Le porte-parole du TPIR a annoncé que le Tribunal Pénal International pour le Rwanda mettra fin à ses activités le 30 septembre 2015. Ce n’est pas la première fois que cette clôture est reportée. On peut cependant croire que cette date sera la bonne. 61 condamnations dont 7 en appel (affaire Pauline NYIRAMASUHUKO et consorts), 14 acquittements mais surtout plus de deux milliards de dollars dépensés (1.644.759.300 dollars au 31 décembre 2011) pour juger moins de 100 personnes qui étaient suspectées de participation au génocide des Tutsi. Un Mécanisme de suivi continuera de s’occuper entre autres des affaires confiées à des juridictions nationales. Deux d’entre elles concernent la justice française: Wenceslas MUNYESHYAKA, prêtre à la paroisse de la Sainte Famille à Kigali en 1994 et actuellement à Gisors, en Normandie, et Laurent BUCYIBARUTA, ancien préfet de Gikongoro et résidant près de Troyes, en Champagne Ardennes. On nous annonce la prochaine fin de l’instruction dans ces deux affaires: il serait temps!
C’est pour nous l’occasion d’aborder l’épineux problème du financement des procès d’assises qui vont être organisés en France. Un premier procès a condamné Pascal SIMBIKANGWA à 25 ans de prison pour génocide et complicité de crimes contre l’humanité. Malheureusement, il a fait appel! Deux autres personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide des Tutsi attendent leur comparution devant la Cour d’assises de Paris après la récente décision de la Cour de cassation: Octavien NGENZI et Tito BARAHIRA, alias BARAHIRWA, devront répondre de leurs actes devant un jury populaire. Deux autres personnes attendent aussi en prison que les juges d’instruction terminent leurs enquêtes: il s’agit du docteur Charles TWAGIRA qui a exercé pendant plusieurs années dans un hôpital de Rouen tout en assurant le service religieux dans l’Eglise adventiste, et Claude MUHAYIMANA, un milicien originaire de Kibuye, au Rwanda, comme monsieur TWAGIRA, et lui aussi habitant de la région rouennaise. Sans parler de nombreux autres cas dont certains semblent avoir été mis sous le boisseau: l’affaire Agathe KANZIGA HABYARIMANA illustre parfaitement cette situation. Une des plaintes les plus anciennes concerne le docteur Sosthène MUNYEMANA, médecin à l’hôpital de Villeneuve sur Lot. On peut citer aussi, sans être exhaustif, le cas du docteur Eugène RWAMUCYO, celui de Laurent SERUBUGA, ancien chef d’état major adjoint de l’armée rwandaise… Près de trente plaintes sur le bureau des juges d’instruction qui, en compagnie de gendarmes, se rendent très souvent au Rwanda en commission rogatoire depuis la création du « pôle crimes contre l’humanité » au TGI de Paris en janvier 2012.
On peut maintenant se poser une question cruciale, voire vitale, pour les associations parties civiles comme le CPCR: comment se fait-il que nous devions assumer les frais considérables d’un procès d’assises en France? Comment financer le travail de nos avocats, qui depuis quinze ans nous assistent bénévolement, le jour où un procès arrive? Une proposition: maintenant que le TPIR va cesser ses activités, pourquoi la communauté internationale, à travers l’ONU ou le Conseil de Sécurité, ne financerait-elle pas les dépenses que nous devont engager à chaque procès d’assises? Non seulement nous avons pris la responsabilité de déposer des plaintes alors que le Parquet aurait pu et dû poursuivre de lui-même des personnes suspectées du crime de génocide, mais encore nous avons dépensé des sommes importantes pour faire le travail de recueil des témoignages, et ce grâce à la solidarité et au soutien de nos amis adhérents ou donateurs. Il y a là une situation qui nous paraît injuste, d’autant que la France a toujours refusé d’extrader près les personnes réclamées par le Rwanda. Nous avons dénoncé à temps et à contretemps ces décisions juridiquement indéfendables. Les procès au Rwanda auraient eu l’avantage de se dérouler près des lieux où ont été commis les crimes, près des victimes, et pour un coût tellement moindre. De nombreuses démarches ont été faites en direction des ministres français successifs de la Justice. Tous ont pris la peine de répondre, même avec cette fameuse « langue de bois » à laquelle nous sommes habitués: seule madame TAUBIRA est restée silencieuse!
Si certains partagent notre analyse de la situation concernant le financement des procès et si vous voyez un moyen concret pour faire appel aux responsables de la communauté internationale, les conseils seront les bienvenus. Nous ne pouvons indéfiniment lancer des appels à l’aide auprès de nos amis qui répondent toujours avec beaucoup de générosité, mais bien évidemment pas à la hauteur de nos besoins.
Le crime de génocide est un crime contre l’humanité: il devrait donc concerner toute l’Humanité, et non simplement quelques parties civiles qui ont pris la responsabilité de déposer des plaintes mais qui ne peuvent tout assumer.
Alain GAUTHIER, président du CPCR