Plaidoiries des avocats de la défense. J39

 

Plaidoirie de Maître BOURGEOT, avocate de TiTo BARAHIRA.

« Je m’adresse à vous et à vous seuls. Je vais essayer de vous convaincre de l’innocence de BARAHIRA. C’est vous les juges… Je refusais que BARAHIRA soit le cobaye d’une procédure inadaptée : je continue à le penser. »

De regretter ensuite qu’il ait fallu à tout prix faire tenir dans les deux mois qui étaient prévus, BARAHIRA n’ayant pas eu suffisamment la parole : elle aurait aimé que son client puisse s’exprimer après chaque témoignage.

D’ajouter, toujours en direction des jurés : « On vous a demandé en deux mois d’assimiler des connaissances que j’ai mis plusieurs années à acquérir.  Votre tâche est lourde : on vous demande de prononcer une peine d’élimination !  Mon travail consiste à faire la synthèse de ce qui s’est dit dans cette salle.  Je vais vous aider. »

Maître BOURGEOT regrette qu’on s’en soit tenu aux « preuves testimoniales » alors qu’on aurait très bien pu consulter des archives, comme celles d’Electrogaz par exemple.

« BARAHIRA se défend très mal. On se demande s’il n’a pas baissé les bras. C’est un taiseux. Ma tâche est quasi insurmontable : BARAHIRA ne tient pas les mêmes propos avec ses avocats que devant la Cour. BARAHIRA n’exprime pas ses émotions. L’avocat général vous l’a décrit comme « un monstre froid ! ». Sortez BARAHIRA de ce box et regardez-le comme il est. Regardez-le comme un innocent, avec ses maladresses… Il a même fait des cauchemars dans lesquels maître LAVAL était présent ! »

L’avocate revient sur la situation familiale de son client : famille éclatée pendant dix ans, ça laisse des traces. « Son rôle de père lui tient à cœur, il est soucieux de l’étude de ses enfants. »

« BARAHIRA est discret, secret même. Il a quelque chose de résigné. Il se prend les pieds dans le tapis. On va même le caricaturer à outrance lorsqu’il évoque cette histoire de fumée ! » (NDR. BARAHIRA avait osé, en parlant de l’église en feu, affirmer qu’il avait pensé qu’il s’agissait des rescapés qui faisaient la cuisine ! Même son avocate n’en revenait pas puisqu’elle avait ajouté que son client avait trouvé une explication absurde !)

L’avocate revient ensuite sur les déclarations de certains témoins pour en contester les propos. Elle évoque aussi un problème culturel : un témoin s’approprie ce qu’on lui raconte. Quant à BARAHIRA, concernant la journée du 13 avril, il raconte la même histoire depuis le début : il est resté chez lui, s’est occupé de ses champs, de sa famille ! (NDR. Il n’a pas varié, mais qui peut le croire ?)

La panne de courant, que l’avocate semble avoir pris au sérieux, est évoquée. Elle parle du transformateur qui aurait alimenté toute la Préfecture de Kibungo ! (NDR. Jamais personne n’a dit cela. Il serait étonnant que le transformateur de Kabarondo alimente toute la préfecture.)

Quand on interroge son client sur le fait qu’il aurait pu avoir NGENZI au téléphone, il a trop peur de donner la mauvaise réponse. (NDR. Sous-entendu, il répond ce qui lui passe par la tête.)

Des regrets ? « Bien sûr qu’il en a pour son pays, mais il ne peut pas en avoir pour les victimes qu’il ne reconnaît pas. »

Après avoir reconnu que BARAHIRA était un homme de la 2ème république, elle affirme qu’HABYARIMANA a instauré les quotas pour favoriser les Tutsi ! (NDR. Les quotas existaient sous KAYIBANDA ! Qui peut croire que c’était pour favoriser les Tutsi ?)

Maître BOURGEOT émet le souhait que, contrairement à ce qui s’est passé en première instance, la feuille de motivation cite les témoins.

Allusion au procès SIMBIKANGWA au cours duquel ce dernier aurait été acquitté pour les faits qui se sont passés à Kesho, dans sa région d’origine ! (NDR. Je pense que l’avocate se trompe. Il n’a pas été acquitté pour ses faits puisque les juges avaient prononcé un non-lieu. Il n’était donc pas jugé pour ces massacres.)

