Munyeshyaka/Bucyibaruta: Paris a exigé le renoncement du TPIR?

C’est lundi 21 septembre que les avocats des parties civiles dans l’affaire MUNYESHYAKA devront avoir remis leurs conclusions suite à la publication du réquisitoire du procureur qui a demandé un non-lieu.

L’affaire MUNYESHYAKA ressemble à une véritable saga judiciaire (voir le site du CPCR: tableau des plaintes). En juin 2004, la France est condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour retard apporté à rendre la justice (affaire MUTIMURA). Cet avertissement ne sera suivi d’aucun effet. Fin juin 2007, le TPIR lance un mandat d’arrêt à l’encontre de Wenceslas MUNYESHYAKA, Laurent BUCYIBARUTA (ancien préfet de Gikongoro au coeur de ce qui deviendra la Zone Turquoise en juin 1994) et Dominique NTAWUKURIRYAYO (sous-préfet de Gisagara, dans le sud du Rwanda). Etonnamment, le 20 novembre de la même année, le TPIR renoncera à demander l’extradition des deux premiers: seul donc monsieur NTAWUKURIRYAYO sera extradé, jugé et condamné.

Ce renoncement du TPIR nous a surpris mais il semblerait qu’à l’époque on ne nous ait pas tout dit. « De source autorisée », selon la formule consacrée, c’est en réalité la France qui aurait demandé avec insistance que le TPIR n’exige plus la remise de messieurs MUNYESHYAKA et BUCYIBARUTA. Si leur procès avait eu lieu à Arusha, la France craignait-elle un débalage qui aurait mis en lumière les complicités du gouvernement français de 1994 avec le régime HABYARIMANA et le gouvernement intérimaire qui a mené le génocide à son terme? Probablement ne le saurons-nous jamais. Toujours est-il qu’en échange la France s’engageait à juger ces deux personnages suspectés d’avoir participé au génocide. Mais elle a traîné les pieds et la publication du réquisitoire très controversé du procureur concernant l’abbé MUNYESHYAKA pourrait être considéré comme une manoeuvre supplémentaire pour retarder encore les débats. Quand à l’affaire BUCYIBARUTA, sans aucun doute la plus sensible des deux, elle est toujours à l’instruction! Faut-il se demander pourquoi?

Le CPCR a fait connaître son total désaccord avec le procureur et a chargé ses avocats, maîtres Michel LAVAL et Sophie DECHAUMET, de rédiger une note qui sera remise au juge chargé de cette affaire. Les autres parties civiles remettront probablement aussi leurs conclusions. Le TPIR s’est senti « trahi » par la position du procureur, les rescapés meurtris. Il nous restera à attendre l’avis du juge d’instruction qui, nous l’espérons, prendra le contre-pied du procureur. Si le juge venait à suivre le réquisitoire de ce dernier, nous pourrions encore faire appel. Mais nous préfèrerions une autre issue afin qu’un jury populaire puisse se prononcer lors d’un procès en cours d’assises.

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