Procès de Laurent BUCYIBARUTA du mercredi 22 juin 2022. J29


Audition de monsieur Venant GAKWAYA, cité par la défense, en visioconférence de Belgique.

Le témoin a été juge au Tribunal de Première Instance de GITARAMA jusqu’en 1974, puis commerçant à BUTARE.

« Je parlerai sans mentir de la manière dont j’ai fait connaissance de Laurent BUCYIBARUTA comme sous-préfet de BUTARE. C’était un homme juste, intègre, honnête et apprécié de tous. 

Candidat à la députation à GIKONGORO, il a été élu par les Hutu et les Tutsi, ce qui prouve qu’il était apprécié. Cela nous a montré que la population le connaissait comme nous. Il a été élu deux fois mais n’a pas terminé son deuxième mandat car il sera nommé préfet. 

Pendant la guerre (sic), je lui ai téléphoné pour qu’il me contacte dès qu’il arriverait à BUTARE. Je cachais beaucoup de personnes chez moi, dont une femme et ses trois enfants. Son mari, qui était décédé, était un Hutu originaire de GIKONGORO. Je voulais qu’il la conduise à GIKONGORO dans sa belle-famille.

La réponse qu’il m’a donnée m’a beaucoup déçu: « Mieux vaut que cette famille reste cachée chez vous. Je n’ai aucun pouvoir sur les tueurs. Si je la prends, on va la tuer. » Je n’ai pas compris. Il s’est déclaré incapable de prendre ses responsabilités. Cette femme est restée chez moi avec trente cinq personnes.

Plus tard, je les ai confiés à une ONG, Terre des Hommes, qui les a conduits à BUJUMBURA au Burundi. 

Une autre partie des personnes que je cachais, une quinzaine environ, a été confiée aux militaires français de la zone Turquoise venus évacuer l’évêque de BUTARE, monseigneur GAHAMANYI. Les autres sont restés chez moi jusqu’à l’arrivée du FPR[1] le 3 juillet.

Je suis alors parti à GIKONGORO où je suis resté une semaine. Je me suis ensuite réfugié à UVIRA, au Zaïre, pendant deux semaines. Je suis rentré chez moi sans avoir rien à me reprocher. »

Monsieur le président rappelle au témoin qu’il a été entendu par les enquêteurs français (D 10722). Vous aviez de bonnes relations mais pas de liens particuliers? « Il m’a trouvé une fois à la station d’essence où je lui ai exposé mon cas. »

Le président: Il avait de la place dans sa voiture?

Le témoin: Oui. Il avait une camionnette. Ce qui l’a empêché de répondre positivement à ma demande, c’est qu’il pensait ne lui être d’aucune utilité. Cette femme s’appelait Jeanne d’Arc MUKANGARAMBE. Son mari était professeur à l’Université de BUTARE, puis à KIGALI. Il est mort avant le génocide. Elle, était Tutsi. Laurent BUCYIBARUTA m’a dit: « Si ces personnes arrivent sur place, on les tuera. Je n’ai aucun pouvoir sur les tueurs. »

Le président: Vous avez revu Laurent BUCYIBARUTA?

Le témoin: Non.  Quand je suis revenu au Rwanda, je suis allé rendre visite à une personne innocente à la prison de KARUBANDA, à BUTARE. Les militaires m’ont demandé qui je venais voir. J’ai dit que c’était une personne qui avait été arrêtée. On m’a aussitôt arrêté et conduit au cachot pendant une semaine. J’ai ensuite été transféré à la prison de KIGALI. Après trois semaines, un militaire m’a demandé pourquoi j’avais été arrêté. Le lendemain, il est revenu et j’ai été libéré. C’est RWANGABOBA Justin que je venais voir. Il est resté dix ans en prison puis a été acquitté. J’ai ensuite été convoqué devant les Gacaca[2] qui m’ont condamné à perpétuité. En réalité, mes voisins commerçants s’étaient concertés pour me faire arrêter. Je suis parti au Kenya, mais je revenais de temps en temps au Rwanda.  Je vis en Belgique depuis 2008.

Monsieur le président donne lecture d’un rapport de monsieur André GUICHAOUA: Butare, la préfecture rebelle. A BUTARE, le PSD[3] s’était beaucoup développé. Beaucoup de commerçants avaient adhéré à ce parti. Le bourgmestre, Joseph KANYABASHI s’était lui-même rallié au PSD, ce qui était bien vu par les commerçants. Venant GAKWAYA, juge de canton, faisait partie des personnages importants de la ville. Un certain Isaac MUNYAGASHAKE avait adhéré au MDR Parmehutu[4]. Ses deux fils étaient des Interahamwe[5] notoires dont Désiré MUNYANEZA. Mais pour pouvoir bien vivre, mieux valait adhérer à plusieurs partis. Monsieur Venant GAKWAYA était considéré comme un membre du MDR Pawa[6].

Président : (D10626) : Il est dit au sujet de Jean-Baptiste SEBARINDA « pendant la guerre il devint un activiste et gérait le compte de la Défense civile  à BUTARE ». Voulez-vous me dire votre rôle dans la défense civile de BUTARE ?

GAKWAYA Venant : Moi, je n’avais aucun rôle, j’ai été nommé comme secrétaire de la Chambre de commerce, on ne m’a pas demandé, je n’étais pas à la réunion. Un autre qui a été nommé c’est le secrétaire Juvénal de BUTARE. Ces personnes ont été nommées par rapport aux fonctions qu’elles exerçaient.  Je n’y ai jamais participé, et je n’ai même pas versé une quelconque cotisation.

Président : Donc, vous êtes Hutu Power par hasard ?

GAKWAYA Venant : Oui, c’est ça.

Président : Donc, pendant le génocide, vous expliquez que vous avez caché trente-cinq personnes chez vous ou dans des maisons qui vous appartenaient (D10722), et vous avez dit: « Les militaires sont venus chez moi pour fouiller, mais des fouilles pas très sérieuses car ils n’ont pas trouvé les gens que je cachais« . Je suis un peu surpris. Monsieur, comment se fait-il qu’une perquisition faite par les militaires dans la maison où vous accueillez trente-cinq personnes qui s’y cachent, comment se fait-il que les militaires n’y voient rien ? Expliquez-moi, je ne comprends pas très bien.

GAKWAYA Venant : A ce moment-là, j’étais sorti. J’étais à la station et on m’a dit que les militaires arrivaient chez moi pour fouiller, perquisitionner mon domicile. Quand je les ai croisés, ils venaient de terminer, mais ils n’avaient pas fait le tour pour fouiller partout. Autrement, ils les auraient découverts.

Président : Ce que vous expliquez c’est qu’ils n’auraient pas bien effectué leur travail ?

GAKWAYA Venant : Oui, c’est la chance.

Président : Vous avez rencontré le Président intérimaire SINDIKUBWABO[7]) ?

GAKWAYA Venant : Je n’y étais pas, je ne l’avais pas vu.

Président : Vous aviez dit que vous étiez à CYANGUGU. Vous vous déplacez fréquemment pendant cette période du génocide ? C’était facile de se déplacer ?

GAKWAYA Venant : La guerre a commencé après le départ de SINKUBWABO de BUTARE.

Président : Donc, pour vous, la guerre a commencé après le départ de SINKUBWABO ?

GAKWAYA Venant : Oui, oui avant on était bien.

Président : Sans problème ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Président : Mais CYANGUGU ce n’est pas à BUTARE ?

GAKWAYA Venant : Non.

Président : Est-ce que vous allez à GIKONGORO de temps en temps ?

GAKWAYA Venant : Uniquement de passage.

Président : Alors, pourquoi vous n’avez pas conduit vous-même la veuve et ses trois enfants ?

GAKWAYA Venant : C’était pendant la guerre, c’était difficile.

Président : Jusqu’au 19 avril, ce n’était pas la guerre Monsieur, justement ?

GAKWAYA Venant : C’était la guerre après.

Président : Voulez-vous ajouter autre chose ?

GAKWAYA Venant : Comme je connaissais le préfet Laurent BUCYIBARUTA, comme je le disais, c’est un homme honnête, bon, il ne pouvait pas tuer. Mais, on n’avait pas confiance en lui car on disait qu’on le soupçonnait d’avoir caché des Tutsi, on n’avait pas confiance en lui, comme sa femme était Tutsi. Autre chose, je suis originaire de GIKONGORO et je suis passé par-là, c’était ma commune natale et on connaît les autorités qui ont participé, mais personne n’a jamais dit chez moi que le préfet BUCYIBARUTA aurait tué, aurait poussé les gens à tuer. Tout le monde le respectait et avait confiance en lui. Il était suspecté et on disait qu’il avait caché lui-même des gens chez lui.

Président : Vous êtes déjà allé chez lui ?

GAKWAYA Venant : Non, mais je le connaissais. Je me suis renseigné à propos de lui-même au sujet du bourgmestre, je me demandais comment celui-là se comportait, comment un tel autre se serait comporté. Personne ne m’a jamais dit que le préfet Laurent BUCYIBARUTA se serait impliqué dans ces choses-là.

Questions de la Cour :

Juge Assesseur 1 : La scène où vous demandez au préfet Laurent BUCYIBARUTA de prendre les enfants dans la voiture pour GIKONGORO, est-ce que vous pouvez la dater ?

GAKWAYA Venant : Au mois d’avril ou au début du mois de mai. Je me souviens du mois mais pas des dates.

Juge Assesseur 1 : Est-ce que, aujourd’hui, vous regrettez que le préfet n’ait pas pris les enfants dans sa voiture ?

GAKWAYA Venant : J’ai compris qu’il était incapable.

Juge Assesseur 1 : Non, non. Ma question c’est « vous regrettez » ?

GAKWAYA Venant : La réponse qu’il m’a donnée vraiment je n’ai rien compris. Mais, si j’avais insisté, il aurait pu les prendre, et les conduire à GIKONGORO, il m’a juste conseillé.

Juge Assesseur 1 : Vous, vous étiez à BUTARE, dans cette préfecture, est-ce qu’il y a eu des massacres contre les Tutsi ?

GAKWAYA Venant : Oui, oui, et contre les Hutu aussi.

Juge Assesseur 1 : Est ce que vous pouvez dater?

GAKWAYA Venant : Je crois le 20 ou le 21 avril.

Juge Assesseur 1 : Est-ce que le 20 et 21 avril ça a un rapport que le président soit venu le 19 et que le Préfet HABYARIMANA ait été destitué ?

GAKWAYA Venant : Le préfet de BUTARE ne voulait pas participer aux tueries. Au début j’étais à KIGALI et ensuite je suis allé à BUTARE. C’était calme. Si le Président n’avait pas fait ce discours[8], la guerre n’aurait pas eu lieu à BUTARE, il n’y aurait pas eu de massacres.

Juge Assesseur 1 : Vous êtes à BUTARE dans les jours qui suivent le 20, qu’est-ce qu’on sait ? Qu’est-ce qu’on dit de l’ancien préfet ? Qu’est-ce qu’on dit de ce qui est arrivé à sa famille ? Sa femme ?  Ses filles?

GAKWAYA Venant : On dit que ce jour-là il a été tué ou un jour après. Sa femme aussi et ses enfants. Sa femme était Hutu et elle a été tuée. Elles étaient à la maison chez lui.

Questions de la défense:

Me LÉVY : J’aimerais que vous me donniez des précisions sur votre adhésion au parti MDR ? A quel moment avez-vous adhéré à ce parti ?

GAKWAYA Venant : J’étais opposant comme d’autres. Je participais au MDR[9], mais je soutenais le PSD[10], le PL[11] car je voulais qu’il y ait un changement.

