Une nouvelle fois, les magistrats de la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Paris se sont prononcés pour un renvoi dans les affaires Munyeshyaka et Bucyibaruta : la notification de la décision du TPIR se fera le 30 janvier 2008. Ce nouveau retard ne semble pas troubler outre mesure Madame Boizette, présidente de la Cour, qui a affirmé qu’il n’y avait « pas d’urgence », et qui est même allée jusqu’à s’excuser auprès des prévenus de devoir les faire venir une nouvelle fois à Paris.
La raison de ce nouveau report ? La Cour d’Appel n’a reçu la « révocation de l’ordonnance de transfert » que sous forme de courriel, ce qu’elle ne peut accepter. Ce sont les originaux qu’elle réclame. On pourrait penser que, une fois encore, le TPIR a fait preuve de beaucoup de légèreté dans cette affaire. Or, il semblerait bien que ce « raté » serait dû à la lourdeur de l’administration. En effet, le document original aurait été remis dans les temps à l’Ambassade de France à Dar Es Salam, qui l’aurait fait suivre au Ministère français des Affaires Étrangères qui, à son tour l’aurait transmis au Ministère de la Justice… Toujours est-il que les victimes devront attendre…
Le 30 janvier, la Cour notifiera donc officiellement aux deux prévenus que le TPIR renonce à leur remise. Mais c’est là que les choses sérieuses vont commencer car la France s’est engagée à les juger. Et contrairement aux propos de Madame Edith Boizette, il y a urgence. A partir d’aujourd’hui, les parties civiles devront probablement être plus incisives dans leurs exigences de justice et veiller à ce que la justice française fasse son travail. Les propos sibyllins de la présidente en fin d’audience (« Si nous n’avons pas les originaux, la Cour en tirera les conséquences »), doivent nous tenir en alerte. Mais que tous les acteurs de ces affaires sachent bien que nous mènerons le combat à son terme, quels que soient les obstacles qui ne manqueront pas de se dresser sur notre route.
Il ne faudrait pas que ces renvois successifs laissent entendre aux prévenus que des jours meilleurs s’annoncent pour eux, ou bien leur donnent à penser qu’ils viennent de gagner une bataille. Le risque cependant existe de les voir prendre de l’assurance. Pour preuve, le comportement de Munyeshyaka et de son frère en marge de l’audience. Le premier, avant l’ouverture des portes, s’est précipité vers le président du CPCR à qui il a tenu des propos d’une agressivité extrême, accompagnés de gestes provocateurs : « De toute façon, la justice me donnera raison » a-t-il vociféré.
En fin d’audience, probablement sur les conseils de son avocate du jour, il a cependant tenté discrètement de s’excuser en reconnaissant qu’il était « très fâché ». A la fin de l’audience, ce fut au tour de son frère de jouer la provocation. Après m’avoir pris en photo, il a crié haut et fort, devant ses partisans : « Je vous casserai ». De telles intimidations doivent être dénoncées car il est clair que dans le camp des accusés on perd facilement son sang-froid : il ne faudrait pas qu’ils se sentent encouragés à des actes encore plus violents.
Du côté des parties civiles, gardons toute notre énergie pour les vrais combats qui nous attendent. Nous aurons besoin de toutes nos forces.
L’affaire Isaac Kamali était aussi au programme de la journée. Une demande d’informations complémentaires est adressée au Rwanda. L’affaire est mise en délibéré au 6 février 2008. Il y a cependant peu de chances de voir ce prévenu extradé vers le Rwanda, il a obtenu la nationalité française !