Monsieur le ministre,
Par des dépêches d’agences, nous apprenons que le Greffier par intérim du TPIR, monsieur Pascal Besnier, et monsieur Roland Amoussouga, porte-parole de la même institution, auraient entrepris des démarches auprès de vos services pour que des acquittés du TPIR soient accueillis en France. Parmi eux, nous avons noté la présence de monsieur Protais Zigiranyirazo, alias « monsieur Z », condamné en première instance à 20 ans d’emprisonnement puis scandaleusement acquitté en appel pour « vice de forme ». Ce monsieur est aussi le frère d’Agathe Kanziga, l’épouse du défunt président Habyarimana, la plus célèbre des sans-papiers de France, au profit de laquelle les magistrats de la Cour d’Appel de Versailles auraient intimé l’ordre à la préfecture de l’Essonne de lui accorder un permis de séjour.
Vous comprendrez que ces annonces ne peuvent qu’indigner les familles de rescapés que le CPCR, Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda, représente. Les juges français n’ont encore à ce jour jamais déféré devant une Cour d’Assise les nombreux présumés génocidaires rwandais contre lesquels nous avons déposé plainte en France, et il faudrait qu’on nous inflige la présence, sur le territoire français, de personnes soupçonnées d’avoir participé au dernier génocide du XXème siècle !
Monsieur Zigiranyirazo, malgré l’acquittement dont il a bénéficié au TPIR, représente, pour tous ceux qui l’ont connu au Rwanda avant 1994 et pendant le génocide, un des cerveaux du génocide. Membre éminent de « l’akazu », le petit cercle qui s’est organisé autour de madame Habyarimana et de ses proches pour organiser le génocide, « monsieur Z », par sa présence sur le sol français, serait un affront supplémentaire infligé aux familles des vicitmes du génocide des Tutsi.
Monsieur le ministre des Affaires Etrangères, vous comprendrez que nous ne pourrons accepter que le ministre de l’Intérieur, auquel vous ne manquerez pas de vous référer, puisse donner une suite favorable à cette demande incongrue. Dans le cas contraire, nous ne manquerions pas d’alerter nos concitoyens pour qu’ils s’insurgent à leur tour contre l’accueil de personnes éminemment indésirables. Au nom de monsieur Zigiranyirazo, nous ajoutons bien évidemment celui de Gratien Kabiligi, ancien chef des opérations à l’Etat-major des Armées, étonnamment acquitté par le TPIR et à qui le ministère de l’Intérieur avait refusé un visa long séjour en septembre 2011, décision contestée par le Conseil d’Etat en janvier 2012, celui d’André Ntagerura, ancien ministre des Transports et d’Anatole Nsengiyumva, ancien commandant du secteur de Gisenyi qui a purgé sa peine.
Monsieur le ministre, nous osons croire que vous ne resterez pas sourd à notre appel. Ce n’est ni la haine ni l’esprit de vengeance qui nous animent, mais simplement l’obsession de ne pas infliger un affront supplémentaire aux victimes du génocide des Tutsi qui n’ont déjà que trop souffert. Alors que les acquittés du TPY retournent triomphalement dans leur pays d’origine, ne pensez-vous pas que la place des présumés génocidaires rwandais, même acquittés, serait plutôt au Rwanda? Ou ailleurs, mais pas sur le sol français !
En espérant que notre apel sera entendu, je vous prie de croire, monsieur le ministre des Affaires Etrangères, en l’expression de mon profond respect.
Alain Gauthier, président du CPCR
PS. Copie de ce courrier adressée à monsieur le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, et à madame Christiane Taubira, ministre de la Justice et Garde des Sceaux.