Me LÉVY : Donc, c’est au début du multipartisme que vous avez adhéré au parti MDR ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Me LÉVY : J’aimerais revenir sur un autre point, sur les accusations dont vous avez fait l’objet. Quand vous êtes rentré au Rwanda, vous avez été arrêté, libéré, est-ce que c’est des années plus tard qu’il y a eu des accusations contre vous ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Me LÉVY : Combien d’années après que ces nouvelles accusations, dénonciations ont eu lieu ?

GAKWAYA Venant : Ils ont commencé en 1997 vers la fin, j’en ai informé le Ministre qu’il y avait des réunions qui se font et qu’on veut me faire arrêter. Il m’a dit que lui ne pouvait rien faire. Quelques jours après, le Ministre à qui j’avais parlé, je lui ai exposé ma situation, et il a pris la fuite. Je voyais quand même que je pouvais être condamné injustement, et donc j’ai pris la décision de m’éloigner un peu, mais je revenais sur place au Rwanda.

Me LÉVY : Quel est le nom du ministre qui a pris la fuite ?

GAKWAYA Venant : Je ne sais pas.

Me LÉVY : Est-ce que c’est Monsieur NKUBITO ?

GAKWAYA Venant : Non, ce n’est pas lui, c’est l’autre.

Me LÉVY : Donc, vous faites l’objet de nouvelles accusations ? Et vous faites des allers-retours entre le Rwanda et le Kenya pendant cette période ? Et vous êtes condamné en 2012 ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Me LÉVY : Lors de votre audition, on vous avait demandé si vous connaissiez Laurent BUCYIBARUTA et sa famille, vous avez indiqué que vous connaissiez son épouse, dans quelles circonstances la connaissez-vous ?

GAKWAYA Venant : Avant qu’il ne soit nommé sous-préfet, je ne le connaissais pas. Mais, après son élection, j’ai commencé à le connaître.

Me LÉVY : D’accord, mais ma question portait sur l’épouse de Laurent BUCYIBARUTA ?

GAKWAYA Venant : C’est pendant le génocide que j’ai su que son épouse était Tutsi. Avant, je ne connaissais pas son ethnie.

Président : Je précise que je donnerai la parole à Monsieur Laurent BUCYIBARUTA pour réagir.

Me BIJU-DUVAL : Je pense que vous avez écouté attentivement la lecture qu’a faite Monsieur le Président des analyses de Monsieur André GUICHAOUA ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Me BIJU-DUVAL : Il ressort des observations de Monsieur GUICHAOUA qu’il dirige contre vous des accusations qui sont graves, que vous faites partie du MDR Power, que vous auriez financé des Interahamwe, que vous auriez eu un rôle dans la défense civile. Qu’en est-il réellement ?

GAKWAYA Venant : Comme je l’ai dit, je n’ai pas financé, je n’ai jamais été impliqué dans ça, je n’ai jamais donné de l’argent. Personne ne pourrait indiquer que j’aurais donné de l’argent à qui que ce soit et personne ne peut le dire car cela n’a jamais existé.

Me BIJU-DUVAL : Est-ce que oui ou non vous avez joué un rôle dans l’autodéfense civile ?

GAKWAYA Venant : Non, je n’ai rien fait.

Me BIJU-DUVAL : Alors pourquoi GUICHAOUA porte contre vous ces accusations ?

GAKWAYA Venant : La nomination simple car il était indiqué que j’avais accès aux comptes.

Me BIJU-DUVAL : Je comprends que vous avez été nommé sans qu’on vous demande votre avis, est-ce que vous avez joué un rôle ou c’est une simple nomination ?

GAKWAYA Venant : C’est une simple nomination.

Me BIJU-DUVAL : Qui procédait à cette nomination ?

GAKWAYA Venant : Le sous-préfet de la préfecture.

Me BIJU-DUVAL : En ce qui concerne votre adhésion au MDR, il a été rappelé que vous y avez adhéré au début du multipartisme et ensuite il est question du MDR POWER. Vous savez que ce sont les extrémistes Hutu ? Est-ce que oui ou non vous y avez adhéré ?

GAKWAYA Venant : Ça ce n’est pas vrai, quand j’ai vu que les partis ont eu des scissions en leur sein, moi, je me suis mis de côté et alors ceux qui disent ça, ce n’est pas vrai. Je n’avais aucun intérêt, moi j’étais commerçant. Je me contentais de mon commerce et je n’avais pas d’intérêt dans ça, j’ai arrêté ce militantisme par rapport à ceux qui disaient cela.

Me BIJU-DUVAL : Donc, il y a un malentendu, vous n’avez pas fait partie du MDR Power qui se constituait en juillet 1993 ?

GAKWAYA Venant : Le président Faustin TWAGIRAMUNGU, après qu’il s’est brouillé avec ses collègues, je n’ai plus fait partie.

Me BIJU-DUVAL : Vous évoquez cette brouille, est-ce qu’on est d’accord que c’était en date du mois de juillet 1993 ?

GAKWAYA Venant : Comme il en devenait ainsi, j’ai laissé tomber, je n’ai pas pris part à une faction ou l’autre, j’ai tout abandonné.

Me BIJU-DUVAL : Est-ce que ces accusations de Monsieur GUICHAOUA qui sont portées contre vous, sont celles que l’on retrouve dans le dossier monté contre vous très tardivement dans les Gacaca ?

GAKWAYA Venant : Il a été mal informé, ce que je dis est vrai, je n’avais plus d’intérêt dans cela, je me suis mis à l’écart.

Me BIJU-DUVAL : Est-ce que quand vous êtes accusé devant les Gacaca, et vous serez condamné en 2012, est-ce que vous avez connaissance des accusations portées contre vous, portées devant les Gacaca ?

GAKWAYA Venant : On ne m’a jamais communiqué aucun document, je n’en sais rien. Je leur ai dit que s’ils avaient envie de le faire, ils pouvaient le faire, mais ils ne m’ont pas convoqué.

Me BIJU-DUVAL : A quelle date cessez-vous de retourner au Rwanda ?

GAKWAYA Venant : En 2008. Quand j’ai quitté, j’étais malade, j’ai été opéré, maintenant je suis handicapé, je ne peux aller nulle part.

Me BIJU-DUVAL : Donc, je comprends que pendant les années qui ont précédé votre départ, vous n’avez pas été inquiété des procédures judiciaires, à part vos péripéties du début ?

GAKWAYA Venant : Non, aucune juridiction ne m’avait poursuivi.

Me BERAHOU : Pouvez-vous donner lecture (D1860 p.597) du livre d’Alison DES FORGES[12] ?

Me BIJU-DUVAL : J’aimerais juste que les ordres de parole soient respectés.

Président : (Précise que Me BERAHOU est dans son droit). Ne vous inquiétez pas, je vous donnerai la parole.

Lecture d’un passage concernant le financement de l’auto-défense civile demandée par Me BERAHOU :

Kalimanzira et Nyiramasuhuko auraient insisté pour obtenir des contributions généreuses de l’élite urbaine et intellectuelle de Butare, en vue de financer l’effort d’« autodéfense civile ». Face à leur insistance et conformément aux instructions nationales, le préfet créa un fonds spécial pour « l’autodéfense civile », distinct des comptes ouverts précédemment pour la sécurité nationale et locale. Le Vice-recteur présenta un chèque de l’association d’épargne des employés de l’université pour la somme conséquente de 6 488 594 francs rwandais (210 000 francs français), comme mentionné plus haut. À la fin de juin, il y avait près de 12 millions de francs rwandais sur le compte d’« autodéfense civile » dont quatre millions avaient été versés par les autorités après que le Procureur eut confisqué et vendu les biens d’un jeune commerçant Tutsi surnommé « Nouveau riche». Le reste provenait essentiellement de versements effectués par des hommes d’affaires de la région. Parmi les membres du comité qui géraient ce compte figuraient le sous-préfet Faustin Rutayisire, le Vice-recteur Nshimyumuremyi, Venant Gakwaya, important homme d’affaires et secrétaire de la Chambre de commerce de Butare, ainsi que Jean-Baptiste Sebalinda, responsable administratif et financier de la SORWAL. Conformément à la directive du ministère de l’Intérieur mentionnée plus haut, les fonds devaient servir à l’achat d’armes, de vivres et de « rafraîchissements » pour les milices.

Lettre du préfet de Butare, Sylvain NSABIMANA, au gérant de la banque au sujet de l’ouverture d’un compte destiné à « l’autodéfense civile » :

Objet : Demande d’ouverture d’un compte
Monsieur le Gérant,
Le conseil de sécurité préfectorale de Butare a décidé d’ouvrir un compte dans votre Banque,
dénommée « Préfecture Butare – Défense Civile ». Les mandataires sont :
– Monsieur RUTAYISIRE Faustin, Sous-Préfet de Préfecture
– Monsieur MSHIMYUMUREMYI J.Berohimans, Vice-Recteur UNR
– Monsieur S??ALINDA, Chef administratif et financier à la SORWAL
– Monsieur GAKWAYA Venant (alias Socode), Secrétaire de la Chambre de Commerce à Butare.
Ils agiront conjointement trois à trois pour toute opération de retrait,
Je vous demanderais donc de faciliter l’ouverture de ce compte dans votre Banque.
Dans l’attente d’une réponse favorable, veuillez croire, en ma franche collaboration.

Me BIJU-DUVAL : Avez-vous entendu les deux extraits du livre d’Alison DES FORGES, dont on vient de donner lecture ?

GAKWAYA Venant : Oui.

Me BIJU-DUVAL : Il y a, dans cet ouvrage, un courrier signé du préfet de BUTARE, Sylvain NSABIMANA, daté du 15 juin 1994[13], qui vous nomme au côté de trois autres personnes comme mandataires du compte dénommé « Préfecture BUTARE, défense civile ». Pouvez-vous nous éclairer sur cette nomination ?

GAKWAYA Venant : J’ai compris la question. Comme je vous l’ai déjà dit, je n’avais pas été consulté quand j’ai été nommé. Ensuite, je n’ai fait aucune opération sur ce compte, je n’y ai jamais effectué ni de versement, ni de retrait, je n’ai rien fait d’autre. Je vous l’avais déjà dit. Ensuite, j’ai été nommé dans ce comité, c’est suite à ces fonctions que j’exerçais en tant que secrétaire de la Chambre de Commerce, rien d’autre.

Président : Monsieur Laurent BUCYIBARUTA, souhaitez-vous réagir ?

Laurent BUCYIBARUTA : Merci Monsieur le Président. Je ne réagirai pas sur ce que le témoin a rapporté. Il a indiqué les circonstances dans lesquelles  nous nous sommes connus, en tant que sous-préfet de préfecture à BUTARE, je le rencontrais comme je rencontrais d’autres personnes de toutes les catégories de la préfecture de BUTARE. D’autres points, concernant la dame dont le mari était originaire de GIKONGORO et qui en 1994 était décédé et la femme était cachée avec ses enfants chez le témoin. C’est exact, il m’en a parlé et j’ai raisonné sur la question et je me suis dit même si le mari est Hutu et qu’il ne vit plus, ce serait un risque exagéré que je conduise la dame à GIKONGORO avec ses enfants car il y avait beaucoup de risques qu’elle soit même tuée en cours de route avant que je n’atteigne sa famille d’origine à KARAMA, alors je pensais que c’était mieux qu’elle reste cachée là-bas chez lui car il avait plusieurs immeubles et annexes et qu’il ne manquait pas de place. Donc, au lieu de prendre des risques pour l’emmener à GIKONGORO là où la sécurité n’était pas très propice, j’ai préféré lui donner conseil de garder la dame et ses enfants au lieu de circuler avec eux, au risque de rencontrer même des bandits, soit aux barrières soit en dehors. Voilà c’est ce qu’on a fait.

Président : Donc, c’est après avoir évalué les risques ?

Laurent BUCYIBARUTA : Oui, exactement. Je ne me sentais pas la force de protéger les gens comme je l’aurais souhaité.

