Claude Muhayimana: nouvelle audience d’extradition

Claude Muhayimana comparaissait hier après-midi devant la Chambre de la Cour d’appel de Paris suite à la décision de la Cour de cassation qui a annulé la décision de la Cour d’appel de Rouen, favorable à son extradition vers le Rwanda. Accompagné de son avocat, maître Meilhac, et d’une douzaine de ses amis, monsieur Muhayimana s’est donc présenté vers 16h15 dans une salle où l’ambiance des audiences précédentes avait changé: le président du jour, conseiller de madame Boizette dans les audiences précédentes, semblait vouloir remettre un peu d’humanité. Les débats ont donc été plus détendus.

Le président a commencé par rappeler le CV de Claude Muhayimana en précisant qu’il avait obtenu la nationalité française le 28 avril 2010. Ce dernier n’a pas pu lui préciser s’il avait conservé sa nationalité rwandaise. Le 8 mars 2012, la Cour d’appel de Rouen rendait une décision favorable à son extradition vers le Rwanda, décision annulée par la Cour de cassation le 11 juillet 2012. La Cour d’appel de Paris avait donc hérité du dossier. Le président a ensuite évoqué les cinq chefs d’accusation retenus contre le prévenu, dont « génocide, complicité de génocide et complicité de crimes contre l’humanité », tout en rappelant que le prévenu récusait toutes ces accusations. Le président se tourne alors vers l’avocat général, monsieur Lecomte, pour parler de l’état du dossier et de la situation qui prévaut actuellement au Rwanda. Les Gacaca étant clôturées, monsieur Muhayimana relève de la justice classique. Sans le nommer, il évoque le procès de Léon Mugesera, extradé par le Canada, pour ajouter qu’il y a des garanties de procès équitable au Rwanda. Il manque cependant dans le dossier une « note verbale du gouvernement rwandais sollicitant une extradition ». C’est la raison pour laquelle le fond ne pourra pas être abordé.

Maître Azalier, l’avocat du Rwanda, exprime son accord pour qu’un complément d’information soit demandé aux autorités rwandaises. Tout en reconnaissant que le Rwanda doit s’expliquer sur la presciption des crimes ordianires, il précise que le ministre rwandais de la justice, en date du 23 mars 2013, a adressé une demande d’extradition à la ministre française de la justice, document qui ne serait pas encore versé au dossier. Ce que reconnaît l’avocat général.

C’est au tour de l’avocat général, monsieur Lecomte, de rappeler que cette affaire doit être examinée à la lumière, et du prononcé de la Cour de cassation, et des évolutions législatives du droit rwandais. Un complément d’information s’impose. Les informations transmises par le Rwanda sont encore trop sommaires. Evoquant le droit d’asile que l’OFPRA aurait pu lui accorder, il souhaite savoir si ce dernier connaissait les faits reprochés à monsieur Muhayimana lorsque le statut de réfugié lui a été accordé. En réalité, monsieur Muhayimana n’a jamais fait de demande d’asile, ce que ce dernier confirmera dans sa déposition finale. Enfin, l’avocat général revient sur un reproche qu’il adresse à chaque audience aux autorités rwandaises: un mandat d’arrêt ne peut être émis que par un membre du gouvernement, une autorité politique, et non un Procureur général.

C’est au tour de Maître Meilhac de prendre la parole. Très vite il s’enflamme et s’insurge en particulier contre le fait qu’il est inutile de demander un complément d’information. Les lois organiques de 2003 et 2004 étant postérieures aux faits reprochés à son client, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin. La Cour peut prendre la décision de refus d’extrader dès aujourd’hui. Et maître Meilhac a beau jeu de brandir l’arrêt de la Cour de cassation rendu quelques heures plus tôt dans l’affaire Musabyimana de Dijon. La Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de Dijon de n’avoir pas recherché « si les faits justifiant l’extradition étaient punis par une loi rwandaise antérieure à la date à laquelle ils auraient été commis », et par conséquent « n’a pas donné de base légale à sa décision ». Pour maître Meilhac, « cette décision réaffirme les principes de l’égalité des délits et des peines et de non-rétroactivité ». Pour lui, « aucune demande d’extradition ne peut prospérer en France ». Il semble par contre oublier que « le principe de l’égalité des délits et des peines et de non-rétroactivité » n’est pas applicable en matière de crime contre l’humanité.

Parole est enfin donnée, comme il se doit, au prévenu. Monsieur Muhayimana proclame: « Je suis innocent. J’étais au Rwanda en 1994… C’est le FPR qui m’a aidé à sortir du pays… En France je vis avec des Hutu et des Tutsi… Moi, je suis mixte… Ce que je vous dis, c’est que je suis innocent… » (Ces propos ne sont pas complets parce qu’ils étaient parfois inaudibles)

Nouveau rendez-vous est donné au 5 juin 2013 à 14 heures pour une décision qui sera rendue en quelques minutes, décision qui ne concernera pas encore, je suppose, la décision finale d’extradition, l’affaire n’ayant toujours pas été évoquée sur le fond.

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