Pour vous éviter de lire le dernier Barril.

Paul BARRIL : le déshonneur.

Fallait-il parler de la parution du dernier livre du capitaine Paul BARRIL « Paroles d’honneur », avec comme sous-titre « La vérité sur les génocides au Rwanda »  une coédition Télémaque/L’Essor de la gendarmerie nationale ? Pendant plusieurs jours j’ai pensé qu’il valait mieux se taire pour éviter toute publicité. Mais après réflexion, je me suis dit qu’il ne fallait pas que ce « roman » tombe entre des mains prêtes à croire les confidences d’un homme qui avoue livrer son dernier combat, celui contre la maladie de Parkinson. Qu’il se rassure. Nous ne mettrons pas sur le compte de la maladie, comme il le craint (p.178), tous ses errements et ses mensonges, même si, à la lecture, on peut s’interroger. Ce compte-rendu pourra paraître long, et il l’est. Mais il était difficile de le résumer : j’ai donc choisi de travailler chapitre par chapitre. D’autres trouveront qu’il est subjectif : c’est vrai aussi même si j’ai fait de mon mieux pour faire ressortir les mensonges, les approximations et les errements de l’auteur. Tout ceci pour vous éviter d’acheter et de lire cet ouvrage qui développe des thèses  bien connues et rebattues, sans cesse reprises.

Si on commence par le titre, on a déjà tout compris : il y a eu « des génocides » au Rwanda, une acception bien connue que nous servent les négateurs de tout poil. Cela fait plus de 20 ans qu’on nous repasse le même plat. On frise l’indigestion.

Les deux premiers chapitres sont consacrés à la gloire du GIGN et aux propres exploits du capitaine un peu partout sur la planète. On n’est jamais si bien servi que par soi-même… ou pas !

Le chapitre 3 est consacré à la mort de Diane FOSSEY qui, contrairement à la thèse souvent développée et qui mettrait en cause Protais ZIGIRANYIRAZO, monsieur Z, frère de madame HABYARIMANA, serait à mettre sur le compte des « combattants rebelles de Yoweri MUSEVENI », « rébellion composée majoritairement de guerriers tutsis » et « dirigée par Paul KAGAME » dans les années 80. Je ne peux résister au plaisir de citer in extenso les trois phrases qui suivent, il ne sera pas besoin de les commenter : «  Affamés, ces guérilléros ont par conséquent un besoin impératif de nourriture pour survivre. Un gorille adulte pesant plus de 200 kg peut nourrir des dizaines d’hommes pendant plusieurs jours. Diane FOSSEY et sa petite poignée de gardes bloquaient l’accès à cette ressource vitale. » (p.26) CQFD : les hommes de KAGAME ont mangé des gorilles et éliminé Diane FOSSEY !

Le chapitre 4 évoque ce que l’auteur appelle « les racines du mal ». Chapitre fourre-tout qui commence par un rapide rappel historique. L’auteur se fourvoie dans les poncifs éculés maintes fois repris par ceux qui se prétendent experts du Rwanda. « Les Tutsis minoritaires (10%) sont grands et longilignes, les Hutus (85%) majoritaires sont petits et trapus (…) Les Tutsis sont réputés être des guerriers courageux, rusés, orgueilleux et arrogants. Ils commandent, dirigent et font la guerre. Les Hutus sont des paysans qui vivent avec une certaine nonchalance. Ils sont modestes, candides, loyaux, mais aussi indépendants ». Sans commentaire. La révolution sociale de 59 est justifiée par le fait que les Tutsis ne veulent pas partager le pouvoir avec les Hutus et que, pour cette raison, ils préfèreront s’exiler en masse, sans espoir de retour. En 1961, «  la quasi-totalité des Tutsis, soit près de 200 000 personnes, s’exile dans les pays voisins » : aucune allusion au souhait d’indépendance des peuples africains. « Après les élections, les assassinats cessent. (Ndr : pas de morts entre 1961 et 1973 ?) Il y en aura très peu durant les dix-sept années de la présidence HABYARIMANA ». Voilà comment on écrit l’Histoire ! Puis retour tout de même sur l’ère KAYIBANDA et la mise en garde de ce dernier aux Tutsis : « A supposer que vous veniez à prendre Kigali d’assaut, comment mesurer le chaos dont vous seriez les premières victimes ? Vous le dites entre vous, ce serait la fin totale et précipitée de la race tutsi ». Rien sur les nombreux massacres perpétrés sous le règne de KAYIBANDA. On fait un bond en 1990 et l’auteur évoque la visite de Jean-Paul II. Les paroles du pape à l’adresse du président HABYARIMANA « auraient fortement déplu à KAGAME ». Et l’auteur d’ajouter aussitôt : « Quatre ans plus tard, les chrétiens seront décimés et plusieurs centaines de religieux seront massacrés » (p.31-32) Nous apprenons ainsi qu’il y a eu un génocide des chrétiens ! Cette idée fera l’objet du très court chapitre 22 : « L’Eglise décimée » et sur lequel nous reviendrons rapidement.