GAKWAYA Venant : Finalement, je les ai confiés aux militaires français, qui étaient là et je les remercie car ils m’ont rendu un grand service.

Président : Est-ce que vous vous souvenez de la date ?

Laurent BUCYIBARUTA : Je ne me rappelle pas de la date mais c’est au mois d’avril.

Président : Souvenez-vous si le président avait déjà prononcé son discours ou pas ?

Laurent BUCYIBARUTA : Je pense que c’est avant, on allait s’approvisionner en essence dans une des stations services du témoin, mais il fallait aller prendre un bon de rationnement.

 

Audition de madame Béatrice KAMPIRWA, citée par la défense, en visioconférence de Belgique.

KAMPIRWA Béatrice : Ce que je peux dire, c’est que ça fait longtemps, il y a des choses que j’ai oubliées, alors je n’arriverai peut être pas à répondre concrètement.

Président : Vous nous avez dit que vous êtes née en 1968. Donc, en 1994, vous avez 26 ans ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Quelle était votre situation en avril 1994, pendant la période du génocide, pendant la guerre entre les forces du FPR et les forces des FAR ?

KAMPIRWA Béatrice : J’étais mariée, j’avais un enfant.

Président : Comment s’appelait votre mari ?

KAMPIRWA Béatrice : Emmanuel KALISA, il était commerçant.

Président : Qu’est-il advenu de lui ?

KAMPIRWA Béatrice : Il est mort.

Président : Dans quelle circonstance ?

KAMPIRWA Béatrice : Avec l’histoire qui s’est passée chez nous, des policiers sont venus et ils lui ont demandé de partir avec eux, il est parti et il n’est plus revenu.

Président : Est-ce que votre mari était Tutsi ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Donc, il était Tutsi, il était commerçant et un jour un gendarme vient le chercher ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Est-ce que vous savez si c’était un gendarme ou un policier communal ?

KAMPIRWA Béatrice : C’était pas un policier communal.

Président : C’était un gendarme ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Savez-vous de qui il s’agit ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Etiez-vous présent à ce moment ?

KAMPIRWA Béatrice : J’étais dans la maison avec le petit et on lui a demandé de partir et je ne l’ai plus jamais revu.

Président : Donc, il est sorti de la maison, il est parti avec le gendarme et vous ne l’avez plus jamais revu ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Savez-vous à quelle date ça se situe ? Après l’attentat de l’avion de HABYARIMANA ? Cette période est marquée par la date du 6 avril, c’est longtemps après ?

KAMPIRWA Béatrice : Je dirais peut-être mi-avril, je ne me rappelle plus des dates, mais c’était entre mi-avril et mai.

Président : Vous étiez vous même présente à ce moment-là dans la maison ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Souvenez-vous s’il y a eu une grande attaque contre les réfugiés Tutsi qui étaient à l’ETO de MURAMBI ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, mais je ne me rappelle plus des dates. Je sais que pendant la nuit, on avait entendu beaucoup de bruit.

Président : La disparition de votre mari, c’était avant ou après la grande attaque où vous avez entendu beaucoup de bruit ?

KAMPIRWA Béatrice : C’était après.

Président : Pouvez-vous nous dire si des parents de votre mari ont disparu ?

KAMPIRWA Béatrice : Non, il n’avait pas de parents, ils sont décédés avant.

Président : Pas de frère ? Des cousins ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : A votre avis, s’il a été arrêté, s’il a disparu, c’était pour quelle raison ?

KAMPIRWA Béatrice : Vu ce qu’il se passait chez nous, que c’était les Tutsi qui étaient visés et qu’il était Tutsi, certainement on l’a pris à cause de ça.

Président : Vous aviez un enfant à cette époque-là ? Vous aviez eu peur pour cet enfant ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Car si j’ai bien compris les règles de transmission de l’ethnie, c’est que c’était l’ethnie du père qui était déterminante pour l’ethnicité de l’enfant ?

KAMPIRWA Béatrice : Ils ont pris le père et n’ont pas cherché à comprendre pour l’enfant.

Président : Savez-vous comment on attribuait le caractère ethnique pour chaque individu ? Vous-mêmes, vous êtes de quelle ethnie, Hutu ou Tutsi ?

KAMPIRWA Béatrice : Hutu, mon père était Hutu et ma mère était Tutsi.

Président : Normalement, votre fils, il aurait du être considéré comme Tutsi ?

KAMPIRWA Béatrice : Je ne sais pas pourquoi ils ne l’ont pas pris.

Président : C’est simplement pour comprendre comment cela fonctionnait.

KAMPIRWA Béatrice : Oui, la personne prenait l’apparence du père.

Président : Donc, en cas de couple mixte, c’est l’appartenance ethnique du père qui prévôt ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Quelle était votre situation professionnelle en 1994 ?

KAMPIRWA Béatrice : Je travaillais au Parquet. Ça faisait deux ou trois ans. J’avais commencé en 1992.

Président : Quelles étaient vos fonctions au Parquet ?

KAMPIRWA Béatrice : J’étais secrétaire là-bas.

Président : Combien il y avait de secrétaires ?

KAMPIRWA Béatrice : Il y en avait deux.

Président : Combien de magistrats au parquet ?

KAMPIRWA Béatrice : Je m’en rappelle d’un et de l’autre que l’on appelait IPJ.

Président : Est-ce que le nom de Cense SEMIGABO vous dit quelque chose ?

KAMPIRWA Béatrice : C’était le procureur du parquet de GIKONGORO.

Président : Y  avait-il un autre magistrat ? Comment s’appelait-il ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, Bosco GAKWAYA.

Président : Que pouvez-vous nous dire sur ces deux magistrats ? Est-ce que le parquet de GIKONGORO a continué à fonctionner à cette période-là ?

KAMPIRWA Béatrice : Non, le travail s’est arrêté, il n’y avait pas de moyen de travailler.

Président : Cela s’arrête à partir de quand ? De l’attentat de l’avion du Président ?

KAMPIRWA Béatrice : Je ne sais plus exactement.

Président : Souvenez-vous d’avoir entendu l’annonce de la mort du Président HABYARIMANA ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Souvenez-vous d’un communiqué disant aux gens de rester chez eux ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Est-ce qu’à un moment quelconque on vous a demandé de retourner travailler ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Souvenez-vous de la dernière fois que vous avez vu Celse SEMIGABO ?

KAMPIRWA Béatrice : Non, les gens disaient qu’il était parti au CONGO, mais je ne sais pas dans quelle partie du CONGO.

Président : Savez-vous s’il a travaillé pendant cette période ?

KAMPIRWA Béatrice : Je ne sais pas.

Président : Que pouvez-vous nous dire sur Bosco GAKWAYA ?

KAMPIRWA Béatrice : Il est mort avec sa famille.

Président : Pouvez-vous me dire de quelle ethnie il était ?

KAMPIRWA Béatrice : Il était Tutsi.

Président : Pouvez-vous me dire dans quelle circonstance il est mort ?

KAMPIRWA Béatrice : D’après ce que j’ai entendu dire, les gens sont allés à son domicile. On l’a tué à son domicile avec sa femme et ses enfants. C’est ce que j’ai entendu.

Président : Est-ce que vous étiez également en contact avec le président ou les juges du tribunal ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Vous n’étiez pas en contact avec eux au tribunal ?

KAMPIRWA Béatrice : Non, car en général …

Président : Parlez-nous de l’IPJ, c’est l’inspecteur de police judiciaire ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Son nom ?

KAMPIRWA Béatrice : Je sais que l’un s’appelait VÉDASTE, l’autre je ne sais pas.

Président : Qu’est-il devenu ? Il a survécu ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, il travaille au Rwanda, mais je ne sais pas ce qu’il fait, mais il travaille.

Président : Savez-vous s’il a été poursuivi pour avoir participé au génocide ?

KAMPIRWA Béatrice : Je ne sais pas, je n’ai pas de contact particulier avec lui.

Président : Pouvez-vous me dire qu’elles étaient les autres personnes qui travaillaient au Parquet ?

KAMPIRWA Béatrice : Ildephonse KAYIRANGA.

Président : Quelles étaient ses fonctions ?

KAMPIRWA Béatrice : Il était secrétaire.

Président : Pendant la période du génocide, qu’est-il devenu ?

KAMPIRWA Béatrice : Je crois qu’il est mort à MURAMBI.

Président : Il était Tutsi ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Est-ce que votre mari avait été incité, invité à aller à MURAMBI ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Donc, il était plutôt discret, il essayait de se cacher ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Est-ce que vous avez vu le préfet à un moment quelconque à cette période-là ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, car j’avais une soeur qui travaillait à BUTARE et malgré que je ne fréquentais pas beaucoup cette famille, j’ai été chez lui pour lui demander, parce que je savais que ma soeur aussi était menacée, et donc je lui ai demandé un moyen de protéger ma soeur.

Président : Donc, vous vouliez savoir si c’était possible de protéger votre sœur pour qu’elle vous rejoigne ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui ,car là où elle était je crois que là-bas c’était très difficile, elle était menacée.

Président : Est-ce que c’était votre sœur ou demi-sœur ?

KAMPIRWA Béatrice : Demi-sœur. Pas la même mère.

Président : Donc, je suppose que d’un point de vue administratif, elle était Hutu ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, mais ce que je ne vous ai pas dit c’est que les gens pouvaient se tromper aussi. On peut te voir avec le tien ou avec ton ami et alors on te disait tu es Tutsi alors que tu étais Hutu, je ne sais pas comment ils distinguaient les gens et donc si tu étais élancé il te disait que tu étais Tutsi.

Président : Donc, vous aviez peur qu’on la prenne pour une Tutsi pour sa morphologie, indépendamment du fait qu’elle était Hutu administrativement ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, je ne sais pas si elle avait une carte d’identité.

Président : Quelle était l’activité de votre sœur ?

KAMPIRWA Béatrice : Elle travaillait pour MSF à BUTARE.

Président : Donc, MSF, Médecin sans frontière ? MSF s’est déplacé dans plusieurs endroits de GIKONGORO ? MSF était présent à BUTARE ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Elle se sentait en insécurité avec les responsables de MSF ?

KAMPIRWA Béatrice : Elle ne se sentait pas forcément en sécurité dans la région.

Président : Donc, vous pensiez qu’elle serait davantage en sécurité à GIKONGORO plutôt qu’à BUTARE ?

KAMPIRWA Béatrice : C’était plus facile d’être à deux, je ne sais pas si c’était plus en sécurité, mais au moins on est ensemble.

Président : En plus, vous aviez un petit enfant ? Il avait quel âge ?

KAMPIRWA Béatrice : Il avait deux ans, né en 1992.

Président : Quelles sont les démarches que vous avez faites ? Vous vous adressez au préfet, pourquoi lui ?

KAMPIRWA Béatrice : Comme c’est lui le préfet de la préfecture, j’ai pensé qu’il y a les gendarmes qui vont assurer la sécurité, et c’est pour ça que j’ai demandé.

Président : Donc, vous êtes allée voir le préfet car vous vous êtes dit qu’il pouvait assurer la sécurité du transport de votre sœur jusqu’à GIKONGORO ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, c’est ce que je pensais.

Président : Donc, il a été d’accord ?

KAMPIRWA Béatrice : Au début, ce n’était pas facile car il disait qu’il n’y avait pas la sécurité. Puis, à un certain moment, ma sœur est arrivée chez moi avec d’autres jeunes filles aussi.

Président : Pouvez-vous expliquer comment votre sœur arrive à GIKONGORO et qui sont ces filles ?

KAMPIRWA Béatrice : Je n’ai pas vu ces filles qui travaillaient avec elle.

Président : Mais c’était des filles Hutu ou Tutsi ?

KAMPIRWA Béatrice : Je ne lui ai pas demandé franchement.

Président : Vous avez su que votre sœur était venue avec des jeunes filles de BUTARE, mais vous savez si elles travaillaient aussi à MSF ?