Pour l’avocate, l’acte d’accusation est gangréné à la base. D’évoquer les PV d’audition de Méthode RUBAGUMYA, l’OPJ, que « Kigali ne veut pas laisser venir témoigner et les propos du gendarme GRIFFOUL qui parle du Rwanda comme ressemblant à l’ex-RDA » (République Démocratique Allemande) !

Les faits de l’église ! « Les seuls témoins sont des parties civiles », s’étonne-t-elle. Et de les nommer toutes. Et de dénoncer tous ces témoignages, un à un.

Pourquoi les parties civiles accusent-elles BARAHIRA ? « Pour Marie MUKAMUNANA, qu’est-ce que ça peut faire ? Elle est déjà morte : elle redira tout ce qu’on lui a dit ! »

La mort de François NTIRUSHKWAMABOKO ? Des rumeurs ! Le meurtre de 1986 ? Encore des rumeurs. (NDR. Meurtre pour lequel BARAHIRA aurait été « démissionné » de son poste de bourgmestre.) Toutes ces rumeurs seraient entretenues par le pouvoir actuel, en particulier lors des commémorations.

« Il n’y a pas eu de viols à Kabarondo. » (NDR. Au cours de ce procès, personne n’a évoqué des viols, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas eu !)

« On vous aveugle avec des récits atroces. Les parties civiles témoignent avec leurs tripes, leurs émotions, raison pour laquelle on ne leur demande pas de prêter serment ! On vous étourdit avec des récits de violence, mais cela ne suffit pas pour condamner ! Vous devez vous soustraire de vos émotions pour juger ! »

L’avocate évoque les huit témoins qui n’ont pas vu BARAHIRA et va passer en revue tous les autres témoins. « INCIMATATA ? Je ne crois pas un mot de ce qu’il dit ! »

La réunion du terrain de foot ? [1] « Cette réunion du terrain de foot, elle est absurde ! »

« Je me suis employé à démontrer que BARAHIRA n’était ni à l’église, ni au terrain de foot, ni lors des attaques. »

« Vous devez tenir compte de cette fabrication des témoignages. L’accusation vous met des œillères. Vous ne pouvez pas ignorer ce qui se passe dans les prisons. (NDR. Allusion à CYASA. Ce dernier n’était pas chargé des GACACA [2] dans sa prison, mais de la Collecte des informations auprès des prisonniers, collecte qui précédaient les procès ! Ce n’est pas la même chose).

De rappeler les propos de GUICHAOUA : « Ce qui se passe dans cette Cour est une insulte aux victimes ! »

« Je remets en cause le Parquet de Kigali qui alimente cette procédure. »

« Monsieur l’avocat général a loué le travail du CPCR : je suis choquée. Je ne comprends pas qu’il puisse louer une partie civile. Alain GAUTHIER assume pleinement les méthodes du CPCR… Je ne comprends pas que l’accusation loue les méthodes du CPCR… Il n’est pas normal qu’on lui affecte un policier du GFTU… Pas normal qu’on lui remette des PV d’audition… KAGAME ? Bien sûr que c’est un dictateur, bien sûr que c’est un criminel… On ne sait pas comment est financé l’association…. Alain GAUTHIER est décoré par KAGAME ! Il accepte la décoration d’un dictateur. Il est décoré par le maire de Reims… Je comprends le combat, je conteste les méthodes. » (NDR. Toutes ces accusations montrent bien que la défense n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Qu’ont à voir la plupart ces propos avec le procès des bourgmestres ?)

Maître BOURGEOT revient sur la qualification juridique du plan concerté, comme si les jurés n’avaient pas compris toutes les explications qui avaient été déjà données.

« Vous devez acquitter BARAHIRA. La peine de perpétuité est une peine d’élimination. » Et l’avocate de contester les arguments de l’avocat général.

Puis elle aborde les condamnations dans d’autres pays : Belgique, Norvège, Suisse, pays dans lesquels des peines plutôt faibles ont été prononcées. (NDR. L’avocate se grade bien de parler de RWABUKOMBE condamné en Allemagne à la réclusion criminelle à perpétuité.)