Ce même chapitre 4  étudie l’attaque du FPR en octobre 1990 et le rôle prépondérant de Fred RWIGEMA, puis de Paul KAGAME après la mort prématurée de l’homme fort du FPR. BARRIL déclare, comme on l’a déjà lu ailleurs, que « pour KAGAME, la vie des « Tutsis de l’intérieur » a moins de prix que celle des « Tutsis de l’extérieur ». A ses yeux, les premiers sont des collabos déloyaux, et les seconds, des résistants » (p.36). Et comme exemple, il prend le cas d’Emile NYUNGURA, un conseiller d’HABYARIMANA, qui « incarne ce que KAGAME exècre par-dessus tout, le métissage : un Tutsi marié à une Hutue » (p.36). On croit rêver. Mais, comme le ridicule ne tue pas, BARRIL se lance alors dans l’histoire du fils de NYUNGURA.  Echappé au massacre de sa famille, le jeune homme fuit vers le Zaïre et rencontre Mathieu NGIRUMPATSE, le président du MRND, dont il précise bien qu’il a été « conduit au TPIR » et « accusé de génocide ». Il oublie de rappeler que ce dernier a été condamné en appel le 19 septembre dernier à la prison à perpétuité. Et de poursuivre. « Le jeune garçon témoigne courageusement de son innocence. Il est accueilli par une famille allemande. Aujourd’hui, à 36 ans, c’est un chanteur connu qui vit à Montréal ». NGIRUMPATSE ou CORNEILLE que l’on vient de reconnaître ?

Je me dois de reprendre deux phrases du paragraphe suivant et qui valent leur pesant d’or. « En 2004, son premier album se vend à 1,5 millions d’exemplaires. Lorsqu’il enregistre des chansons, ou lorsqu’il joue sur scène, Mathieu NGIRUMPATSE le fait sous son nom d’artiste, CORNEILLE » (p.37).La maladie de Parkinson aurait-elle déjà fait tant de ravages comme le redoute l’auteur ?

Ce long chapitre se termine enfin par l’évocation de riches Tutsi qui ont collaboré avec le président HABYARIMANA et qui ont rejoint ensuite le camp du FPR. Ingratitude suprême car « HABYARIMANA faisait plus que de composer avec les Tutsis de l’intérieur. Il partageait le pouvoir avec eux. C’est bien ce qui rendait KAGAME furieux ». (p.38) Le Rwanda d’HABYARIMANA est « la Suisse de l’Afrique. Les bordures des trottoirs sont peintes en blanc comme dans une caserne. Les ordures sont ramassées, la ville est propre (NDR : je ne garde pas ce souvenir-là ! L’auteur n’est-il pas en train de décrire le Rwanda de 2014 ?). La vie y est simple et paisible. Il n’y a pas  de télévision (Ndr : on est bien sous Habyarimana), pas de journaux, seulement une radio locale. » Le paradis sur terre ! « La corruption existe et touche l’entourage de la Présidence. » Tout de même ! « Les opposants, peu nombreux, sont pour la plupart des Tutsis, des intellectuels, des fonctionnaires et des commerçants. Mais ils sont inaudibles, surtout en dehors des grandes villes comme Butare et Ruhengeri. » Si vous avez compris que se trouvent là  « les racines du mal » !

Dans les chapitres 5 et 6, BARRIL se vante d’avoir « infiltré le FPR », souligne les liens étroits qui le lient à de Grossouvre, l’homme de l’ombre du président MITTERRAND, que l’on a « suicidé » le 7 avril 1994 au matin, celui-là même qui l’avait « introduit auprès du président HABYARIMANA » (p.43). Il se vante aussi d’avoir réussi à convaincre l’opposition en exil de faire venir KAGAME en France. C’est lors de ce séjour que ce dernier sera arrêté avec ceux qui l’accompagnent et « placé en garde à vue » « au siège de la DST » (p.47). « Je demande à de GROSSOUVRE d’agir pour faire libérer Paul KAGAME et lui faire croire que c’est moi qui suis intervenu pour le sortir de cette mauvaise passe. » (p.48) Une fois libéré, KAGAME l’aurait fait appeler pour lui fixer un rendez-vous le soir même, non pas au Hilton où il logeait mais dans un autre grand hôtel parisien (L’Annexe 1, qui présente un très court extrait du rapport Quillès, précise pourtant que l’entrevue se déroule à l’hôtel Hilton ! Mystère de la mémoire !) Et BARRIL de raconter dans le détail sa rencontre avec Paul KAGAME qu’il trouve « très grand. Il mesure plus d’1m90. Il est aussi très maigre. Ses doigts anguleux se recroquevillent lorsque je lui serre la main. Pour moi ce n’est pas un bon signe… Le chef du FPR paraît tendu. Les tics sur son visage trahissent une certaine anxiété… Parfois il n’arrive plus à contenir sa colère « Pourquoi m’a-t-on infligé un tel traitement, une telle humiliation ? Votre pays ferait mieux de m’aider à chasser ce corrompu et ce tyran d’HABYARIMANA. Si la France ne le fait pas, l’Amérique, elle, le fera. » Tels sont les propos que l’auteur prête à KAGAME. BARRIL l’assure qu’il va « relayer ses propos au plus haut niveau de l’Etat français » (p.48-49). Lorsque, trois heures plus tard, les deux hommes se sépareront, BARRIL confiera qu’il « ignore à ce moment-là qu’(il) vient de dîner avec celui qui deviendra (son) pire ennemi, le plus dangereux de tous. » (p.49) Et d’ajouter : « Ce furent trois longues heures durant lesquelles, extrêmement mal à l’aise, j’ai dû feindre ma sympathie avec le FPR, pour ne pas être démasqué. Ce fut mon unique entrevue avec KAGAME qu’il n’avouera plus tard qu’à l’occasion d’une seule interview, vexé de s’être fait leurrer de la sorte. » (p.49-50). A la fin du chapitre 6, Paul BARRIL, avoue que, « à défaut d’avoir pu l’éliminer, KAGAME s’est employé à saper et à détruire (sa) réputation. Il s’est appuyé sur une cohorte d’intervenants pour répandre des mensonges sur (son) compte… Il est du devoir des derniers témoins dont je fais partie de rétablir l’histoire de cette tragédie rwandaise. » (p.51)

Le chapitre 7 étudie la « stratégie de KAGAME » qui s’appuie sur quelques « ressorts de sa personnalité : la soif de la revanche, la haine, l’arrogance, l’envie de dominer. ». Cette « stratégie » se résume en 10 étapes que l’auteur va énumérer, une sorte d’inventaire à la Prévert :

