Jeudi dernier, 15 mars 2018, s’est tenue, au Palais de Justice de Bruxelles, la dernière audience concernant la plainte contre l’Etat belge et deux militaires pour avoir abandonné les réfugiés de l’École Technique Officielle (ETO) à Kicukiro, Kigali, le 11 avril 1994.
Cette dernière audience était consacrée aux derniers arguments développés par les avocats des plaignants auxquels ont répondu ceux de la Défense.
Devant une audience clairsemée, en l’absence de toute presse, on a assisté à des échanges plutôt courtois entre les deux parties. On comprenait bien qu’il s’agissait là d’une audience de « rattrapage », l’essentiel ayant été dit lors des audiences précédentes. Voir le lien de La Libre/Afrique qui rend compte de la journée du 8 mars.
https://afrique.lalibre.be/16428/rwanda/
Après la plaidoirie des trois avocats des plaignants, parole a été donné à ceux de la défense. L’argument le plus choquant de ces derniers a consisté à contester les faits historiques rapportés par les témoins directs. Le 11 avril, au moment où les soldats belges quittaient l’ETO, pour aller assurer la sécurité autour de l’aéroport, leur objectif prioritaire vu l’ultimatum du FPR qui ne leur laissait que quelques heures pour évacuer les expatriés (Opération Silver Back (1), l’Ecole Technique Officielle n’aurait pas été encerclée par les FAR (Forces Armées Rwandaises) et les miliciens Interahamwe. Tout le contraire de la vérité. Et les avocats de la défense de s’appuyer sur le témoignage du chauffeur de RUSATIRA qui observait la scène dans son rétroviseur! Difficile tout de même de donner foi aux forces gouvernementales qui depuis plusieurs jours, dans Kigali, avaient déjà participé à des massacres de masse!
Le colonel Joseph DEWEZ et le commandant Luc MARCHAL, qui ont pris la parole en dernier ont tenté de dire qu’avec la connaissance qu’ils avaient de la situation le Jour J, ils reprendraient la même décision. « Il n’y avait pas d’autre solution que de choisir entre la peste et le choléra. » Et le colonel DEWEZ d’ajouter qu’il avait « une pensée particulière pour les trop nombreuses victimes des événements du Rwanda. » D’évoquer « un immense gâchis » qu’ils n’ont « pas réussi à éviter » et dont ils « subissent les conséquences encore aujourd’hui dans (leur) vie. » S’ils devaient être condamnés, ils auraient beaucoup du mal à comprendre qu’on les considère comme des criminels.
Fin des débats vers midi. Une autre audience n’aura pour objectif que de remettre à la Cour (composée de trois magistrates!) des documents complémentaires. La présidente aurait confié aux parties qu’elle espérait faire connaître la décision avant la fin Juin.
(1) L’opération Silver Back est menée par la Belgique au Rwanda, du 10 au 16 avril 1994, parallèlement à l’opération Amaryllis française, après l’attentat du 6 avril 1994. Les deux opérations ont pour but d’évacuer les étrangers, principalement les Belges et les Français, dont la vie est menacée pendant les événements du génocide. Il fallait exfiltrer les expatriés qui, comme lors de conflits précédents (Congo) « pouvaient devenir une cible ».
La Belgique, au cours de cette opération, a évacué plus de 1 200 personnes dont 1 000 Belges et, in extremis, plus de 200 Rwandais. Ces derniers, essentiellement des Tutsi, avaient été refoulés par l’Opération Amaryllis sur le tarmac de l’aéroport de Kigali alors que les accès à cet aéroport étaient gardés par les tueurs: le chef de l’opération française, le colonel Henri Poncet, ne procédait à l’évacuation des Rwandais qu’à partir de listes de noms qu’il détenait de l’ambassade de France1.
Alain GAUTHIER, président du CPCR