Colloque au Sénat organisé par RBF France

Ce lundi 30 juin 2014 s’est tenu dans la salle Monnerville du Sénat un colloque intitulé: « Rwanda: réflexions sur le dernier génocide du XXème siècle ». Après le mot d’accueil du sénateur Alain FAUCONNIER, qui patronnait cette manifestation, ce fut au tour de David KHALFA, le président de RBF France, l’association organisatrice, de présenter la journée.

Une première table ronde animée par madame Valérie HANNIN a donné la parole aux historiens: Gérard PRUNIER, auteur de « Rwanda: le génocide » (1995 pour la version originale et 1997 pour la version française), Jacques SEMELIN, historien et politologue, auteur de « Purifier et détruire » (2012), Raymond KEVORKIAN, spécialiste du génocide des Arméniens, co-auteur, avec Yves TERNON, de « Mémorial du génocide des Arméniens » (2014) et Tal BRUTTMANN, historien, spécialiste de la Shoah dont les travaux portent plus particulièrement sur les politiques antisémites en France pendant la guerre et sur la « solution finale » en Europe. Occasion leur fut donnée d’exposer leur propre analyse des trois génocides évoqués, les deux derniers intervenants ayant été fort marqués par leur récent séjour au Rwanda.

Pour Gérard PRUNIER, qui s’est laissé aller à des expressions malheureuses, la France s’est retrouvée au Rwanda en 1994 « pour des raisons franco-françaises », sans rien connaître de la situation. Le génocide est à situer dans toute l’histoire de la colonisation: rôle de la Belgique, de monseigneur PERRAUDIN. Il a vanté le travail d’Alison DESFORGES dans le livre « Aucun témoin ne doit survivre » qui a bien montré la planification du génocide. Son regard sur le génocide semble aujourd’hui biaisé par l’aversion qu’il éprouve pour le pouvoir en place à Kigali et en particulier pour le président KAGAME. Son ouvrage de 1995 était pourtant une référence.

Jacques SEMELIN, comme à son habitude, est intervenu en professeur, en regrettant  » l’hyper médiatisation du génocide qu’on oublie trop souvent de situer dans un contexte de guerre. Il a rappelé qu’un génocide est une forme bien particulière de massacre et que dans tout génocide, le politique, dont le rôle devrait être de calmer les ardeurs des partisans de la violence extrême, devient au contraire un accélérateur de cette violence. Il a révélé qu’une centaine de chercheurs américains venaient de demander au président OBAMA de lever le secret sur les messages échangés avec le Rwanda entre les années 1990-1994. Il a bien distingué les deux attitudes de ceux qui veulent arriver au pouvoir par la force: détruire pour soumettre et détruire pour éradiquer. C’est dans cette seconde option qu’intervient le génocide, « l’autre étant en trop ». Et de souligner qu’au Rwanda il n’y a bien eu qu’un seul génocide, un génocide « moderne » par le rôle de la Radio des Mille Collines, « ce que les nazis n’ont pas fait ».

Monsieur KEVORKIAN, dont le voyage récent au Rwanda a été un « véritable tournant de (sa) vie », a rappelé, après d’autres, qu’un génocide est toujours perpétré dans le cadre d’une guerre. Il a surtout montré les points communs qui existent entre le génocide des Arméniens et le génocide des Tutsi.

Tall BRUTTMANN quant à lui, s’il a évoqué aussi la « modernité » du génocide des Tutsi et reconnu « l’unicité de la Shoah », ce fut pour souligner aussitôt que cette reconnaissance de l’unicité ne veut pas dire exclusion des autres génocides, en particulier le génocide perpétré au Rwanda. Il a insisté sur le fait que la « solution finale » dans la Shoah ne se réduit pas aux fours crématoires qui n’ont pas été les seuls centres de mise à mort, la « solution finale ce n’est pas qu’ Auschwitz ». Il a rappelé aussi que la décision d’exterminer les Juifs a été précédée par l’élimination des Juifs d’URSS.

La seconde table ronde était certainement la plus attendue. Si elle a eu le mérite de mettre en présence Bernard KOUCHNER et François LEOTARD, ministre français de la Défense en 1994, il faut bien reconnaître que le débat n’a pas tenu toutes ses promesses, au moins pour ceux qui en attendaient trop. En effet, monsieur LEOTARD est resté « droit dans ses bottes ». Il a rappelé qu’il était « le responsable de l’opération Turquoise », opération dont la France doit être « fière ». L’armée française n’a rien à se reprocher. Il a terminé en recommandant la lecture de son auteur favori, Bernard LUGAN, ce qui a provoqué des huées dans la salle. Et de rajouter, comme pour provoquer: « Je peux aussi vous conseiller Pierre PEAN! Vous avez votre bibliographie, moi ,j’ai la mienne ».

Quant à Bernard KOUCHNER, il a surtout insisté sur « les fautes politiques » du gouvernement français de 1994, sans oublier son expérience personnelle pour sauver « des orphelins » et pour rencontrer Paul KAGAME. Mais il refuse, comme il l’a déclaré à Kigali en avril, de reconnaître la moindre « complicité » du gouvernement français de 1994. Le seul reproche qu’il a pu faire à LEOTARD, c’est d’avoir « laissé passer le gouvernement génocidaire (au Zaïre) », décision « difficile à avaler ». De véritable débat, il ne pouvait donc pas y en avoir, les deux protagonistes n’ayant pas, finalement, des positions si différentes. Ils se sont cependant mis d’accord pour demander, ensemble, la déclassification des documents « secret défense » concernant cette période, ce que nous demandons depuis longtemps avec les associations comme Survie, la FIDH, la LDH ou la LICRA.

Participait aussi au débat Nicolas POINCARE, journaliste présent au Rwanda pendant le génocide, et qui n’a pas manqué de mettre les hommes politiques en face de leurs responsabilités, en particulier à propos des massacres de Bisesero. Le débat était animé par Michaël SZAMES, rédacteur en chef adjoint de la chaîne Public Sénat.

On peut lire utilement l’article de Jeune Afrique et l’interview de monsieur LEOTARD.

Le troisième panel faisait intervenir Michaël PRAZAN, documentariste, Jacky MAMOU, ancien président de Médecins du Monde (1996-2002), Serge HEFEZ, psychiatre, Rachel KHAN, comédienne, auteure et conseillère culture du président de la région Ile-de-France et Sonia ROLLAND Miss France 2000 qui prépare un documentaire « Rwanda: du chaos au miracle », tous présents au Rwanda en avril dernier lors du séjour organisé par FBM France. Par manque de temps, ces personnalités n’ont pas eu la possibilité de pouvoir s’exprimer véritablement. Occasion leur a été donnée cependant de parler des projets qui sont les leurs. On aurait aimé en savoir un peu plus. C’est la journaliste de France 24, Pauline SIMONET, qui était la modératrice.

PS. Ce compte-rendu n’engage que moi. J’ai essayé de rapporter ce qui m’a paru essentiel. Ce qui  rend la tache difficile, c’est la façon dont se sont déroulées les tables rondes, la première en particulier, au cours de laquelle la modératrice avait pris le parti d’interrompre assez souvent les intervenants pour leur poser des questions, ce qui ne permettait pas aux interlocuteurs de faire un exposé très construit. Mais peut-être suis-je le seul à avoir eu ce ressenti.

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