  • Reprise en main du FPR, renseignements, infiltration des FAR, diffusion de fausses rumeurs.
  • Neutralisation de NDADAYE.
  • Gagner du temps en signant les accords d’Arusha.
  • Technique du cheval de Troie » au CND par l’installation de 600 hommes avec comme « mission de cacher des armes et de creuser des souterrains secrets » !
  • « Attiser la haine entre Hutus et Tutsis » : assassinats, enlèvements.
  • Couper l’approvisionnement en armes des FAR pendant que le FPR « alimente quatre dépôts d’armes secrets à Kigali (opération LEMONNIER). »
  • « Déclencher le chaos psychologique (?) qui terrorise les Hutus » en tuant HABYARIMANA
  • « Déclencher et légitimer une offensive militaire éclair justifiée par le génocide des Tutsis. »
  • « Installer comme chef d’Etat  un Hutu, Pasteur BIZIMUNGU, pour leurrer la communauté internationale. »
  • « Pénétrer, occuper le Kivu (RDC) pour s’accaparer ses ressources minières naturelles. Traquer les « génocidaires ». Militariser le régime. »

Voilà en quoi « KAGAME est un grand stratège. »

L’affaire LEMONNIER, évoquée au chapitre 8, pourrait se résumer ainsi, selon BARRIL : le marchand d’armes français, Dominique LEMONNIER aurait été recommandé au gouvernement rwandais par les agents du FPR « pour piéger et affaiblir l’armée rwandaise. » LEMONNIER signera un contrat pour lequel il sera grassement payé, mais les armes ne seront pas livrées. Les FAR privées de munitions ne pourront soutenir le combat contre le FPR. Toute cette affaire n’aurait été qu’une « escroquerie imaginée par le FPR avec la complicité de LEMONNIER pour affaiblir l’armée rwandaise. » Pour ceux qui connaissent cette affaire, ce n’est pas si simple que cela. Par malchance, ce marchand d’armes va mourir d’une crise cardiaque le 11 avril 1997, à l’âge de 42 ans, mort qui interrompt ainsi la procédure judiciaire initiée par l’Etat rwandais. Pourquoi donc, poursuit l’auteur, ne pas faire un rapprochement avec d’autres morts « suspectes », toutes attribuées au FPR : celles de RUZIBIZA, KAREGEYA, LIZINDE, SENDASHONGA ? p.61).

« KAGAME, le protégé de l’Amérique » est le titre proposé pour le chapitre 9. Dans le cœur des Américains, ou plutôt de la CIA, KAGAME va remplacer MOBUTU « trop influencé par la France, l’Elysée et Robert BOURGI (Ndr : avocat français né à Dakar. Figure de la Françafrique). Il n’est pas nécessaire de revenir en détail sur le soutien des Américains, soutien qui passe aussi par l’influence des sectes évangélistes américaines, dont celle du pasteur WARREN, le président du Burundi et son épouse ayant adhéré à cette religion qui éloigne de la réalité sociale, économique…  Sur ce point, je serais tenté d’exprimer aussi personnellement mes craintes, la religion qu’ils diffusent à longueur de prêches et d’enseignements, parfois loin de l’Evangile, risque de devenir « l’opium du peuple ». Suivent des considérations sur le rôle des Etats-Unis dans le monde : Qatar, Arabie Saoudite, Guantanamo, Victor BOUT « piégé » à Bangkok, utilisation massive des drones en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen, en Somalie, aux Philippines, Djibouti, y mêlant au passage des allusions à la vie privée de certains responsables. Le Rwanda et l’Ouganda sont des relais des Américains dans la région des Grands Lacs. « Les militaires rwandais ont été utilisés au Soudan dans le conflit du Darfour et plus récemment en République Centrafricaine ». In extrémis, l’auteur reconnaît que c’est « sous la bannière des Nations Unies » mais avec « des armes et des équipements fournis par le Pentagone. » Encore un chapitre fourre-tout et assez mal construit.

Le chapitre 10 est consacré à la mort du président NDADAYE dont BARRIL était un proche et qu’il avait mis en garde quelques jours plus tôt. Le capitaine semble avoir échappé à la mort à Bujumbura, sa chambre d’hôtel où on le croyait encore ayant été mitraillée. Grâce à Christian, un cousin du président burundais, il rejoint l’aéroport et trouve le moyen de monter « à bord du dernier vol de la Sabena pour Bruxelles, sans billet. » « Le 21 octobre 1993, l’armée enfonça le portail du palais présidentiel. Le président NDADAYE fut arraché de son lit. Ses assaillants lui coupèrent le nez et l’émasculèrent avant de le tuer à coups de bâton. » Il existe d’autres versions de la mort de NDADAYE. Celle de BARRIL est-elle la bonne ?

Chapitre 11 : « Les accords d’Arusha ». En tant qu’infiltré au sein du FPR, Paul BARRIL dit tout connaître du déroulement de la mise en place des dits accords. Il peut ainsi informer de Grossouvre. De son côté, un commandant de la DGSE informe sur la position du gouvernement rwandais. Toutes les informations qu’il prétend détenir, c’est grâce à ses « contacts à Bruxelles » (p.81). L’installation de 600 soldats du FPR au CND fin 1993, c’est « le cheval de Troie » de (Kagame) en terre ennemie. » « Charles », le responsable de ce groupe est un « redoutable chef de guerre craint des soldats du FPR avec lesquels il fait construire un gigantesque réseau de tunnels » ! : caches d’armes, abri pour les rebelles.