Un acquittement a été prononcé aux USA car les jurés ne se sentaient pas capables de juger !

« Je vais être en total désaccord avec l’avocat général qui a fait appel à votre intime conviction. Vous devrez prendre une décision que vous ne regretterez jamais d’avoir prise… » Et pour donner mauvaise conscience aux jurés, elle évoque une émission de télévision dans laquelle deux jurés parlaient des remords qu’ils éprouvaient suite à la décision qu’ils avaient prise !

« Dans cette Cour, on n’a pas eu accès à la vérité ! Je crois à l’innocence de BARAHIRA. Je vous demande la justice de mon pays dont je suis fière. Je vous demande d’acquitter mon client. »

 

Plaidoirie de Maître BOJ, avocat de NGENZI.

Je me contenterai de quelques florilèges des plaidoiries des avocats de NGENZI ! Quelques phrases cueillies ici ou là…

« En 1994, j’avais 6 ans. Pendant ce temps-là des milliers de Tutsi se faisaient assassiner par des fous ! Je suis là pour demander l’acquittement de NGENZI. » C’est par ces mots que maître BOJ commence sa plaidoirie.

« C’est ma première plaidoirie d’assises…. Des litres de café, des rires, des pleurs… Ce dossier m’a fait grandir à vitesse grand V… »

« Le mot génocide est un mot extrêmement compliqué. C’est une plongée dans un monde politique ! » (NDR. S’il est un camp qui a tout fait pour politiser les débats, c’est bien de la responsabilité de la défense.)

« Le génocide rwandais ! Je ne savais rien, j’ai essayé d’assimiler l’Histoire, avec des experts aux points de vue différents. Mais on parle avant tout de NGENZI. C’est le procès d’un homme pendant le génocide qui nous dépasse, qui dépasse ceux qui en ont fait leur spécialité. Mais c’est l’individualité qui nous intéresse. » (NDR. Faut-il répéter qu’il s’agit du génocide des Tutsi !)

« BAGILISHEMA a été acquitté des crimes ignobles dont on l’accusait. Ce n’est pas parce qu’on était bourgmestre qu’on est coupable. Vous jugez NGENZI, pas le génocide. Jugez NGENZI, rien que lui. » (NDR. BAGILISHEMA a trouvé des victimes qui sont venues témoigner en sa faveur. Et NGENZI ?)

« Le négationnisme ? c’est un mot d’une violence inouïe, un mot qu’on vous crache à la figure. Je préfère vous parler de certitudes : jamais le génocide n’a été banalisé, nié par NGENZI. NGENZI, le génocide, il l’a vu de ses propres yeux ! » (NDR. L’a-t-il vraiment vu ? Il ne dénombrait que quelques victimes, pour finir par en reconnaître 300 ! Il l’a vu et qu’a-t-il fait ?)

« Le TPIR en a fait un constat judiciaire. Acquitter, ce n’est pas nier le génocide. »

« Acquitter NGENZI n’est pas cracher au visage des victimes. Je suis du mauvais côté, je défends le monstre. Or, la douleur des victimes m’a bouleversé. » Et de citer Aline KAGOYIRE et Dafroza GAUTHIER et « sa douleur vertigineuse ».

« La douleur insondable des victimes, dans une cour d’assises, c’est un temps suspendu. Mais cette douleur peut vous faire oublier le dossier. Et je ne le reproche à personne. Quand la souffrance vous saisit, elle paralyse votre indépendance, votre liberté ! »

« Victime ? Ce n’est pas une vérité judiciaire. On veut vous faire sortir de votre rôle : vous êtes juges et vous devez raisonner comme un juge. Vous n’avez pas à apaiser la douleur des victimes. Tant mieux si ce procès apaise les victimes, mais ce n’est pas le but de ce procès. Vous devez juger un homme, rien qu’un homme ! »

Aux jurés : « Vous devez être fiers de douter : c’est aujourd’hui la plus belle des vertus. »

De s’adresser ensuite à NGENZI. Au début, il ne comprenait rien de ce qu’il lui disait. Peu à peu, il a appris à le connaître, à le comprendre. Il l’a même touché quand il a évoqué sa foi en Dieu, sa famille. S’il a décidé de s’exprimer en Français, c’est par respect pour la Cour, malgré les nombreux écueils liés à la langue.

