pourquoi son mari a lui aussi été soigné en Belgique, comme l’accusé. Elle déclare que c’est une décision de la Caisse Sociale et du ministère de l’Économie où il exerçait la fonction de comptable.
Monsieur HERVELIN-SERRE voudrait connaître quelles étaient les relations de SIMBIKANGWA avec « une autre personne handicapée, Joseph », appelé aussi « Papa SUBILA » (NDR. Habitude fréquente au Rwanda, quand on est proche, d’appeler quelqu’un par le nom de leur enfant, souvent l’aîné(e) précédé de « papa » ou « maman. ») Mama SUBILA et Papa SUBILA sont donc mari et femme. Le témoin précise que les handicapés en chaise roulante étaient assez rares au Rwanda et que Joseph et l’accusé étaient devenus amis.
L’avocat général fait remarquer au témoin qu’elle a un mari hutu, un père hutu, une carte d’identité hutu, « et pourtant vous avez peur: c’est à cause de votre physique« ? Le témoin confirme, sa mère étant Tutsi, elle avait « un faciès de Tutsi. »
Monsieur HERVELIN-SERRE rapporte les propos de l’accusé: « Chaque fois qu’une personne m’a demandé de l’aide, je l’ai aidée! » Réponse de madame NYIRANDAYAMBAJE: « Pour moi, il ne l’a pas fait! »
Maître BOURGEOT révèle que son mari a fait savoir, lors d’un interrogatoire, que SIMBIKANGWA était venu les revoir à son retour de Gisenyi où il avait conduit Béatrice, et qu’il n’avait en fait pas vraiment refusé de les transporter eux-mêmes!
Le président DE JORNA procède à la lecture de la déposition de monsieur Joseph BAZIRA, époux du témoin. Il révèle qu’il voyait SIMBIKANGWA deux fois par mois et que ce dernier recevait la visite de nombreux militaires gradés, dont Aloys NTABAKUZE. « Beaucoup de gens venaient le solliciter pour une aide. SIMBIKANGWA avait trouvé injuste d’avoir été renvoyé de l’armée, il n’avait aucun lien de parenté avec le Président mais il était fanatique, il l’adorait! » Il précise aussi que le Capitaine était un « membre de l’Akazu [1], grand fanatique du MRND, ami de Félicien LIBANJE et d’un des gendre de HABYARIMANA. » De passage à Gisenyi, l’accusé lui aurait assuré que « la guerre allait être gagnée« . Au Congo, il a fui avec deux voitures du gouvernement! Il termine sa déposition en affirmant que « SIMBIKANGWA passait souvent aux barrières, il devait encourager les gens! »
La parole est donnée à Pascal SIMBIKANGWA. Il veut revenir sur les témoignages de la veille. Pour lui, MRND, « le parti du président, ne veut pas dire génocide. » C’était le seul parti capable d’unir les Rwandais. Quant aux témoignages des fils GAHAMANYI, ils ne peuvent que mettre la confusion dans l’esprit des jurés. Il conteste fortement les propos de Pascal GAHAMANYI et les condamne: » C’est diabolique. Comment l’enfant que j’ai aidé, que j’ai pris comme le mien, qui voit où je suis, qui veut entraîner son petit frère… après la mort de mon épouse… après la mort de mon cousin prêtre… Mon petit frère a voulu le tuer au Zaïre? Est-ce qu’il ne pouvait pas passer sur la chose? » (sic).
Il signale qu’il y a « beaucoup de corruption, beaucoup de mensonges. » Il a donné la liste des personnes qu’il a aidées, revient sur le témoignage d’Isaïe qu’il a sauvé trois fois. Il rappelle ses hauts faits en faveur des Tutsi. Et d’ajouter, s’adressant au président: « Vous, vous avez la faculté de comprendre, mais ce n’est pas le cas des jurés! En avril, je ne pouvais pas imaginer que nous perdrions! Même le 4 juillet, je ne pouvais pas parier un kopeck que nous perdrions! »
Audition de madame Béatrice NYIRASAFARI, sœur du témoin précédent.
Le témoin connaissait la femme de l’accusé qui travaillait avec sa grande soeur. C’est SIMBIKANGWA qui l’a aidée à quitter Kigali, en passant d’abord par son domicile de Kiyovu. Elle précise que les gardes du corps étaient agressifs avec elle (NDR. Ce que tous les témoins qui ont eu à faire à eux ont signalé. ») Le Capitaine l’a conduite à Gisenyi, d’abord dans sa famille puis dans celle chez qui sa soeur était réfugiée.