Et toujours ce fantasme que l’on a lu si souvent : « Les femmes tutsis, armes secrètes de KAGAME, se transforment en espionnes. Nombreux sont les officiers de la MINUAR qui succombent à leur charme » (p.83) En résumé, le CND est devenu, début avril 94, « une véritable forteresse » « C’est au moins 2000 militaires du FPR qui y sont retranchés » (p.83) « L’attentat contre l’avion fera voler en éclat les accords d’Arusha ».

« Le drôle de jeu de Dallaire » fait l’objet du chapitre 12. Complicité de ce dernier avec le FPR. Tout cela «pour un retour du Rwanda au statu quo d’avant 1959 » s’interroge BARRIL ? Il devrait pourtant avoir la réponse s’il acceptait de regarder ce qui se passe au Rwanda aujourd’hui.

Chapitre 13. L’attentat contre le président HABYARIMANA est bien évidemment l’œuvre d’un commando de 5 membres du FPR parti du CND pour se rendre à Masaka. On connaît la suite. Le juge TREVIDIC démentira cette hypothèse puisque d’après ses expertises les tirs seraient partis du camp Kanombe ou d’un lieu proche, camp aux mains de la Garde présidentielle. BARRIL s’en tient donc à la thèse défendue par le juge BRUGUIERE qui n’est jamais venu au Rwanda.

Chapitre 14. « MOBUTU savait ». Nous savons aussi depuis longtemps ce que MOBUTU savait. Nous apprenons que BARRIL était un très proche du président zaïrois : « Chaque jour, le maréchal, avec son épouse et sa sœur, va à la messe. Parfois le maréchal exige que je l’accompagne pour communier et prier. » L’auteur rappelle qu’il y avait ensuite un bon repas » et que « MOBUTU reçoit ses amis, ses conseillers… Chacun repart ravi avec un beau cadeau ou une belle qualification en dollars. (p.97) BARRIL ne dit pas combien il a touché lui-même. MOBUTU était son ami et même plus : « Un accord me liait à MOBUTU. Je devais lui rendre compte de mes visites aux autres chefs d’Etat africains. Si je voyais mon ami PATASSE, le président de Centrafrique, à Bangui, je devais m’arrêter au retour à Gbadolite. Même chose si je me rendais auprès d’HABYARIMANA au Rwanda. » (p.98)

« L’attaque », chapitre 15, contient quelques perles. Je me contenterai de quelques extraits agrémentés de commentaires si cela s’avère nécessaire. « Le 7 avril 1994, le FPR exige que la France quitte le Rwanda… Les hommes du FPR sont offensifs, très mobiles, alors que les FAR se barricadent dans leurs casernes » (p.99) « Parmi les militaires hutus, aucun chef n’émerge » (p.100) Le FPR récupère les « tonnes d’obus de mortier, de munitions et d’armes stockées dans quatre dépôts » (p.100) et « KAGAME installe un régime de terreur » ! On est le 7 avril ! Silence sur les trois mois du génocide. « Le 4 juillet 94, Kigali est conquise en totalité. Le 18 juillet « un gouvernement d’union nationale » est mis en place… KAGAME a le champ libre. Tout se déroule comme prévu.  Sa stratégie fonctionne. Les massacres succèdent aux massacres. Le destin du pays bascule. Une guerre interethnique d’une violence sans précédent fait des centaines de milliers de victimes ». Tout cela à partir de juillet 1994 ? Vous avez bien lu ! BARRIL nous prend vraiment pour des c…

Retour à Turquoise ! BARRIL est fâché avec la chronologie ! Plutôt une volonté de noyer le poisson et plus encore le lecteur.

Du 22 juin au 22 août 1994. « Sur place, nos soldats dressent un cordon sanitaire (c’est moi qui met en relief) entre les Hutus et les Tutsis pour arrêter les massacres et briser la spirale des représailles. Mais c’est déjà trop tard…. Aux assassinats collectifs succèdent les crimes de masse. Les Tutsis isolés sont traqués par les Hutus qui veulent venger la mort de leur président. Ensuite ce sont les civils Hutus qui sont assassinés, massacrés en masse par le FPR en représailles. Le pays est devenu fou. Hutus et Tutsis s’entretuent, laissant planer une odeur de mort sur tout le pays. Les rafales de Kalachnikovs, les fusils, les gourdins, les machettes, les parpaings fauchent les vies… » (p.102) Tout cela après juin 1994 ?

Retour à l’attentat. « Les militaires tirent et tuent ceux qu’ils suspectent». Qu’ils suspectent de quoi ? D’ailleurs, un peu plus haut (p.99) l’auteur a affirmé que les FAR s’étaient « barricadés dans leurs casernes ». BARRIL n’est pas à une contradiction près. « Sur les barrages dressés en catastrophe, les miliciens et les volontaires provoqués par les hommes de KAGAME font usage de leurs machettes sans discernement. » (p.103) « En ville et à la campagne, les Hutus et les Tutsis modérés sont les premiers à faire les frais du déchaînement de haine ethnique qui suit l’attentat. » (p.104) (Ndr : les caractères gras sont de moi).

En passant, BARRIL ne conteste pas du tout l’existence de l’Akazu contrairement à tous ceux qui sont accusés d’en faire partie. Il rappelle le désarroi de la famille du président et même de BAGOSORA, après avoir cité des propos de VEDRINE : « La veuve du président Juvénal HABYARIMANA semblait totalement désemparée. » On ne sait pas à quelle époque l’auteur situe ces faits ; propos qui contredisent d’ailleurs ceux de MITTERRAND lorsqu’il évoquait le comportement d’Agathe KANZIGA peu après le génocide. L’auteur ajoute que « le TPIR a reconnu qu’il n’y a pas eu de génocide « planifié » (p.104-107). Il faudrait nous expliquer ce qu’est un « génocide non planifié » !