KAMPIRWA Béatrice : Non, je ne sais pas non plus.

Président : Donc, vous savez que votre sœur était venue avec trois autres jeunes filles mais elles sont venues comment ?

KAMPIRWA Béatrice : Elles sont venues ensemble.

Président : Est-ce qu’elles ont fait ce voyage dans des conditions de sécurité ? Dans quelles conditions ?

KAMPIRWA Béatrice : Comme elles étaient avec les gendarmes, j’imagine qu’elles étaient en sécurité.

Président : Savez-vous pour quelles raisons elles ont fait le voyage avec les gendarmes ?

KAMPIRWA Béatrice : Je pense que comme j’avais demandé au préfet s’il pouvait me ramener ma sœur, comme elles sont venues avec les gendarmes, j’imagine que c’est lui qui les a envoyées les récupérer.

Président : Vous pensez que c’est le préfet qui a envoyé les gendarmes de BUTARE pour aller chercher votre soeur et ces filles ?

KAMPIRWA Béatrice : Quand ma sœur est revenue, elles étaient quatre filles.

Président : Est-ce que vous avez vu votre sœur ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Est-ce qu’elle vous a dit que c’était le préfet qui avait dit aux gendarmes d’aller les chercher ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, c’est ce qu’elle m’a dit.

Président : Est-ce qu’en dehors de ces circonstances vous avez eu l’occasion de revoir le préfet ? De le remercier ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Président : Est-ce qu’elle même a revu le préfet ?

KAMPIRWA Béatrice : Elle est restée chez moi, je ne pense pas. Puis, ce n’était pas facile pour nous d’aller chez lui. En général, si j’étais allée lui demander de l’aide, c’était pour un service. Chez le préfet, ce n’est pas un endroit comme on peut aller chez un ami.

Président : Vous avez expliqué que vos familles se connaissaient ? Est-ce que j’ai bien compris ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, parce que mes parents se connaissaient, ils étaient des amis. Mais, en 1982, mes parents sont morts et j’ai quitté l’endroit où j’habitais. C’est quand je suis revenue à GIKONGORO que je l’ai vu.

Président : C’est une famille en qui vous avez confiance ? C’est pour ça que vous allez la voir ?

KAMPIRWA Béatrice : C’est une famille dont nos parents se connaissaient.

Président : Ce qui justifiait des relations de confiance ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Qu’est ce qu’est devenue votre sœur ?

KAMPIRWA Béatrice : Elle est au Rwanda aussi.

Président : Elle travaille toujours comme infirmière ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui.

Président : Elle est toujours à KIGEME ?

KAMPIRWA Béatrice : Oui, KIGEME à GIKONGORO.

Président : Etes-vous restée après le génocide ou vous êtes partie ?

KAMPIRWA Béatrice : Moi, je suis partie.

Président : Vous êtes allée où ?

KAMPIRWA Béatrice : Au CONGO.

Président : Vous êtes en BELGIQUE depuis combien de temps maintenant ?

KAMPIRWA Béatrice : Depuis 1998.

Président : Est-ce que vous souhaitez ajouter autre chose ?

KAMPIRWA Béatrice : Non.

Le ministère public: Votre soeur vous a raconté le voyage à GIKONGORO?

KAMPIRWA Béatrice : il y avait des barrières sur la route mais elle ne m’a pas parlé de contrôles. C’était au mois de mai. Je ne sais pas combien de gendarmes l’ont accompagnée. C’est bien BUCYIBARUTA qui avait envoyé les gendarmes.

Le président veut interroger le témoin sur la « pacification ». Madame KAMPIRWA ne semble rien en connaître: « J’ai quitté au mois de juillet. »

La défense n’a pas de questions à poser. Parole est donnée à monsieur Laurent BUCYIBARUTA.

« Je voudrais préciser les circonstances. Nos familles se connaissaient depuis plusieurs années. Je connaissais sa soeur. j’ai compris qu’elle pouvait être en danger. On pouvait juger quelqu’un sur son physique. Elle habitait TUMBA. J’ai téléphoné à un officier originaire de GIKONGORO qui se trouvait à BUTARE. Lui ne pouvait rien faire mais un autre officier pouvait intervenir.. Il s’est arrangé pour trouver des gendarmes. Je ne pouvais pas faire de réquisitions auprès des gendarmes de GIKONGORO. »

Maître TAPI: Pourquoi Laurent BUCYIBARUTA n’a-t-il pas pu protéger le mari du témoin?

Monsieur BUCYIBARUTA: Il pouvait peut-être mieux se cacher chez des voisins.

Sur question de monsieur le président, monsieur BUCYIBARUTA confirme que le Parquet ne fonctionnait pas, qu’aucune personne n’a été déférée devant la justice pendant le génocide. Aucun criminel n’a été arrêté.

Le ministère public s’étonne. « Vous êtes sollicité pour deux cas. Dans un cas vous refusez et dans l’autre vous acceptez. »

Monsieur BUCYIBARUTA: Les deux cas sont différents.

Le ministère public: Oui, Tutsi vous refusez et Hutu, la soeur du témoin, vous acceptez!

 

Audition de maître Eric GILLET, à la demande du ministère public.

 

Je ne connais pas le dossier mais je connais bien le domaine. J’ai étudié dans une certaine mesure les faits au Rwanda. J’ai été avocat pour les parties civiles devant la Cour d’Assises de Bruxelles, mais aucun des faits ne concernaient la préfecture de Gikongoro. Le premier grand procès devant la Cour d’Assises de Bruxelles concernait la préfecture de Butare. En 1990, juste après le déclenchement de la guerre j’avais été employé par des personnes emprisonnés. J’a été plaidé au Rwanda pour la libération de certains d’entre eux et notamment des journalistes. La FIDH m’a demandé de conduire des enquêtes sur ce qu’il se passait au Rwanda. J’ai co-présidé avec Alison DES FORGES la commission internationale d’enquête qui en janvier 1993 a enquêté sur les violations des droits de l’Homme commises dans l’ensemble du pays[14]. Il a une période préalable au génocide qui est très importante, car c’est la période gestation du génocide. On n’est pas informé depuis l’intérieur du pouvoir de ce qu’il se passe mais c’est par la suite qu’on va apprendre qu’un cercle de personnes autour du président HABYARIMANA et que lui-même préparaient un génocide – ce qu’ils appelaient « une solution finale face à la crise ethnique ». On a aujourd’hui plus d’informations sur ces trois à quatre ans précédents le génocide et qui ont préparé à mettre en œuvre celui-ci, c’est-à-dire des plans qui devaient fonctionner ensuite à plus grande échelle. Le président HABYARIMANA était partie intégrante de la communauté internationale amis également confronté à celle-ci qui l’a poussée à à négocier diplomatiquement en 1993 [les accords d’Arusha]. Dès 1992 quand les premiers protocoles étaient signés dans le cadre des discussions avec le FPR, le président les qualifiaient de chiffon de papier – en novembre 1992 -. On avait déjà à l’époque un Premier Ministre qui n’était pas du bord de HABYARIMANA car le Rwanda avait été également forcé de s’ouvrir au multipartisme.

(…) le premier discours qui appelaient à massacrer les Tutsi, à les renvoyer chez eux car dans l’esprit mythique les Tutsi ne sont pas originaires du Rwanda. C’est très tôt dès novembre 1992, qu’on voit qu’on est sur deux pistes : celle diplomatique à laquelle le pays est contrainte par la communauté internationale et dans les faits, les déclarations c’est par le cas. On constate que c’est un peu plus tard qu’en janvier 1993 que les milices Interahamwe commencent à prendre de l’ampleur. On voit bien qu’on s’apprête à les utiliser comme des milices. Elles sont entraînées dans des camps militaires. Le rapport que nous avons publié en mars 1993 suite à notre visite du mois de janvier 1993 en parle déjà.

il y avait une autre caractéristique de ces massacres de l’époque. Ce rapport décrivant quel était le mode opératoire d’un certain nombre de massacres qui s’étaient déjà produits dont l’un d’eux s’était déjà produits dans le Bugesera et qui fait – dès mars 1992 – préfiguration de la manière dont va se dérouler le génocide. Il s’agissait d’une articulation de toutes les composantes de l’État pour commettre « des massacres de masse ». Celui qui ne connaît pas le Rwanda a beaucoup de difficultés à concevoir l’extrême sophistication administrative de l’organisation du génocide. Le Rwanda était très structure sur le plan administratif, il était très décentralisé. On commence à voir dès mars 1992 le mode de fonctionnement. Tous ces échelons de la structure administrative étaient impliqués. On comptait sur ce que chacun pouvait faire à son niveau pour mettre en œuvre le plan génocidaire. Il y avait à côté de ça d’autres forces comme la gendarmerie, la police, les médias sous contrôle étatique qui étaient associés à cette entreprise. Lorsque le processus diplomatique avance, il devient impossible que la radio nationale participe à la promotion du génocide, raison pour laquelle la RTLM est créée en 1993 et dont le rôle est fondamental dans le génocide[15]. Dès 1992, on voit se créer la thèse selon laquelle il y avait un complot des Tutsi et du FPR[1] pour commettre un génocide des Hutu. C’est ce qui déclenchera le massacre de Bugesera en mars 1992. Les Tutsi de cette région avaient été accusés de comploter.

En décembre 1992, le président invite l’armée à réfléchir à la notion d’ennemi, qui est un groupe de réflexion crée et qui produit un document. On assiste pour la première fois à une définition de l’ennemi. C’est une définition large elle regroupe d’abord les Tutsi ainsi que leurs complices, c’est-à-dire que tous ceux qui, au Rwanda, tentent d’éloigner l’attention du conflit ethnique sont considérés ainsi. Il y a même un certain nombre de personnalités – principalement des hommes d’affaire Tutsi – désignés comme ennemis du Rwanda. Ce document est important quand on sait ce que la notion d’ennemi va jouer dans la propagande du génocide. Le but de celle-ci visait à convaincre les Hutu que l’ensemble des Tutsi était l’ennemi. Au départ, les Tutsi au Rwanda seront appelés les complices et ensuite on les considéra comme partie intégrante de l’ennemi au même titre que le FPR. On a bien vu sur le terrain qu’ils en sont ravis considérer qu’ils ne tuaient pas un Tutsi mais qu’ils tuaient un ennemi, ce qui a fait qu’il n’y a plus aucune relation amicale, professionnelle, famille qui a pu empêcher cela. On ne tuait pas un Tutsi, on tuait l’ennemi, ce qui était « nécessaire pour retrouver la paix ». Du fait de l’utilisation de la structure administrative de l’État de l’époque – qui n’était pas monolithique – il y avait des Hutu qui refusaient de rentrer dans cette logique ethnique. Les massacres de cette époque épousaient les limites administratives. On a vu la manière dont les massacres se sont déroulaient, et ils épousaient ces contours, par exemple, les massacres s’arrêtaient d’un secteur à l’autre. On voit bien qu’il était possible à l’époque et même pendant le génocide de s’opposer à des massacres commandités par le centre e l’État rwandais. On l’a vu aussi pendant le génocide dans la préfecture de Butare où le préfet Jean-Baptiste HABYARIMANA a résisté à l’extension du génocide pendant une quinzaine de jours. Le gouvernement s’est opposé à cette situation et il y a eu une importation massive des milices de l’extérieur de la préfecture pour conduire des massacres. Le génocide c’est quelque chose de particulier par rapport à des massacres de masse. C’est vraiment l’idée d’une solution finale qui est construite et suppose la mise en œuvre de tous les moyens de l’État du fait d’un systématisme et d’un but poursuivi. Par exemple, dans un précédent procès à Bruxelles, on a eu un banquier qui a décrit comment les banques ont été impliquées dans le financement du génocide, vu qu’elles appartenaient tous à l’État. Le but était de financer les commerçants locaux qui disposaient de camionnettes qui servaient de moyens de transports pour les miliciens. De même des entreprises publiques à Butare – comme l’usine de fabrication des allumettes – dont le directeur général a été jugé à Bruxelles – on voyait dans les comptes de cette entreprise comment elle finançait les Interahamwe. Le génocide a servi certaines entreprises. Chaque jour on découvre le caractère abyssal du génocide et on ne comprend pas à quel point cela a été organisé de manière profonde dans l’État rwandais. C’est essentiellement de se rendre compte de ce qu’il s’est passé en amont pour se comprendre que le génocide n’a rien d’inopiné.

