- Audition de Jeanne MUREKATETE ex-épouse de Tito BARAHIRA.
- Audition de Patrick BARAHIRA, fils aîné.
- Audition de Jean-Marie NDAGIJIMANA, ancien ministre, ancien ambassadeur.
- Audition de Joseph MATATA.
Audition de Madame Jeanne MUREKATETE ex-épouse de Tito BARAHIRA.
Pour Madame MUREKATETE, Monsieur BARAHIRA était un « bon mari et un bon père de famille respecté par tout le monde quand il était bourgmestre« . Sa déposition nous apprendra peu de choses sur la personnalité de son ex-mari, si ce n’est qu’à la maison on ne parlait pas de politique et qu’elle ne connaissait quasiment rien de ses engagements au MRND. Par contre, elle semble mieux connaître les miliciens Interahamwe que son mari, même si elle en a simplement entendu parler. Quant à RWAGAFILITA, c’était bien l’homme fort dont tout le monde parle. Pendant tout le début du génocide , Tito BARAHIRA sortait simplement pour aller chercher de la nourriture et travailler aux champs! Madame MUREKATETE ne sait pas grand chose sur les événements qui se sont déroulés dans la commune. Elle entendait des coups de feu ; la peur les a fait fuir et dans cette fuite elle a été séparée de son mari et de son fils aîné. Revenue au Rwanda, elle habite chez sa mère à Byumba puis réussira à obtenir des papiers pour la France où réside sa grande soeur. Quand son mari finit par la rejoindre, elle souhaite ne pas vivre avec lui. NGENZI, elle le connaissait: « Il s’entendait bien avec tout le monde. Il était doux. Je connaissais sa femme« . Quant au génocide, elle n’a rien vu, et elle « préfère ne pas savoir ».
Audition de Patrick BARAHIRA, fils aîné.
Quand son père était bourgmestre, il était encore jeune. Né en 1979, Patrick décrit un père qui s’occupait bien de ses enfants, un père « protecteur« . Il se souvient de scènes de guerre, de gens qui fuient, de la peur des Interahamwe. Il évoque ensuite leur séjour au camp de Benako, leur vie à Nairobi et son arrivée à Toulouse en décembre 2000. Son père arrivera 4 ans plus tard et il sera surpris d’apprendre qu’il « soit lié à ces événements ». Il souhaite que « les coupables soient punis mais pas les autres », espère « qu’un jour on ne retiendra qu’une chose: « Qu’on est Rwandais« . NGENZI? « Les gens l’aimaient, le respectaient. C’était quelqu’un de bien, généreux, gentil. Mais je ne le connaissais pas beaucoup ».
Audition de Jean-Marie NDAGIJIMANA, ancien ministre, ancien ambassadeur.
Ambassadeur à Paris au déclenchement du génocide, monsieur NDAGIJIMANA intervient en tant que témoin de contexte. Avec l’assassinat de Félicien GATABAZI, fin février 1994, attentat qu’il attribue au FPR, il a très vite compris qu’il y aurait un malheur au Rwanda. Il se présente comme quelqu’un qui a tenté de faire des médiations entre les différents protagonistes: le gouvernement intérimaire, le FPR, l’armée. Il avait bien compris que « l’objectif du FPR était de prendre le pouvoir ». « Ce qui ne justifie pas le génocide » ajoute-t-il aussitôt.
Il évoque ensuite toutes les démarches qu’il a entreprises pour que la France puisse intervenir au Rwanda. Mais selon lui, l’un des belligérants, le FPR, a tout fait pour empêcher les pays qui voulaient intervenir. Il parle aussi de ses déplacements à Washington, aux Nations-Unies.
La position de monsieur NDAGIJIMANA est de dire qu’on a tué des deux côtés. Mais de souligner aussi la responsabilité des autorités dans les massacres: « Les villageois ne peuvent pas avoir tué sans l’aval des autorités ». L’armée? « Les FAR n’avaient pas les moyens de faire la guerre. Mais le FPR massacrait sur son passage: des hommes, des femmes, des enfants. Chacun voulait aller à la solution finale. »
A la question de savoir si un bourgmestre pouvait ne pas être au courant: « Pas possible! Sauf pour un bourgmestre pas trop futé! Et d’ajouter: « Le massacre des Bagogwe (pasteurs tutsi du Nord), à Ngororero, a été perpétré par le FPR ». Personne n’avait encore eu cette version mais il tient cela de certains officiers du FPR qui lui auraient dit: » Nous voulions reprendre la guerre, il fallait provoquer en tuant les Bagogwe. » (sic)
Les miliciens? « Les miliciens, je les connais d’avant. Ceux qui ont massacré n 1994, ce sont surtout ceux du MRND, les Interahamwe« . De rappeler ensuite que le président des Interahamwe à Kigali est Robert KAJUGA, un Tutsi et que le « FPR avait chauffé des têtes pour accélérer les massacres et prendre ensuite le pouvoir. » !!!