Pour conclure, ou presque, ce long chapitre qui illustre parfaitement la volonté de BARRIL d’enfumer ses lecteurs  ce dernier écrit : « Le temps a passé mais le contentieux entre Hutus et Tutsis est toujours présent. Les rancoeurs, les haines, les soifs de vengeance coulent toujours dans les veines de ces deux peuples… Si nous souhaitons une paix durable, il faudrait envisager un Hutuland et un Tutsiland. L’histoire a montré que la cohabitation entre ces deux ethnies était impossible. » (p.108) BARRIL a tout compris. Il nous repasse un plat qui a déjà été servi. Gardez vos analyses, vos mensonges et vos conseils, capitaine BARRIL, ce que vous écrivez montre bien que vous n’avez rien compris. Le silence, celui que vous savez bien garder lorsqu’on veut vous interroger sur votre propre rôle, vous eût mieux servi et honoré. Les Rwandais savent mieux que vous ce dont ils ont besoin.

Les chapitres 16 à 19 n’ont que peu d’intérêt dans la mesure où ils n’apportent rien de nouveau que nous ne sachions déjà sur les fameuses « boîtes noires » qu’il a prétendu posséder et qui, avoue-t-il aujourd’hui, n’ont rien à voir avec les vraies boîtes noires d’un avion ! Pour ajouter : « Je ne mens pas, je ne triche pas. » Heureusement qu’il nous le dit. Suit un hommage à madame HABYARIMANA. Puis il prend la défense des dissidents du FPR en exil, ajoute que « quelques mois plus tard (il) décide de mettre à prix la tête de KAGAME » (p.118), tout cela, une nouvelle fois, sans aucun respect de la chronologie des faits, prend la défense de la France « car l’Elysée a tout fait pour arrêter les massacres et pour que la paix s’installe durablement au Rwanda. » (p.121) Il fait l’éloge du juge BRUGUIERE au chapitre 18 puis celui de Turquoise au chapitre suivant, cite Alain JUPPE qui affirme que « l’Opération Turquoise fait honneur à la France et à son armée. » (p.133-134) Un couplet archi connu que partagent les gradés de l’armée française.

Chapitre 20. « Rebondissement à Kigali ». Ici sont évoquées les conclusions (provisoires) de l’expertise du juge TREVIDIC. Suit une attaque en règle du régime actuel de Kigali qui utilise « trois éléments de méthode » ( ?) pour assurer son impunité » :

  • Le premier consiste à déclarer qu’une vérité historique, le génocide Rwandais tutsis est en butte au négationnisme et au révisionnisme. » (p.136). Ceux qui n’ont pas été jugés et qui ont fui à l’extérieur craignent d’être extradés vers le Rwanda ! Monsieur BARRIL, en ce qui concerne la France, connaît-il la véritable situation ? A près de 20 reprises, la Cour de cassation a refusé d’extrader des personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide. Aucun Rwandais n’a été expulsé de France vers le Rwanda, ce qui est à nos yeux un scandale que nous ne cessons de dénoncer. Sans oublier que, selon l’adage latin, « Aut dedere, aut judicare » (soit remettre au pays, soit juger), la France n’a à ce jour jugé et condamné qu’un seul Rwandais soupçonné d’avoir participé au génocide, son homologue le capitaine Pascal SIMBIKANGWA. Ce dernier a fait appel ! Mais le capitaine BARRIL le sait-il ou feint-il de l’ignorer ?
  • « Le deuxième élément de méthode est l’emploi systématique de la terreur pour imposer le point de vue du clan de Paul KAGAME. »
  • « Le troisième élément de méthode consiste à soutenir les relais « amis » situés à l’étranger afin de perpétuer les accusations de négationnisme et de révisionnisme contre ceux qui osent contredire le régime de Kigali ». On aurait aimé en savoir davantage sur ces fameux « relais amis » !

Chapitre 21. « Les dossiers disparus ». L’auteur évoque plusieurs documents qu’on aurait plongés dans l’oubli. Je me contente de les énumérer :

  • Le rapport Mapping étouffé. Il y aurait eu un génocide au Congo voisin entre 1995 et 1997.
  • La voix d’Emma BONINO, commissaire européen des Droits de l’Homme, étouffée, elle qui « avait tenté d’attirer l’attention sur un autre génocide passé sous silence ».
  • Carla del PONTE, qui n’avait pu obtenir que les crimes du FPR soient jugés au TPIR, écartée.
  • L’investigation de Michaël HOURIGAN, enquêteur canadien au TPIR, mise sous le boisseau.
  • Les travaux des chercheurs américains Christian DAVENPORT et Allan C. STAM qui remettent en cause le nombre des victimes tutsis et qui renvoient Hutus et Tutsis « dos à dos » ne reçoivent aucun écho. Ils défendent la thèse bien connue du « double génocide », thèse que partage Paul BARRIL. On retrouvera les théories de ces deux « chercheurs » dans le documentaire très controversé de la BBC 2 « Rwanda : an untold story » diffusé en octobre 2014. BARRIL déclare que ces deux Américains « ont rendu un rapport qui remet en cause vingt ans de manipulation. » (p.141).
  • En février 2008, un juge espagnol « inculpe et ordonne l’arrestation de 40 militaires de l’Armée patriotique rwandaise pour leur implication présumée dans un génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture. Les responsables politiques espagnols ont été particulièrement courageux. » Suite de cette affaire ?
  • Enfin, frustration du magistrat danois au TPIR Vagn JOENSEN qui déplore n’avoir jugé que des Hutus alors que … De conclure : « Il aurait été naturel pour les Nations Unies de faire convoquer KAGAME. Au moins certains de ses hauts fonctionnaires pour les interroger. Nous n’avons pas pu le faire. » (p.144)

