- Interrogatoire de Tito BARAHIRA.
- Audition de Marie-Goretti MUKAYIRERA, infirmière au Centre de Santé (lecture – absente).
- Audition de Jean-Damascène MATABARO, en visioconférence.
- Audition de Jean RWIZIBURIRA, en visioconférence.
- Audition de Félicien KAYINGA, 21 ans en 1994. Commerçant. Se constitue partie civile.
- Audition de Donatille KANGONWA, rescapée qui se constitue partie civile.
Interrogatoire de Tito BARAHIRA.
Pour l’accusé, les choses sont simples: toutes les personnes qui le mettent en cause, dans quelque lieu que ce soit, sont des menteurs. L’abbé INCIMATATA, RUTAGUNGIRA, MUVUNYI mentent. Il ne connaît pas les Simba Bataliani [1] , n’a jamais organisé la moindre réunion. Mensonges… Mensonges…
Concernant la journée du 13 avril 1994, jour des massacres à l’église, mêmes déclarations: ils mentent. L’accusé dit être arrivé à l’église vers 17 heures alors que toutes les attaques étaient terminées. Tous ces mensonges, en fait, viendraient des Gacaca [2], « créées pour poursuivre les autorités et ceux qui ne sont plus au pays« . Arrivé sur le site de l’église, il a cherché à s’informer sur ce qui s’était passé en discutant avec les gens. Il a aperçu NGENZI mais n’a eu aucun contact avec lui. Ces propos contredisent ce qu’il a dit avant? « C’est pour cela que j’ai demandé un interprète« . Ce qui l’a empêché de faire de l’humanitaire, c’est la présence du directeur de l’Electrogaz qui venait voir pourquoi il n’y avait plus d’électricité. Il reconnaît tout de même que cet épisode est « un acte terrifiant, affligeant« . Il a eu peur, cette peur qui « se lisait sur le visage des gens et qui avaient la main sur la bouche, qui pleuraient« .
Plusieurs jurés vont poser des questions mais toujours la même réponse: ce sont des mensonges, il n’a pas vu de corps. De rajouter toutefois: « Je vois que l’église est brûlée, je vois des cadavres à l’intérieur« . Maître DECHAUMET, avocate du CPCR, a beau insister: « Il y a avait beaucoup de monde, je ne pouvais pas voir les cadavres« . « NGENZI dit ne pas vous avoir rencontré le 13: il ment? » continue l’avocate. « Je l’ai vu, lui ne m’a pas vu. » Maître LAVAL tente de lui rappeler qu’on doit secourir toute personne en danger, même s’il n’avait plus d’autorité: « Il n’y avait plus de blessés, tous avaient été conduits au Centre de Santé car le bourgmestre avait certainement pris ses responsabilités. J’accompagnais le chef pour rétablir l’électricité en vue de soigner les blessés! »
C’est au tour de Maître PADONOU, pour la FIDH, de questionner l’accusé, en particulier pour savoir pourquoi BARAHIRA n’avait pas encore pris son poste de président du MRND alors qu’il avait été élu en janvier. C’était des problèmes administratifs! Et l’accusé de dénoncer à nouveau un complot ourdi contre lui et d’affirmer que sur le site de l’église, personne ne criait. Maître PADONOU laisse alors entendre que l’accusé a bien préparé son interrogatoire: maître MEILHAC se fâche: « Vous accusez l’avocat? » On en restera là.
L’avocat général, comme à son habitude, pose quelques questions courtes. « Vous êtes chez vous: vous n’entendez rien »? Rien, aucun bruit de grenades ni de mortier… S’ils n’a pas vu de corps à son arrivée, c’est que cela a dû se passer avant ou après… Il y a bien des gens qui pleuraient, mais pas ceux qui avaient reçu des coups… « Pas de son, pas d’image, pas d’électricité » ironise monsieur COURROYE. Et de conclure: « Tous menteurs! Vous ne croyez pas que le plus gros menteur de ce procès, c’est vous? » Protestations de l’accusé: « Je ne mens pas, je ne suis pas un menteur par nature. Ces gens m’accusent parce que je les ai bien administrés« . L’avocat général d’ajouter toutefois, consultant sa montre: « A 11h30, vous avez raté un rendez-vous avec la vérité« ! L’accusé s’entête: « Et moi je vous dis que je ne suis pas un menteur« ! Comprenne qui pourra!
