Audience du 29 juin 2011 au TGI de Paris.
Une nouvelle fois, le mercredi 29 juin 2011, des magistrats français ont eu à se pencher sur une demande d’extradition vers le Rwanda d’un présumé génocidaire en la personne de Madame Agathe Kanziga, épouse Habyarimana. Une nouvelle fois, nous assistons à une audience déconcertante dans laquelle avocat général et présidente de la Cour semblent avoir choisi leur camp. Quelques propos tenus par l’un ou l’autre des magistrats, qui ont déjà eu à traiter de telles affaires (Munyeshyaka, Bucyibaruta, Ntawukuriryayo ou Kamali…) suffiront à nous en convaincre.
« Tout le monde a à l’esprit la guerre civile au Rwanda entre Hutu et Tutsi » commence Madame Boizette, la présidente, comme si elle ignorait qu’il s’agissait d’un génocide.
« Les massacres ont commencé ou vont s’intensifier entre les deux ethnies » continue-t-elle. Toujours pas de génocide, et toujours cette mention des « ethnies » qui n’en sont pas.
Aucun effort non plus pour tenter de prononcer correctement jusqu’au nom de la prévenue. Et d’évoquer à plusieurs reprises Madame Kisanga, à tel point que la vraie madame Kanziga aurait pu légitimement se demander s’il s’agissait bien d’elle ! Sans oublier les « gacaca » qu’elle s’entêtera à prononcer « gakaka »…
Évoquant enfin un fait précis contenu dans l’acte d’accusation qui évoque un meurtre et le nom de son donneur d’ordre, crime commis entre le 7 et le 9 avril 1994, madame Boizette explique qu’elle parle de monsieur « X » car « c’est un nom trop compliqué » !!! Tout cela frise le ridicule et prêterait à sourire s’il ne s’agissait pas de crime de génocide !
L’avocat général, quant à lui, monsieur Lecompte, ne sera pas en reste. En réponse aux propos de l’avocat du gouvernement rwandais qui venait d’évoquer les affaires Touvier et Papon, il tiendra à préciser que ces deux affaires étaient « liées à des faits très particuliers, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale » et qu’il n’y avait donc « pas de jurisprudence possible ». Le génocide est pourtant un crime contre l’humanité, ce que monsieur Lecompte ne pouvait ignorer. De tels propos sont insultants pour la mémoire des victimes et pour les parties civiles.
Dans sa plaidoirie, monsieur l’avocat général ne manquera pas de souligner les faiblesses du dossier envoyé par le Rwanda. La demande d’extradition est « marquée par une certaine approximation, un flou artistique qui entoure la description de faits qui relèvent plus de généralités que de faits précis ». « On ne voit pas de fondement légal qui justifie de telles poursuites au Rwanda », termine-t-il en soulignant que la demande rwandaise s’appuie sur une loi promulguée en 2004, soit dix ans après les faits, et que, pour ce motif, toutes les requêtes d’extradition similaires ont jusqu’ici été déboutées par les tribunaux français. Il donne donc un avis défavorable.
Monsieur Lecompte devrait savoir que ce ne sont pas les arguments avancés dans les autres affaires pour refuser l’extradition. Les deux raisons généralement données : les accusés ne bénéficieront pas d’un procès équitable et les témoins ne bénéficieront pas d’une protection suffisante… Mais l’avocat général s’est déjà forgé une conviction !
Il est vrai que le Rwanda devrait quand même apporter plus de sérieux dans ses requêtes et en particulier mettre à jour les chefs d’accusation. Pour « les crimes ordinaires », pour lesquels madame Kanziga est poursuivie, il y a effectivement prescription !!!
Madame Kanziga, avec le soutien des magistrats français, ne sera donc pas extradée. Le seul intérêt d’une telle procédure se réduit donc au fait que, grâce à ces demandes d’extradition, on continue à parler du génocide des Tutsi au Rwanda, la décision finale étant connue d’avance. Avouons que la justice française, en se plaçant du côté des bourreaux, n’en sort pas grandie. La décision annoncée pour le 28 septembre sera sans surprise.