Chapitre 22. « L’Eglise décimée. » Un très court chapitre qui souligne la méconnaissance du Rwanda par l’auteur ou sa volonté de tromper le lecteur : « Au Rwanda, 90% de la population est catholique et pratiquante. » L’intérêt de ce chapitre réside essentiellement dans l’annexe 14 à laquelle l’auteur renvoie. C’est un cas d’école si on veut comprendre ce qu’est la manipulation. Paul BARRIL donne une liste de 110 religieux environ assassinés au Rwanda (il vient de dire qu’il y en a eu 280). Dans cette liste on retrouve pêle-mêle les évêques assassinés le 5 juin 1994 par des éléments du FPR, l’évêque de Bukavu décédé en 1996, l’abbé André SIBOMANA, directeur d’un journal catholique, décédé en mars 1998 (maladie ?), Justin FURAHA, tué à Butare et dont on accuse parfois un de ses ex-confrères et ex-aumônier militaire, actuellement réfugié en France, de l’avoir fait éliminer (ces deux derniers furent mes élèves au petit séminaire de Save), l’abbé Straton GAKWAYA, un ami exécuté au Centre Christus de Kigali le 7 avril 1994 avec d’autres prêtres et chrétiens (l’abbé MAHAME, jésuite, n’est pas mentionné alors qu’il était avec eux), jusqu’aux trois prêtres de Rambura, le village d’HABYARIMANA, exécutés dans leur église le 7 avril au matin sur un ordre qui aurait pu venir de la présidence à Kigali où se trouvaient Agathe HABYARIMANA et une religieuse, sœur du président. D’après BARRIL, on peut penser que les victimes de cette liste sont celles du FPR ! Illustration parfaite de la manipulation et des mensonges dont se rend coupable l’auteur. Et pourquoi réduire la liste à cette centaine de victimes ? La plupart d’entre eux sont morts sous les coups des miliciens.

Le chapitre 23 est intitulé « La guerre des deux K ». Ou comment Paul KAGAME et James KABAREBE, actuel ministre de la Défense, se seraient accaparé le Kivu par M23 interposés pour en piller les richesses du sous-sol. Tout le chapitre est basé sur le M23, les FDLR ne sont mentionnés que pour laisser entendre que ces milices seraient une invention de KAGAME.

Et de mentionner une tribune parue dans Le Monde de fin décembre 2012 : « Au Kivu on viole et massacre dans le silence. » On trouve les signatures de Jacques CHIRAC, Valérie TRIERWEILER, Abdou DIOUF, Yamina BENGUIGUI et … Mohamed ALI : « L’horreur, ces derniers jours, a franchi un nouveau degré. Des escadrons, dont le groupe baptisé M23, font des incursions à Goma et sèment la terreur dans sa périphérie… Ils ravagent et ils tuent. Ils violent. Ils violent par centaines de milliers les femmes et les enfants pour terroriser la population. »

Voilà comment on s’achète une bonne conscience en « révélant » ce qu’un journal allemand, le Berliner Tageszeitung du 23 novembre 2007, avait déjà dénoncé, mais en attribuant ces crimes aux FDLR ! Ci-dessous un extrait de cet article.

Crimes de guerre cruels au Congo. Terrorisme sexuel. En République démocratique du Congo des milices hutu exercent avant tout une violence incroyablement brutale contre les femmes.

Par Dominic Johnson

« La majorité des crimes de guerre sexuels au Kivu – à ce sujet toutes les enquêtes sont unanimes – sont perpétrés par les miliciens hutu venus du Rwanda. Ils furent là- bas en 1994 les principaux acteurs du génocide d’environ 800 000 personnes, la plupart tutsi, et, après l’effondrement de leur régime, ils s’enfuirent au Congo, où ils ont combattu durant des années aux côtés du gouvernement contre les rebelles du Congo oriental. Aujourd’hui ils ne sont plus employés par l’Etat et ils édifient donc leur propre Etat dans l’Etat, avec un contrôle sur les mines d’or et d’étain, des camps d’entraînement dans la forêt, la perception de taxes sur les marchés et les routes et un arsenal impressionnant d’armes. Organisés politiquement en tant que FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), leurs chefs gouvernent dans leur exil congolais avec les mêmes méthodes de terreur que celles employées naguère au Rwanda. Une grande partie de leurs simples combattants est certes trop jeune pour avoir participé activement au génocide de 1994, mais le niveau des dirigeants provient encore de cette époque ou a été recruté par des responsables du génocide.

Les crimes de guerre sexuels au Congo sont donc à comprendre comme une continuation du génocide du Rwanda. 60% des viols enregistrés dans la province du Sud-Kivu ont été perpétrés par des miliciens hutu rwandais d’après les enquêtes. »

Chapitre 24. « Kagame Holding Ltd ». « KAGAME centralise tous les pouvoirs régaliens : exécutif, législatif, judiciaire, financier, militaire, économique… Il a instauré un régime de terreur, redouté de tous tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. » (p.157) Ainsi, KAGAME et son clan auraient la main mise sur toute l’économie du pays. Le président aurait fait arrêter Victor BOUT, un homme louche protégé de POUTINE, parce qu’il lui devrait des sommes colossales. Pour résumer, KAGAME n’aurait qu’un seul but : s’enrichir personnellement en pillant son propre pays et le Congo voisin.