La parole est donnée à la défense. Maître MEILHAC revient sur ce que l’on a dit pour justifier sa destitution de bourgmestre en 1986 (il aurait tué quelqu’un en s’acharnant sur ses organes génitaux…), l’avocat évoquant des « termes croustillants » de la part d’une partie civile: « Ce sont des calomnies, pour montrer que je suis mauvais… Tout comme l’épisode de la femme nue lors d’un déplacement à Kibungo [3]. » L’avocat revient sur la peur dont a parlé l’accusé: « Vous pensez à votre famille à ce moment-là? « Ce sont des choses dures, effrayantes… les gens qui se cachaient par peur du FPR…. bruit de bombes vers le parc (de l’Akagera)… La peur m’a saisi. De retour chez moi, j’ai évoqué la question de la fuite. Le 17 nous avons fermé la propriété et sommes partis« . Maître MEILHAC ne manquera pas de faire dire à son client que la réparation électrique était bien une façon d’aider les blessés: « Ça faisait plaisir que l’électricité soit revenue, les blessés pouvaient être soignés »… Il n’y a bien qu’eux pour le croire! D’autant que d’autres témoins interrogés après diront tous qu’il n’y a jamais eu d’électricité au Centre de Santé pendant toute cette période, ni avant, ni après la « réparation » du transformateur! L’avocat échangera ensuite quelques propos sur l’exil de son client, justifié par ce supposé complot initié surtout par les Gacaca [2]. On en restera là.
Audition de Marie-Goretti MUKAYIRERA, infirmière au Centre de Santé.
Le témoin étant absent, il est décidé de passer outre. Lecture est faite de ses auditions, celle devant OPJ rwandais et celle des gendarmes français. NGENZI, leur plus proche voisin, est venu lui annoncer la mort de son mari le 14 avril. Le bourgmestre envoie la chercher par des militaires le 17 avril. Le 18, une stagiaire du Centre lui annonce la mort de ceux qui étaient cachés chez UMUTESI: sa fille s’est échappée et lui raconte comment le bourgmestre lui a piétiné le ventre et comment elle a été battue à l’aide d’un fil électrique. Sa fille mourra après: a-t-elle été violée? Elle ne sait pas. S’étant elle-même réfugiée chez UMUTESI, elle a préféré partir , sentant qu’elle mettait son hôte en danger. Elle ne sait pas si NGENZI était au Centre de Santé le jour de l’attaque mais les policiers lui avaient dit de se cacher de NGENZI.
Audition de Jean-Damascène MATABARO, en visioconférence.
Le témoin s’exprime sur la réquisition des gens de Gasharu pour aller enterrer les corps de l’église de Kabarondo. Il parle de l’inhumation des cadavres puis de ceux qui sont allés achever les blessés au Centre de Santé, prétendant que « derrière tout cela il y avait NGENZI » car c’est lui qui a indiqué où se cachaient les rescapés. Ils recevront finalement 5 000 francs en récompense pour le travail effectué.
Madame MATHIEU, présidente, interroge le témoin sur les Abarinda [4] et leurs liens avec l’accusé, sur les Simba Bataliani [1], sur les conditions du recrutement des fossoyeurs. Pour le témoin, il n’y avait pas de survivants à l’église, tous étaient morts, contrairement à ce que d’autres témoins avaient pu affirmer. Il a sauvé lui-même trois personnes. Quant au bourgmestre, il a donné des ordres. Sans ces ordres, aucun citoyen de bas niveau n’aurait pris l’initiative de tuer. Concernant les massacres de l’IGA, le témoin n’y était pas mais il accuse CYASA d’avoir tué: d’ailleurs, il a tué partout!
Quant à BARAHIRA (NDR: qui semble assoupi dans son fauteuil), il était chargé de faire la sensibilisation auprès des gens, de faire la propagande du MRND. Le témoin avoue avoir été incarcéré pendant plus de onze ans: condamné par les Gacaca, il a fini par être innocenté. Il avait plaidé coupable uniquement pour pouvoir être libéré. Cher payé toutefois, s’il dit la vérité.
A l’avocat général, le témoin précise qu’on avait décidé d’enterrer les corps des victimes pour que le FPR qui était proche ne les voie pas. Le 16 avril, l’autorité de NGENZI était intacte.
