Depuis que nous avons pris connaissance du réquisitoire du procureur demandant un non-lieu dans l’affaire Munyeshyaka, l’incompréhension est totale. La lecture du document nous conforte dans notre obstination à refuser les arguments avancés par le parquet. Chaque témoignage est minimisé. L’impression générale: la parole des témoins et des victimes n’est pas du tout prise en compte. Selon le Procureur, le rôle de Munyeshyaka est trouble mais toutes les circonstances atténuantes lui sont reconnues. Un exemple peut tout à fait illustrer l’état d’esprit du procureur. L’abbé Munyeshyaka reconnaît bien avoir signé la lettre adressée au pape Jean-Paul II par une trentaine de prêtres à partir du Congo après le génocide des Tutsi, mais il se défend en déclarant qu’il n’en est pas l’auteur. Dans ce document, le génocide des Tutsi est tout simplement nié. Et le procureur de prendre pour argent comptant les propos de Wenceslas Munyeshyaka. Probablement pire encore, il semble bien que tous les témoignages recueillis par le TPIR avant que ce dernier ne confie le dossier à la justice française en 2007 n’aient pas été pris en compte, ou aient été minimisés au bénéfice du prêtre de la Sainte Famille. Et il en est de même des témoignages que nous avons fournis au dossier. Et il aura fallu attendre 20 ans pour arriver à ces conclusions? La montagne a accouché d’une souris. Et c’est révoltant.
Nous attendons avec grand intérêt la réaction du TPIR qui ne saurait tarder. Sans présager de ce ce que sera la prise de position du Tribunal Pénal International, on peut penser qu’elle ira dans le sens de celle des parties civiles. Pourquoi le TPIR aurait-il demandé à la justice française de juger Munyeshyaka s’il n’avait pas eu la conviction que de lourdes charges pesaient sur ce dernier? A Arusha, on doit regretter amèrement d’avoir fait confiance à la justice française. Mais attendons une réaction officielle.
Toujours est-il que les parties civiles ont trois semaines pour faire connaître leur position, et elles n’y manqueront. Puis ce sera au tour du juge d’instruction de faire connaître ce qu’il pense de cette affaire. Il faudra attendre encore trois longs mois. Si par malheur la position du juge allait dans le sens de celle du procureur, il nous resterait à faire appel. Comme si cette affaire n’avait pas assez duré! Mais nous n’osons pas croire que les juges d’instruction suivront le procureur: ce serait une nouvelle gifle sur le visage des victimes et de leurs familles, un nouvel affront auquel on ne peut s’habituer. Pourquoi les victimes sont-elles méprisées à ce point et les bourreaux épargnés?
Nous sommes donc entrés dans une nouvelle phase d’attente, mais ce ne sera pas une attente inactive pour les parties civiles. Nous souhaiterions une vaste mobilisation aux côtés du CPCR et des autres parties civiles. Cette affaire et toutes celles qui viendront devant la justice française demandent beaucoup de moyens dont nous ne disposons pas. Nous lançons donc à nouveau un appel, presque un appel au secours: aidez-nous à financer les procès qui nous attendent. Si vous ne pouvez pas personnellement, peut-être connaissez-vous des portes auxquelles on pourrait frapper? Toute aide nous sera précieuse. Les victimes et leurs familles ont besoin de vous. N’hésitez pas à aller sur le site du CPCR, vous trouverez toutes les informations pour nous soutenir.
www.collectifpartiescivilesrwanda.fr
On peut aussi lire ou relire avec intérêt un article publié en 2007 par l’association Survie. Il pourrait éclairer ceux et celles qui ne connaîtraient pas très bien le génocide des Tutsi au Rwanda: http://rwandaises.com/2008/09/laffaire-munyeshyaka/
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