Puis d’évoquer la terrible solitude de NGENZI, une autorité de façade, privée de pouvoir par les militaires et les milices. De citer GUICHAOUA pour justifier ses dires : « Les bourgmestres n’ont qu’une fonction : obéir. Le pouvoir était entre les mains des préfets et du gouvernement. » Ou encore REINTJENS qui parle de « l’impuissance mortifère des bourgmestres. »

A propos des bourgmestres et des préfets tués : « Ceux qui s’opposaient ouvertement avaient toutes les raisons de croire qu’ils seraient tués. »

A NGENZI : « On vous a reproché votre manque de courage ? Qu’aurions-nous fait ? Et la MINUAR, qu’est-ce qu’elle a fait ? RIEN. »

« Le Secrétaire Général de l’ONU s’est excusé lors de la 20ème commémoration. L’ONU est-elle dans ce box ? NON. »

« Les génocides font naître des héros ? Pardonnez à ceux qui ne le sont pas ! NGENZI n’est pas un héros : ne le condamnez pas pour ça.

« Le monstre qu’on vous vend était considéré comme sage, juste, pendant huit ans. Tout plaide en sa faveur. NGENZI a passé huit ans de son mandat entouré de Tutsi. Il aurait muté en 24 heures pour devenir un monstre froid ? On voudrait vous faire croire qu’il était le chef des Interahamwe [3], soutenu par RWAGAFILITA  [4]! »

« Les contradictions ? Le temps ne peut pas les expliquer. » Tout en faisant allusion aux mensonges de BARAHIRA, l’avocat dénonce « les menteurs et les faux témoins ».

Pour conclure : « NGENZI risque la prison à vie. Le bénéfice du doute n’existe pas. Voyez comme le doute doit guider votre décision. »

 

Plaidoirie de maître CHOUAI.

L’avocat de NGENZI commence par évoquer le témoignage d’Augustin, qui ne peut plus prononcer le mot « maman ». Ou celui d’Alexandra, qui ne doit la vie sauve qu’à son passeport suédois ! (NDR. Il s’agit en fait d’un passeport italien !)

« Des hommes, des femmes nous ont transpercés, des silences aussi. Vous avez eu les yeux rougis, la gorge serrée, vous avez pensé à un père, à un frère… Ce serait indécent de dire qu’on ressort indemne d’un tel procès. Les seuls qui sont brisés, ce sont les victimes. Demain, chacun d’entre nous reprendra le cours de sa vie. A mon tour, nous devons nous incliner devant la souffrance des victimes. »

Après cette introduction, l’avocat de NGENZI va continuer sur un autre ton, celui qu’on lui connaît bien. Je vais me contenter d’un florilège assez éloquent : des propos que tous ceux qui étaient à l’audience ont entendus. Chacun pourra juger.

« Parce que nous sommes honnêtes, nous avons voulu vous donner les cartes pour bien juger. Jamais nous n’avons nié l’existence du génocide… Quand on nous taxe de révisionniste, de négationnisme, ça me fait vomir. EPSTEIN porte le nom qu’il porte ! Mon père est enterré au carré juif du cimetière… (NDR. N’ai pu noter le nom du cimetière.)

« Il faut un courage inouï pour démentir le premier jugement. Nous vous demandons d’acquitter NGENZI. »

« Quand on lit l’OMA on se dit qu’on va rencontrer Satan, un Klaus BARBIE ! »

« Il n’y a pas d’évidence dans ce dossier. Vous serez animés du doute. Pas d’opération d’enfumage, pas la célébration du roi KAGAME, pas de commémoration du génocide. »

« La parole de l’accusé vaut autant que celle des parties civiles. Votre seule boussole, c’est votre intime conviction. »

« Nous ne sommes pas dans les Gacaca, ces procès de pacotille ! »

L’avocat se dit choqué d’entendre l’avocat général encenser les Gacaca.