Maître MATHE interroge le témoin sur la nature des armes. Elle regrette, devant l’indécision du témoin, que l’on ne possède pas de photos dans le dossier. Va suivre alors un dialogue de sourds avec des questions qui ne permettent pas de mieux comprendre la situation. Au contraire, tout cela brouille la clarté des informations. L’avocate de la défense terminera son intervention en demandant au témoin combien il a perdu de membres de sa famille. C’est devenu un moyen de défense: cela permet de souligner que le FPR, après sa prise de contrôle de la région, s’est livré à des massacres de masse. Le témoin se contentera cependant de dire que les membres de sa famille sont morts « pendant la guerre« . A la question de savoir s’il y a eu des enquêtes, le témoin répond par une autre question, une façon très rwandaise de parler: « On fait des enquêtes pendant la guerre? »
Audition de Jean RWIZIBURIRA, en visioconférence.
Le témoin évoque l’attaque de l’église le 13 avril et dit que les tueurs sont passés près de chez lui, qu’il a entendu le bruit des armes. Après l’église, ils ont dit qu’ils viendraient dans les maisons où il y avait des Tutsi. Il a décidé de faire fuir son épouse. Il évoque aussi l’attaque de l’IGA. NGENZI était bien là avec des gens de Kibungo. Il avait invité les gens à venir à une réunion de sécurité. Il raconte alors ce qui s’est passé à l’IGA. On a fait asseoir les gens contre un mur. Lorsque CYASA a sorti une grenade de sa poche, les gens ont crié. NGENZI était là et tenait un pistolet à la main droite.. Il portait un ensemble gris. Concernant la mort de l’assistant bourgmestre, CYASA a pris un fusil et a tiré sur lui: « La balle l’a soulevé et il est tombé ». Le témoin dit alors avoir fui, six autres personnes ayant été fusillées.
Des hommes sont alors venus fouiller sa maison et n’ont trouvé personne. Ils sont ensuite allés chez RUZINDANA puis chez Osée KAREKEZI et chez MUNYANEZA. NGENZI et BARAHIRA participaient à cette fouille. « Nous les suivions pour voir ce qu’ils allaient faire. Mes enfants n’étaient pas là. Je croyais qu’ils étaient chez leur oncle Osée« . Le témoin souhaite que la justice se manifeste et qu’un jugement impartial soit rendu.
La présidente questionne le témoin qui confirme la présence des deux accusés lors des fouilles et précise que ces fouilles ont bien eu lieu après l’attaque de l’église et non avant comme il avait pu le dire devant les gendarmes français. Le témoin a bien suivi les personnes qui fouillaient les maisons. S’il y a eu des divergences sur les heures de ces événements, c’est parce que le témoin avait fait une évaluation: il n’avait pas de montre. Mais il était bien chez son beau-frère Osée KAREKEZI. Quant à savoir qui de NGENZI ou de CYASA avait le leadership, le témoin répond que si CYASA était là, c’est que le bourgmestre l’avait invité. Il a bien fait six ans de prison, mais a été innocenté ensuite. Le 13 avril, il était chez lui. Il a entendu des détonations. Et de préciser que si BARAHIRA était à son domicile, il doit avoir entendu les mêmes bruits d’obus ou de fusils.
Maître MEILHAC fera savoir à la Cour que son client n’est pas poursuivi pour sa participation aux fouilles mais il cherche à savoir tout de même si le témoin a témoigné contre BARAHIRA. « Oui, dans le procès de CYASA« . Et l’avocat de conclure, petit sourire au coin des lèvres: « Quand on lui a montré BARAHIRA lors de la confrontation, il avait répondu que c’était Octavien NGENZI! »
Audition de Félicien KAYINGA, 21 ans en 1994. Commerçant. Se constitue partie civile.
