La justice française passe à la vitesse supérieure ?

Les nouvelles se bousculent ces dernières heures. Deux agences de l’AFP nous ont annoncé, dans un premier temps, que le docteur Eugène Rwamucyo, poursuivi par une plainte avec constitution de partie civile déposée par le CPCR le 15 avril 2007, venait d’être mis en examen. Cette nouvelle aurait dû nous réjouir car il y a longtemps que nous attendons une telle décision. Mais la seconde partie de la dépêche de l’AFP précise qu’en ce qui concerne le chef d’accusation de « génocide et complicité », Eugène Rwamucyo aurait le statut de « témoin assisté ». Cette distinction nous trouble quelque peu et mérite que nous ayons des informations complémentaires. Rien n’empêche toutefois que, dans un avenir proche, les juges d’instruction prennent la décision d’étendre la mise en examen à l’ensemble des éléments de l’enquête.

Autre nouvelle, toujours émanant d’une dépêche de l’AFP : la parquet de Paris, avant même l’audience programmée pour mercredi 25 septembre à la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel, aurait fait savoir qu’il est cette fois favorable à l’extradition de Claude Muhayimana (visé par une plainte du CPCR du 4 juin 2013), et d’Innocent Musabyimana. Il s’agit là d’une prise de position quasi historique.  La Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Rouen avait émis un avis favorable à la demande d’extradition vers le Rwanda de monsieur Claude Muhayimana, même décision de la Cour d’appel de Dijon concernant Innocent Musabyimana. Dans les deux cas, la Cour de cassation, fidèle à une jurisprudence de moins en moins compréhensible, avait annulé ces deux décisions. Les deux présumés génocidaires devraient comparaître à nouveau mercredi prochain devant la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris dont on connaît également la jurisprudence : cette Chambre a toujours donné des avis défavorables à une extradition vers le Rwanda. Pire, les magistrats en charge des dossiers ont parfois manifesté une certaine complaisance à l’égard des présumés génocidaires, complaisance qui frise à  l’indécence.  Qu’en sera-t-il cette fois ? Si la Chambre de l’instruction venait à suivre l’avis du parquet général, la Cour de cassation aurait probablement encore un avis à donner… Mais il faut bien reconnaître que, depuis quelques mois, notamment depuis l’affaire Serubuga (voir communiqués précédents), les choses s’accélèrent en France, et ce malgré le silence assourdissant de la ministre de la justice qui, contrairement à ses prédécesseurs, n’a jamais daigné répondre aux questions que lui a posées le CPCR. On était pourtant en droit de penser que, vu son passé et l’intérêt qu’elle avait manifesté en se rendant au Rwanda sur les lieux du génocide, nous aurions au ministère de la justice une personne plus à l’écoute du combat que nous menons. L’essentiel est cependant ailleurs : alors que la justice française est restée presque inactive pendant de trop nombreuses années, nous assistons aujourd’hui à une suite de prises de positions qui semblent aller dans le bon sens. Nous ne pouvons que nous en réjouir et reconnaître aussi le travail effectué par les juges d’instruction du pôle « crimes contre l’humanité » au TGI de Paris. Nous resterons cependant vigilants et ne serons réellement satisfaits que lorsque les présumés génocidaires poursuivis en France seront amenés à rendre des comptes à la justice. Si des mesures d’extradition vers le Rwanda sont prises, nous serons encore plus satisfaits : en effet, il est essentiel pour les victimes que les génocidaires soient jugés sur les lieux mêmes des crimes qu’ils ont commis. C’est beaucoup plus rédempteur pour tous ceux dont la vie a été « massacrée ».

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