Plaidoirie de maître Daoud pour la FIDH.
S’il est difficile pour un avocat de prendre la parole devant une cour d’assises, maître Daoud va toutefois exprimer trois convictions qu’il a acquises depuis le début du procès :
– Il y a eu un génocide, celui des Tutsi.
– Il ne s’agissait pas d’une « guerre ethnique. »
– Simbikangwa est un des artisans de ce génocide.
Et d’avouer que le soir, en rentrant chez lui, il éprouvait un sentiment d’irréalité, sentiment qui a fini par disparaître. Malgré « l’apparente banalité de l’accusé », ce procès fut une plongée dans le génocide. Quant à la question de savoir « comment cela a-t-il bien pu se réaliser » : tout cela nous dépasse et nous submerge. Et de dire aux jurés qu’ils ne sont pas « des magistrats de seconde zone mais des juges à part entière. » Puis, se tournant vers Simbikangwa : « Capitaine, quand on s’adresse à ses juges, on ne leur ment pas. Si l’accusé a droit de mentir, c’est à ses risques et périls. »
Maître Daoud va à son tour revenir sur la personnalité de l’accusé et sur sa biographie. « Un homme banal ? » Pas du tout, un homme brillant, un combattant. Lettré et écrivain, l’accusé « manie le verbe comme un charmeur de serpent ». Mais Simbikangwa ne répond pas aux questions, il plaide, mais pas comme un avocat, il plaide mal… » C’est un homme capable de persuasion qui a toujours la volonté de convaincre. Ses seuls moments de sincérité ? Quand il parle de sa famille.
Professionnellement, Simbikangwa a eu un parcours de vie exemplaire. Il aime commander et atteindra la consécration suprême en devenant garde du corps de son père/président. Après son accident de 1986, il va être capable de rebondir même s’il éprouve beaucoup de ressentiment, jusqu’à aujourd’hui. Sans cela, il serait devenu colonel : d’où une certaine rancœur, une dévalorisation de l’image de soi. Comme l’a rappelé un expert, « sans la présidence, le capitaine n’est rien. » Mais toujours cette capacité de rebondir : après son éviction de l’armée, à Mayotte où il devient « pivot d’un important trafic ». Et toujours selon les experts, Simbikangwa est une « personne manipulatrice organisée autour du déni et élevé dans la haine du Tutsi. »
Au cours du procès, l’accusé veut nous convaincre de son insignifiance : il ne fait pas partie de l’akazu, ni des escadrons de la mort, a traversé les trois mois du génocide sans voir de cadavres. Il pratique « la stratégie du profil bas, du déni, du mensonge. » Sa défense n’est pas crédible, avouera l’avocat : il a reconnu le génocide des Tutsi du bout des lèvres, mais il ne faut pas oublier « le génocide des Hutu par le FPR ! » Quant aux victimes, c’est d’abord celles de sa famille qui importent. Et puis, l’association Ibuka a manipulé les témoins : c’est son leitmotiv.
Dans les déclarations du prévenu, « tout est invraisemblances et mensonges ». C’est ce que va s’efforcer de démontrer maître Daoud. Pour terminer par ce cri du cœur : « Mais de qui se moque-t-on ? », qui deviendra un peu plus tard : « C’est du foutage de gueule ! » Et de rappeler les mensonges de l’accusé quant à ses occupations pendant le génocide : pas de sorties, pas de cadavres…
Puis maître Daoud va rappeler les noms des victimes qu’il ne peut oublier, qu’il ne pourra jamais oublier, ces jeunes filles exterminées chez Jeannine, dans des conditions atroces. Et « cet homme, avec le plus grand des cynismes, va revendiquer le titre de Juste ? » Et de poursuivre, presque en colère : « Vous n’êtes pas un Juste, vous êtes un assassin, capitaine, et l’accusation le démontrera ! »
La vérité ? Simbikangwa nous l’a refusée. « J’espérais qu’il veuille bien demander pardon, poursuit l’avocat, il ne l’a pas fait. » Et citant la fin du livre de l’accusé, La guerre d’octobre, « vous avez refusé ce respect à vos victimes ! »
Ses derniers mots sont pour la cour : « Par votre verdict, vous abattrez la muraille de mensonges derrière laquelle monsieur Simbikangwa s’est abrité. »