Dominique Ntawukuriryayo : compte-rendu de l’audience du 31 octobre 2007

Il s’agit d’étudier la demande de remise en liberté de Dominique Ntawukuriryayo.

Intervention de Mme Boizette, présidente de la Chambre d’Instruction de la Cour d’Appel de Paris

Madame Boizette, rappelle les faits. Elle évoque les « doutes sérieux de la défense concernant le TPIR qui ne pourra pas juger Dominique Ntawukuriryayo dans la mesure où ce tribunal est en procédure d’achèvement pour fin 2008 ; le prévenu risque donc d’être envoyé au Rwanda ».
Mme Boizette :

  • rappelle la situation juridique de Dominique Ntawukuriryayo : titre de séjour pour 10 ans obtenu en 2002
  • rappelle que ses enfants ont la nationalité belge ou américaine.

Intervention de François Roux, avocat de Dominique Ntawukuriryayo

  • Remercie la Présidente pour son rapport complet et souligne que « c’est un honneur pour lui (moi) d’être là ».
  • Rappelle la procédure du TPIR et son droit anglo-saxon.
  • Demande que l’on « fasse attention car le TPIR se sent des ailes » (note du rédacteur : en adressant des mandats d’arrêt un peu tout azimut)
  • Déclare qu’il fait partie de ceux qui défendent le TPIR tout en soulignant les nombreuses lacunes de ce tribunal :
    • pas de contrôle d’un juge
    • n’a jamais poursuivi les membres du FPR qui ont commis des crimes contre l’humanité
    • le TPIR demande d’arrêter des personnes mais il ne va pas les juger ; ils ne prennent pas de nouveaux dossiers
    • tous les actes d’accusation du TPIR sont des copiés/collés (sous-entendu, ils se ressemblent tous)
    • « l’entente en vue de commettre le génocide est une tarte à la crème : personne n’a jamais été condamné pour cet acte d’accusation ».
    • dans le dossier Dominique Ntawukuriryayo il ne manque que « l’accusation de viol, ce qui ne manquera pas de venir ».
  • Rappelle qu’il a plaidé dans 4 dossiers à Arusha et souligne ses succès.
  • Demande qu’on « ne se laisse pas impressionner » par cet acte d’accusation.
  • Demande à ce qu’on mette en parallèle à l’acte d’accusation le témoignage de Madeleine Raffin dans lequel il est dit que Dominique Ntawukuriryayo a sauvé beaucoup de Tutsi.
  • Déclare que « génocide il y a eu mais la question est de savoir qui l’a commis. Dans le cas de Dominique Ntawukuriryayo « il n’y a pas de faits ».
  • Dénonce le texte de l’ONU qui parle, à propos des prévenus, de « présumés coupables » alors qu’on devrait parler de « présumés innocents », et que « la personne présumée innocente doit être libre ».
  • Soutient l’Opération Turquoise qui a sauvé 7000 personnes : « c’est parce qu’il y avait des gens comme ce monsieur que cela a été possible ».
  • « Cet homme n’a rien à faire en prison ». Il termine en rappelant l’attestation de Mme Raffin.

Intervention de Maître Massis (qui est aussi avocat de Munyeshyaka)

Il plaide sur les « garanties de représentation » (1) de Dominique Ntawukuriryayo.
Déclare que Dominique Ntawukuriryayo « est détenu de manière disproportionnée et injuste ».
Il énumère toutes les garanties de représentation de son client :

  • Bail pour son logement.
  • Son accueil par un Centre de réfugiés.
  • Ne s’est jamais soustrait à la justice.
  • A assuré des activités bénévoles dans le diocèse de Carcassonne : Secours Catholique, Pastorale des Migrants…
  • Évoque une attestation de l’évêque de Carcassonne (Mgr. Alain Planet)
  • Évoque une attestation de service « Accueil Info drogues de Carcassonne ».
  • Souligne la volonté publique de Dominique Ntawukuriryayo de s’insérer.
  • Rappelle les deux autres mises en liberté (Note ; Munyeshyaka et Bucyibaruta) et donc la jurisprudence des deux affaires précédentes.
  • Évoque la situation de ses enfants.