Le témoin doit répondre ensuite aux questions du président. Dans le quartier de Nyamirambo régnait l’insécurité: d’où son désir de fuir. SIMBIKANGWA a bien hésité à l’évacuer car une bombe était tombée près de la BNR (Banque Nationale du Rwanda). Il est venue la chercher en pickup blanc. Chez son hôte, elle y rencontre bien Pascal GAHAMANYI, dont elle sait qu’il est Tutsi. Mais elle n’est pas étonnée de le voir là: « Les GAHAMANYI étaient des voisins. Vos voisins pouvaient vous tuer! A ce moment-là, tout était possible. » SIMBIKANGWA avait bien de l’autorité sur ses gardes qui la menaçaient, mais il ne pouvait pas tout contrôler. Elle signale qu’à ce moment-là, le chauffeur a disparu. On lui a dit qu’il s’était « échappé« . Ces gardes faisaient peur à tout le monde: Martin HIGIRO restait dans sa chambre. Elle précise qu’elle est restée environ deux semaines chez l’accusé. SIMBIKANGWA a bien envoyé quelqu’un pour remettre une carte d’identité hutu à sa mère. Mais cette dernière ne l’a jamais reçue. « SIMBIKANGWA pouvait tout faire. A Kigali, tout le monde le connaissait. C’était un proche du Président, tout le monde connaissait son nom. » Si elle n’a pas vu de morts aux barrières, il y en avait au bord des routes. Des camions transportaient des corps.
Un assesseur s’étonne que Hutu, avec une carte d’identité hutu, que pouvait-elle bien craindre? « Ils regardaient les mains, les pieds, le visage… » Concernant le chauffeur, SIMBIKANGWA et les gardiens ont dit qu’ils s’étaient enfui. « Il avait une apparence de Tutsi! » Elle n’a pas vu de stock d’armes dans la maison mais signale la visite d’Interahamwe chez l’accusé. Et d’ajouter que « SIMBIKANGWA était puissant! »
A la question de maître PHILIPPART, le témoin confirme que ses parents, les KIBILITI, n’ont jamais reçu la moindre aide de SIMBIKANGWA, contrairement à ce que l’accusé a prétendu. Elle confirme qu’elle a bien vu un corps brûler à une barrière de Nyamirambo (NDR. Le seul corps que l’accusé a fini par reconnaître avoir vu dans tout le Rwanda.)
Questionnée par l’avocat monsieur HERVELIN-SERRE, le témoin confirme que le Capitaine portait une veste camouflage. Bien qu’elle fût Hutu, on la considérait comme une Tutsi.
Maître Safya AKORRI veut se faire préciser comment on pouvait reconnaître la tenue des Interahamwe [2]. « Ils portaient des pagnes colorés, mais certains avaient des habits militaires. »
Maître BOURGEOT pose quelques questions courtes. SIMBIKANGWA portait bien une veste camouflage. Elle ne peut pas préciser la date de son arrivée chez l’accusé qui l’a aidée, même si, selon l’avocate, « il était connu comme quelqu’un qui n’aimait pas les Tutsi. » Par contre, contrairement à ce que dit l’accusé, ses parents n’ont jamais confirmé que SIMBIKANGWA était venu les chercher dans une école.
Maître EPSTEIN déclare ne pas avoir de question à poser: « Je les réserve pour le témoin suivant! »
Audition de monsieur Martin HIGIRO, commerçant.
Le témoin déclare ne connaître l’accusé que depuis avril 1994. Avant, il avait entendu parler de lui dans les journaux. Il raconte ensuite les circonstances de son exfiltration par Bonaventure MUTANGANA, frère de SIMBIKANGWA, qui le déposera chez ce dernier alors qu’il aurait souhaité se rendre soit à l’ambassade de Suisse, soit à l’Hôtel des Mille Collines. Il reconnaît son hôte grâce aux photos qu’il avait vues avant. Le lendemain, l’accusé partira au travail, la guerre avait commencé. Le témoin évoque alors la mort du chauffeur Laurent, devant le salon. Comme le gardien lui avait fait part que les militaires allaient les tuer le soir même, le témoin dire devoir son salut à l’arrivée inopinée de monsieur SADALA qui acceptera de le conduire, sa femme et ses deux enfants, vers l’Hôtel des Mille Collines.