Chapitre 25. « Cruelle leçon à Kigali. » Les relations entre la France et le Rwanda ne se sont pas améliorées avec l’arrivée de HOLLANDE au pouvoir. Comment pourrait-il en être autrement puisqu’on retrouve des amis de MITTERRAND à ses côtés. Principale mesure de rétorsion : le Rwanda est devenu anglophone. Selon BARRIL, «, parler français à Kigali est pratiquement devenu un délit » (p.167). Même si on peut regretter que le Français soit en perte de vitesse, ce que d’aucuns contestent malgré tout, les propos du capitaine BARRIL relèvent là encore du mensonge et de la manipulation. Il est vrai qu’il n’a pas mis les pieds dans le pays depuis longtemps. Et puis il y a les « incidents » de la vingtième commémoration qui ont suivi les propos du président KAGAME sur le rôle de la France pendant le génocide, propos repris le jour-même du 7 avril et cette fameuse phrase : « Les faits sont têtus. » L’ambassadeur français Michel FLESH avait effectivement été prié de ne pas assister aux cérémonies officielles. On retrouve dans ce chapitre la dénonciation de la « dérive autoritaire » du régime rwandais, dérive qui éloignerait les anciens amis comme la Belgique et les Etats-Unis, la situation des exilés célèbres anciens proches de KAGAME, le « rapport accablant » de Human Rights Watch « autrefois complaisante avec le régime de Kigali » (p.170), la disparition d’Augustin CYIZA EN 2003, les déboires de KAGAME lors d’une invitation à Oxford en mai 2013, sans oublier l’affaire Victoire INGABIRE, autant de sujets qui ont peu à voir avec le titre ! Le plus drôle, voire le plus ridicule se trouve à la page 170. Evoquant le limogeage du ministre de la Justice Tharcisse KARUGARAMA, en fin connaisseur du Rwanda, BARRIL écrit : « Lorsque la ministre de la Justice, Tharcisse KARUGARAMA donne une interview expliquant que KAGAME pourra peut-être effectuer un troisième mandat, ce qu’elle désapprouve, elle est immédiatement limogée le 24 mai 2013 et sans explication. Pour certains, le Rwanda est un exemple de démocratie avec le record mondial de représentation féminine à l’assemblée avec 67% de femmes. » Monsieur KARUGARAMA sera ravi d’apprendre qu’il est devenu une femme. Ce ne peut-être bien évidemment une erreur de frappe répétée à trois reprises, d’autant que BARRIL profite de ce moment pour rappeler la présence importante des femmes au parlement rwandais. Vous avez dit de nouveau Parkinson ?

Au chapitre 26, KAGAME devient « le parrain des Grands lacs. » Pour BARRIL, l’instabilité du Congo commence en 2001 avec l’installation au pouvoir de KABILA fils, événement qui favorise le pillage des ressources de ce pays par le Rwanda et l’Ouganda voisins ; d’autant que le M23 et « quarante autres groupes rebelles » (Ndr : les FDLR ne sont toujours pas nommés) tiennent tête aux militaires congolais et aux 17000 soldats de la MONUSCO totalement inefficaces, il est vrai, et peu courageux.

Au chapitre 27, « l’heure de vérité va sonner. » Pour qui ? BARRIL « supergendarme », « barbouze », « malfaiteur » ? L’image que les médias donnent de lui a changé. Par contre, « le portrait flatteur du maître de Kigali, dressé par une presse complaisante, commence enfin à se craqueler. » (p.168) Et d’ajouter : « J’ai compris… qu’il  n’y aurait sans doute jamais de vérité judiciaire au sujet de l’attentat du 6 avril 1994… Personne n’en veut… J’ai tenté d’exposer ici une vérité que l’on veut dissimuler. C’est aussi une mise en garde. Tous les ingrédients pour un troisième génocide sont réunis. » (p.179). BARRIL, qui a tout fait pour brouiller les pistes, passé maître ex enfumage, l’a- t-il voulue cette vérité ?

La haine entre les Hutus et les Tutsis gagnerait du terrain. Et de poursuivre : « Au Rwanda, tous les biens et les avoirs des Hutus sont devenus la propriété des Tutsis. » (p.179) Affirmation gratuite et mensongère, même des personnes poursuivies pour génocide à l’extérieur du pays ont pu vendre leurs biens ou ont des avocats qui négocient. La plupart de ceux qui avaient fui au Zaïre en 1994 sont retournés sur leur colline et ont retrouvé leurs maisons et leurs champs. Ce qui ne fut pas le cas des Tutsi qui avait dû quitter le pays il y a longtemps.

Et BARRIL, qui radote un peu, revient sur la partition du pays : « L’installation d’une paix durable dans la région ne peut passer que par une solution radicale qui consisterait à créer une Hutuland et un Tutsiland. » (p.180) Pour le cas où nous n’aurions pas compris. Dieu merci, capitaine BARRIL, cette paix se fera sans vous.

Chapitre 28 : « La fin d’une époque. » Comme si l’Afrique était un seul pays, BARRIL s’interroge : « Qui connaît l’Afrique aujourd’hui ?». Pour lui, « le seul qui connaissait ce continent, c’était FOCCARD. » (p.181) « Il manque aujourd’hui un monsieur Afrique qui connaisse chaque chef d’Etat et traite avec sagesse comme le faisait FOCCARD. » (p.182). Ces déclarations feront dresser les cheveux sur la tête de ceux qui dénoncent la Françafrique et ses méfaits durables. Où est donc passée l’Afrique de grand-papa ? Cette Afrique si attachante, si docile, si proche de la nature, si accueillante aux Blancs en mal de dépaysement !