Question du président : ce qui est frappant quand on vous écoute, beaucoup de rescapé quand ils évoquent cette période d’avril à juillet 1994, ils disent que ce n’était pas très surprenant car ils avaient déjà dans leur propre famille était victime de meurtres, d’attentats particulièrement sanglants et en particulier dans la préfecture de Gikongoro. Par exemple, des scènes de massacre à la sortie d’une messe de Noel en 1963. Ce sont des évènements qui traumatisent une population et qui ont été aussi traumatisant par le fait que ceux qui s’étaient livrés à ces attaques n’avaient jamais eu à en répondre. Les irresponsabilités accordées à ces auteurs que certains qualifient déjà de génocide ne pouvaient qu’encourager et pousser les auteurs des massacres qui allaient se produire en 1994. Cette histoire terrible, cette répétition c’est un facteur qui a contribué à enflammer les choses en 1994. ?

Réponse : bien sur car dès les années pré-indépendance il y avait l’idée du système féodal qu’il fallait renverser. De nombreux Tutsi ont été assassinés et pillés et ont fui le Rwanda. Certains d’entre eux ont voulu revenir lors de l’indépendance et déjà le pouvoir de l’époque qualifier les Tutsi de l’intérieur de « complices ». L’État rwandais mobilisait déjà sa population contre les Tutsi de l’intérieur. C’est aussi ça qui va resurgir au moment où la guerre éclate en 1990. Les Tutsi voulaient revenir au Rwanda par la force, raison pour laquelle le FPR a été créé. Dès octobre 1990 on emprisonne des gens mais ce qui va se passer c’est qu’à un moment donné, il va y avoir un groupe qui va décider que la meilleure manière de résoudre le problème « inter-ethnique » c’est d’éliminer une des ethnies. (…) dit déjà « l’erreur que nous avons commise en 1959 c’est de vous avoir laisser survivre ».

Il y a avait déjà une force des Nations Unies pour être en place la mise en œuvre des accords d’Arusha mais au mois de janvier 1994, il y a un personnage haut placé dans les Interahamwe[16] qui prend contact avec la MINUAR[17] et qui leur dit « on me demande de participer à l’organisation de l’autodéfense civile, je suis tout à fait d’accord d’y participer, sauf que je suis de plus en plus amené à constater que ce n’est pas de ça qu’il s’agit. On prépare une véritable machine à tuer ». Il donne des détails incroyables il dit « la machine est conçue pour tuer 1 000 Tutsi toutes les 20 min et elle va se déclencher par l’assassinat des casques bleus belges ». Il donne des informations sur des caches d’armes mais voulait s’assurer qu’ils obtiennent l’asile politique pour lui et sa famille. Tous les pays contactés France, Belgique et États-Unis refuseront, l’accord échouera. Les propos tenus ont fait l’objet d’un texte à l’époque de la MINUAR au centre de commandement des Nations Unies et que la MINUAR n’a reçu aucune suite. Trois mois plus tard le génocide est déclenché exactement comme il l’avait annoncé et avec l’atrocité et la terrible efficacité qu’il avait annoncées.

Ce n’est que plus tard qu’on apprendra que plusieurs États qui suivaient la situation au Rwanda étaient au courant. C’est pour ça que le MAE[18] belge demande un mandat de la MINUAR fin février 1994 en disant « je ne veux pas que les oblats belges deviennent les témoins muets et incapables d’un génocide », utilisant consciemment le terme de « génocide ». Certaines personnes arrivent à échapper aux massacres avant le début fatidique du génocide.

Question du président : on a tenue de nombreux témoins experts qui ont indiqué qu’une organisation poussée était mise en place mais que des raisons économiques ont pu pousser ce passage à l’acte en particulier que la situation économique au Rwanda n’était pas très favorable, et qu’il y avait notamment un problème de terres.

Réponse : les terres que l’on s’est appropriées c’est un problème universel ça. J’ai vu la même chose au Burundi. Quand on parle de retour évidemment la restitution des terres est l’un des problèmes principaux. Le Rwanda comme son voisin le Congo est un pays béni des Dieux, climat idéal, fertilisation conduisant à la surpopulation. Les ressources à partager n’étaient plus suffisantes à un certain moment. C’est un argument qui a pu être utilisé, mais ce n’est pas l’argument central. Il a fallu motiver les tueries, certains auteurs ont même été payés pour continuer à tuer, il y a des écrits qui prouvent ça. On a alimenté cette logique de « si tu ne tues pas, tu seras tué » mais aussi « tous les biens vacants seront les vôtres ». L’idée était qu’on ne puisse même plus se souvenir qu’il y avait eu des Tutsi au Rwanda, raison pour laquelle on détruisait entièrement les maisons. En effet, cette idée matérielle a fait l’objet d’une propagande.

Question du président : ce qui a fonctionné c’est ce que vous avez dit, l’identification d’un ennemi travaillée dès 1992 par l’armée qui caractérise l’ennemi. Cette définition de l’ennemi – je crois qu’on parlait de l’ennemi de l’intérieur – c’est ça ?

Réponse : au but du processus c’est l’ennemi.

Question du président : mais à l’origine c’est ça ?

Réponse : non dès le départ, dès ce document de décembre 1992, c’est l’ennemi, le Tutsi n’est plus Tutsi, il est l’ennemi. Pour amener des gens à tuer leur propre mère, leurs propres enfants, il fallait un appareil de propagande extrêmement puissant. Il y avait eu un document qu’on appelait les dix Commandements des Bahutu[19]. Dès 1990, il était le produit d’une collaboration avec les universitaires.

Question du président : vous parlez des 4 de Butare qui sont-ils ?

Réponse : les 4 de Butare ce sont des personnes jugées à Bruxelles en 2001, il y avait deux religieuses qui avaient participé à des massacres de gens qui vivaient sur la colline de Sovu. Il y avait également un climatologue à l’époque doctorat qui faisait sa thèse sous la direction d’un grand universitaire belge.

Question du président : vous venez de parler de l’usine d’allumette évoquée également par GUICHAOUA, vous avez parlé du rôle des banques et des commerçants qui ont eu un rôle particulier. Il fallait suppléer ces moyens pour arriver à ses fins. Ce matin on a évoqué la Banque commerciale du Rwanda et notamment celle de Butare. Vous vous souvenez quel a pu être le rôle de cette banque ?

Réponse : c’est trop précis pour que je puisse vous répondre. Le siège était à Kigali.

Question du président : d’un point de vue local on a appris que lors d’une réunion convoquée par le préfet des chefs de services, il y a le représentant de la banque commerciale du Rwanda à Gikongoro qui y participe ce qui témoigne de certains liens entre cette banque privée et les affaires étatiques. Selon vous on retrouve ça ailleurs également ?

Réponse : oui, oui, à Kibungo. Pendant le génocide il y avait la bière qui fonctionnait bien. C’était une denrée chère. Un des incitants importants qui passait sa journée à tuer avait pour objectif d’être régalé en bière à la fin de la journée. Ceux qui tuaient le moins étaient désignés comme les moins performants et étaient punis, ils étaient pointés du doigt et menacés.

Question du président : si j’ai bien compris votre rapport avait été demandé avec les accords d’Arusha ?

Réponse : non ça n’a pas de rapport. Il y a eu une demande de la société civile rwandaise d’établir une commission indépendante pour avoir un rapport d’enquête. Le champ d’investigation de la commission s’est étendu à l’ensemble du territoire rwandais. Il y avait même des spéléologues dans l’équipe. Nous avons ensuite compris qu’il s’agissait de fosses communes et on voyait se dessiner un schéma.

Question du président : vous avez dit que vous avez vu dans le rapport comment il y avait une implication de la part de l’ensemble des acteurs concernés y compris des acteurs de l’État, des gendarmes ou autres. Est-ce qu’on peut retenir que vous avez mis en évidence l’implication des responsables administratifs locaux ? Est-ce que c’est un État décentralisé ou déconcentré ? Car quand on entend Laurent BUCYIBARUTA, il dit qu’il ne faisait qu’appliquer les ordres du ministère.

Réponse : je crois qu’on peut dire que le préfet et le sous-préfet sont des autorités déconcentrées. Dans la pratique, tous les échelons sont des rouages du pouvoir. Chacun est impliqué de la même manière peu importe son échelon

Question du président : la différence entre 1990 et 1994 c’est l’arrivé du multipartisme ?

Réponse : le multipartisme va obliger le pouvoir à commencer à partager, pas seulement les ministres mais aussi l’ensemble des postes qui relèvent d’une nomination par le gouvernement. L’un des accusés des 4 de Butare a voulu minimiser son rôle en arguant qu’il avait été en disgrâce du président car c’était un grand protecteur des Tutsi mais ce n’était pas réellement la réalité.

Question du président : cette obligation de composer avec les différents partis a semble-t-il amené à beaucoup de violences politiques, non pas sur une base ethnique mais profondément politique, n’est-ce pas, par exemple le kubohoza[20] ?

Réponse : quand il a fallu partager suite au multipartisme ça a été avec des Hutu qui avaient été exclu sous HABYARIMANA. On verra bien que dans la propagande du génocide et dans le génocide, l’une des obsessions du gouvernement c’est de maintenir l’unité des Hutu, chose qui n’était pas gagnée d’avance, car il y avait des rivalités qui s’exprimaient et qui devaient être contenues afin de ne pas mettre en péril le gouvernement en place ainsi que l’entreprise génocidaire. Alison DES FORGES met bien en lumière dans son ouvrage à quel point cela a été un travail permanent.

Question du président : vous avez parlé tout à l’heure de la préfecture de Kibungo et Laurent BUCYIBARUTA y a été en poste avant d’être à Gikongoro. Nous avons au dossier un document (D8260) courrier réponse du préfet au le président de la ligue chrétienne de défense des Droits de l’homme au Rwanda – selon vous quels étaient les problèmes qui avaient eu lieu concernant les Droits de l’homme au Rwanda dans la préfecture de Kibungo en 1990-1991 si vous en avez connaissance ? Et quelles étaient les suites ?

Réponse : je ne sais pas ce qu’il s’est passé à Kibungo mais le préfet est chargé de la sécurité dans sa préfecture. Rien ne l’empêche, parallèlement aux procédures judiciaires, de prévenir les troubles, de prendre les mesures qu’il est nécessaire pour que les troubles ne se répètent pas et prendre des initiatives pour saisir les autorités judiciaires de plaintes. Il doit dénoncer lui, auprès des autorités judiciaires, les infractions qui ont été portées à sa connaissance. Il avait donc un certain pouvoir qui lui permettait de cesser les violations.

Question du président : peut-on parler d’un devoir ?

Réponse : oui c’est un devoir, en tant que responsable de la sécurité, il n’a pas seulement une compétence c’est un devoir et non une faculté. Une violation des Droits de l’homme enclenche ce devoir. Le préfet a un rôle central dans sa préfecture.

Question du président : mais la situation de 1994 n’est plus de la même nature que celle qui prévaut en 1990-1991-19902-1993, les choses ont changé par l’ampleur des phénomènes qui sont intervenus. On a aussi pu entendre qu’il y a une organisation administrative mais il peut y avoir des réseaux parallèles qui se mettent en place, il y a des subalternes qui vont se supporter comme des titulaires des postes de leur supérieur.