« On s’est moqué de vous. Ici, c’est très sérieux. Madame la présidente, vous n’êtes à la solde de personne. Si jamais votre décision déplaisait au gouvernement rwandais, au CPCR, ils diront que vous êtes nuls. »

« Vous n’obéissez à personne, surtout pas à KAGAME. (NDR. Qui se plaignait d’avoir politisé les débats ?)

« Il est rare d’avoir un assassin dans sa famille ! » (NDR. Heureusement qu’il s’agit de propos tenus dans une audience de Cour d’assises. Sinon, ils pourraient faire l’objet de poursuite judiciaires !)

« On vous a expliqué qu’au Rwanda tout va bien. A Cuba, sous le 3ème Reich, c’était le plein emploi ! Des témoins de contexte se sont moqués de vous. »

« Le Parquet vous a pris pour des cloches. Le Parquet s’est fourvoyé. Le Parquet s’est appuyé sur des assassins… On cherche à vous intimider…. Un avocat général qui applaudit le CPCR : les bras m’en tombent. »

Évoquant le réquisitoire de l’avocat général : « On vous a fait Tintin au Congo, digne d’une BD raciste belge ! »

A propos du président du CPCR : « Un homme Blanc avec une petite chemisette qui est derrière moi et qui interroge, et qui prend des notes. On vous dit que c’est Serge KLARSFELD, Mais il ne va pas faire les poubelles de Kabarondo. » (NDR. Ces propos, et ceux qui précèdent, sont-ils dignes d’un avocat qui se respecte ?)

« Les méthodes de monsieur GAUTHIER ? Le GFTU, faire croire qu’il est à l’origine de la plainte, faire croire qu’il a le monopole des souffrances. » (NDR. C’est malhonnête de tenir de tels propos. J’ai reconnu, sur précision de madame la présidente, que la plainte du CPCR avait été déposée juste après l’intervention du Procureur de Mamoudzou ! Le CPCR n’a rien à faire croire à personne).

L’avocat de passer en revue les trois séquences du génocide à Kabarondo.

Avant le 13. Il cite les témoins qui interviennent en faveur de NGENZI. Il s’en prend surtout à l’abbé INCIMATATA, « au service de ceux qui sont derrière moi ! »

Le 13. Pour résumer, personne n’a vu NGENZI à l’église ou aux alentours. « Personne n’a vu NGENZI mais tous l’accusent parce qu’il est bourgmestre. »

« Vous ne pouvez pas condamner NGENZI, même à un an de prison ! »

« Onesphore RWABUKOMBE, accusé des crimes à la paroisse de Kabarondo n’a pas été poursuivi pour ces faits. » (NDR. RWABUKOMBE a toutefois été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par la justice allemande pour d’autres crimes commis dans la région de Murambi, Kiziguro…)

Concernant le planning de NGENZI le 13 avril  [5]. « Le 13, il va à Kibungo deux fois… Il voit le toit de l’église, il voit peut-être qu’il fume, il entend du bruit, il parle à sa femme, rassure ses enfants ! NGENZI n’a aucun pouvoir. Qu’est-ce que vous soulez qu’il fasse ?Qu’est-ce que vous auriez fait ? Vous monsieur le juré, dans le métro, si une personne se fait agresser…. Vous madame le premier juré, quand quelqu’un se fait insulter dans la rue, vous intervenez ? Si un gosse se noie sur une plage, vous auriez le courage d’aller le sauver ? Les migrants de Calais ! Vous prenez votre billet de train pour aller à leur secours ? Les maires sous l’occupation, des résistants ou des collabos ? Si NGENZI avait démissionné, on le lui aurait reproché. »

« Je vous demande d’aller fouiller au tréfonds de votre conscience. Qu’est-ce que vous auriez fait ? »

« C’est la rancune qui anime les témoins, pas la haine. »

« NGENZI est spectateur, il avait la trouille, il est humain, un homme ordinaire, comme vous, comme moi. Je croyais que l’accusation allait se lever pour faire taire un témoin. Et l’accusation s’appuie sur un témoin comme CYASA ! Oubliez ce sinistre HABIMANA CYASA. »

