Le Parisien « révèle » aujourd’hui le rôle qu’aurait pu jouer le capitaine Paul Barril dans le génocide des Tutsi au Rwanda. Ces « révélations » ne surprendront que ceux qui ne le connaissent pas. La lettre d’Augustin Bizimana, ministre de la Défense du gouvernement génocidaire, adressée à Paul Barril le 27 avril 1994, vient confirmer ce que beaucoup d’entre nous répétions depuis des années: Paul Barril, et donc les autorités politiques françaises de l’époque, a joué un rôle déterminant auprès des autorités politiques rwandaises au pouvoir en 1994. Sa proximité revendiquée avec madame Habyarimana, la veuve du président assassiné, ses apparitions dans les médias lors de la « découverte » de la boîte noire de l’avion présidentiel, sa présence sur les collines du Rwanda en avril 1994, tout cela faisait de lui un témoin privilégié. Comment imaginer que la Mission d’enquête parlementaire n’ait pas exigé qu’il vienne témoigner ? Nous aurions même souhaité, il y a bien longtemps, que l’ancien patron du GIGN soit soumis au détecteur de mensonges tellement nous avions la certitude qu’il en savait beaucoup plus qu’il ne le prétendait. La découverte de documents compromettants saisis à son domicile ramènent le capitaine Barril sur le devant de la scène.
Le Parisien précise que, « outre la demande de 1000 mercenaires » réclamés par Augustin Bizimana, « les enquêteurs ont récupéré des factures d’armes, de munitions et d’hommes, liées à un « contrat d’assistance » passé entre Barril et le gouvernement rwandais et daté du 28 mai 1994″. Le plus choquant, ce sont les réponses que ce monsieur ose faire au juge Trévidic qui l’interroge: pas de contrat d’assistance, pas de factures… « Tout cela c’est de la mayonnaise africaine ». « Une mayonnaise », conclut le journaliste, « de près d’un million de morts ». Quel mépris pour l’Afrique et les Africains sur le dos desquels il a bâti sa fortune ! Quel mépris pour les victimes du génocide des Tutsi déjà si durement affectés par les lenteurs de la justice française !
Quand on évoque le nom de Barril, ça sent effectivement la poudre. Le juge Trévidic, qui a pris le contrepied du juge Bruguière, arrivera-t-il à faire parler Paul Barril ? Ce serait souhaitable. Cela permettra-t-il aussi de faire enfin la lumière sur la mort de monsieur de Grossouvre, « suicidé » le 7 avril 1994 dans son bureau de l’Elysée ? Rien n’est moins sûr, mais l’étau se resserre: quel a été le rôle exact des autorités françaises de l’époque dans la mise en place du génocide des Tutsi ? Souhaitons au juge Trévidic de faire un jour la lumière: mais il ne faudrait plus trop tarder. Près de vingt ans se sont écoulés et les mémoires défaillent, les rescapés disparaissent, ainsi que les bourreaux. Qui restera-t-il à juger ? Les procès attendus contre des présumés génocidaires rwandais présents sur le sol français feront-ils exploser ce baril de poudre dont certains de nos dirgeants ont déjà allumé la mèche ?