« Pas d’impunité pour les présumés génocidaires en France » selon monsieur Antoine ANFRE, ambassadeur de France au Rwanda.

Dans une longue interview parue sur le site mgh-partners.com, consacrée aux nouvelles relations entre le Rwanda et la France, monsieur Antoine ANFRE, ambassadeur de France au Rwanda, a repris à son compte les promesses du président MACRON lors de son passage au Mémorial de Gisozi à Kigali en mai dernier: « La justice a un rôle essentiel à jouer dans les mois et années à venir (…) Dans les années à venir, il pourrait y avoir tous les 6 mois environ, un procès de présumé génocidaire rwandais devant la cour d’assises de Paris. (…) C’est très important de montrer que la justice française fait son travail et qu’il n’y a pas d’impunité pour les présumés génocidaires en France » [1].

Et monsieur l’ambassadeur de louer le travail des juges du Pôle crimes contre l’humanité et des gendarmes de l’OCLCH, en oubliant au passage de préciser que tous les procès qui se sont tenus à ce jour aux assises de Paris ont tous leur origine dans des plaintes déposées par des associations:  les 6 premières plaintes déposées jusqu’à l’an 2000 émanaient de la FIDH, la LDH ou encore SURVIE. et toutes celles déposées depuis 2001 (une trentaine) sont l’œuvre du CPCR[2]. Il aura fallu attendre août 2018 pour que le Parquet prenne enfin l’initiative d’ouvrir une information judiciaire contre une personne soupçonnée d’avoir participé au génocide des Tutsi (affaire Thomas NTABADAHIGA). On doit toutefois reconnaître que, depuis quelques mois, les choses semblent avoir pris un rythme de croisière plus rapide. Mais cela ne suffira pas.

Le 7 avril, pour la vingt-huitième année, nous allons rappeler au monde entier que plus d’un million de personnes ont été exécutées parce que, dans l’immense majorité, elles étaient Tutsi. Nous allons rappeler leur mémoire, penser aux victimes et à leurs familles. Mémoire et justice sont indissociables.

Quatre personnes ont été condamnées en France pour génocide depuis 2014 (soit 20 ans après le génocide). Chaque fois, elles ont fait appel, ce qui multiplie les procédures. Entre juillet 2018 et novembre 2021, aucun procès. Du 9 mai au 1 juillet, se déroulera le procès de l’ancien préfet de Gikongoro, Laurent BUCYIBARUTA. Devraient suivre ceux des personnes déjà déférées devant la cour d’assises: Philippe HATEGEKIMANA/MANIER, un gendarme de Nyanza qui comparaîtra détenu, Sosthène MUNYEMANA, médecin urgentiste à Villeneuve-sur-Lot qui a continué à exercer jusqu’à nos jours et visé par une plainte depuis 1995, Eugène RWAMUCYO, un autre médecin que nous avions retrouvé à Lille, lui aussi visé par une plainte d’avril 2007. Sans oublier le procès en appel de Claude MUHAYIMANA qu’il faudra bien inscrire sur le calendrier de la cour d’assises de Paris. Alors, « un procès tous les 6 mois« ? Dont acte.

A notre connaissance, entre 22 et 25 affaires sont toujours à l’instruction (probablement davantage, si on compte les informations judiciaires ouvertes à l’initiative du Parquet dont nous n’aurions pas connaissance). Au rythme de deux procès par an, et le double en considérant les procès en appel (sans oublier les nouvelles plaintes que nous pourrions être amené à déposer), il faudra entre trente et quarante ans pour aller au bout des procédures. Soyons réalistes: un certain nombre de personnes actuellement poursuivies ne seront JAMAIS jugées.

« Pas d’impunité pour les présumés génocidaires en France« ? Message reçu, mais comme nous le rappelons trop souvent, le retard pris à juger ne se rattrapera JAMAIS! Au grand désespoir des rescapés et des associations qui luttent à leur côté.

PS. Concernant les promesses du président MACRON, le CPCR n’a jamais reçu de réponse de l’Elysée aux deux courriers que nous lui avons adressés[3]. Il est vrai qu’il a d’autres sujets de préoccupation!

Alain GAUTHIER, président du CPCR

 

 

 

 

  1. https://mgh-partners.com/antoineanfrerwanda/[]
  2. Voir « Tableau récapitulatif des plaintes« []
  3. Lire : Le CPCR interpelle le président MACRON: quelles décisions concrètes?[]

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