« L’attentat a lieu le 6 avril 1994, c’est la radio qui nous l’apprend. Toute ma famille se trouvait chez notre grand-père. Quatre membres du Simba Bataliani sont venus. Nous avons couru et sommes tombés nez à nez avec d’autres Interhamawe armés de machettes et de gourdins. Ils nous ont ramenés dans la parcelle. Ils nous ont alors emmenés, à l’exception de nos grands-parents, tout en essayant de récupérer d’autres personnes sur leur passage. Arrivés dans un bois, les Interahamwe ont frappé mon père en déclarant qu’ils allaient nous tuer à cet endroit. J’ai eu très peur. Ils ont continué à chercher d’autres voisins et nous ont conduits vers un centre de négoce. Sur place, ils ont effectué un tri: les Tutsi ont dû se mettre à l’écart et des gens ont été désignés pour nous surveiller. Ils se sont concertés pour savoir comment ils allaient nous tuer. Un ancien gendarme nous a dit: « Courage, on va vous tuer ». Ils nous ont fait asseoir sur la route, près d’un ravin. Ils ont commencé à nous frapper à l’aide de machettes et de bâtons. A un coup de sifflet, ils se sont arrêtés. Ils devaient vérifier si nous étions morts: ils nous ont frappés aux genoux avec des gourdins. Certains voulaient qu’on tire une balle dans la tête de chacun de nous, mais quelqu’un a dit qu’il ne fallait pas gaspiller de balles. Ils ont alors laissés pour morts, enfermés dans un bâtiment. J’ai constaté que j’étais encore vivant, mais je ne pouvais pas me lever. J’ai fini par rejoindre le Centre de Santé sur le vélo d’un certain John. J’étais le premier blessé à arriver au Centre. Les infirmiers m’ont soigné, sans anesthésie: l’un, pris de compassion, m’a donné une chemise, la mienne étant couverte de sang. NGENZI et l’abbé INCIMATATA sont passés au Centre et m’ont demandé ce qui s’était passé. Le 13, alors que j’étais alité avec d’autres, nous avons entendu des bruits de fusils et d’explosion: ce devait être vers 9/10 heures. Nous avons pensé que le Centre était aussi attaqué. Vers 18 heures, des blessés de l’église sont arrivés au Centre de Santé mais aucun d’eux n’a pu bénéficier de soins: rien à boire ni rien à manger. Vers les 17/18 avril, nous avons entendu des gens qui creusaient derrière le Centre de Santé. Des Interahamwe de Rundu et Rubira sont alors arrivés. Ils ont opéré un tri et sont allés en tuer certains là où ils avaient creusé. Quand ils sont revenus, j’ai vu NGENZI près d’une citerne: il portait un ensemble gris. Il a demandé aux tueurs de retourner tuer les Tutsi au Centre de Santé: il fallait « nettoyer » à cause des mauvaises odeurs. Alors qu’ils s’emparaient des blessés qui gisaient sur des brancards pour les tuer, je leur ai dit que je n’étais pas Tutsi, qu’ils allaient commettre un meurtre fratricide s’ils me tuaient. Je leur ai dit qu’on m’avait déjà tailladé chez Apollinaire. Ils m’ont alors laissé. Retourné au Centre, j’ai fini par le quitter pour retourner chez moi, à Bisenga où quelqu’un m’a caché jusqu’à l’arrivée du FPR« .
La présidente questionne le témoin sur son appartenance au PL [5], sur son identité Tutsi, sur les Simba Bataliani [1] et sur leur chef, sur NGENZI et son appartenance au MRND, sur les tensions nées du multipartisme et les chansons qui appelaient au meurtre des Tutsi. Madame MATHIEU lui fait préciser qu’il n’y avait pas d’électricité au Centre de Santé (NDR: même après la « réparation » effectuée par BARAHIRA!). Il a bien entendu les propos de NGENZI qui se trouvait à une quinzaine de mètres de lui. Pour lui, RUHUMULIZA était bien un meneur. Il a perdu beaucoup de membres de sa famille. Quant aux blessures, du corps et du cœur, elles sont passées.
Plusieurs jurés lui demanderont de préciser quelques points: retour de l’électricité? Comment vit-on avec tous ces souvenirs? Peut-on parler de planification? Maître PADONOU lui demande de dire quelles sont les séquelles qu’il garde de ces événements: il ne voit plus de l’œil gauche et doit se soumettre à un traitement à vie qui lui coûte cher. La cicatrice qu’il garde au cou? Machette ou gourdin, il ne sait pas.
L’avocat général lui fait bien dire que s’il a entendu creuser avant les tueries, c’est que le génocide était programmé. Il veut savoir aussi si les victimes criaient. « Seuls les enfants criaient« . Les victimes étaient poussées dans la fosse après avoir reçu un coup de gourdin ou de machette de la part des tueurs habillés de feuilles de bananier.
Maître MATHE veut savoir si le témoin était bien conscient du temps. Il compte alors sur ses doigts pour évoquer la date du 17/18 avril. Pendant une 1/2 heure ensuite, l’avocate de la défense, fidèle à sa stratégie de faire durer les débats, va demander au témoin de donner des précisions sur les lieux à l’époque du génocide…. (NDR: cette stratégie semble payante puisque la présidente nous annoncera, le lendemain soir, à l’issue des audiences, que le procès sera prolongé de trois jours!)