La réponse, BARRIL la donne avec naïveté : « Je suis las de lire les mensonges repris par certains médias sur le rôle de la France au Rwanda. Ceux qui m’accusent, qui accusent l’armée française, qui accusent François MITTERRAND de complicité de génocide ne savent rien de l’Afrique. Car le rôle qu’ils nous prêtent suppose un degré de cynisme qui me donne le vertige. Ce continent vous absorbe, vous confronte à la précarité, mais il ne vous déshumanise pas. Chaque tragédie vous prend un peu plus aux tripes et vous convainc un peu plus d’installer des régimes stables. Mes meilleurs amis sont africains, mes meilleurs souvenirs sont en Afrique. Un bout de moi est là-bas. Les paysages, la nourriture, les odeurs et les couleurs, tout cela ne s’oublie pas. Sur le Vieux Continent, je suis orphelin de cette sincérité et de cette générosité que possèdent les Africains. J’ai, gravées en tête, ces images de villages où les enfants jouent tandis que les anciens palabrent sous un vieil arbre. Même si vous êtes étranger, il y aura une place pour vous. Ce qui m’a toujours le plus touché, c’est l’amour de ces gens pour la France. Leurs yeux brillaient lorsqu’ils en parlaient. Plus d’une fois, j’ai eu honte pour mon pays. J’avais en face de moi des populations qui ne comprenaient pas pourquoi on les lâchait… Il y aura toujours en Afrique ce supplément d’âme qui fait qu’on rit, qu’on danse, qu’on chante pour chasser les mauvais jours… En Afrique, j’ai l’impression d’être utile… Ce n’est pas la nostalgie d’une époque où la France tenait le destin de ses colonies qui me hante, c’est la nostalgie d’une époque où la parole donnée, l’engagement, l’honneur étaient rivés au drapeau tricolore. » (p.185-186) Il y aurait tant à dire sur cette vision de l’Afrique « Banania »  véritable texte d’anthologie ! Et résonnent soudain en moi, mais malgré moi, ces paroles de notre hymne national, conquérantes : « Aux armes, citoyens… qu’un sang impur abreuve nos sillons. » Ce sang versé par des Africains pour la France (BARRIL vient tout de même de reconnaître que les vieux Africains avaient servi  de « chair à canon » lors des deux Grandes Guerres), ce sang dont les terres d’Afrique se sont déjà tellement abreuvées.

Le chapitre 29, le dernier avant la conclusion, énumère les « sept clés », les sept éléments à charge qui accablent KAGAME, lui qui, pour échapper à la justice, « briguera un troisième mandat. » (p.187) Car, tout le monde l’aura bien compris, l’attentat du 6 avril 1994 est « un attentat terroriste prémédité » qui profite au régime de Kigali. » (p.187)

  • L’Histoire ne plaide pas en faveur de KAGAME. Pour imposer sa loi à 90% de Hutu, le FPR devait trouver un prétexte… D’où le déclenchement des hostilités en 1990… D’où « l’offensive ougando- FPR de juillet 1992, malgré la trêve »… Après avoir gagné par les armes, le FPR assied son pouvoir politique au mépris des accords d’Arusha… Par son soutien au M23, Kigali « crée volontairement le chaos dans cette région du Kivu… pour s’accaparer les ressources minières.. » (p.187-188).
  • Le dossier judiciaire espagnol qui, se superposant aux mandats d’arrêt français, accuse Kigali.
  • Le Falcon burundais en transit à Genève le 30 mars 1994 et dans lequel on aurait découvert « des plans de vol et des cartes militaires se rapportant à une trajectoire d’approche d’un aéronef. » : autre clé qui accuserait le FPR !
  • Les missiles. Plusieurs grands témoins dont DALLAIRE et le colonel MARCHAL affirment que « les FAR ne possédaient pas de missiles sol-air », alors que le FPR en utilise, des missiles soviétiques qui proviendraient de l’arsenal militaire ougandais. Selon Filip REYNTJENS, c’est l’Ouganda qui aurait livré ces missiles au FPR !
  • Le TPIR. Tout ceci est confirmé par les nombreux témoignages recueillis au TPIR. Lesquels ?
  • La stratégie de KAGAME. « En grand stratège, KAGAME élabore, depuis son retour des Etats-Unis en 1990, un plan extrêmement minutieux visant à faciliter et à légitimer sa prise du pouvoir par les armes. » (p.192).
  • Pas de procès et plus de témoins. KAGAME n’a pas voulu enquêter sur l’attentat. De plus, il a fait cesser les fonctions de Carla del Ponte qui voulait enquêter sur les crimes du FPR, il a tenté de faire assassiner son ancien ami KAYUMBA NYAMWASA, RUZIBIZA est mort d’un « cancer du foie foudroyant le 22 septembre 2010 trois mois après avoir été entendu par TREVIDIC. » (Ndr : encore un coup de KAGAME !) Et BARRIL de rajouter : « Il souhaitait écrire un livre : « L’Histoire secrète ». Nous sommes nombreux à avoir lu un livre de RUZIBIZA sorti le 17 octobre 2005 et portant le même titre, préfacé par Claudine VIDAL et postfacé par André GUICHAOUA. Cela aurait-il échappé au capitaine ? Et de rappeler le souhait de Théogène RUDASINGWA de témoigner à son tour, mais bien tardivement, et l’assassinat de Patrick KAREGEYA le 1 janvier 2014, lui qui, aussi, savait tout !

Autant de clés qui n’aideront pas à ouvrir beaucoup de portes. BARRIL semble avoir fait un copier-coller de tout ce qui s’est déjà dit. Il ne nous apprend rien de nouveau.

« En guise de conclusion », BARRIL nous livre la retranscription d’une lettre manuscrite que le co-pilote Jean-Pierre MINABERRY aurait écrite le 28 février 1994 à une proche. Il exprime ses craintes, le FPR ayant des missiles Sam-7 en sa possession, évoque tous les plans possibles pour échapper à un attentat qui lui semble inéluctable… BARRIL aurait pu rajouter une vingtième annexe avec copie de la lettre manuscrite du co-pilote !

L’ouvrage se termine par une « Chronologie de 1959 à 2014 » (p.201 à 205), suivie d’une « Liste d’annexes » (p.207 à 243).

 

Alain Gauthier, président du CPCR.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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