Au commencement,
Quelques accords en harmonie,
Puis une voix,
D’abord rauque,
Puis fluide et chaude
Qui caresse les flots
Et s’enfle peu à peu.
Souviens-toi… Ibuka
Venue d’ailleurs,
Éternelle Odyssée,
La voix surfe sur les vagues,
Roule,
Avance et roule encore,
Souffle d’un dieu absent
Qui glisse sur l’onde insondable.
Les yeux se ferment.
Ibuka ! Souviens-toi…
Et puis le vent se lève,
Soulève la vague
Qui déferle.
La houle se fait tempête,
Les notes claquent et
S’arrêtent brutalement.
Les ossements craquent
Sous la machette.
Souviens-toi… Ibuka !
La musique à nouveau
Se lance à l’assaut,
Marche et court sur les eaux
Rougeoyantes,
Tourbillon rugissant,
Laves incandescentes
Qui lancent des flammèches
Sur les flots en
Furie.
Ibuka ! Souviens-toi…
Alors,
Venue des profondeurs
de la nuit,
Des profondeurs de l’âme
torturée,
Une plainte s’étire au loin,
Venue du fond des âges,
Une plainte primitive
S’enfle et s’étire encore,
Se mêle aux sonorités
Qu’elle tente de submerger.
Souviens-toi… Ibuka !
La plainte se fait hurlement,
Aboiement du loup
Dans la steppe glacée
Au clair de lune :
Douleur, désespoir, déchirure,
Larmes de feu…
La plainte gémit encore,
Puis s’éteint peu à peu,
Lamentin dans les eaux
Vertes de la mangrove.
Ibuka ! Souviens-toi…
La tempête s’apaise,
La houle soulève à nouveau la vague,
Caresse les flots
Qui chantent,
Apaisés
La voix fluide et chaude et rauque
Vient s’éteindre sur le rivage…
Amen ! Souviens-toi… Ibuka… Ibuka
Xavier Dulaurier
En hommage à Kizito Mihigo.