Le soleil vient de bondir
au-dessus des collines verdoyantes.
Depuis la veille, l’ordre a été donné
d’exterminer tous les cafards,
les serpents.
Embusqués derrière une haie d’épineux,
les Interahamwe, miliciens
bachi-bouzouks ivres de sang
et d’alcool,
vêtus de feuilles de bananiers,
guettent leur proie.
En ce matin d’avril,
la lame de leurs machettes,
encore rouge de leur méfait
de la veille,
lance des éclats de victoire.
Au bout du chemin boueux,
portant au dos son dernier né,
elle apparaît,
madone parée de bijoux.
Sa démarche chaloupée,
son port altier
excitent violemment leur envie
et leur haine.
Plaqués sur le sol,
ils sont prêts à fondre
sur leur victime.
Lorsqu’elle arrive à
quelques mètres d’eux,
fidèles à leur tactique éprouvée
de prédateurs sanguinaires,
ils l’entourent de leurs cris sauvages.
Comme un animal résigné,
sans lutter,
elle se livre aux lames de ses bourreaux,
cherchant seulement à protéger
Ingabire, le don de Dieu,
son amour dernier.
Pantelante, le corps déchiqueté,
clown et pantin,
elle esquisse un dernier pas de danse,
tournoiement ridicule.
Elle valse une danse grotesque.
Un cri de victoire
s’échappe de leurs gueules
de hyènes puantes.
Sous l’amas de tissu et de chair,
seul se fait entendre
un vagissement d’animal blessé…
Un dernier coup de machette,
sec,
claque dans le silence de l’aube.
Xavier Dulaurier
A la mémoire de toutes les victimes du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.