Audition de Donatille KANGONWA, rescapée qui se constitue partie civile.
Dès le 7 avril, le témoin se cache dans « les brousses« . Le 8, sa maison est pillée et NGENZI demande à tous ceux qui se cachent de se retrouver chez un certain Joseph HAVUGIMANA. Le lendemain, les Simba Bataliani sont venus et ont tué son père. Elle sera battue. Le bourgmestre serait revenu en demandant à ce que ceux qui étaient encore vivants soient transportés au Centre de Santé. De là, le témoin a rejoint l’église où NGENZI est revenu les voir.
Elle raconte alors ce qui s’est passé dans l’église, le 13 avril. Son témoignage ressemble à tous ceux qu’on a déjà entendus. Elle a passé la nuit au milieu des cadavres, ayant elle-même été blessée à la jambe droite, au bras gauche et au dos. Le lendemain, elle a réussi à se traîner jusqu’au Centre de Santé où elle a reçu des soins pendant deux jours. Le 18, les tueurs de Rubira et Rundu sont revenus exécuter les rescapés. Si elle a été sauvée, c’est parce que quelqu’un a dit qu’il la connaissait et qu’elle n’était pas Tutsi. Le policier HABYAKARE s’est adressé au mari de sa petite sœur et ils l’ont ramenée chez elle.
Interrogée par madame la présidente, le témoin précise que NGENZI n’aimait pas les Tutsi. Il avait eu des mots avec son père que le bourgmestre trouvait « vantard« , arrogant, lorsqu’il gardait ses vaches. Elle s’exprime aussi sur la jeunesse du MRND et du Simba Bataliani qu’elle a bien vu dans la voiture du bourgmestre. Elle souligne aussi le rôle de RWAGAFILITA [6] dont elle connaît la réputation. Quant à savoir si NGENZI leur avait demandé de se regrouper chez Joseph HAVUGIMANA pour les protéger, elle constate que le lendemain ce sont les Simba Bataliani qui sont arrivés! Revenant sur la situation à l’église, le témoin rappelle qu’elle y a été blessée, que les personnes gravement atteintes suppliaient qu’on les tue, que les tueurs piquaient les blessés pour voir s’ils étaient morts, volaient les habits. Elle-même a reçu un coup de lance dans le dos. Au Centre de Santé, NGENZI aurait récupéré le stock de médicaments et aurait interdit de soigner les blessés. Elle finira par évoquer sa vie de rescapée et des difficultés qu’elle a à survivre.
La suite des questions ne permettra pas d’obtenir de renseignements supplémentaires susceptibles d’éclairer davantage la Cour. L’audience est suspendue: il est près de 23 heures. Tout le monde est exténué.
Alain GAUTHIER
- Simba Bataliani : dangereux groupe armé constitué d’anciens militaires des FAR, déjà cité par plusieurs témoins pour leurs exactions meurtrières dans la région de Kabarondo.
[Retour au texte] - Gacaga : Tribunaux traditionnels au Rwanda, réactivés en 2001, en raison de la saturation des institutions judiciaires pour juger des personnes suspectées de meurtre pendant le génocide. Composées de personnes élues pour leur bonne réputation, elles ont une vocation judiciaire et réconciliatrice. Voir le glossaire pour plus de détails.
[Retour au texte] - Lire le témoignage de Jovithe RYAKA, rescapé et partie civile.
[Retour au texte] - Dans secteur de NGENZI, ce groupe avait repris le nom traditionnel « des gens qui savent chasser » pour l’appliquer à la traque des Tutsi.
[Retour au texte] - Parti Libéral. Le Parti Libéral va se scinder en deux fin 1993 : la tendance de son président, Justin MUGENZI, rejoint le Hutu Power, l’autre tendance, sera anéantie le 7 avril 1994. Cf. « Glossaire« .
[Retour au texte] - Le colonel RWAGAFILITA était l’homme fort de la région, éminence grise du pouvoir génocidaire. Il valait mieux bénéficier de ses faveurs pour devenir bourgmestre… Il fut parmi les activistes les plus impliqués dans les massacres autour de Kibungo dont il était originaire. Voir le glossaire pour plus de détails.
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