L’enterrement des corps. « Ce ne fut pas un enterrement digne, il n’y a pas eu de bénédiction chrétienne. La clé de cet ensevelissement, c’est que NGENZI va chercher des gens à Rubira, son secteur d’origine. Pour les cacher du FPR ? Les tueurs étaient à Kabarondo et eux avaient le plus grand intérêt à ce que les corps soient ensevelis. On a reproché les mêmes faits à BAGILISHEMA et on l’a acquitté. »

L’avocat revient sur SIMBIKANGWA, condamné seulement à 25 ans de prison, en prétendant qu’il a été partiellement acquitté ! (NDR. C’est faux. SIMBIKANGWA n’était pas poursuivi pour les massacres de la colline de Kesho : il avait bénéficié d’un non-lieu. Il n’y a pas eu d’acquittement partiel.)

« Les tueurs d’Oradour-sur-Glane ont pris 5, 10 15 ans de prison ! PAPON, à la cour d’assises de la Gironde a été condamné à 10 ans ! » (NDR. Quel âge avait PAPON lors de sa condamnation ?)

« L’homme que je vous ai décrit, cet homme ordinaire, mérite d’être acquitté. L’accusation s’est fourvoyée. Certaines parties civiles se sont fourvoyées et ont manipulé les victimes ! »

Il exprime la fierté qu’il éprouve pour ses deux collègues qu’il remercie, exprime des mots de compassion pour la femme et les enfants de l’accusé, « séparés de leur époux et père depuis huit ans ! »

De conclure : « Si j’ai raison, si la BBC a raison (NDR. Allusion au documentaire An untold Story), si Noble MARARA a raison, si les assassins ont menti, si Monique qui a envoyé un mail a raison (NDR. Allusion à la disparition d’un témoin des parties civiles avant sa déposition !), si j’ai raison et que vous condamnez NGENZI, plus jamais vous ne dormirez du sommeil du Juste ! » (NDR. Belle façon de culpabiliser les jurés !)

 

Plaidoirie de maître EPSTEIN, avocat de NGENZI.

L’avocat de NGENZI commence sa plaidoirie en hurlant. Il s’empare de la scène.

« Juges de Kabarondo, peuple français, vous allez rendre la justice, la seule, la vraie. Vous n’êtes pas le Rwanda, pas la France de 1994, vous êtes les juges de NGENZI et vous êtes libres. J’ai besoin de vous, de vos sourires, de votre bienveillance, de votre patience. J’ai tellement besoin de vous, avec la peur au ventre, la sueur au visage, je vous demande d’acquitter NGENZI… On peut acquitter un présumé génocidaire. Ce que je vous demande est énorme, mais je sais que vous pouvez me l’accorder. »

De dénoncer ensuite un certain nombre d’intervenants devant la Cour d’assises : « Ces intellectuels qui viennent nous dire que nous faisons preuve de racisme. D’autres qui viennent parader pour que leur nom paraisse sur une feuille de motivation. Ces psychiatres… Ces associations de parties civiles… Cette association qui vomit des comptes-rendus abjects ! » (NDR. L’avocat se garde bien de dire que la défense a été déboutée dans le référé qu’elle avait déposé pour faire interdire les comptes-rendus du CPCR! Le procédé n’est pas très honnête!)

« Ça me donne la nausée, je suis en colère ! » (Allusion à SARTRE : « Avoir la nausée, c’est exister ! »

« Je vous demande l’impensable. »

Maître EPSTEIN de faire appel à sa propre expérience de victime ! « Pour moi, ce dossier NGENZI c’est difficile, très difficile. Je sais ce que c’est que d’être une victime, je sais ce que c’est que de venir réclamer des corps. Le rôle de la justice n’est pas d’aider la victime à se reconstruire. Moi aussi j’ai une douleur. Je les connais les camps de la mort. Mon nom, c’est EPSTEIN !!! »

Et d’évoquer la mort des membres de sa famille en Biélorussie. « Ce que je vous dis, c’est sincère. Cette histoire de Kabarondo me dévisage ! » (NDR. On veut bien comprendre, mais dans ce procès, maître EPSTEIN n’est pas du côté des victimes. Il a choisi son camp !)