Intervention de Maître Greciano (qui est aussi avocat de Bucyibaruta)

  • Déclare que « c’est un honneur pour lui (moi) d’être là.
  • Demande qu’à « procédure exceptionnelle » il y ait une « réponse exceptionnelle ».
  • Évoque des garanties stables.
  • Déclare qu’aucun juge n’est saisi de l’affaire en France et à Arusha (2)
  • Déclare qu’il ne peut y avoir de trouble à l’ordre public en cas de remise en liberté de son client.
  • Déclare qu’il fait confiance aux magistrats, que « c’est un moment grave de l’histoire », que Dominique Ntawukuriryayo ne se soustrait pas à la justice, que « c’est un homme responsable », et qu’il souffre de diabète, raison de son intervention auprès de la prison de la Santé où son client est incarcéré.

Intervention de l’avocat général, Monsieur Lecomte

  • Rappelle son opposition à la remise en liberté.
  • Rappelle qu’on a commencé à plaider sur le fond alors que c’est prévu le 7 novembre. L’audience ne doit statuer que sur la remise en liberté.
  • Rappelle qu’il s’agit dans ce dossier « du degré absolu de l’horreur »
  • Rappelle que Dominique Ntawukuriryayo a quitté le Rwanda en 1994, qu’il est arrivé en France en 1999, que sa demande de réfugié politique a été rejetée.

Intervention de Dominique Ntawukuriryayo

  • Déclare qu’il a les deux ethnies dans sa famille.
  • Fait allusion aux déclarations de Madeleine Raffin : « J’ai offert 36 matelas à Caritas de Gikongoro pour aider à loger les rescapés.
  • Rappelle que le représentant du Rwanda à Arusha a déclaré à l’Agence Hirondelle « qu’il habitait près de la Belgique » et qu’il s’est alors demandé s’il s’agissait d’une autre personne que lui dont on parlait.
  • Déclare qu’il n’a pas l’intention de bouger de Carcassonne.

Question d’un assesseur : « Pourquoi vos enfants ont-ils obtenu l’asile politique et pas vous » ?
Réponse de Dominique Ntawukuriryayo : « C’est à cause de la liste du Rwanda ».

Décision du Tribunal : « juge la demande de remise en liberté recevable sur la forme, mais mal fondée sur le fond et la rejette ».

Note (1)
La mise en liberté repose sur deux conditions :

  •  y aura-t-il trouble à l’ordre public si on libère le prévenu ?
  • le prévenu présente-t-il toutes les garanties de représentation ? (autrement dit, peut-il fuir et s’évanouir dans la nature ?)

Note (2)
La défense n’est pas au courant des différentes plaintes déposées à Carcassonne :

  • Décembre 2004 : plainte avec constitution de partie civile du CPCR ; décision d’irrecevabilité, le CPCR n’ayant pas 5 ans d’existence.
  • Mars 2006 : plaintes d’une trentaine de citoyens rwandais de Gisagara présentées par le CPCR : ordonnance d’incompétence au motif que le prévenu n’a pas été trouvé à l’adresse indiquée. Or c’est à cette même adresse que Dominique Ntawukuriryayo a été arrêté en octobre 2007.
  • Nouvelles plaintes déposées la veille auprès de la Juge d’Instruction de Paris, Mme Pous : plaintes des plaignants rwandais et du CPCR. Ces nouvelles plaintes seront d’ailleurs remises à l’avocat général par l’avocate du CPCR (pour information), ce qui va déclencher une violente altercation, pendant l’interruption de séance, entre Maître Greciano, l’avocat de la défense d’une part, et Mme Dechaumet et Alain Gauthier d’autre part.

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