Réponse : monsieur le président, au Rwanda, il y a toujours eu des réseaux parallèles, comme chez nous. C’est comme ça qu’on a pu dire que HABYARIMANA appartenait au clan de son épouse qui était puissant.

Question du président : il me semble qu’on parlé du capitaine SEBUHURA comme étant un officier du nord alors que titulaire du commandant était le major BIZIMUNGU qui était un officier du sud. Ce que l’on entend c’est que le major BIZIMUNGU était surtout absent et ne dirigeait pas la gendarmerie.

Réponse : c’est parfaitement plausible, c’est difficile à explorer, il faut une connaissance intime de ce qui est destiné à ne pas être connu, surtout des occidentaux.

Question du président : on a aussi entendu que parmi les points de départ pour allumer l’incendie de la violence ça a été les usines à thé. On a entendu dire que les directeurs venaient du nord.

Réponse : les usines à thé étaient des grosses machines économiques.

Question du président : on entend également beaucoup parler dans la préfecture de Gikongoro d’Aloys SIMBA[21], que savez-vous sur lui ?

Réponse : j’ai juste entendu des choses sur lui. On l’a retrouvé dans le procès de Fabien NERETSE. Il était rentré à Gikongoro lors du génocide mais il a fait occuper avant NERETSE la maison qu’occupait NERETSE durant le génocide. On a vu dans quel réseau ces gens gravitaient. SIMBA faisait parti du réseau de la machine à tuer.

Question du président : est-ce que vous avez pu étudier les cas des préfets à cette époque. Certains ont été tué par le FPR d’autres liquidés dans le sud et ceux qui sont restés. Laurent BUCYIBARUTA fait partie de ceux qui sont restés. Ce qui est sous-jacent dans ce dossier, c’est le contraire, est-ce qu’il avait le choix ?

Réponse : il y a le cas du préfet de Butare qui a été assassiné mais qui était Tutsi. On a des exemples de responsables administratifs qui ont refusé, qui étaient Hutu et qui ont survécu. Donc je ne suis pas sur que le préfet de Gikongoro s’il avait récusé de coopérer, aurait fini sans vie. Je note que dans le dernier ouvrage de Jean HATZFELD c’est sur les justes. Beaucoup de justes au Rwanda ont survécu. Il y a fait certainement la faculté pour ce responsable de dire « moi je ne marche pas dans ce jeu » ça ne veut pas dire que le génocide n’aurait pas eu lieu, il aurait été écarté et remplacé. Il y a eu tous les cas de figure. Je ne suis pas certain que quelqu’un comme lui (Laurent BUCYIBARUTA), avec le pouvoir qu’il avait et les entrées qu’il avait dans les cercles du pouvoir aurait été éliminé.

Question du président : il était l’époux d’une femme tutsi, on doit le prendre en compte, n’est-ce pas ? Elle n’était pas encore revenue le 19 avril 1994. Mais il y avait beaucoup de mariages mixtes y compris pour des gens poursuivis étaient mariés à des Tutsi.

Réponse : le chef des Interahamwe était un Tutsi.

Question assesseur : pour le contexte international vous avez évoqué que des informations précises sur la préparation du génocide sont transmises aux Nations Unies, est-ce que l’ONU était non interventionniste, donc personne ne voulait mettre les pieds là-bas, au Rwanda ?

Réponse : c’est compliqué à analyser car la Belgique avait déjà fourni un fort contingent à la force de la MINUAR témoignant d’une volonté de participer au processus de paix. La Belgique a été fortement critiquée par les autorités rwandaises et la mouvance de l’église jusqu’à être considérée comme hostile au point où lors de l’attentat contre l’avion présidentiel, on a accusé la Belgique d’être complice. Cette implication a été perçue comme étant une implication aux côtés du FRP alors que la France était perçue comme un allié du gouvernement de HABYARIMANA, voire du gouvernement génocidaire. Il y a eu à l’évidence une sous-estimation de la situation. La MINUAR était sous-équipée, les règles d’engagement étaient floues. Elle devait rétablir la paix mais pas la restaurer. l’ONU se défausse sur les Etats et réciproquement. Quand je vois l’attitude de la communauté internationale sur ce génocide, je revois celle qu’elle a adopté au moment des massacres des Rohingyas au Myanmar. Les mots utilisés sont les mêmes pour justifier une non-intervention dans les massacres. Après on s’occupe des réfugiés. On a commencé à parler du génocide rwandais une fois que le camp au Congo s’étaient constitués et là on se met à réintervenir massivement. On a retrouvé récemment la même terminologie en Myanmar.

On voulait rester neutre.

Question assesseur : le point du départ du génocide c’est la chute de l’avion présidentiel mais il y avait également le chef d’État du Burundi. On retrouve souvent le Burundi comme lieu d’exil des réfugiés. J’ai aussi cru comprendre que le président burundais qui meurt est Hutu, que se passe-t-il au Burundi, en termes de conséquences ?

Réponse : ce sont deux États jumeaux mais différents. À ce moment6 là au Burundi, il ne s’est passé énormément de chose. Il est resté distant mais ce n’était pas la même chose que lorsque Melchior NDADAYE est assassiné[22]. Lors des élections organisées par les Tutsi, on a vu un Hutu élu avant qu’il ne soit assassiné par les militaires. Cela a servi de moteur aux extrémistes rwandais et a renforcé leur argumentaire. Il y avait des tendances plus extrémistes et d’autres plus modérées par rapport aux Tutsi. Cette idée de Hutu « Power » consistait à réunir toutes les différentes tendances qui étaient présentes dans les partis Hutu afin de retrouver une unité entre les Hutu. L’enjeu résidait dans les accords d’Arusha, car il proposait le partage du pouvoir. Il s’agissait de bloquer la mise en œuvre des accords d’Arusha en faisant barrage avec toutes les forces power des partis Hutu, ce qui aurait permis au président de garder le pouvoir qui lui était promis de perdre. La relation Burundi-Rwanda a été très forte à cette période.

Question assesseur : dans tout ce que vous décrivez de l’avant 1994, il y a en droit français l’association de malfaiteurs qui dit que c’est « un groupement ou une entente établie en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes et caractérisés par un ou plusieurs faits matériels » qui se traduit à partir du 6 avril 1994 en génocide ? Et selon vous combien de temps aurait duré cette association de malfaiteurs.

Réponse : des associations de malfaiteurs il y en a eu de toute évidence – par exemple au Bugesera – je dirais que ça commence dès début 1993 avec un cercle qui en a marre des négociations diplomatiques et qui prépare une solution finale comme en témoigne l’agenda de BAGOSORA[23]. Je crois que la RTLM voit le jour en mars 1993, donc peu après cette réunion à laquelle participe BAGOSORA.

Question assesseur : vous avez dit en donnant l’exemple du préfet de Butare mais finalement cette opposition a duré 15 jours mais du coup l’opposition frontale aux massacres ne peut être d’une courte durée. La seconde problématique du prix à payer vous avez évoqué les justes qui est intéressant qui pose la problématique de l’héroïsme, sur le cas de Laurent BUCYBIARTUA vous avez dit que vous ne pensez pas qu’il aurait pu être éliminer. Est-ce que à tout le moins vous êtes d’accord que si Laurent BUCBYIARTA s’était opposé frontalement aux massacres, sa famille aurait pu être en danger ?

Réponse : je ne connais pas les éléments de votre dossier mais il faut se rendre compte ce qu’impliquait le fait de marcher comme le gouvernement demandait. Ça voulait dire s’impliquer. Tous ceux qui, en tant que préfet, bourgmestre, responsables de secteur, ont sur le terrain agi, en prenant des initiatives, ils ont contribué à rassembler des gens dans des églises, etc. Ils ont été vu, leur implication positive dans les massacres est quelque chose qui en principe devrait pouvoir se lire dans le dossier. Si quelqu’un dit marcher contre son gré, nécessairement ça se voit aussi, car son attitude ne sera pas la même. Il y en a eu des cas comme ça. Vous ne pouvez pas – si vous ne voulez pas marcher – agir et les témoins ne diront pas de vous la même chose que si vous vous êtes impliqués. Qu’on ne s’y trompe. Les témoins font la part des choses quand ils s’expriment et ils n’impliquent pas des innocents.

Question Me Tapi : on entend souvent parler du rapport du professeur Denis SEGUI … pouvez-vous nous en dire de manière succincte quelques mots ?

Réponse : c’est un professeur en Côte d’Ivoire qui avait participé à notre rapport et qui en plein génocide s’est tenu à Genève, une session de l’ONU sur le génocide en cours et est sorti de cette session comme rapporteur des Nations Unies. Il est allé au Rwanda pendant le génocide et a fait un rapport qui affirmer qu’un génocide se déroulait. C’est lui qui a recommandé la création du TPIR.

Question Me Gisagara : le procès de BUCIYBARUTA a débuté 28 ans après les faits, se passe en France, à 10 000km du Rwanda devant une justice qui ignore le fonctionnement et ne parle pas la langue et parmi ces témoins et victimes il a été constaté que les déclarations de certains ont varié. Je voudrais savoir si dans d’autres procès auxquelles vous avez participé les juges ont aussi été confronté à ce cas.

Réponse : oui comment appréhender les variations dans les déclarations ? Il va de soi que la perception que rétrospectivement les victimes ont de ce qu’il s’est passé peut varier selon plusieurs facteurs. Le souvenir peut s’estomper, se falsifier, il y a le fait que les victimes sont parfois les moins à mêmes de donner des renseignements précis car elles se cachaient donc elles voyaient peu de chose, elles étaient terrorisées. Les victimes se sont beaucoup parlé après et se sont parfois constitués des histoires communes et ça peut donner l’impression de témoignages arrangés ou non crédibles. On était terrorisés comme avocat à la fin de longues journées où nous avions entendus les « veuves de Sovu ». Elles semblaient toutes avoir tout vu et le jury n’a pas été dupe car il s’est rendu compte que ces veuves vivaient dans un petit hameau et qu’elles étaient tout le temps ensemble et pensaient avoir vécu ce qu’on leur avait raconté. La question est de savoir si c’est une indication de non-véracité, de mensonge, la réponse est non. Encore une fois c’est au jury et à la Cour de se faire la conviction des témoins. Je ne crois pas qu’il faille avoir trop peur de ça. Il faut être conscient des processus qui amènent les victimes à modifier leur perception des choses et la manière dont elle le relate au fil du temps mais c’est inhérent à tous les procès.

Question Me Gisagara :  est-ce que vous avez eu connaissance de cas de personnes qui ont peu basculé dans leur comportement vis-à-vis des Tutsi ?

Réponse : oui il y a eu des cas comme ça. Il y a eu des avocats rwandais qui, à ma grande stupeur, avait basculé dans le génocide. Il y a eu des politiciens, voire même des opposants de HABYARIAMANA.

Question d’un avocat des parties civiles : quand vous êtes intervenus pour défendre « les complices du FPR » en 1990, vous êtes-vous rendus compte de l’existence de listes ethniques sur base desquelles on a arrêté les gens ?

Réponse : je dois avouer qu’à cette époque-là non, mais c’était vraiment au tout début.

Question d’un avocat des parties civiles : dans le procès que vous avez évoqué à Bruxelles des frères KAZABERA – Banque commerciale du Rwanda – il aurait aussi été question de faire des listes.

Réponse : ce n’est pas Janvier Afrika mais c’est un haut gradé des Interahamwe qui avait pris contact avec la MINUAR. Janvier Afrika est l’un de ces qui nous a parlé du « réseau zéro », c’était les escadrons de la mort[24]. Ce réseau-là établissait des listes car c’était sa raison d’être. Il s’agissait de tuer des gens de manière ciblée. Dès 1992, il y avait des listes qui commençaient à circuler.