« Un génocide n’appartient à personne, c’est un crime contre l’humanité, un crime de l’humanité. Je SUIS les victimes, je SUIS Octavien NGENZI ! »

De raconter comment il est devenu l’avocat de la famille NGENZI !

« Nous allons réfléchir ensemble. Une certitude : la décision que vous allez rendre doit être logique, implacable. Que nous propose l’accusation ? Une dent de lait !!!, le NÉANT ! On vous fait la description d’un homme diabolique, machiavélique, ambigu, malsain. Un homme qui savait que les choses se préparaient en 1990. Où est la preuve, cette preuve qu’on doit chérir, ce cadeau de la loi ! »

« Qui embrouille tout, qui prestidigite ? NGENZI ou le Parquet ? »

Les réunions, l’armement, les meetings ? « Les juges d’instruction n’apportent aucune preuve. »

« On affirme sans preuve que c’est l’homme de RWAGAFILITA  [4]! Est-ce que c’est sérieux ? »

RTLM, Les Dix commandements des Bahutu ? « Qui nous prouve que NGENZI était biberonné aux commandements des Hutu ? »

« Ces deux-là, ce ne sont pas des idéologues, ce sont des fils spirituels d’HABYARIMANA. Il faudrait condamner à perpétuité tous les gens affiliés à HABYARIMANA ? »

« NGENZI était un petit bourgmestre. Ses concitoyens lui en veulent de ne pas les avoir protégés. Ca, c’est la culpabilité rwandaise ! Ne pas avoir fait assez, ce manque d’imagination, ce n’est pas une infraction pénale. »

Maître EPSTEIN s’en prend à l’abbé INCIMATATA : « Un abbé qui fait des hypothèses ! C’est comme du ciment pour masquer les fissures. »

« Vous ne pouvez pas condamner NGENZI sur sa qualité de bourgmestre. »

« Un plan concerté ? Un plan déconcerté !  (NDR. Qualité du jeu de mots !) Les impressions ne sont pas des preuves. »

L’enterrement ? Pourquoi aller à Rubira ? « La notabilité n’est pas l’autorité. C’est comme un avocat en fin de carrière qui arrive à convaincre ! » (NDR. Suivez mon regard. Remarque d’un goût douteux.)

Les fossoyeurs étaient armés ? « Parce qu’ils avaient peur ! » (NDR. Peur de qui ? De quoi ?)

« Des témoins croient dire la vérité, ça rassure, ça fait du bien. Ces témoignages permettent d’écrire une histoire judiciaire pour le régime de Kigali. Tous les bourgmestres auront été condamnés, même par la France de MACRON. »

« Si vous acquittez NGENZI, vous n’aurez aucun impact sur l’Histoire. Ce que veulent les victimes, les autorités, les commémorations, c’est la condamnation des bourgmestres, des préfets. »

Maître EPSTEIN passe ensuite ne revue tous les témoins du Centre de Santé pour en dénoncer les propos mensongers. Idem pour l’IGA où ne témoigneraient que des tueurs ! (NDR. Quoi d’étonnant ? Ce sont les tueurs qui savent. Les victimes sont mortes, les rescapés se cachaient !)

Concernant les perquisitions, l’avocat dénonce les témoins. « La réalité, c’est que NGENZI leur a sauvé la vie. » Quant à Géraldine, dont la défense est persuadée que ce n’était pas elle : « Le peuple rwandais se fout du peuple français ! »

Les perquisitions chez Médiatrice ? « Elle raconte ce qu’elle veut quand ça l’arrange. »

L’affaire PAPIAS ? « NGENZI sauve l’homme de Dieu comme il a sauvé le comptable. Il rachète PAPIAS ! Ne dépouillez pas NGENZI, il a sauvé PAPIAS. »

« Il y a un doute dans ce dossier, un doute à l’image de ce pays, le Rwanda, doute ressenti par les juges d’instruction ! ».(NDR. Juges qui ont toutefois décidé de traduire les accusés devant la Cour d’assises !)