Monsieur HIGIRO exprime le souhait de pouvoir prendre connaissance de ses déclarations antérieures « pour ne pas dire des choses divergentes. » Le président lui dit que ce n’est pas la loi. S’il s’est senti en danger le 6 avril au soir, ce n’est pas seulement parce qu’il était Tutsi, c’est surtout que depuis 1990, arrêté et blessé par une grenade, on le considérait comme « un complice« . A cette époque, accusé d’avoir hébergé des soldats du FPR, c’est RWAGAFILITA [3] qui avait envoyé des militaires pour l’arrêter. Il confirme que c’est bien à MUTANGANA, son locataire, à qui il s’adresse pour l’aider à fuir. Il était originaire de Gisenyi, « se comportait comme un chrétien« , il avait donc confiance en lui. Par contre, il sera surpris de le voir arriver en compagnie de deux militaires, alors qu’il s’était déjà réfugié chez un des ses voisins, un certain Mustapha. MUTANGANA ne le conduira pas à l’ambassade de Suisse car il a peur de passer les barrières. Le témoin évoque les conditions de son séjour chez SIMBIKANGWA (plus ou moins trois semaines) dont il a peur. Son hôte partait et revenait.
Sera évoquée alors la mort du chauffeur Laurent. Le témoin parle d’une « mort atroce« : « Je l’entendais crier de la chambre où j’étais. » C’est Pascal GAHAMANYI qui viendra lui dire que les deux militaires venaient de tuer le chauffeur. Notre tour viendrait après.
Monsieur HIGIRO va parler ensuite des visiteurs à qui des armes seront distribuées: ils portaient des habits de la CDR et du MRND. Il évoque aussi la présence d’un stock d’armes dans la maison. Il a vu des fusils être déchargés dans la maison de son hôte. Il rapporte ensuite une anecdote que la défense ridiculisera plus tard. SIMBIKANGWA, ayant appris qu’il était Tutsi, aurait posé sa tête sur la table et, en pleurs, aurait dit: « Si HABYARIMANA revenait et s’il trouvait des Tutsi chez moi... »
Sur la visite de SADALA? « C’est comme s’il venait demander de l’aide à son voisin puisqu’on commençait à dire que sa fille était la petite amie de DALLAIRE… En me voyant, il a sursauté. Il m’a conduit tout de suite aux Mille Collines, dans sa voiture. » De là, lui et sa famille seront évacués à Kabuga, à une dizaine de kilomètres de Kigali, dans la zone du FPR. Martin HIGIRO en veut à SIMBIKANGWA de n’avoir jamais pris de ses nouvelles. Quant à MUTANGANA, ayant appris qu’il était en France, il a cherché à le contacter mais il a refusé de lui donner son adresse. Pour cela, il lui en veut mais il ne peut pas oublier le bien qu’il a fait à sa famille. On lui apprend alors que Bonaventure MUTANGANA est derrière lui, dans la salle. A la question de savoir si cela le gène; le témoin répond qu’il est dans un état de droit!
On va ensuite présenter un plan de la maison de SIMBIKANGWA au témoin, ainsi qu’une série de photos. Mais ce dernier perd pied, ne comprend plus les questions qu’on lui pose.
Monsieur CROSSON DU CORMIER demande au témoin si le fait qu’il ait choisi la France pour se faire soigner est un choix personnel. Le témoin confirme. Il ajoute qu’en 1994 il n’était ni riche ni pauvre et qu’il ne connaissait SIMBIKANGWA que par la presse. Il ne savait même pas que MUTANGANA et l’accusé étaient frères. Il confirme qu’il a bien dit qu’il irait voir Bonaventure partout où il serait pour l’aider: « Je me souviens du bien qu’il m’a fait! » S’il est présent dans la salle aujourd’hui, « c’est son droit. La loi le lui permet! » Mais il ne connaît pas les raisons de sa présence.
Au tour de monsieur HERVELIN-SERRE de questionner le témoin. Il a bien eu peur quand on lui a proposé d’être confronté à SIMBIKANGWA. C’était la première fois qu’il faisait une visioconférence. Quant à savoir si l’accusé partait souvent de chez lui, le témoin confirme. Il confirme aussi que son hôte restait longtemps au téléphone. Deux de ses enfants étaient restés chez son ami Mustapha, à Nyamirambo. En ce qui concerne les armes, lors de la confrontation, il avait dit qu’il confirmait et qu’il confirmerait jusqu’à sa mort! « Je le réaffirme aujourd’hui devant vous » ajoute le témoin. Il a tout vu de la fenêtre de sa chambre qui donnait sur l’entrée de la maison. Il estime entre 30 et 50 le nombre de fusils rangés verticalement dans un local.