Question d’un avocat des parties civiles : toujours par rapport à ce procès, NTEZABERA aurait enregistré, toute une journée de son activité, une vidéo à Kigali, vous vous souvenez de ça ?

Réponse : je n’en ai pas entendu parler. Mais il y avait une autre vidéo que nous avons tourné avec lui.

Question d’un avocat des parties civiles : auriez-vous constaté que le pouvoir – tout en organisant et exécutant le génocide – voulait à tout prix redorer son image, montrer que la situation au Rwanda n’était pas un génocide, notamment lors de la visite d’experts ?

Réponse : oui le gouvernement rwandais à l’époque était extrêmement soucieux de voir comment la communauté internationale réagirait à ce qu’il se passait. C’est justement parce que la communauté internationale ne réagissait pas que le pouvoir rwandais a élargi le génocide à l’ensemble du pays. Ce qui passait par la RTLM, c’était le souci d’éliminer les cadavres des rues car « les blancs nous espionnent avec les satellites ». C’est pourquoi il y avait des camions bennes qui ramassaient les cadavres. Il y a eu ce souci là et toute une campagne de participation faite en ce sens.

Cadavres de Tutsi ramassés par camions bennes
Cadavres de Tutsi ramassés par camions bennes (Voir Focus – L’État au service du génocide)

Pour masquer l’horreur, le vocabulaire faisait appel à de nombreux euphémismes : la « pacification », « travailler », « ne pas oublier les souris enceintes »,  « arracher l’herbe à la racine »…

Question d’un avocat des parties civiles : les tueurs ont éliminé des hautes personnalités politiques Hutu, vous avez dit que le grand souci était d’avoir l’unité des Hutu dans ce génocide, comment expliquez-vous qu’on commence par tuer les personnalités Hutus les plus populaires de l’opposition.

Réponse : ce qui se met en place le jour de l’attentat c’est un coup d’État qui réunit ces protagonistes afin de se répartir le pouvoir. Tuer l’opposition c’est une évidence. Le chef de la Cour suprême doit recevoir le serment du remplaçant mais on le soupçonne de pouvoir refuser. La Première Ministre est une femme qui est impliquée dans un vrai processus de pacification. Elle avait pour intention d’aller à la radio et d’appeler les rwandais au calme. La MINUAR envoie les 10 casques bleus belges pour la protéger. Lorsqu’ils arrivent à son domicile après plusieurs heures, ils sont tous arrêtés avant d’être assassinés. Son corps sera profané et exposé dans la maison de HABYARIMANA. Dans les premières heures du génocide, il faut éliminer toutes les alternatives Hutu opposées au génocide.

Question Me Foreman : nous avons parlé du vocabulaire de la pacification. Je pense à un message du Premier Ministre adressé à tous les préfets du 28 avril 1994 (D10693).

§3 : « La population doit rester vigilante pour démasquer l’ennemi et ses complices et le livrer aux autorités, et se faire assister par l’Armée Nationale au cas où ils ne peuvent pas le faire… »

§4 : «  les actes contre les innocents, les pillages et les autres actes criminels doivent cesser immédiatement. »

L’idée de double-discours, double-langage vient à l’esprit car on incite à arrêter les massacres tout en renforçant les barrières. Avez-vous des commentaires sur cette rhétorique ?

Réponse : il n’y a pas de contradiction, en réalité il ne s’adresse pas aux mêmes personnes. D’une part il stigmatise l’ennemi avec les barrières qui n’ont rien à voir avec le FPR, il s’adresse à l’ennemi Tutsi. D’autre part, les pillages en question ce sont des Hutu qui finissent par s’en prendre aux biens d’autres Hutu. À partir d’un certain moment l’ambiance de pillage est tellement généralisé de pillage que ça déborde et menace de créer une guerre civile entre Hutu et donc la lettre s’adresse à plusieurs destinataires. C’est la manière dont je vois les choses.

Question Me Foreman : pouvez-vous rappelez le sort du Premier Ministre Jean KAMBANDA après le génocide

Réponse : il est jugé et condamné par le TPIR, il fait des aveux et une source d’informations importante car il a du livrer des choses pour avoir une peine amoindrie.

Question Me Foreman : document de Laurent BUCYIBARUTA du 29 avril 1994 : « les massacres, pillages sont désormais interdits » le préfet donne une explication « car ils avantagent l’ennemi pour salir la réputation du Rwanda ».

Le §5 (citation approximative) indique que les comités doivent immédiatement commencer leur travail de rondes et traquer l’ennemi aux barrières.

§7 : « les rondes et les barrières ont pour rôle de découvrir l’ennemi »

Pensez-vous que ce courrier diffusé à la population est un message qui entre en contradiction avec les directives du Premier Ministre ?

Réponse : non il va dans la droite ligne puisque tout le mode opératoire du génocide était fondé là-dessus. Il s’agissait d’empêcher les Tutsi de circuler. Un préfet qui aurait fait de l’obstruction n’aurait pas relayé ce discours du Premier Ministre, on peut considérer que ce message est une participation active. Ce n’est pas une circulaire de la part de quelqu’un qui fait une obstruction.

Question Me Foreman : dans la préfecture de GIKONGORO avait eu lieu le 21 avril et ce message de pacification internait une semaine plus tard, est-ce qu’il n’illustre pas le fonctionnement parfait d’un système administratif dans lequel le préfet est un homme de confiance ?

Réponse : oui mais je rajouterais que cette lettre illustre que ce n’est pas parce qu’il y a eu des grands massacres que le génocide est terminé. Celui-ci doit se terminer une fois que plus aucun Tutsi n’est en vie. Il s’agit là de débusquer les gens qui se seraient peut-être caché par le biais d’un leurre que représente ce message de pacification. Il participe de « la finition du travail ».

Question du Ministère Public : sur la question des réseaux parallèles, certains subalternes prenaient le pouvoir sur leur supérieur hiérarchique. Pouvez-vous préciser ces liens entre ces réseaux parallèles et le gouvernement intérimaire ?

Réponse : je n’ai pas de connaissance explicite de ces liens mais les gens de ce gouvernement étaient issus de la mouvance des Hutu du nord qui ont constitué ces réseaux. Quand on voit ne fussent que les liens familiaux entre tout le monde on sait qu’ils appartiennent à la même mouvance. Ils étaient fortement uni par le partage des richesses. On retrouve partout les mêmes noms, les mêmes liens.

Question du Ministère Public : est-ce qu’on peut dire que ces réseaux ont travaillé à côté de l’administration, ou indépendamment? Ma question a du sens car la défense nous dit que le préfet a été dépassé par les réseaux en présence.

Réponse : je crois qu’ils concouraient tous aux mêmes buts. Dire qu’il y avait des réseaux qui travaillaient derrière quelqu’un qui ne participait pas à la machine à tuer parait compliqué. Je pense qu’il faut comprendre que ce sont les milices et l’armée qui agissaient sur le terrain. On en était plus à l’époque où l’on se reposait sur les réseaux. Durant les accords d’Arusha, il fallait que des acteurs occultes agissent mais durant le génocide, ce n’est plus le cas.

Question du Ministère Public : on constate en effet qu’il y a dans chaque massacre la participation de sous-préfets, de bourgmestres.

Réponse : oui ce n’était plus occulte, il y avait une certaine articulation. Quand il y avait ces grands rassemblent de masse dans les églises ou dans les stades ça fonctionnait ainsi. Parfois les milices attaquaient en premier ou parfois c’était d’emblée l’armée, la gendarmerie entamaient les massacres et les milices les terminaient (cf : l’école technique de Kigali).

Question du Ministère Public : quand vous avez donné des exemples de participation active des autorités vous avez parlé du rassemblement des Tutsi dans un endroit déterminé. Pouvez-vous préciser, quel était le but ? Celui de protéger ? Ou de favoriser les attaques ?

Réponse : dans les années 1960 les Tutsi avaient eu l’habitude de se réfugier dans les églises lors de période de troubles et massacres. Durant le génocide, les Tutsi ont cru qu’ils pourraient faire la même chose car ils n’ont, au début, pas saisi qu’il s’agissait d’un génocide. En effet, on a encouragé les rassemblements pour faire des tueries de masses et de mener à bien l’extermination décidée. La politique a clairement changé et ça a été le cas dans tout le pays.

Question du Ministère Public : dans cette procédure, on a ce constat d’un mode opératoire identique, c’est-à-dire que les réfugiés sont affamés, assoiffés, subissent des attaques de population les jours préalables à une grande attaque où ils sont exterminés avec l’aide des autorités locales et les gendarmes, est-ce que ça vous surprend comme mode opératoire ?

Réponse : non pas du tout, ça s’est passé comme ça dans tout le pays.

Question du Ministère Public : on vous a demandé si le préfet Laurent BUCYIBARUTA avait un autre choix que de rester en poste. Que pensez-vous de la possibilité d’une fuite, sachant que la préfecture de Gikongoro est bien placée ?

Réponse : je n’ai pas à l’esprit une fuite, probablement que c’était possible, mais ça dépend des circonstances notamment au niveau de sa famille. Il y a des exemples de gens qui ont fui pour ne pas avoir à tuer. Mais je ne connais pas le cas précis deLaurent BUCYIBARUTA, mais selon moi ce que j’ai entendu à cette audience, il était actif dans la répercussion des ordres du gouvernement. Donc je ne vois pas pourquoi il aurait fui.

Question du Ministère Public : messages de félicitations adressés par le Premier Ministre de KAMBANDA [D9265] du 17 avril 1994 ainsi qu’un autre message [D9309] où après avoir visité Gikongoro, le Premier Ministre et d’autres se disent de la préfecture de Gikongoro « qui a accompli le projet du gouvernement. »

Réponse : la politique du gouvernement à l’époque, c’était de tuer. Donc s’il est félicité, c’est que les tueries avait lieu.

Question du Ministère Public : vous avez parlé du rôle de la RTLM : a-t-elle diffusé le communiqué de l’Élysée du 18 juin annonçant l’Opération Turquoise[25]?

Réponse : la RTLM était très heureuse de l’intervention française car ils étaient en train de perdre la guerre contre le FPR.

Question du Ministère Public : l’un des témoins a évoqué que les autorités rwandaises a utilisé les rescapés de certains massacres comme des faire-valoir pour montrer à la communauté internationale que les autorités n’étaient pas impliquées. Est-ce que vous en avez connaissance?

Réponse : non, ce que l’on sait c’est que les massacres ont perduré durant l’opération Turquoise.

Question du Ministère Public : pourriez-vous apporter des éléments à la Cour sur la thèse du double-génocide ?

Réponse : les accusations en miroir ont été théorisées par le national-socialisme dans les années 1930. On a retrouvé dans le bureau de NTEZIMANA la littérature qui la théorise. Il y avait cette idée qu’il y avait un génocide en préparation, comme cela avait été repris dans la Bugesera. Cette thèse a été utilisée très tôt et elle est le coeur du négationnisme aujourd’hui. Elle a été reprise par après au Congo dans le démantèlement des camps où l’on a accusé le Rwanda de perpétrer un génocide au Congo contre les Hutu.

Question défense : il faut rappeler que à partir de 1992, le Premier Ministre fait parti de l’opposition et que succède Agathe UWILLINGIYIMANA qui est tuée dès le 7 avril 1994 avec sa famille parce qu’elle fait parti de l’opposition à HABYARIMANA ?

Réponse : oui c’est ce que j’ai expliqué tout à l’heure.

Question défense : quand vous dites qu’il y a « une participation de toutes les composantes de l’État » à cette planification du génocide. C’est peut-être un peu plus compliqué que cela ?

Réponse : oui. Mais ce n’est pas ce que j’ai dit;

Question défense : peut-on convenir que ceux qui complotent à la préparation du génocide ce sont des proches de HABYARIMANA ?