« L’accusé a un visage, parfois agaçant. Cet homme a le même visage que vous. Vous pouvez l’acquitter. Vous ne direz pas que cet homme est épouvantable, vous vous direz : « Qu’aurais-je fait à sa place ? » Est-ce que j’aurais fait mieux ? Est-ce que j’aurais fait pire ? N’aurais-je pas pensé à moi, à mes proches ? »

De définir ensuit l’intime conviction. « L’arbitre de votre intime conviction, c’est votre conscience. »

« Vous devez être sûrs à 100%. Si vous n’y arrivez pas, vous ne pouvez pas condamner. Il n’y a de génocide à 70%. »

« Ce sera oui ou non ! »

« Un mot et tout est sauvé, un mot et tout est perdu. » (André BRETON)

« Et ce mot, c’est le mot NON ! L’accusation a besoin d’un coupable. On vous demande de revenir demain et de dire à ce monsieur : « Monsieur, vous êtes un homme libre ! »

« C’est dur d’être seul face à votre décision. Votre choix à vous, individuellement, est essentiel. Si vous répondez NON, c’est un pas vers l’acquittement. Vous pouvez répondre BLANC ! Comme ce juré qui n’est pas partie à cause des beaux yeux de mon associé ! » (NDR. Allusion au renoncement d’un juré, à quelques heures du verdict, après avoir adressé à maître CHOUAI un courriel dans lequel elle lui déclarait sa flamme. Il faut dire qu’on aura tout vu dans ce procès !)

« J’ai besoin que vous disiez NON. Ne succombez pas à l’émotion, à l’attente des parties civiles. Vous ne devez céder à aucune tentation de l’émotion. J’ai confiance en vous. Je sais que vous avez du courage, vous les représentants du peuple français ».

« Je vous demande de désobéir à vos préjugés, à vos sentiments. Soyez des porteurs de liberté. Soyez de mauvais élèves en répondant NON. Vous rendrez NGENZI à sa femme, à ses enfants, à ses avocats. Ayez le courage du doute. Alors vous acquitterez Octavien NGENZI ».

 

Alain GAUTHIER, président du CPCR

 

  1. Réunion du terrain de foot de Cyinzovu : des témoins, tel Silas MUTABARUKA évoquent une réunion au cours de laquelle Tito BARAHIRA aurait demandé à l’assistance « d’assurer la sécurité », c’est-à-dire « tuer les Tutsi », mais l’accusé conteste l’existence de cette réunion ainsi que celle du terrain de foot lui-même.
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  2. Gacaca : (se prononce « gatchatcha »)
    Tribunaux traditionnels au Rwanda, réactivés en 2001 et opérationnelles à partir de 2005, en raison de la saturation des institutions judiciaires pour juger des personnes suspectées de meurtre pendant le génocide. Composées de personnes élues pour leur bonne réputation, les Gacaca avaient une vocation judiciaire et réconciliatrice, favorisant le plaider coupable en contrepartie de réduction de peines. Près de 2 millions de dossiers ont été examinés par 12000 tribunaux gacaca avant leur clôture officielle le 18 juin 2012.
    Cf. glossaire.
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  3. Interahamwe : « Ceux qui combattent ensemble » ou « qui s’entendent », mouvement de jeunesse et milice recevant une formation militaire, créé en 1992 par le MRND, le parti du président HABYARIMANA. Voir FOCUS – Les Interahamwe.
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  4. Le colonel RWAGAFILITA (ou RWAGAFIRITA) était chef d’état-major adjoint de la gendarmerie depuis 1979 lorsqu’en 1990 il explique au général VARRET sa vision de la question tutsi : “ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider”. Il sera mis à la retraite “d’office” en 1992 avant d’être rappelé, avec Théoneste BAGOSORA, pour “venir aider” au début du génocide. Sous le régime HABYARIMANA, il avait été décoré de la Légion d’Honneur par la France!
    Voir le glossaire pour plus de détails et le témoignage de son neveu Manassé MUZATSINDA, ex-policier communal.
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  5. Attaques du 13 avril à l’église de Kararondo : voir entre autres les auditions de l’abbé INCIMATATA, Christine MUTETERI, Marie MUKAMUNANA, Berthilde MUTEGWAMASO, Benoîte MUKAHIGIRO et Francine UWERA.
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