Maître BOURGEOT s’étonne que le témoin ne veuille pas reconnaitre que SIMBIKANGWA était son ami. Elle veut savoir aussi si monsieur HIGIRO a bien vu des objets volés: il confirme. Quant à savoir où ils étaient entreposés, le témoin ne sait que trop répondre. L’avocate ne manquera pas de l’apostropher: « Vous faites exprès de ne pas comprendre les questions? »
Maître EPSTEIN va clôturer la série des questions. « Bonsoir monsieur GAHAMANYI » commence-t-il, se trompant sur son identité. Il lui fait remarquer qu’il est des questions auxquelles il ne veut pas répondre. Il lui demande s’il est un commerçant prospère. Le témoin lui répond qu’il a deux voitures. L’avocat s’étonne que le témoin ait réclamé copie de ses déclarations antérieures. Monsieur HIGIRO répond du tac au tac: « Et vous, vous avez vos notes! » Maître EPSTEIN est piqué au vif: » Vous avez décidé d’être facétieux? » et il abandonne son dossier sur sa table.
L’avocat de la défense s’étonne que le témoin n’ait jamais mentionné l’épisode de la mort du chauffeur Laurent. Monsieur HIGIRO répond qu’il ne peut se souvenir de tout. L’avocat s’étonne aussi que le témoin n’ait pas entendu les conversations de SIMBIKANGWA au téléphone. Il revient à ses papiers pour continuer à questionner le témoin. » Vous lisiez la Bible à longueur de journées! Vous avez entendu les voix des gens mais vous ne les avez pas vus! Entendre et voir, vous faites la différence? » Monsieur HIGIRO n’a pas vraiment le temps de répondre. Il déclare qu’il n’a appris que récemment que monsieur GAHAMANYI était Tutsi, lors de ses obsèques. Maître EPSTEIN n’apprécie pas et le ton devient sarcastique: « Ça ne vous dérange pas monsieur que vous me preniez pour un imbécile? » Il accuse le témoin de mentir lorsqu’il dit que c’est lui qui a contacté MUTANGANA. SIMBIKANGWA a toujours dit que c’est lui qui lui avait envoyé son frère. « Vous mentez monsieur, vous n’êtes pas crédible! Vous lisez la Bible? Et les commandements! »
Monsieur CROSSON DU CORMIER n’apprécie pas du tout les propos de l’avocat: « Vous parlez des dix commandements des Hutu? » Le témoin s’étonne que l’avocat ait osé le traiter de menteur: « Cela m’affecte beaucoup. Vous êtes le premier à m’appeler menteur! »
L’avocat de lire alors l’audition du témoin. Tout le monde se rend compte que l’interprète n’a pas le temps de traduire. Le président le lui fait remarquer: « Vous malmenez le témoin! » Et l’avocat de rétorquer: « Ce témoin ment grossièrement! »
Maître AKORRI s’impatiente: » Votre question? Vous n’êtes pas dans votre plaidoirie! » L’avocat général de rajouter: « Ce qui ne vous convient pas n’est pas forcément un mensonge! »
Excédé par les réponses du témoin et les réactions de l’avocat général, maître EPSTEIN jette l’éponge: « Il n’est pas raisonnable de continuer. »
Effectivement, il est 21h15. Le président suspend l’audience.
Alain GAUTHIER, président du CPCR.
- Le terme Akazu, apparu ouvertement en 1991, signifie « petite maison » en kinyarwanda. L’Akazu est constituée d’une trentaine de personnes dont des membres proches ou éloignés de la famille d’Agathe KANZIGA, épouse de Juvénal HABYARIMANA. On retrouve au sein de l’Akazu de hauts responsables des FAR (Forces Armées Rwandaises) ainsi que des civils qui contrôlent l’armée et les services publics et accaparent les richesses du pays et les entreprises d’État. Cf. « Glossaire« .
[Retour au texte] - Interahamwe : « Ceux qui travaillent ensemble », mouvement de jeunesse et milice recevant une formation militaire, créé en 1992 par le MRND, le parti du président HABYARIMANA. Cf. « Glossaire« .
[Retour au texte] - Le colonel RWAGAFILITA était chef d’état-major adjoint de la gendarmerie depuis 1979 lorsqu’en 1990 il explique au général VARRET sa vision de la question tutsi : “ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider”. Il sera mis à la retraite “d’office” en 1992 avant d’être rappelé, avec Théoneste BAGOSORA, pour “venir aider” au début du génocide. Sous le régime HABYARIMANA, il avait été décoré de la Légion d’Honneur par la France!
Voir le glossaire pour plus de détails.
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