Réponse : oui

Question défense : que ce soit des cercles politiques, des commerçants, des autorités administratives mais ce sont des cercles qui ne réunissent pas toutes les composantes de l’État?

Réponse : ce sont des cercles qui prévoient la mise en œuvre de toutes les composantes de l’État pour exécuter le génocide. Toutes les composantes de l’État ne participent pas à la planification

Question défense : donc le génocide était nécessairement prévu ?

Réponse : oui

Question défense : ce n’est que par la suite que l’on s’est posé la question de sa planification et on a identifié un certain nombre d’éléments qui laissent à penser à une planification. Vous le savez comme moi le TPIR n’a jamais retenu cette planification d’avant le 6 avril 1994, vous le savez ?

Réponse : oui, effectivement.

Question défense : c’est une question complexe?

Réponse : le TPIR n’est qu’une juridiction et il s’est fondé sur les dossiers qui lui avait été soumis et concernant les dossiers il a estimé ne pas pouvoir condamner par exemple BAGOSORA pour une entente d’avant le 6 avril 1994. Il n’y a pas de jugement du TPIR qui condamne pour la planification.

Défense : donc il ne serait pas surprenant qu’un préfet, un bourgmestre ou un ministre ait été tenu absolument ignorant

Réponse : la plupart des criminels qui se sont engagés dans la voie judiciaire n’ont pas été associé à la préparation du génocide mais ils ont été condamnés pour participation génocide.

Défense : certains d’entre eux ont été condamné pour entente en vue de commettre un génocide mais postérieurement au 7 avril 1994.

Réponse : oui

Défense : on est revenu sur ce message du 29 avril 1994 qu’est un point central du procès adressé à la population [D8277]. Il y a une première difficulté qui se pose. Tout à l’heure, mon confrère Simon FOREMAN a souligné une phrase qui affirmait que « les massacres étaient désormais interdits » je voudrais qu’on soumette la phrase en kinyarwanda aux traducteurs [D8282].

Défense : Ce message du 29 avril 1994 a pris à juste titre une telle importance dans notre procès qu’à mon avis il est important que les jurés en aient connaissance dans son intégralité

Président : vous avez un témoin, on pourra procéder à la lecture de ce message dans son intégralité plus tard.

Défense : Alison DES FORGES dans son ouvrage a une présentation assez différente de la vôtre de ce message [D1762] [D1763] [D1765][26].

Réponse : je ne connais pas l’intégralité des extraits mais elle a écrit ça il y a plus de 20 ans, aujourd’hui nous avons plus de recul. J’ai de la peine à faire un commentaire là-dessus. Pourquoi les massacres ont-ils continué ? Quelle est la participation de l’accusé ?

Défense : vous pensez qu’elle se trompe ?

Réponse : je pense qu’elle a écrit cela à un moment donné, en fonction des informations qu’elle avait. Entre temps, il y a eu 20 ans d’instruction.

Ce que je dis c’est que des langages empreints de duplicité et de double-sens, il y en a eu. Le seul problème c’est que ces discours-là de duplicité on ne peut en évaluer la duplicité qu’en évaluant ce qu’il s’est passé concrètement.

Alison DES FORGES a également dit des choses qui ont été contredites plus tard.

Défense : DES FORGES écrit ce message en toute connaissance de cause.

Réponse : Justement c’est la phrase que vous n’avez pas lue : « les massacres ont continué. »

L’avocat de la défense poursuit sa lecture du livre d’Alison DES FORGES.

Réponse : vous répondez vous même à la question que vous posiez.

Défense : oui c’est la question des actes. Que devait le préfet, Laurent BUCIYBARUTA, faire ou ne pas faire ?

Réponse : je me dis que quelqu’un qui aurait le courage d’adopter un tel discours et qui serait sincèrement, s’il a ce courage-là, il fait suivre son discours des actes qu’il faut pour faire cesser ces massacres.

Défense : concrètement, quels faits ?

Réponse : il s’oppose aux massacres.

Défense : comment?

Réponse : il réquisitionne les forces de l’ordre même s’il échoue, mais la question est de savoir s’il l’a fait ?

Défense : donc il devait réquisitionner les forces de gendarmerie ?

Réponse : il peut aller sur les lieux de massacres, arrêter les milices.

Défense : ce qui est intéressant en ce qui concerne les préfets c’est de faire des parallèles. Vous connaissez le sort du préfet Jean-Baptiste HABYARIAMANA de Butare. Est-ce que vous savez que le 16 avril 1994, le préfet de Gikongoro – Laurent BUCYIBARUTA – et le préfet de Butare, se rencontrent à Gikongoro pour se concerter sur la question des tueries et signent un communiqué commun diffusé sur les ondes de Radio Rwanda ?

Réponse : non

Défense : le préfet Fidèle UWIZEYE, il était préfet de quelle préfecture ?

Réponse : je ne sais plus.

Défense : il était préfet de Gitarama.

Réponse : oui.

Défense : [D1724] présente le préfet UWIZEYE comme un préfet qui a fait ce qu’il pouvait, avez-vous enquêtez sur Gikongoro ?

Réponse : non

Défense : ce préfet – Fidèle UWIZEYE – fui fin mai 1994, entre temps il reçoit lui aussi les félicitations du gouvernement intérimaire le 17 avril 1994, lorsque le préfet HABYARIMANA est destitué. Est-ce qu’il est félicité pour ses efforts contre les tueries ?

Réponse : je ne peux répondre à cette question, d’autant plus que ça ne concerne pas le préfet Laurent BUCYIBARUTA.

Défense : [D9662] Fidèle UWIZEYE participe à une réunion avec les responsables politiques le 28 avril 1994, est-ce que ça veut dire qu’il exécute la politique génocidaire ? Le simple fait de participer à une réunion ?

Réponse : ça peut être le cas, on n’a rien pour le déterminer.

Défense : vous nous avez dit que finalement, ceux qui se sont véritablement impliqué dans le génocide, se voient. Vous parlez d’implication positive. Est-ce que vous ne pensez pas que les autorités administratives, pendant le génocide, tiennent leurs pouvoirs essentiellement du fait qu’ils sont du côté des tueurs ?

Réponse : il faut voir à quel moment. HABYARIAMANA quand il est préfet il avait le pouvoir même quand il était contre la machine génocidaire.

 Défense : vous dites qu’il n’y a pas eu de tueries dans la préfecture de Butare avant la destitution de Jean-Baptiste HABYARIMANA ?

Réponse : je ne connais pas toutes les communes, mais de manière globale, non.

Défense : vous savez que les massacres commencent dès le 12 avril dans la commune de NYAKIZU (préfecture de Butare).

Réponse : oui mais globalement, le préfet a empêché les massacres dans sa préfecture.

 

D’après les notes de monsieur Anthony SANCHEZ pour l’audition de maître Eric GILLET.

Alain GAUTHIER

Mathilde LAMBERT

Jacques BIGOT

  1. FPR : Front Patriotique Rwandais[][]
  2. Gacaca : (se prononce « gatchatcha »)
    Tribunaux traditionnels au Rwanda, réactivés en 2001 et opérationnelles à partir de 2005, en raison de la saturation des institutions judiciaires pour juger des personnes suspectées de meurtre pendant le génocide. Composées de personnes élues pour leur bonne réputation, les Gacaca avaient une vocation judiciaire et réconciliatrice, favorisant le plaider coupable en contrepartie de réduction de peines. Près de 2 millions de dossiers ont été examinés par 12000 tribunaux gacaca avant leur clôture officielle le 18 juin 2012.
    Cf. glossaire.[]
  3. PSD : Parti Social Démocrate, créé en juillet 1991. C’est un parti d’opposition surtout implanté dans le Sud, voir glossaire[]
  4. Hutu Power (prononcé Pawa en kinyarwanda) traduit la radicalisation ethnique d’une partie des militants des mouvemertnts politiques. A partir de 1993, la plupart des partis politiques se sont disloqués en deux tendances : une extrémiste dite « power » (ex. MDR-POWER; MRND-POWER; PL-POWER, etc), et l’autre modérée, rapidement mise à mal. Cf. glossaire.[]
  5. Interahamwe : « Ceux qui combattent ensemble » ou « qui s’entendent », mouvement de jeunesse et milice recevant une formation militaire, créé en 1992 par le MRND, le parti du président HABYARIMANA. Voir FOCUS – Les Interahamwe.[]
  6. ou MDR-POWER, voir note précédente.[]
  7. Théodore SINDIKUBWABO : Président du GIR (Gouvernement Intérimaire Rwandais) pendant le génocide (voir Focus – L’État au service du génocide).
    Le 19 avril à Butare, il prononce un discours qui sera déterminant pour les massacres qui vont suivre (résumé et transcription sur le site francegenocidetutsi.org[]
  8. Ibid.[]
  9. Ibid. []
  10. Ibid.  []
  11. PL : Parti Libéral. Le Parti Libéral va se scinder en deux fin 1993 : la tendance de son président, Justin MUGENZI, rejoint le Hutu Power qui traduit la radicalisation ethnique d’une partie des militants des mouvements politiques. L’autre tendance sera anéantie le 7 avril 1994, voir glossaire[]
  12. Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda, Human Rights Watch, FIDH, rédigé par Alison Des Forges, Éditions Karthala, 1999[]
  13. Ibid., p.598.[]
  14. Violations massives et systématiques des droits de l’Homme depuis le 1er octobre 1990, rapport sur la mission d’enquête internationale de la FIDH en janvier 1993.[]
  15. RTLM : Radio Télévision Libre des Mille Collines – cf. Focus : LES MÉDIAS DE LA HAINE[]
  16. Interahamwe : « Ceux qui combattent ensemble » ou « qui s’entendent », mouvement de jeunesse et milice recevant une formation militaire, créé en 1992 par le MRND, le parti du président HABYARIMANA. Voir FOCUS – Les Interahamwe.[]
  17. MINUAR : Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda, créée le 5 octobre 1993 par la résolution 872 du Conseil de sécurité pour aider à l’application des Accords d’Arusha. Voir :
    Focus : le contexte immédiat du génocide – les accords d’Arusha[]
  18. MAE : Ministère des Affaires étrangères.[]
  19. « Appel à la conscience des Bahutu » avec les 10 commandements » en page 8 du n°6 de Kangura, publié en décembre 1990.[]
  20. Kubohoza : racolage pratiqué par certains partis politiques pour obtenir des adhésions forcées.[]
  21. Aloys SIMBA : officier à la retraite au moment du génocide, chef de la défense civile dans les préfectures de Butare et Gikongoro, condamné par le TPIR à 25 ans de prison pour « génocide et extermination, crimes contre l’humanité »[]
  22. Melchior NDADAYE : président de la République du Burundi assassiné au cours d’un coup d’État le 21 octobre 1993 à Bujumbura.[]
  23. Chef de cabinet du ministre de la défense du gouvernement intérimaire, désigné comme membre de l’Akazu et du Réseau Zéro, le colonel BAGOSORA est un des piliers du pouvoir. Il a contribué à armer les Interahamwe à partir de 1991 et a joué un rôle clé dans l’organisation des milices début avril 94. Après l’attentat du 6 avril, il prend la tête d’un comité de crise et installe au pouvoir les extrémistes Hutu. Condamné par le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), à la prison à vie en 2008 pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, sa peine a été réduite à 35 ans de prison en appel en 2011.
    Voir le glossaire pour plus de détails.[]
  24. Réseau zéro : Voir FOCUS – le réseau zéro / les escadrons de la mort / l’Amasasu.[]
  25. Opération Turquoise organisée par la France en juin 1994.[]
  26. Op. cit., p. 400-402[]

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Auditions de Lameck NIZEYIMANA, Alfred HABIMANA, Hamza MINANI, Marie-Claire et Immaculée KAYITESI (parties civiles). Interrogatoire de l’accusé.