Il est 13h15 et seule la présidente a pu poser des questions. Monsieur NDAGIJIMANA signale qu’il ne peut pas revenir dans l’après-midi car il a un rendez-vous: « Je perdrais beaucoup si je ne pouvais m’y rendre ». Il donne son accord pour 18 heures.
A la reprise, les questions vont se succéder. On l’interroge sur « les massacres de part et d’autre » dont il a parlé. « En 1963, 1965, 1967, lorsque les réfugiés tutsi ont attaqué le Rwanda, il y a eu des représailles sur les Tutsi de l’intérieur. Quand j’ai appris l’attentat contre HABYARIMANA, j’ai dit « C’est foutu ». »
Massacre ou génocide? « S’il y a intention de détruire, il y a génocide. Si on suit le rapport Mapping (rapport qui dénonce les crimes de guerre au Congo) il peut y avoir génocide des Hutu. » Pour lui, « KAGAME a sacrifié les Tutsi« .
Maître AKORRI, avocate de Survie, lui pose une dernière question: »Que pensez-vous des procès en France?
« Tous les procès concernant le génocide du Rwanda sont les bienvenus.Tout ce qui peut concourir à casser le cycle de l’impunité, j’applaudis. Mais le FPR doit aussi répondre de ses crimes. Je ne suis pas ici pour défendre les accusés. S’ils ont commis des crimes, ils doivent être punis. Mon association se bat pour l’égalité entre les Rwandais… Il n’y a pas eu de génocide des Hutu contre les Tutsi, mais un génocide de certains Hutu contre les Tutsi. Tous les criminels doivent être poursuivis en toute égalité, en toute justice. »
Audition de monsieur Joseph MATATA.
Ou quand monsieur MATATA fait du Matata!
Monsieur MATATA commence par faire la liste quasi exhaustive de tous les bourgmestres, préfets assassinés, pendant et après le génocide pour bien montrer que « les bourgmestres ont été la cible des tueurs », qu’ils sont plus à ranger dans le camp des victimes que dans celui des bourreaux. Comme par hasard, le seul dont il oublie de parler, c’est le préfet de Butare, Jean-Baptiste HABYARIMANA qui, jusqu’à sa destitution, avait préservé sa préfecture. Le début des massacres dans le Sud coïncidera à son éviction et à son exécution à l’occasion de la visite du président Théodore SINDIKUBWABO qui demandera au gens de faire « le travail« .
En fait, la pensée de Joseph MATATA peut se résumer en une double obsession: au Rwanda, « les témoins sont sollicités, entraînés comme des acteurs pour mentir car ils vivent sous la terreur d’un régime totalitaire« . Cette double obsession revient en boucle. Ramener devant des jurés d’assises la notion de « culture du mensonge » dans la culture rwandaise sans la replacer précisément dans cette culture, et en la faisant cautionner par un prêtre tutsi de la fin des années 50, c’est pour le moins de la mauvaise foi et cela frise l’imposture.
Une autre idée fixe qu’il développe à chacune de ses interventions: les témoins sont affiliés à « des syndicats de délateurs qui leur promettent de l’aide. » Tous ceux qui connaissent MATATA ou qui l’ont croisé lors de procès ou de conférences ne pourront pas être surpris par ces propos. Joseph MATATA, une nouvelle fois, fait du MATATA.
Et d’oser enfin lancer une mise en garde en direction de la Cour et des jurés afin qu’ils se méfient des témoins qui viendront déposer devant eux. Ce qui va provoquer la réaction de l’avocat général, monsieur Philippe COURROYE: « Monsieur, avez-vous conscience d’avoir une attitude insultante à l’égard de la justice française? »
La parole, comme il se doit, sera donnée à la défense qui regrette peut-être d’avoir fait citer Monsieur MATATA. Condescendante, Maître MATHE, avocate d’Octavien NGENZI conclut, sans relever aucun de ses propos : « L’exil est une douleur immense, Monsieur MATATA. Savoir que son pays vit sous un régime de terreur… Vous avez l’attitude d’un exilé! »
Cette conclusion suffira-t-elle a dissiper le malaise qui s’est installé dans le prétoire? Rien n’est moins sûr.